Chapitre 3 - Leyah
J'ai la boule au ventre.
Une dizaine de minutes de marche me séparent de la maison des BTP.
J'attends que Kenzo vienne nous chercher, en bon gentleman ténébreux qu'il incarne.
Hier, ma première expérience au Bavet Café s'est extrêmement bien passée. Comme toutes mes premières journées sur mes lieux de travail. Consciencieuse, j'ai tu mon opinion sur ce qu'ils servaient et je n'ai commis aucune gaffe. Le staff était content. Bravo moi. Je vais pouvoir me reposer sur mon indépendance.
J'ai commencé à bosser l'année dernière. Mes parents étaient ravis, ils ne s'imaginaient pas que ces économies étaient destinées à m'enfuir sur la côte californienne. Maintenant, je suis sûre qu'ils prient pour que je me retrouve à sec et que je rentre la queue entre les jambes.
Pendant que Yuri enduit une ultime couche de noir sur sa bouche pulpeuse, je me rends sur mon profil IG, anxieuse. Je fais défiler les photos de son profil, les détaille comme si j'étais susceptible de déceler un élément qui me tranquilliserait.
Il y a un an et demi, j'ai pris mon courage à six mains et lui ai envoyé une demande d'ami. Mes réseaux sociaux étaient destinés à la paroisse, mais je n'ai pas pu résister à la tentation de le chercher. Lorsqu'il a accepté ma demande, j'ai cru mourir d'une crise cardiaque. Néanmoins, nous n'avons pas échangé un seul message. Vu le nombre de ses followers, j'imagine qu'il n'a pas établi le lien. J'étais un compte parmi tant d'autres. Mais quand, en ce début d'été, il a zyeuté une de mes stories pour la première fois, j'ai eu l'impression qu'on nouait une cravate avec mes intestins. L'impression d'être surprise en flagrant délit (délit de quelle nature ? Je ne sais guère) par la CIA, le MI6, et les services secrets du monde entier dont j'ignore les appellations.
Est-il simplement tombé sur ma story sans la calculer ? Sinon, pourquoi s'intéresse-t-il à moi tout à coup, après un an et demi ? J'ai alors examiné l'ensemble de mes posts, reflétant le quotidien d'une dévote parfaite, sans aucune mention de mon admission à High Hills University. Que doit-il en penser, lui qui est aux antipodes de ce que je représente ?
J'inspire amplement, fixe mon soda à la fraise comme s'il m'apporterait une quelconque réponse. Puis détaille ma longue jupe et mon chemisier aux manches me couvrant jusqu'aux poignets. Devrais-je lâcher mes cheveux ?
On frappe à la porte.
Je sursaute, raide comme un piquet.
Yuri ouvre à son copain, accompagné d'Owen. J'ai appris que « Nerdy », son surnom, se référait à son allure marginale et au fait qu'il maîtrisait l'informatique.
Au moins, je ne suis pas la seule à être « différente ».
Avec décontraction, Kenzo adresse à sa belle un demi-sourire à tomber, lui attrape la nuque pour lui offrir un baiser aussi bref que bestial.
Nom d'un lion affamé, ces deux-là transpirent la luxure !
— Prêtes ? lance-t-il en obliquant vers moi.
Son sourcil s'arque, Yuri croise les bras sur sa jolie robe près du corps en dentelle noire. Je surprends également les yeux d'Owen en train de me scanner des pieds à la tête.
— T'es blême, Leyah, remarque ma colocataire. T'as changé d'avis ? On peut rester, si tu préfères.
Je lis entre ses lignes : finie, l'envie de te faire déflorer par un valeureux fêtard dénué de ses fringues et de sa dignité ?
Je sais qu'elle ne s'y rend pas volontiers, mais son air de défi agit comme un défibrillateur sur ma pauvre âme craintive. Mon oscilloscope interne rebipe et les couleurs remontent décorer mes pommettes.
— C'est parti, les amis ! souris-je à pleines dents. Je vais assister à ma première teuf !
