Chapitre 31 - L'heure
Point de vue d'Audrey
Nous sommes déjà la veille de son départ. La semaine est passée comme dans un rêve. Nous nous sommes vus tous les jours et mon cœur s'est serré à chaque séparation. Je refuse de me laisser aller devant lui. Je dois rester forte même si je suis détruite à l'intérieur. Notre relation est encore très fragile, peut-être trop pour survivre à un éloignement aussi long.
Il va arrivé d'une minute à l'autre. Il faut que je me reprenne. Sa dernière soirée près de moi ne doit pas être entachée par mes états d'âme. J'aurai tous le temps de me morfondre après. J'ai beaucoup repensé à ce que nous avons vécu depuis que nous nous connaissons. Nous avons perdu tellement de temps pour des choses futiles. Nous ne savons jamais quand l'être que nous aimons le plus peut nous être enlevé. Car oui, je l'aime. J'ai enfin accepté ce sentiment. Je refusais de le voir alors que tout le monde autour de moi me disait que j'étais amoureuse. Reconnaître l'amour c'est aussi ouvrir la porte à la souffrance qu'il engendre. J'ai aimé Tom et voyez où ça m'a menée. C'est à la fois merveilleux et effrayant. S'abandonner à l'autre, lui confier notre cœur sans savoir ce que celui-ci va en faire. Je ne me fais pas d'illusions. Lucas ne ressentira peut-être jamais la même chose mais je ne peux pas le laisser s'en aller sans lui dire. Je veux qu'il sache que quelqu'un l'aime et attend son retour. Pas pour lui mettre la pression mais plutôt pour le réconforter, lui donner la possibilité d'avoir une ancre à laquelle se raccrocher.
On frappe à la porte. Je n'ai pas besoin de l'ouvrir pour savoir qui se tient derrière. J'essuie les larmes qui ont coulé et reprends contenance. Après une bonne respiration je lui ouvre et me blottis contre lui. Il rentre et ferme la porte d'un coup de pied. Pas besoin de paroles. Juste ses bras m'enveloppant dans sa chaleur. Seulement des baisers sur mes cheveux, mes tempes, mes joues pour enfin arriver sur mes lèvres. Il n'y a rien de calme ou de tendre. C'est un désir urgent, impérieux. Le besoin de se fondre l'un dans l'autre. Nos langues et nos respirations se mêlent ne nous laissant aucun répit. Nous ne sommes jamais allés plus loin pourtant ce soir j'en ressens la nécessité. Personne ne m'a touchée depuis très longtemps mais je veux que ce soit lui et maintenant. J'ai besoin de ce moment de communion, de le sentir le plus près possible. Si c'est la dernière fois que je le vois, je veux que ce soit inoubliable. Je passe mes mains sous son t-shirt mais il m'arrête.
- Audrey, si tu continues, je ne pourrai pas m'arrêter. Je ne me maîtrise déjà plus beaucoup, me murmure-t-il.
- Je ne te le demande pas, haletais-je.
- Tu es sûre que c'est ce que tu veux? Je pars demain...
- Je sais. Je n'ai jamais été aussi sûre de quelque chose. Je ne veux pas avoir des regrets et m'en vouloir de ne pas avoir continuer. Je veux te sentir aussi proche que possible. Je veux qu'on partage ce moment et en faire quelque chose d'inoubliable.
- Audrey...
Le désir brille dans ses yeux avant que sa bouche ne reprenne possession de la mienne et que nos corps n'entament une danse immuable. Mes sensations sont décuplées par les sentiments que j'éprouve pour lui. Jamais je ne regretterai ce qu'il se passe.
L'orage gronde et la pluie tambourine sur la fenêtre alors que nous reprenons notre souffle, blottis l'un contre l'autre. Personne ne parle, seuls les bruits extérieurs et nos respirations viennent troubler le silence.
- Tu regrettes? lui demandais-je.
- Pourquoi veux-tu que je regrette? C'était l'expérience la plus magique que j'ai pu vivre. Je n'avais jamais ressenti ça, me dit-il avant de m'embrasser la tête. Et toi?
- Jamais je ne pourrai oublier cette nuit. Et je ne regrette pas non plus d'avoir attendu. C'était mieux que dans mes rêves les plus fous. Je sais que tu ne veux pas entendre parler de sentiments mais je peux te dire que j'ai ressenti ça comme une fusion entre nous. Nous ne formions plus qu'un et je trouve ça fabuleux.
Il resserre son étreinte mais ne me répond pas. Ce n'est pas grave, les actes sont parfois au-delà des paroles. Il m'aura fallu longtemps pour le comprendre. Si seulement j'en avais pris conscience avant... mais parfois nous sommes aveuglés par nos propres visions des choses et ça nous empêche de voir plus loin et de nous mettre à la place de l'autre.
Je me tourne pour lui faire face et prends son visage dans mes mains. Mes lèvres effleurent les siennes.
