Chapitre 7 - Leyah
Ouah.
Était-ce la soirée la plus incroyable de mon existence ?
Oui, mon capitaine !
Après que Kenzo m'a déposée à mon dortoir en voiture, Yuri l'a suivi dans le sien, puisque son coloc n'est pas présent ce soir. Elle a rechigné à m'abandonner dans mon état de béatitude, elle doute que je gère ma première cuite. Kenzo est parvenu à la convaincre que je n'étais pas si ivre que ça. Bah, oui, je suis juste... bouleversée de joie ! Je me laisse tomber en arrière sur mon lit, tout habillée, dissimulant mon visage derrière mes mains. Le décor tangue autour de moi.
Ça s'est vraiment produit !
Je me trouvais dans la même pièce que Zach, torse nu, confrontée à sa rangée d'abdos sublimement hâlés, à ses poils épars sur les pectoraux, et, par les Guerriers natifs, à ce V pointé en direction de son boxer. Mon sang alcoolisé m'a aidée à ne pas lui sauter dessus, trop troublée que j'étais par la situation. Si j'avais eu les idées claires, peut-être aurais-je estimé que c'était le moment d'attaquer. Peut-être aurais-je trouvé les mots après qu'il m'a léché le bras.
C'était un drôle d'instant, à vrai dire.
Je n'arrive pas à savoir si Zach est dur avec moi ou si quelque chose en particulier l'agace. Enfin, avec mon cerveau embrumé, je ne crois pas être bonne pour quelque réflexion que ce soit. Tout ce qui est sûr, c'est que j'ai eu ma première véritable conversation avec mon fantasme sur pattes, le dénommé Zachary Graham, et que je l'ai surpris en train de me mater la poitrine avec envie.
Quand je me souviens comment c'est arrivé, d'un coup je me redresse sur le matelas, les yeux ronds.
JE LUI AI VOMI DESSUS.
Oh là là !
Un grognement et je me rallonge, m'empare du coussin pour mieux cacher mes joues enflammées.
Je lui ai demandé de me guider sur le campus. J'ai osé, après lui avoir dégurgité dessus ! Si on m'avait dit qu'un jour je ferais preuve d'une telle audace...
Normal qu'il ait été ronchon.
Il a toutefois avoué que j'étais mignonne.
M.i.g.n.o.n.n.e.
Mon estomac fait des loopings. Ou des loopings s'opèrent dans mon estomac. Je ne sais pas, mais ça me chatouille le ventre.
J'ai bien fait d'oser porter cette tenue qui ne me ressemble pas. D'abord, ça a fait rire ma coloc, ensuite elle a paru perplexe. Mais Yuri est cool, elle s'est contentée de rouler des yeux. Ceux de mon plus vieux fantasme, en revanche, ont roulé sur moi.
Sous l'oreiller, je glisse le col de son tee-shirt sous mon nez. Une fragrance de lessive. Qu'est-ce ce qu'il sent au quotidien ? J'aimerais tant le côtoyer pour le savoir. La seule odeur dont je me souviens est celle des bonbons à l'orange, qu'il adorait quand on était jeunes.
En dépit des réserves de Yuri, je me suis fait violence et me suis dévoilée à lui sous un autre jour. Que pense-t-il de cette nouvelle Leyah ? Pourrait-elle un jour le convaincre de prendre soin d'elle juste pour une journée ? Juste pour une nuit ?
Après ce moment d'intimité, même embarrassé, dans la salle de bains, j'y pense avec plus d'ardeur. Ce n'est plus un objectif abstrait dessiné depuis mon enfance. Zach a ce petit truc en plus qui me rend fébrile. Je lui en ai voulu pour avoir privé mon bras de se faire lécher par de charmants garçons au moins aussi affamés que moi (même pas drôle !). Mais lorsqu'il a posé sa langue sur ma peau, je ne désirais plus rien d'autre que lui. Que ses lèvres. Que le contact de ses mains sur mon corps.
J'en frémis rien que d'y penser.
Je le veux.
Sens le démon de la frustration s'enrouler autour de mon bassin.
C'est un objectif que je dois atteindre cette année, je ne peux pas me laisser carboniser plus longtemps ! Mon vagin risque de se retrouver brûlé au troisième degré avant même de se faire envahir par les troupes du sexe opposé.
***
Zach
Quelle surprise lorsque la sonnerie de mon téléphone me tire d'un sommeil agité. Le nom d'un missionnaire affiché sur l'écran.
Je décroche sans vérifier l'heure, à moitié dans le gaz.