— À ta première « teuf » ? s'ébahit Kenzo.
— Laisse tomber, ricane sa copine, se dirigeant déjà vers le couloir.
Nom d'une marée humaine ! La maison BTP est plus imposante encore que sur les photos ! D'immenses lettres grecques ornent la façade de cette bâtisse victorienne au bardage bleu ciel.
Il est vingt et une heures, les basses grondent depuis l'intérieur, et l'odeur horrible de la bière n'est pas accueillante. Je devine que tout se passe dedans, ou dans le jardin arrière.
Kenzo tapote un texto sur son mobile, et aussitôt, la porte d'entrée s'ouvre sur un Liam extatique.
— Mec, vous êtes venus ! Avec les filles ! s'éclaire-t-il, un gobelet rouge en main. Je suis trop content, entreeeeez !
Je crois qu'il a déjà un verre – ou plusieurs – dans le nez, étant donné la couleur de celui-ci.
— Bienvenue chez les Bêta Thêta Phi, les filles, s'incline-t-il tel un chevalier. La meilleure des fraternités de HHU.
Cette fois, il porte un tee-shirt noir floqué des lettres de son cercle. Comme la plupart des garçons qui se trouvent ici.
Il a beau transpirer l'amabilité, l'appréhension me rend nerveuse. À l'intérieur, l'atmosphère semble relativement détendue. La lumière est tamisée, quelques personnes discutent en buvant, rient aux éclats et d'autres s'embrassent. Une musique qui ne ressemble en rien aux clips de l'Église nous parvient depuis l'extérieur. Tout à coup, deux garçons traversent la pièce en courant.
NOM D'UNE ZIGOUNETTE ! Ils ne portent qu'un unique chapeau sur la tête et des baskets ! Je me retiens de me cacher les yeux, je risquerais de passer pour une prude. Sauf que c'est surtout ma perversion que je ne veux pas trahir. Dès qu'un homme est moins habillé que d'ordinaire, mon attention se rive inexorablement vers le sud. Alors, à défaut de savoir où regarder, je les fixe sur mes nouveaux amis qui semblent trouver tout ceci on ne peut plus banal.
— C'est normal, ça ? chuchoté-je à l'intention de Yuri.
Elle arbore un air blasé, tandis que Liam se marre comme un foufou.
— Et encore, t'as rien vu ! ricane-t-il.
Inspire. Expire, Leyah...
Sans délai, notre hôte nous emmène dans le jardin. Et je me prends une claque en pleine figure !
La musique grondante s'engouffre dans mon espace auditif comme un cataclysme.
Qu'est-ce que c'est que... ? Le DJ alimente un incendie dans la foule déchaînée ! Je ne sais plus où donner de la tête, j'en ai le tournis ! Tout le monde saute et hurle sur un beat assourdissant. Des guirlandes multicolores illuminent les lieux ceints par une haute clôture, d'énormes salades de fruits sont mises à disposition de tous, baignant dans des immenses bassines de jus brunâtre. Oh, ils sont healthy, par ici !
Ouah ! Alors, ça ressemble à ça...
Les voisins supportent-ils ce vacarme sans broncher ?
Liam nous emmène jusqu'au buffet – d'alcool, bien sûr – tant bien que mal, en jouant des coudes au milieu d'étudiants qui grouillent en tous sens. Il nous propose une bière, que je suis la seule à refuser sous l'œil scrutateur de Yuri. Après l'affront que m'a fait l'arôme du café, je ne suis plus si impatiente de tremper ma délicate petite langue dans de nouvelles potions plus que douteuses.
Ma poitrine bat si fort. L'esprit cotonneux, j'ai l'impression de me trouver dans une autre réalité. La sensation que ce n'est pas moi, ici, au sein d'une soirée d'étudiants. Ce n'est certainement pas à BYU qu'ils organiseraient ce genre de folie. Des odeurs de tabac et d'alcool me prennent à la gorge. Certains se saoulent au fût, des filles ondulent sur les tables pour obtenir l'attention des garçons.
