Chapitre 27 - Un pas de plus
Point de vue d'Audrey
J'y suis. La porte est fermée. Je dois l'ouvrir. Le médecin me l'a dit. Soit je me reprends en main de moi-même, soit il m'hospitalise. Il m'a laissé le choix mais en était-ce vraiment un? Mon regard se tourne vers la droite. Olivier est là. Il me soutient comme d'habitude et m'encourage à avancer. Pour n'importe qui, ce simple geste serait banal mais pas pour moi. Ce pas représente une de mes peurs les plus profondes. L'angoisse du regard des autres, d'être jugée.
Deux personnes sortent et comme je m'y attendais, elles semblent tout droit sorties d'un magazine. Je me retourne pour fuir mais un torse me bloque le passage. Des bras m'entourent et un baiser réconfortant est déposé sur mon front.
Pas besoin de mots pour savoir que je ne peux pas faire marche arrière. Une larme coule, indice supplémentaire de mon mal être. Je ne veux pas y aller et pourtant je n'ai pas voix au chapitre. Olivier vient essuyer la traîtresse avec douceur et me murmure des encouragements au creux de l'oreille.
La porte s'ouvre de nouveau, me faisant me retourner. Un homme en sort avec un t-shirt à l'effigie du club: il a des cheveux noirs mi-longs et est de taille moyenne. Son prénom est inscrit sur son côté gauche: Lucas. Rien que de voir ce nom me broie le cœur. Je n'ai plus de nouvelles de sa part depuis deux semaines. Enfin si j'ai reçu un texto m'expliquant qu'il était occupé et qu'il avait besoin de temps. Il s'excusait mais rien de plus. Olivier le comprend tout de suite et me serre plus fort.
- Bonjour, vous venez pour la salle? nous demande le présumé Lucas.
- Oui, mais elle a besoin d'un peu de temps, répondit Olivier.
- Vous êtes effectivement un peu pâle. Je suis Lucas et je travaille à l'accueil avec Jacques qui va bientôt arriver. Voilà ce que je vous propose: nous avons une salle de repos pour le personnel. Venez vous y installer et boire quelque chose. Et après on discutera tranquillement. Qu'en pensez-vous?
Olivier me demande ce que je veux faire et j'acquiesce pour montrer mon accord. Nous rentrons et suivons le gars du club. Il nous fait passer le portique et nous conduit jusqu'à une salle à part. Je n'ai même pas osé regarder autour de nous pendant que j'avançais. Je me sens bête et surtout pas à ma place. Lucas a dû le sentir parce qu'il ne dit rien et nous demande simplement ce que nous voulons boire. J'ai la gorge tellement nouée que je ne pourrais rien avaler. Une fois revenu avec le verre d'eau de mon ami, il nous invite à nous asseoir.
- Vous vous sentez mieux? me demande-t-il.
- Un peu merci. Je me sens bête, je ne devrais pas être ici, dis-je en me levant. Je vous fais perdre votre temps.
- Restez s'il vous plaît. On va simplement discuter, rien de plus. Et vous avez votre place ici autant que les autres membres.
Je m'assieds donc à côté d'Olivier. J'ai besoin de sa présence. Voyant mon état, il prend la parole.
- Je m'appelle Olivier et voici Audrey, une amie.
- Enchanté, répondit Lucas en souriant. Vous venez pour donc pour inscrire Audrey.
- En fait, on pensait s'inscrire à deux. Au moins au début, répondit tout de suite Olivier sous mon regard noir.
- Ne soyez pas gênée Audrey. Il n'est pas toujours facile de venir s'exposer aux yeux des autres. Ma femme elle-même au début avait du mal et pourtant elle y est arrivée.
- Votre épouse est...
- Oui, Auriane a toujours été plus enrobée que les autres. Quand je l'ai vue pour la première fois, elle venait faire sa séance. Vous savez ce que j'ai vu en premier? Son sourire. Je n'ai pas fait attention à son corps. Les gens ne sont pas ici pour vous juger Audrey. Ils sont tous ici pour une raison qui leur est propre: maigrir, grossir, se muscler, reprendre confiance en eux. Peu importe. Et vous, quelle raison vous pousse à passer ses portes alors que vous n'en avez visiblement aucune envie?
