Chapitre 29 - La surprise
Point de vue d'Audrey
Je suis hors de moi. Encore un qui a voulu gérer ma vie sans me consulter avant. Comme si je n'existais pas ou que j'étais incapable de le faire! Je m'attendais à autre chose de sa part. Comme une imbécile, j'ai cru qu'il était différent. Il avait l'air vraiment désolé mais ce serait beaucoup trop simple. J'en ai marre de me laisser faire et de dire amen à tout.
Je peux comprendre, peut-être même mieux que quiconque, ce besoin de s'éloigner pour mettre les choses au clair. Je ne le blâme pas pour ça. Là où je lui en veux, c'est dans son silence. Simplement l'envoi d'un ou deux textos pour me montrer qu'il ne coupait pas les ponts m'aurait suffit. Mais non, il a préféré faire le mort, m'abandonnant. Quand j'ai reçu son message, mon cœur a fait un bon dans ma poitrine. Enfin il reprenait contact avec moi. Et je me suis souvenue de tout ce que j'avais enduré depuis deux semaines. Les épreuves que j'ai dû franchir alors qu'il n'était pas là pour me soutenir. S'il veut reprendre là où nous nous sommes arrêtés, il va devoir ramer un peu. J'en fais peut-être un peu trop et il subit probablement le contre-coup de mon histoire avec Tom mais tant pis. Je dois me protéger. Là où j'en suis je ne peux pas laisser quoi que ce soit me tirer vers le fond. Je ne m'en remettrais pas. Mon travail avec le psychologue avance petit à petit mais le chemin est encore long et je suis encore trop faible pour affronter quelque chose de plus.
Le coup du rendez-vous était un peu une douce vengeance qui a marché à la perfection. Je n'en ai pas dans le sens propre du terme mais j'ai beaucoup apprécié sa petite pointe de jalousie. En fait, j'ai un entraînement avec Lucas. Normalement, ce sont les coachs qui doivent le faire mais au vu de la situation, il est parvenu à persuader son patron. Je ne me sentais déjà pas à l'aise dans la salle, alors rajouter un coach inconnu dans l'équation ne m'aurait pas aidée du tout.
Olivier m'attend au parking avec nos sacs de sport. C'est une grande première aujourd'hui. En plus, j'ai un grand besoin de me défouler donc ça ne pourra me faire que du bien. Au moins, la discussion que je viens d'avoir m'a permis d'oublier quelques minutes ce que je m'apprêtais à faire. Me mettre en tenue de sport, être pleine de transpiration, attraper des rougeurs et le tout devant d'autres personnes... Mon pouls s'accélère, ma respiration saccade et les larmes pointent le bout de leur nez. Je n'y arriverai jamais.
- Tout va très bien se passer ma chérie, tu verras, dit Olivier en me serrant contre lui.
- Tu ne te rends pas compte, haletais-je. J'ai tellement honte de ce que je suis.
- Il n'y a aucune raison. Tu es comme tout le monde. Tu es une femme forte, intelligente. Tu es simplement passée par des moments très durs mais tu as décidé de remonter la pente. Et ça, ça représente plus que ce que certains ont le courage de faire dans cette salle. Peu importe ton physique, tu restes la plus belle à mes yeux. Ne fais pas attention aux autres et s'il y en a un qui t'embête, je me ferai un plaisir de le remettre à sa place. Ok?
J'acquiesce plus pour lui faire plaisir que par réelle conviction. Il le sait très certainement mais il me connaît assez pour savoir qu'il n'aura rien d'autre.
Nous nous retrouvons devant la porte de la dernière fois et j'ai le même comportement. Je suis bloquée. La peur me tétanise. Olivier est contre mon dos et m'entoure de son bras libre.
- Tu vas y arriver, me murmure-t-il à l'oreille. Je suis avec toi. Lucas sera là aussi. On y va à ton rythme.
Je déglutis et ferme les yeux quelques instants. Un pas, puis un deuxième. J'attrape sa main. Un troisième... la porte se rapproche et avec elle mon cauchemar. Olivier l'ouvre et me fait entrer. Personne ne fait attention à nous à part notre entraîneur qui vient nous accueillir.
- Bonjour. Vous êtes sûre que ça va? me demande-t-il, inquiet.
- Ça ira mieux quand on aura fini, tentais-je dans une veine tentative d'humour.
- Venez, on va s'asseoir deux minutes et puis vous irez vous changer. Pour vous faciliter les choses, on va aller s'entraîner dans la salle des cours collectifs. Le local est vide actuellement et se situe un peu à l'écart.