Si on m'avait dit qu'un jour, moi qui représentais un parangon de vertu, je me retrouverais dans ce type d'endroit, j'aurais eu la trouille de ma vie. Au final, je crois que ça me grise. Même sans être alcoolisée, je sens l'adrénaline pulser en moi, et remue timidement des épaules en rythme avec la vague humaine.
C'est au-dessus de mes forces, je ne peux pas m'empêcher de le chercher des yeux depuis que j'ai franchi le seuil de la baraque.
Yuri et Kenzo discutent, blottis l'un contre l'autre, tandis que Nerdy et Liam embobinent un garçon un peu éméché afin qu'il s'intéresse aux Thunders. Soudain, je me fais bousculer par une Barbie. Réflexe pavlovien, je m'apprête à la rassurer, lui dire que ce n'est pas grave, mais un liquide froid se jette sur ma poitrine. Nom d'un épi de blé ! Elle m'a éclaboussée avec sa bière ! Beurk ! Et ricane bêtement sans me calculer ! Bouche bée et outrée, j'essaie de frotter, mais rien à faire, mon joli chemiser nacré arbore une vilaine tache puante. Fichtre, je viens à peine d'arriver. Ennuyée, je décide de retourner à l'intérieur en quête d'une salle de bains pour arranger les dégâts, quitte à m'éloigner de mon groupe.
On respire mieux, ici. Les lieux sont spacieux.
Tout ça ne ressemble à rien que je connais. Que ce soit en termes d'ambiance ou de comportement. Les filles sont peu vêtues pour la plupart – très mal vu là d'où je viens – et maquillées à outrance. Je les ai toujours observées avec un soupçon de crainte. Comme si ce sentiment m'avait été dicté. Je sais en revanche pourquoi je les désapprouvais. Et je sais que ces raisons sont désormais obsolètes. Je trouve même certaines étudiantes très jolies.
Si mes parents me savaient dans un tel endroit, ce serait la syncope assurée ! Et Aaron ? Mon frère aîné avec qui je suis si complice. Il est le garçon le plus gentil que je connaisse, mais que penserait-il de ma décision et de mes actes ? Voilà presque un an qu'il est en mission en France. Certains superviseurs permettent aux missionnaires de n'appeler leurs proches qu'une fois par an, à Noël, mais l'Église française est connue pour être plus souple. Ils valorisent les liens familiaux et cherchent à les garder soudés. Même si Aaron nous a contactés à multiples reprises, personne ne lui a jamais parlé de mon désir de quitter l'Utah. Ils prenaient vraiment ça pour une lubie passagère, et moi, j'ai préféré éviter qu'il me sermonne. Par conséquent, il ignore ce qui se trame dans ma vie. Sous mes couches de détermination, j'en ai la boule au ventre.
Avant que je gravisse l'escalier, j'entends des « ouh ! Ouh ! » masculins depuis l'une des pièces du rez-de-chaussée. Piquée de curiosité, je laisse mes pieds me diriger vers le coin des primates. Hésitante, je m'accroche au chambranle comme pour me protéger, et ose un coup d'œil à l'espace noyé dans un nuage de fumée (je crois reconnaître l'odeur du cannabis). La décoration est feutrée, canapé en cuir disposé à l'angle de la pièce, à côté de bibliothèques et de tables basses élégantes. Cependant, mes yeux s'arrondissent devant la dizaine de personnes massées autour d'une table de billard. Sur le tapis vert est installée une fille à la pureté sans doute bien entamée. Habillée d'un haut de bikini et d'une minijupe noire, elle garde une pose alanguie au milieu d'une flopée de gobelets qui ont remplacé les boules de part et d'autre de la surface de jeu. Deux garçons s'empressent d'enchaîner les verres, comme s'ils faisaient la course, ou quelque chose dans le genre.
— Allez, les gars ! Ne vous laissez pas avoir ! s'exclame une voix dans l'attroupement. Le trophée n'est plus qu'à quelques gorgées de vous !