— Ouais ?
— Zach ? Tout va bien ?
C'est bizarre d'entendre sa voix. Voilà des années qu'il se contente de m'envoyer quelques textos pour prendre de mes nouvelles, puisque j'ai l'habitude de laisser ses appels sans réponse. Depuis mon départ de Provo, enfin, non, ça remonte à bien avant, depuis que mon père a commencé à flancher, ils nous ont tous reniés. Tous les membres de notre paroisse pour qui ma mère s'était cassé le dos. Proches, amis, famille... Aaron – qui est pourtant l'un des plus fervents adeptes que j'ai connus – est le seul pour qui notre amitié primait. Son amabilité et toutes ces conneries d'entraide, il les a pratiquées sans condition. J'ai toutefois maintenu la distance entre nous, préférant me barricader pour éviter d'autres déceptions. Ces gens-là, je les déteste.
— Tout roule, mec, marmonné-je, soudain pollué par les images de sa frangine en gothique sulfureuse. T'es pas en mission, là ?
Je l'entends soupirer au bout du fil.
— Je me suis entretenu avec mes parents. Ils viennent seulement de m'apprendre que Leyah s'était inscrite à High Hills University, se lamente-t-il d'une voix angoissée. J'ai immédiatement pensé à toi. Je ne devrais pas t'appeler, mais mon accompagnateur a été compatissant, vu mon degré d'inquiétude.
En effet... pour qu'Aaron enfreigne les règles, il doit se biler à mort. Les membres de sa famille sont les seuls qu'il a le droit de contacter. Et par mail, qui plus est. À l'époque, j'avais entendu dire que les superviseurs introduisaient un logiciel espion dans le smartphone des missionnaires pour guetter leurs moindres activités sur leurs applications interdites.
Le pauvre, lui si proche des siens doit souffrir de son éloignement.
— Comment va-t-elle ? Est-ce qu'elle est bien entourée ?
Une pensée pour les Thunders et leur chanteuse.
Hum... Encore sous le drap, je passe une main sur mon visage, ne sachant comment aborder la chose. Je ne vais pas lui avouer que Lexmo a décidé de vivre sa best life loin de leur secte et de son Évangile. Elle a le droit, et je ne pourrais qu'approuver si son comportement n'était pas... déstabilisant. Dangereux. Si elle n'était pas si sexy et aguicheuse.
— Ça va, je crois. Elle traîne avec sa coloc. Elle a l'air cool.
Le silence qui s'ensuit est lourd de perplexité. Aaron est conscient de l'existence que je mène à l'univ' depuis ma première année, puisqu'il suit mes stories. Il a tenté jadis de me remettre sur son droit chemin, mais la violence de mes réactions l'en a définitivement dissuadé.
— Où est-ce que tu l'as croisée ?
Mec, je lui ai léché le bras devant une horde de types en chaleur.
— Elle travaille à la cafète du campus. Désolé, frère, mais elle sert du café, me moqué-je gentiment. T'inquiète, l'endroit est convenable.
— D'accord, souffle-t-il, soulagé. Leyah a toujours brillé par son innocence, elle n'a jamais fréquenté d'autres milieux que le nôtre. Je suis moi-même un peu décontenancé par la vie, ici, en France. J'ai peur qu'elle se fasse submerger, dévorer dans la jungle extérieure.
« Brillé par son innocence »...
Mouais, elle a quand même volé celles de mes lèvres, quatre ans plus tôt.
Dire qu'elle se dandinait dans la salle de bains, se croyant sans doute sexy ou quelque chose du genre avec mon tee-shirt sur le dos. Elle a sous-entendu qu'elle cherchait à plaire à la meute de charognards présents à la petite fête.
Réflexion qui par ailleurs me fout les nerfs.
Je lui épargne ces détails, faudrait pas qu'il se noie dans sa mare avec ses amies, les autres grenouilles du bénitier.
— Je t'en supplie, Zach, veille sur elle. Au moins en attendant la fin de ma mission. Autrement, je ne trouverai pas la sérénité.
BORDEEEEEL ! m'empêché-je de crier dans mon coussin.
Pourquoi je ne les ai pas laissés se démerder ? Aucune envie d'avoir cette nana dans les pattes.
— T'es au courant que je suis très mal placé pour veiller sur qui que ce soit. Je représente tout ce que vous fuyez, toi et tes copains.
— S'il te plaît, geint-il dans mon oreille. Je ne sais pas, arrange-toi pour qu'elle s'entoure des siens, qu'elle ne commette pas l'irréparable, qu'elle ne se détruise pas psychologiquement dans cet environnement hostile. Guide-la vers les associations SDJ.