- Je t'aime Lucas. Je n'attends pas que tu me le dises en retour. Je voulais que tu le saches, que ton cœur le sache, lui dis-je en déposant ma main sur sa cage thoracique. J'ai eu du mal à me l'avouer. Mon histoire avec Tom m'a beaucoup plus affectée que ce que je croyais. À cause d'elle, j'ai voulu me protéger en niant mes sentiments pour toi. Mais je ne peux plus me le cacher. Tu fais partie de moi. Tu m'as marquée à jamais et saches que peu importe ce qui arrivera, une partie de mon cœur te sera toujours réservée.
Dans le silence qui suit, je dépose ma tête sur son torse et me colle à lui. Je veux profiter de cette chaleur. Ses bras se resserrent pour former un cocon protecteur. Je suis dans un état de semi-conscience. Je ne veux pas m'endormir et perdre le peu de temps qu'il nous reste.
Sa main caresse mon dos, réveillant mon corps. Des frissons parcourent ce dernier, m'électrisant de la tête aux pieds. Nos lèvres se rejoignent et nous laissons parler notre désespoir d'être séparés. Nous profitons l'un de l'autre sans aucune retenue mais avec lenteur comme si nous voulions mémoriser chaque instant et chaque parcelle du corps de notre partenaire.
Nous venons de passer nos dernières heures à nous découvrir de la plus intime des manières. Et malgré mes bonnes résolutions, je sens la tristesse m'envahir. J'ai pourtant quelque chose à faire encore avant d'y laisser libre cours. J'ouvre le tiroir de la table de nuit et y prend mon petit cadeau pour lui.
- Tiens, lui dis-je en lui tendant mon présent.
- Tu n'aurais pas dû. Tu viens de m'offrir le plus cadeau qui soit ma chérie, murmure-t-il.
- J'avais envie que tu aies quelque chose qui te fasse penser à moi, lui dis-je gênée.
Il déballe le cadeau et reste muet. Je me suis peut-être trompée mais je ne peux plus rien y faire.
- Ça ne te plaît pas? lui demandais-je gênée d'un coup.
- C'est... merci, me dit-il en essuyant ses yeux.
Je l'observe de plus près et me rends compte qu'il pleure.
- Ce n'est qu'un porte-clé...
- Non, c'est bien plus que ça. Je le garderai toujours sur moi, il ne me quittera pas, me dit-il avant de m'embrasser.
Le porte-clés contient une photo de nous deux prise alors que nous nous baladions le long de la mer. Nous étions en train de nous embrassés, simplement heureux. À l'arrière du cadeau, j'ai fait gravé «Je t'aime pour toujours».
L'heure de la séparation arrive plus vite que nous ne le voudrions. Pourtant nous savons tous les deux qu'il va devoir partir. J'ai envie de lui dire de rester auprès de moi, de ne pas me quitter mais ce serait égoïste. Je ne veux que son bonheur et si pour lui c'est de partir là-bas, je ne peux pas l'en empêcher.
Je regarde par la fenêtre tandis qu'il se rhabille. La pluie tombe toujours, parfaite image du chagrin qui me comprime. Ses mains m'attirent contre lui dans une dernière étreinte. Je me retourne pour me blottir dans son giron. Une larme solitaire glisse le long de ma joue. C'est tellement dur. Je savais quand je l'ai rencontré qu'il bouleverserait ma vie. Je ne savais seulement pas à quel point.
- Il est l'heure, me glisse-t-il à l'oreille.
- Je sais, murmurais-je en retour. Je peux te demander une faveur?
- Tout ce que tu voudras.
- Reviens-moi. Peu importe quand, mais reviens. On a encore tellement de choses à vivre ensemble.
- Comptes sur moi. Je n'ai pas fini de t'embêter. Tu ne te débarrasseras pas de moi si facilement, souffla-t-il.
C'est le moment du dernier baiser, celui de l'au revoir parce que je refuse que ce soit celui de l'adieu. Nous ne parvenons pas à nous détacher et pourtant il le faut. C'est à contre-cœur que nous nous éloignons l'un de l'autre. Il prend sa veste et s'en va sans un regard en arrière. La porte se referme laissant le silence prendre sa place. Je m'approche de l'endroit où il a disparu. Je pose mon front sur ce morceau de bois qui nous sépare. Les larmes commencent à couler malgré mes yeux fermés. La douleur est trop forte, je ne peux retenir un cri d'animal blessé. Mon cœur saigne, ma respiration saccade. La douleur est insoutenable. Mes jambes ne me tiennent plus. Je n'ai plus de force. Je m'écroule sur le sol, de l'eau salée coule le long de mes joues pour venir s'écraser sur le parquet. Toute la tristesse que j'ai retenue se déverse, brisant la bulle dans laquelle je la retenais.