Le trophée... la fille assise sur la table de billard ?
Mais enfin ?!
D'un mouvement souple, elle balaie ses longs cheveux chocolat en arrière et encourage les joueurs de son sourire équivoque.
Je déglutis. Que comptent-ils lui infliger ? Elle a l'air consentante, en plus.
— Allez, freshmen ! Plus vite ! Vous voulez devenir des hommes, des vrais, dès le début de votre première année ? Je veux que vous avaliez jusqu'à la dernière goutte l'élixir Bêta Thêta Phi ! Vous n'en trouverez nulle part ailleurs, mecs !
Cette voix...
Mon regard est comme aimanté. Mon cœur manque un battement. Puis, aussitôt que je rencontre des iris clairs au milieu de cette débâcle embrumée, il cesse de fonctionner.
C'est lui. Il est ici. À côté d'un des challengers de la beuverie, dévoilant un sourire carnassier qui illumine tout à coup la pénombre de ces lieux. Est-ce que mon corps est tétanisé ? Bien sûr que oui. Comment ne pas l'être quand je réalise qu'il est encore plus beau que sur les photos de son feed IG ?
Je n'ai pas le temps de l'analyser davantage, un malotru m'envoie une tape puissante dans le dos. Je pivote dans un sursaut, me confronte à la mine enjouée de Liam, suivi par Yuri dont le sourcil arqué respire les reproches.
— Alors, pourquoi tu nous as lâchés ? s'exclame gaiement le musicien. Ta copine s'inquiétait.
— Ne disparais plus jamais sans nous prévenir ! Je te rappelle que t'es sous ma garde !
Je déglutis, sens le rouge me monter aux joues.
— Désolée, on a renversé de la bière sur ma chemise et...
Pas le temps de terminer ma phrase, d'un coup, Liam me traîne à l'intérieur, son bras passé autour de mes épaules. Sa main tenant toujours un gobelet à moitié plein à proximité ne m'inspire rien qui vaille...
— T'as raison, y a de l'ambiance, ici. Venez, je vous présente mes potes !
Je manque de trébucher quand il me rapproche du billard.
Au milieu des cris animaux encourageant le coma éthylique des deux freshmen, Liam parvient à beugler :
— West, Zach ! Venez voir par ici !
Zach... !
Saperlipopette, je vais m'évanouir !
L'immeeeense Black qui se trouvait à côté de lui nous rejoint, rechignant visiblement à quitter des yeux l'affrontement alcoolisé.
— Elle, c'est Yuri Sato, la meuf de Kenzo, lui dit Liam. Je crois pas que tu l'aies déjà vue.
Je les entends se saluer, sans trop y prêter attention.
— Sa coloc, Leyah Smith. Je te présente West Reed, le responsable des bizuts. Il est connu pour être le plus taré de toutes les fraternités de HHU.
— Ouais, n'intègre pas les BTP qui veut. Je suis le capitaine des Coyotes, enchanté, les filles.
Les Coyotes désignent les membres de l'équipe de foot réputée du campus. Sa charpente massive doit lui être utile.
Enfin, je réagis à peine, focalisée sur Zach, qui, après s'être avancé vers nous, s'est également figé dès qu'il m'a aperçue.
Zach Graham...
— Et lui, c'est Zach Graham, notre acolyte. Voici Yuri, et...
— Leyah ? lâche-t-il, abasourdi.
Liam s'immobilise, son bras pesant toujours sur mes épaules.
Alors, il m'a reconnue...
Je déglutis, réponds un faible :
— Hey...
Le front merveilleux de Zach se froisse, ce qui n'a malheureusement rien d'engageant. Mais ça ne ternit pas son charme. Ses grands yeux en amande sont d'un gris riche, en contraste avec sa carnation basanée. Ses traits amérindiens dominent son métissage, lui confèrent des lèvres charnues à se damner, une mâchoire volontaire qu'il ne possédait pas il y a quatre ans, et des pommettes hautes typiques qu'il a héritées de sa mère. Lorsqu'il passe la main dans ses cheveux épais, dégradés sur les côtés, je me liquéfie.