Il commence à me pomper.
Ça engendrerait entre elle et moi une certaine proximité, vu l'effet que sa sœur opère sur mon anatomie et son envie de me bouffer dès qu'elle m'aperçoit. Je sens poindre le nid à emmerdes... Et c'est bien la dernière chose dont j'ai besoin dans ma vie. Cependant, il a raison ; la soif de découverte et le ras-le-bol de Lexmo peuvent s'avérer dangereux.
Pfff, je lui dois bien ça.
— OK, OK, Aaron. Je veille à ce que vous retrouviez votre petite dévote dans un état acceptable. Mais, tu as un an. À ton retour, je te passe le flambeau. J'ai pas intégré la section baby-sitting, moi.
Sa gratitude me fait de la peine. Bien que plusieurs associations mormones se soient formées à HHU, hors de question que je l'y traîne. Inutile qu'il sache que sa sœur est en phase de rompre avec l'organisation. Certes, leur nom me déclenche une rancœur violente, mais, malgré tout, Aaron reste un ami.
— Tu t'habitues à Paris, sinon ? osé-je grignoter son temps.
Son ton s'altère comme par magie.
— Cette ville est pleine de surprises. Elle est exceptionnelle, et si folle en même temps.
« Folle ». C'est le terme qu'il emploie pour édulcorer d'autres qualificatifs péjoratifs.
— Je suis sûr que tu adorerais. L'architecture est splendide.
J'ai toujours rêvé d'aller en France. On s'était juré d'accomplir ce voyage ensemble, une fois qu'on en aurait les moyens. Malheureusement, nos routes se sont séparées depuis cette promesse.
— Moi qui suis envoyé à Paris, Leyah qui se retrouve dans ton université. Je suis certain que rien n'est dû au hasard, Zach.
— Mouais. Peut-être...
Tant que ça ne me rapproche pas de leur univers...
Nous échangeons quelques secondes avant de raccrocher.
Ah, bordel !
Dans quel pétrin je me suis fourré !
C'est ensuite le nom de ma mère qui s'affiche sur la liste des appels manqués.
Le cœur lourd, je la rappelle.
— M'man ? C'est ton fils préféré.
Pas difficile, en même temps. Je suis le seul qui consente encore à lui parler.
— Tu oses crâner alors que je suis sans nouvelles de toi depuis des semaines ?! Tu ferais bien de surveiller tes arrières, Zachary Graham !
— Tu vas faire quoi ? la nargué-je avec un grand sourire.
— Débarquer dans ta belle maison pleine de mecs et te sortir par la peau des fesses ! Fini les soirées vampires ou autres thèmes tordus. Franchement...
— Tu as stalké mon IG, hier soir ? ricané-je.
— Et ce que j'ai vu n'a rien de glorieux ! Tu es toujours bourré !
Bof, j'ai été raisonnable, hier. Faut dire que me prendre la gerbe d'une petite nonne qui ne tient pas l'alcool m'a vite dessaoulé. C'était une fête privée dont les secrets demeurent bien gardés. Je n'ai posté qu'une innocente photo de mes canines rouge grenadine, mais maman et son inquiétude aiment sauter aux conclusions.
— Tu as quitté Phoenix trop tôt, cet été. Tu me manques déjà, mon poussin.
La détresse dans sa voix comprime ma poitrine.
Nous avions organisé nos vacances estivales aux Bahamas avec West, Kelly, quelques filles de sa sororité, et Derek, qui s'est défilé – il n'avait pas la gueule de venir vers nous après son coup de pute. Mon rêve, c'est de partir en Europe, à Rome, à Prague, à Paris où l'architecture est à couper le souffle, mais mes potes et moi n'avons pas les mêmes centres d'intérêt. Bon, je m'adapte. Il me fallait surtout mettre un max de distance entre cette baraque et le siège de GoldElevator situés à Phoenix, et moi. Bien que ma mère me manque beaucoup.
— Un jour, faudrait qu'on se prenne des vacances rien que toi et moi, maman, lui dis-je avec regrets.
Un petit rire lui échappe, cette idée semble lui plaire.
— On se retrouverait en duo, juste comme avant.
— Ouais.
Juste comme avant...
Tout à coup, j'entends les gars se plaindre de mes fringues qui traînent dans la cabine de douche depuis la veille.
— Faut que j'y aille, m'man. On se verra à Thanksgiving ! Prends soin de toi, je t'aime.
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