- Mais le matériel... dis-je un peu perdue.
- Cette séance-ci va surtout être faite pour vous habituer. On va y aller en douceur.
- Merci, murmurais-je.
- Pas de quoi. En plus, j'ai prévu une petite surprise pour vous. Mais je ne vous en dis pas plus pour l'instant.
Je regarde Olivier qui hausse les épaules, ne sachant visiblement pas de quoi il s'agit.
- Je vais me changer, me dit-il. Ça va aller? Je peux te laisser?
- Oui, t'inquiète pas. Je devrais pouvoir gérer seule 5 minutes, répondis-je pas très sûre de moi. De toute façon, je vais devoir y aller aussi.
Nous nous rendons chacun dans notre vestiaire. Heureusement pour moi, il est désert. Je remarque des cabines de douche. Je me faufile rapidement dans l'une d'elle afin de me changer sans être vue. Une fois fait, je met mes affaires dans un casier. Je m'assieds un peu sur le banc pour me préparer mentalement. Pourquoi c'est si compliqué? Pourquoi je ne peux pas être comme tout le monde?
- Audrey? me demande une voix inconnue.
- Oui, c'est moi, dis-je en me redressant.
Une femme forte avec de longs cheveux châtains et des lunettes me fait face. Un sourire hésitant sur le visage, elle se présente.
- Bonjour, je m'appelle Auriane. Vous ne me connaissez pas mais j'ai beaucoup entendu parler de vous.
- Ah oui?
- Je suis la femme de Lucas.
- Oh. Bonjour, lui dis-je après quelques secondes. Désolée, je suis un peu à l'ouest. Enchantée de faire votre connaissance.
- Vous permettez que je m'asseye un peu près de vous?
- Allez-y.
- Ne lui en tenez pas rigueur mais mon mari m'a parlé de votre histoire. Il veut vraiment vous aider à aller mieux. Il sait que je suis passée par là aussi et m'a demandé conseils.
- Le coup de la salle c'est vous alors?
- Exact, rit-elle. J'ai quelque chose à vous proposer mais vous n'êtes obligée à rien du tout d'accord?
- Dites toujours. Au point où j'en suis, tout ce qui peut me faire reculer le moment de sortir d'ici me va, souriais-je gênée.
- Je compatis. C'est la première fois la plus dure mais ça devient plus facile avec le temps, me rassura-t-elle. Vous sentiriez vous plus à l'aise si je faisais la première séance avec vous? Voir toute cette testostérone n'aide pas du tout, rit-elle.
- C'est clair, dis-je en riant à mon tour. Ce serait génial, vraiment. Mais pourquoi vous feriez ça pour moi?
- Comme je vous l'ai dit, j'ai été à votre place. J'aurais aimé que quelqu'un le fasse pour moi.
- Merci, murmurais-je. J'accepte votre proposition mais à une condition.
- Je vous écoute.
- On se tutoie! Je ne supporte pas le vouvoiement, soupirais-je.
- Avec plaisir. Je ne supporte pas ça non plus. Je me change et on y va ou tu veux aller m'attendre avec le beau gosse qui t'accompagne?
- Le beau gosse... ah Olivier? Il attendra encore un peu, pas de souci.
- C'est ton compagnon? me demanda-t-elle tout en s'habillant.
- Non pas du tout, dis-je en gloussant. Il est comme un frère pour moi.
- Tu es sûre qu'il n'y a rien d'autre? Vous êtes très proches quand même.
- Je n'ai aucun doute à ce sujet. Il est gay.
- Autant pour moi, rit-elle. On peut y aller. Prête?
Je sais qu'elle ne parle pas physiquement mais bien dans ma tête. Je crois que je vais bien m'entendre avec elle.
- Comme je peux l'être... soupirais-je.
Nous quittons le vestiaire toutes les deux. Elle a beau essayé de me distraire, je ne parviens pas à me détendre. J'ai besoin du seul et unique remède dans ce genre de moment: les bras d'Olivier. Il doit le comprendre puisque dès qu'il m'aperçoit, il me rejoint et me serre fort contre lui.
- Tout va bien?
- Oui. Merci, soufflais-je.
- Je vois que vous avez eu ma petite surprise, me dit Lucas.
- Oui. C'était une idée géniale. Je ne sais pas comment vous remercier.