— Vous vous connaissez ? s'étonne Liam.
Je cille, sans trop savoir quoi répondre. Se « connaître » est peut-être un grand mot.
— On a grandi dans le même bled, crache Zach avec amertume.
La dernière fois qu'on s'est vus, il avait seize ans. Si, à son âge, il était déjà bien bâti, ça n'avait rien à voir avec cette carrure qui me ferait presque baver devant lui. Son tee-shirt floqué épouse un torse ferme, dévoile un bras tatoué que j'avais entraperçu sur les réseaux sociaux. Un dessin de muscles décharnés enveloppant une ossature mécanique. Oh là là, comme c'est sexy !
— Je croyais que tu venais de Phoenix ? l'interroge l'Asiatique.
Tandis que West retourne à la liesse, derrière eux, Zach expire lourdement. Il donnerait tout pour ne pas avoir cette conversation, j'ai l'impression d'être un nuisible venu... eh bien, nuire à sa petite fête.
— J'ai grandi dans l'Utah, grogne-t-il dans sa barbe, irradiant une colère qui me fiche la chair de poule.
Il examine le corps bouillant de Liam encore tout contre moi, provoquant un brasier derrière la vitrine de mon visage. À bien y réfléchir, je n'ai jamais été aussi proche d'un garçon. Même les bisous du bout des lèvres échangés avec mon ex n'entraînaient pas une telle proximité. Pourtant ici, ça semble être monnaie courante. Ce n'est pas désagréable. C'est chaud, réconfortant, mais étrangement gênant. Cette masculinité si près de ma chair... Je dois être rouge écrevisse lorsque Zach continue en scannant mes cheveux nattés, ma jupe à volants qui ne dévoile que le bas de mes mollets et mes sandales plates plutôt basiques.
Son examen ne me donne pas la même impression que celui de Yuri ou des Thunders lors de notre rencontre.
J'ai du sable dans le gosier.
Et l'envie de hurler que je n'ai pas eu le temps de faire des emplettes pour ressembler à l'offrande humaine sur la table de billard. Si je craque, ça risquerait bien d'arriver ! J'ai bien beuglé à qui voulait l'entendre que je désirais perdre ma virginité. Alors, je tente d'écraser cette nervosité qu'il suscite en moi depuis le jour où j'ai été admise dans la même université que lui.
— Sérieusement, qu'est-ce que tu fais là, sœur Smith ?
Cette appellation... !
Le sourire qui détend enfin son expression devrait me réjouir. Pourtant, ses mots moqueurs agissent comme un coup de poignard dans le dos.
— Je... J'étudie dans cette université.
— Et tu t'es liée d'amitié avec les gars les plus cool de l'univ' ! fanfaronne Liam.
— Ça reste à prouver, ça, marmonne Yuri, considérant ce qui se passe dans cette pièce avec effarement, avant de s'allumer une cigarette.
J'apprends que Zach est en management, ce qui me rend perplexe. Je l'aurais mieux vu en section artistique.
Ce dernier croise les bras sur sa poitrine avec une lueur de défi. C'est terrible toute cette assurance qu'il dégage, cette furie qui menace de tout dévaster.
— T'es sûre que tu t'es pas trompée de bâtiment ? L'église des mormons, c'est un peu plus bas, dans le centre-ville. T'as rien à faire ici, Smith.
— Je fais ce que je veux ! m'écrié-je, tremblante, à défaut d'une meilleure repartie.
Je sens les doigts de Liam presser mon épaule. Mince, je préférerais que mon passé ne soit pas de notoriété publique.
— Hey, mec, laisse ma nouvelle pote tranquille, me défend-il. Elle est ici chez elle. Mi casa Bêta Thêta Phi es tu casa !
Des étoiles plein les yeux, je tourne vers lui mon visage sur lequel est sans doute placardé : MERCI, MON PREUX CHEVALIER !
