Point de vue de Lucas

Audrey est sortie du bloc depuis quelques heures. Elle est toujours en salle de réveil. Les médecins ne veulent pas se prononcer trop vite mais il semblerait qu'ils aient bon espoir. L'hémorragie était moins importante que ce qu'ils avaient craint. Je ne peux toujours pas la voir mais savoir qu'elle est peut-être sortie d'affaire me fait du bien. Ils comptent la monter dans une chambre au premier étage, dans une aile spécialisée. Elle y sera surveillée de près 24h/24. Elle ne pourra pas recevoir beaucoup de visite. Techniquement, nous ne pourrons la voir qu'une heure par jour et une personne à la fois. Mais je ne compte pas partir d'ici tant qu'elle ne sera pas hors de danger.

Les autres ont été prévenus et sont bien décidés à faire le pied de grue dans la cafétéria jusqu'à ce qu'ils soient rassurés par son état. Je suis avec eux, mes mains autour d'une tasse de café. J'essaie de me réchauffer mais sans grand succès. Le froid est à l'intérieur de moi et une boisson chaude n'y changera rien. Toutefois, elle pourra au moins m'en donner l'illusion.

Ils sont en train de parler autour de moi mais je n'entends pas ce qu'ils disent. Seuls des sons étouffés me parviennent. Ma poitrine me fait mal à en crever depuis que ça a eu lieu. Plus d'une fois, j'ai failli craquer et pleurer toutes les larmes de mon corps mais je me reprends vite. Elle n'a pas besoin de ma tristesse mais de ma force. J'aurai tout le temps de laisser libre cours à mon chagrin plus tard. Je dois rester positif pour eux, pour elle...

Le silence se fait autour de moi et me tire de mes pensées. Après avoir levé la tête, je vois que le Docteur Mellendez se tient devant nous. Je saute sur mes jambes et lui fais face.

- Un problème avec Audrey? demandais-je directement.

- Non, justement. Je viens vous dire qu'elle s'est réveillée. En tout cas elle a ouvert les yeux avant de les refermer aussi vite. Nous allons la monter dans sa chambre.

- Elle a dit quelque chose?

- Elle n'en a pas eu l'occasion. Elle est véritablement épuisée et je ne suis même pas sûr que votre compagne se soit rendue compte de quoi que ce soit.

- Merci docteur, lui dis-je soulagé. Et comment va-t-elle?

- Il est un peu tôt pour le dire mais le fait qu'elle se soit réveillée est encourageant. Il faudra encore un peu de temps pour vérifier que tout est remis en ordre. Si vous le désirez, il y a une salle d'attente au premier étage.

- Je pourrai déjà la voir?

- Oui. Même si je ne suis pas sûr qu'elle soit éveillée, je suis certain que sentir votre présence lui fera du bien, me dit-il avec un sourire.

- Je ne vous remercierai jamais assez.

- Vous me remercierez quand elle sera sortie d'affaire. Elle se trouvera dans la chambre 1010.

Il me sourit et sort de la cafétéria. Une main arrive sur mon épaule alors que j'ai la tête basse. Une deuxième vient s'ajouter de l'autre côté. Ils me donnent la force de continuer. Je me retourne pour voir Olivier et Auriane près de moi.

- Alors? Les nouvelles sont mauvaises? s'inquiéta Auriane.

- Elle s'est réveillée, dis-je en essuyant une larme qui s'est échappée. Ils vont la monter.

Ils me serrent dans leur bras et même si cette étreinte n'a rien de viril, c'est exactement ce dont j'ai besoin en ce moment.

- Il m'a dit qu'il y a une salle d'attente à son étage. Et je vais pouvoir la voir déjà quelques minutes.

Sans nous concerter, nous nous y rendons.

- Olivier, je vais y aller quelques minutes et tu pourras t'y rendre juste après.

- Prends tout le temps dont tu as besoin. Je peux encore y aller à un autre moment.

- C'est gentil de le proposer mais tu es aussi important pour elle que moi. Elle a besoin de nous deux.

- Très bien, me dit-il visiblement ému. Merci Lucas.