Olivier ne comprend pas du tout ce qu'il se passe. Je lui explique donc pour Auriane et sa proposition.
- Qu'est-ce qui vous a fait penser à ça? demande-t-il à notre coach.
- Auriane est passée par là aussi, même si ce n'est pas au même degré que votre amie. On s'est dit que ce serait peut-être bien pour elle.
- Vous avez eu raison. Bon on commence par quoi?
- Audrey, tu veux qu'Olivier reste avec nous? me demande Auriane.
- Au début en tout cas, mais s'il veut aller de son côté après, je ne le retiendrai pas. Après tout, nous n'allons pas faire les mêmes exercices.
- Très bien. Nous allons donc faire ça tous ensemble.
Après plus d'une heure, je comprends enfin ce que Lucas voulait dire par m'habituer. Nous n'avons pas vraiment travailler aujourd'hui. Nous avons fait connaissance. Il voulait savoir qu'elles étaient mes préférences sur les zones à travailler, mes problèmes de santé et j'en passe. Nous avons juste fait quelques exercices pour nous familiariser avec le matériel. Si la séance n'a pas été éprouvante physiquement, mentalement je suis à bout. Le local a beau être à l'écart, il n'en est pas moins pourvu d'un énorme miroir. J'avais beau essayer de regarder ailleurs, mon regard finissait toujours sur mon reflet. L'acceptation de mon corps fait partie intégrante de ma thérapie mais ce n'est sûrement pas le plus simple.
Nous nous sommes bien entendus avec Lucas et Auriane. Ils aiment se taquiner et ça fait plaisir à voir. Mon intuition me dit qu'elle n'a pas du avoir la vie facile non plus et si elle s'en est sortie, j'y arriverai aussi.
- Comment tu te sens? me demande Olivier, une fois installés dans la voiture.
- Comme si un rouleau compresseur m'était passé dessus, soupirais-je.
- J'imagine. Ça te dit qu'on se commande une pizza et qu'on s'affale dans le canapé?
- J'aime quand tu me parles comme ça, riais-je.
L'ambiance est moins tendue qu'en fin d'après-midi. Passer cette étape m'a fait avancer et l'intervention des amoureux m'a été bénéfique sur ce coup-là.
Une fois rentrés à la maison et le repas commandé, je vois qu'Olivier hésite à me parler.
- Vide ton sac. Qu'est-ce qu'il y a?
- Comment ça s'est passé avec Lucas?
- Oh ça...
Je l'ai bien évidemment prévenu de notre rencontre. Je pensais qu'il l'avait oubliée. Malheureusement non.
- Et bien, apparemment, il a décidé tout seul comme un grand qu'il ne voulait pas me faire subir le sort des compagnes de militaire. En plus, je prends visiblement de plus en plus de place dans sa vie et il n'a pas envie d'en changer.
- Ça m'étonne de lui. Tu n'as pas l'impression qu'il a agi comme ça parce qu'il a peur? D'après ce que tu m'as dit, il n'a jamais vraiment eu de relation sérieuse.
- C'est vrai. Il a toujours été seul.
- Ce n'est pas une excuse valable de toute façon mais ça pourrait expliquer le reste. Tu lui as dit quoi?
- En gros, que je lui laissais une chance mais qu'il avait du boulot pour regagner ma confiance.
- Où est passée mon Audrey? Celle qui laissait tout passer et qui aurait accueilli Lucas avec joie?
- Elle est toujours là et elle réapparaitra à un moment ou à un autre. En tout cas pour la joie. Je ne peux pas me permettre d'être faible sinon je risque de retomber plus bas et je ne pourrai pas me relever. Je dois me protéger Oli.
- L'amour est une faiblesse pour toi?
- Non mais me laisser marcher sur les pieds oui. Et puis qui parle d'amour ici?
- Tu l'aimes ma belle, ça ne fait aucun doute. Et Lucas t'aime probablement aussi. Il n'y a que vous qui ne le voyez pas, me dit-il en embrassant mon front.
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Petit cadeau pour le week-end. Le prochain chapitre sera publié au minimum dimanche. A partir de lundi, je reprends des cours d'anglais donc la parution sera peut-être un peu plus longue mais pas trop je vous le promets :-).
Le grand retour d'Auriane. J'ai comme l'impression qu'elle reviendra plusieurs fois. Qu'en pensez-vous?
Petit à petit, Audrey poursuit son chemin. Que va-t-il se passer maintenant à votre avis?
Chapitre corrigé le 11/10/18
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