Avec toujours ce rictus narquois sur les lèvres, Zach lève les mains en signe de reddition et hausse les épaules.
— Ouais... On verra si tu survivras à la soirée.
Il se détourne sans un mot de plus, reportant son attention sur le perdant de la compétition des gobelets, qui se précipite vers la fenêtre pour dégobiller à l'extérieur.
Dégueu.
Un soupir et je me renfrogne.
Notre échange m'a miné le moral. Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais depuis un an. Je n'étais pas sûre qu'il me reconnaisse, mais dans ce cas, j'espérais plus de... je ne sais pas... de curiosité ? D'amabilité, peut-être ? Il a changé, le Zach d'autrefois m'apparaissait si drôle et gentil.
— J'ignore ce qui lui a pris, l'excuse Liam. D'habitude, il est cool, surtout avec les filles. Enfin, parfois, ça lui arrive de faire le con.
— Je l'aime pas, ton pote, s'approche Yuri.
Liam me lâche et me frictionne le dos.
— T'inquiète, je ne te jugerai pas.
Je croise sa mine chaleureuse qui se veut rassurante. Les propos de Zach ne laissent aucun doute sur ma provenance. L'Asiatique comprend-il que c'est un sujet sensible ? Dans ce cas, même le nez rosi par l'ébriété, ce garçon m'est de plus en plus sympathique. Je lui réponds d'un sourire, et lorsque je m'apprête à le remercier, la fille sur la table de billard se meut dans mon champ de vision. À quatre pattes, elle rampe vers le vainqueur, prend son visage en coupe et échange avec lui un baiser qui ferait rougir une prostituée avec cinquante ans de carrière.
— Hummm, elle a l'estomac accroché, elle, commente Yuri.
Au contraire du mien.
Mes tripes se contorsionnent en même temps que mes yeux s'écarquillent.
La foule les acclame, West félicite chaudement le gagnant, tandis que Zach aide la sirène à descendre du meuble.
— Kelly Thomas, nous informe le musicien. C'est la sœur de Jenna Thomas, la présidente des Zêta Alpha Zêta, la sororité du campus la plus cotée. On bosse souvent avec elles, et Kelly rôde pas mal dans le coin. C'est notre... copine. Elle est cool, elle nous rend ce genre de service, par moment.
— Ce genre de « service », hein, répète Yuri. Elle est rémunérée ?
Liam s'offusque et pivote vers elle.
— Dis pas n'importe quoi. C'est vraiment une amie. Et ce qui se passe à BTP reste à BTP. Elle profite aussi de nos soirées pour recruter. Si jamais vous êtes intéressées, je peux lui en toucher deux mots.
— Non, merci, souffle la Japonaise avec dédain. L'allégeance, les obligations, le paraître, le sexisme, tout ça, c'est pas mon délire.
Et moi, je n'ai pas fui une communauté régie par une tonne de règles pour me cloisonner dans une structure similaire.
Un morceau de mon cœur tombe lorsque cette Kelly belle et sexy comme un succube, membre de la meilleure sororité du campus, et visiblement décomplexée, pose ses lèvres sur Zach. Baiser chaste et furtif, mais qui n'échappe pas à mon radar. Il le remarque, et, tandis qu'elle demeure cousue à son flanc, il ne rompt pas notre contact visuel.
Je passe ma langue sur ma lèvre sans m'en rendre compte, les réminiscences affluant dans mon cerveau comme des fleurs nocturnes écloraient aux premiers rayons de lune.
Tout à coup, j'ai envie d'un bonbon à l'orange.
***
Hello tout le monde!
Comme promis, un deuxième chapitre de Lexmo dans la semaine!
Aperçu d'un nouveau monde au sein d'une fraternité, et rencontre électrique avec son ex-voisin, on peut le dire! Mais les choses ne sont pas si simples vous vous en doutez!
Peut être en apprendrez-vous davantage sur leur passé au chapitre suivant 🫢
:) :)
La suite bientôt!
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