J'arrive devant la chambre 1010. Derrière cette porte se trouve mon avenir et la femme qui j'espère le partagera. Je rentre et la vue me déçoit bien malgré moi. Je m'étais imaginé des tas de scénarios. Je serais arrivé près d'elle et Audrey se serait réveillée en pleine forme, les bandages ne recouvrant plus son corps. Hors, ceux-ci sont toujours là et ma belle joue toujours la princesse endormie. Mais le fait de la savoir en vie et en voie de guérison me réchauffe le cœur.

Je m'approche d'elle délicatement et lui embrasse le front. Je reste à ses côtés le temps de prendre ma dose de sa présence avant de laisser la place à Olivier. Ce dernier est fébrile et hésite à rentrer mais je l'encourage d'un regard. C'est vital pour lui aussi.

Je dois rentrer à la caserne pour m'arranger avec le Capitaine et me remettre les idées en place. Je la laisse entre de bonnes mains et de toute manière, je ne compte pas m'éterniser loin d'elle. J'explique mes projets à Auriane et Lucas qui me promettent de rester jusqu'à mon retour.

Une heure et demi plus tard, je suis revenu. Olivier est sorti de la chambre et me regarde les yeux remplis de larmes. Non, non, ne me dites-pas... Je tombe à genoux, la tête dans les mains en poussant un cri dont je ne me serais pas cru capable. Il se lève et accourt vers moi.

- Lucas, tout va bien, me dit doucement Olivier en me prenant dans ses bras.

- Audrey..., dis-je en sanglotant.

- Elle va bien. Je te le promets.

- En te voyant les larmes aux yeux, j'ai cru...

- Je sais. Si je suis ému, c'est parce qu'elle a repris conscience. Elle est encore dans les vapes à cause de l'anesthésie mais d'après les personnes qui s'occupent d'elle, c'est tout à fait normal.

Les informations commencent à arriver à mon cerveau et un petit sourire fait son apparition au travers de mes larmes.

- Elle va s'en sortir... murmurais-je.

- Oui, me dit-il en souriant et le médecin t'a autorisé à aller la voir dès ton arrivée. Pas longtemps cependant.

Je le remercie et après avoir déposé mon casque, je regagne la chambre. Je tire une chaise près d'elle et lui prends la main. Ses beaux yeux s'ouvrent...

- Lucas...

- Oui mon ange, je suis là, lui dis-je tout bas. Comment tu te sens?

- Un peu perdue et sonnée mais en vie.

- Tu te rappelles ce qu'il s'est passé?

- Vaguement. Je me rappelle juste d'une voiture qui arrivait en sens inverse et puis c'est le trou noir.

- Pas grave ma chérie. Tu nous as fait une belle frayeur tu sais?

- Moi qui croyais que je ne serais pas une grosse perte, me dit-elle en pouffant.

- Mouais on va mettre ça sur le compte de l'opération, lui dis-je tout heureux de retrouver sa répartie. Ce n'est pas très agréable, mais je voulais te demander quelque chose.

- Vas-y, dit-elle alors qu'elle est sur le point de s'assoupir à nouveau.

- Tu veux que je prévienne Sylvie?

- Oh ma chérie! Oui je veux bien mais vas-y avec Olivier, me dit-elle sans vraiment articuler. Je ne sais pas ce qu'il y a entre ces deux-là mais le courant passe étrangement bien.

- On va aller lui parler. Repose-toi en attendant, je reviendrai demain.

Je me lève et embrasse son front alors qu'elle est déjà dans les bras de Morphée. Une fois sorti, je cherche le frère de cœur de ma belle.

- Te voilà, lui dis-je une fois arrivé près de lui, j'ai un service à te demander.

- Tout ce que tu veux.

- Je vais aller parler à Sylvie mais Audrey voudrait que tu viennes avec moi. Perso, je trouve cette idée excellente. La gamine ne me connaît pas encore beaucoup.

- Avec plaisir, en plus je pourrai changer un peu d'air.

- Tu as déjà fait de la moto? lui demandais-je un petit sourire en coin.

- Ouaip mais ça fait longtemps. Ça t'ennuie si on y va en voiture?

Arrivés devant l'ancien appartement d'Audrey, nous soufflons un bon coup. Quand il faut y aller... Tom est plutôt surpris de nous voir et je peux le comprendre. C'est vraiment le dernier endroit où j'aurais voulu être.

- Je peux vous aider? nous demande-t-il un peu perdu.

- Vous vous rappelez de moi? lui demande Olivier. Je suis un ami d'Audrey et voici Lucas.