Quelque chose bouge derrière moi me faisant revenir dans la réalité. Je suis perdue. Je ne parviens pas à me situer. J'ai dû m'endormir sur place, c'est la seule explication. Quelqu'un essaie d'ouvrir la porte, c'est ça qui m'a réveillée. Je ne bouge pas pour autant. Je laisse seulement l'espace nécessaire pour entrer. Olivier va déposer ses affaires et revient s'asseoir près de moi à même le sol.
- Il est parti, dis-je en éclatant en sanglot.
- Je sais. Tout va bien se passer. Il tient trop à toi pour te laisser seule, me dit-il en me serrant dans ses bras.
- Il m'a promis de revenir, murmurais-je.
- Alors il le fera.
- Je l'aime tellement. Pourquoi je ne m'en rends compte que lorsqu'il doit partir loin de moi?
- Tu n'étais pas prête avant. Le plus important est que tu t'en sois rendue compte. Tu as pu le lui dire? me demande-t-il doucement.
- Oui.
- Alors tout va bien. Tu pourras profiter de ton amour pour lui à son retour. Et puis, il sera toujours dans ta tête et dans ton cœur. Il ne te quitte pas complètement.
- J'ai l'impression que c'était un adieu et je ne veux pas.
- Ça n'en est pas un. Il n'a pas ramé comme un dingue pendant des mois pour te récupérer pour te laisser partir comme ça.
Il me caresse dans le dos pour me calmer. Ça commence à faire effet au bout d'un certain temps.
- Va dormir un peu, tu dois être épuisée. Je dormirai dans le canapé ce soir.
- Non, viens près de moi. J'ai besoin de toi Oli.
- Très bien. Laisse-moi dix minutes et je viens te rejoindre.
- Merci, lui dis-je en lui embrassant la joue.
Je vais m'installer dans le lit. Les draps sont encore défaits, dernières traces de son passage. Son odeur est encore sur son oreiller. Je le prends et mets le mien à sa place. Olivier arrive et s'il a remarqué l'état du lit, il n'en fait pas mention. Il se contente de se rapprocher de moi. Cette étreinte me réchauffe un peu mais ne parvient pas à combler le vide que Lucas a laissé. La fatigue a fini par avoir raison de moi. Je me suis endormie, la tête remplie des souvenirs de cette nuit.
Je suis réveillée par des rires qui proviennent du salon. Il me faut cependant un certain temps pour sortir des brumes du sommeil. Un bip retentit près du lit. Apparemment j'ai reçu un message.
«Nos sacs sont dans l'avion.Nous allons embarquer mais je ne fais que penser à toi.Ton cadeau est dans ma poche. Ne m'oublie pas.Merci d'être entrée dans ma vie. Au fait,regarde dans ta table de nuit.»
Oh Lucas... je regarde à l'endroit qu'il m'a indiqué et vois un petit paquet. Il n'y était pas hier soir. Je le déballe, intriguée. Une petite boîte. Je l'ouvre délicatement. Je ne peux retenir un cri en apercevant un collier avec un pendentif en forme d'étoile. Enfin la moitié. Un papier accompagne:
«Je sais que tu es triste et je ne supporte pas ça. Souris ma chérie, la vie est belle sinon je ne t'aurais pas rencontrée. Tu es mon étoile du Nord. Je te retrouverai toujours. Je porte la deuxième moitié du pendentif. Nous les réunirons à mon retour.Regarde derrière ta partie.Tu me manques déjà.Lucas»
Les larmes que je pensais taries reviennent en force mais je tourne quand même l'étoile. Quelque chose y est gravé: «Ton plus». Les mots doivent être complétés par d'autres mais ils sont probablement sur sa partie. Je devrai donc attendre son retour pour connaître l'inscription entière. Je souris à travers mes larmes.
La porte de la chambre s'ouvre. Je m'attends à voir mon colocataire mais à ma plus grande surprise, c'est toute la bande qui débarque: Geoffrey, Lucas, Auriane et Olivier.
- À ce qu'il paraît, on a besoin d'un remonte moral dans le coin. Alors nous voilà, me dit Auriane un grand sourire aux lèvres.
En deux mois, elle est devenue ma meilleure amie. Peu importe ce que la vie a décidé pour nous, nous sommes là l'une pour l'autre. Avec les gars, nous sommes devenus inséparables. La bande des cinq. J'ai hâte de rajouter le sixième membre de notre groupe.
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Je devais normalement publier demain mais je voulais partager ce chapitre avec vous au plus vite. Je suis sûre que vous ne m'en voudrez pas.
J'ai rarement pleuré en écrivant et pourtant je n'ai pas arrêté. Des au revoir déchirants, poignants. Une promesse de retour, une déclaration...
Que d'émotions les amis. Comme d'habitude, j'attends vos avis. Ce chapitre vous a-t-il touché?
Chapitre corrigé le 11/10/18
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