- Comment oublier? souffle-t-il. Je ne sais pas où elle se trouve.

- Nous le savons. Est-ce que votre fille est là?

- Oui, entrez. Mais d'abord, vous lui voulez quoi?

- Nous devons lui parler de sa maman.

- Il y a un problème avec Audrey? nous demanda-t-il en fronçant les sourcils.

- Elle a eu un accident de voiture assez grave.

- Mon Dieu! Et comment va-t-elle? Est-ce qu'elle est...?

- Non, heureusement pour nous. Ils ont dû l'opérer mais ils ont bon espoir qu'elle se rétablisse complètement. Audrey nous a demandé de venir en parler à Sylvie. Elle ne veut pas la mettre de côté.

- Je la reconnais bien là. Je vais chercher ma fille. Asseyez-vous.

Deux minutes plus tard, une tornade arrive et se jette dans les bras d'Olivier avant de venir me faire un câlin. Étonnement, elle reste dans mon giron et vient même s'installer sur mes genoux.

- Ma petite puce, commence Olivier, on a quelque chose à te dire. C'est à propos de ta maman.

Elle se serre contre moi, comme si elle sentait que quelque chose était arrivé.

- Ta maman a eu un accident ma chérie. Elle doit se faire soigner pendant quelques temps.

Ses yeux cherchent les miens et je confirme en hochant de la tête.

- Elle est où maman? me demanda-t-elle.

- Elle est à l'hôpital. Des gentils docteurs s'occupent d'elle en ce moment. Tu as une trousse de docteur?

Elle acquiesce et court la chercher. Nous essayons tous de contenir nos larmes, Tom y compris. Pas besoin de mots entre nous. Sylvie revient avec son nécessaire et déballe le tout sur la table basse.

- Qu'est-ce qu'il fait le docteur ma chérie? lui demandais-je doucement. Tu me montres?

Elle commence à jouer avec son nécessaire et nous lui faisons comprendre que c'est ce qu'il se passe avec sa maman.

- Je pourrai la voir quand? commença-t-elle avant de sangloter.

- Dans quelques jours ma princesse. Elle a besoin de beaucoup de repos pour être en pleine forme après. Mais tu sais ce qui lui ferait plaisir? lui murmurais-je tandis qu'elle faisait non de la tête. Un beau dessin. Tu ne connaîtrais pas quelqu'un qui pourrait lui faire ça? Je ne vois personne qui sache ici... dis-je en faisant semblant d'être déçu.

- Moi je sais! Bouge pas!

Elle part comme une furie et revient armée de tout le matériel que ses petits bras pouvaient porter. Elle se met à l'œuvre avec beaucoup de sérieux et quelques minutes plus tard, elle brandit fièrement son dessin.

- Tu vois, j'y suis arrivée. Tu crois qu'elle va l'aimer?

- Laisse-moi voir princesse.

Je fais mine d'inspecter la feuille colorée et lui souris.

- Elle va l'adorer.

Sylvie se jette à mon cou avant de commencer à pleurer de nouveau. Je ne vais pas lui faire l'affront de demander ce qui ne va pas. Nous sommes tous conscients de ce qu'il se joue ici.

- J'ai peur, nous dit-elle entre deux sanglots, et si je voyais plus maman?

- Tu vas la revoir. Mais c'est normal d'avoir peur. Même moi il m'arrive d'avoir peur et je suis sûr qu'à Oli et à ton papa aussi, lui dis-je en lui frottant le dos. Tu sais ce qu'on va faire? Dès que tu commenceras à être effrayée ou que tu te sentiras triste, tu feras un beau dessin et le jour où tu pourras voir ta maman, tu les lui apporteras tous.

Elle me regarde avec un grand sourire. C'est vraiment une gamine adorable. Après avoir discuté et joué un peu avec elle, nous sommes partis le cœur un peu plus léger. Nous lui avons promis de lui téléphoner tous les soirs. Et c'est une promesse que je compte bien honorer.

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Audrey se réveille enfin après nous avoir fait une peur bleue. Même si elle n'est pas encore sortie d'affaires, elle est sur la bonne voie.
La petite Sylvie serait-elle plus attachée à Lucas qu'il ne le croyait?

A vos plumes mes lecteurs favoris...

Chapitre corrigé le 12/10/18