Je ne sais pas pourquoi mais il m'inspire confiance et ses paroles me touchent. Il a mis directement le doigt sur ma peur. Je regarde Olivier qui acquiesce, me montrant que je peux lui parler.
- J'ai des troubles alimentaires, des insomnies... enfin bref, j'ai dû être hospitalisée suite à un malaise et le médecin a diagnostiqué une dépression. Soit je faisais tout ce qu'il me disait soit il me gardait à l'hôpital.
- Donc, vous avez décidé de suivre ses recommandations? me demande-t-il sérieux.
- Effectivement. Et l'un de ses «conseils», enfin plutôt de ses ordres est de faire du sport pour évacuer toutes les idées négatives et tout le stress qui me poursuivent.
- Il est vrai que le sport aide beaucoup dans un cas comme le vôtre. Rien ne me fait plus de bien qu'un bon entraînement ici quand je vais mal. Et pourquoi dans un club?
- J'ai regardé avec Olivier toutes les possibilités qui s'offraient à moi et rien ne me convenait. Ici on peut au moins être à deux, dis-je en baissant les yeux.
- C'est une sage décision. Si vous vous sentez mieux, je peux vous montrer les installations et nous discuterons du reste ensuite.
- Ça me va, soupirais-je après une seconde d'hésitation.
Nous nous levons et commençons la visite. Je prends sur moi pour garder la tête haute et ne plus baisser les yeux. Il commence par les sanitaires, puis la salle des cours collectifs et enfin, nous arrivons à la salle de cardio et de musculation. Celle-ci est la plus remplie mais vu l'heure ça doit être normal. Je prends le temps de bien examiner les personnes autour de moi. Lucas a raison. Ils sont de tout âge et de toute carrure. Bien sûr, il y a des gravures de mode mais ils sont en minorité et ça me réconforte un peu. Le tour se termine à l'accueil où notre guide salue son collègue avant de prendre des papiers, de quoi écrire et de repartir vers la salle où nous étions. Nous sommes déjà presque à la porte quand je sens qu'Olivier ne me suit pas. Je regarde où il se trouve: il est figé face au bureau d'accueil. Le collègue de Lucas aussi. Ils se regardent comme si le temps s'était arrêté. Je l'appelle, le ramenant à la réalité. Il secoue la tête tout en nous rejoignant. Je n'ai pas tout compris mais j'y réfléchirai plus tard.
- Alors, vous avez plusieurs possibilités. La première: vous vous inscrivez simplement au club avec les options que vous aurez choisies. Vous venez quand vous voulez et êtes libres de choisir ce que vous faites. La deuxième: vous venez également quand vous le souhaitez mais vous pouvez être suivis par un coach personnel et enfin la troisième: vous pouvez rajouter des cours collectifs.
Nous discutons des différentes possibilités pendant un long moment. Il nous montre les avantages et inconvénients. Nous finissons par décider qu'il serait intéressant de commencer par un ou deux cours de coaching personnel afin de savoir quoi faire et de voir plus tard pour la suite.
Un poids s'enlève de mes épaules. Je suis inscrite. L'étape fatidique n'a pas encore été passée mais chaque chose en son temps. L'épreuve ultime, m'habiller en vêtements de sport et les porter devant tout le monde, aura lieu dans deux jours lors de notre premier rendez-vous. Au début, nous viendrons exclusivement quand Olivier pourra m'accompagner. Je ne me sens pas du tout de le faire toute seule. L'idée de me retrouver face aux autres, seule, me donne des sueurs froides.
Nous saluons Lucas avant de sortir. L'air frais me fait du bien. Je m'arrête quelques minutes et ferme les yeux pour me remettre les idées en place. À ce propos, la réaction d'Olivier me revient en tête mais ce n'est pas le moment de lui poser des questions. J'aurai tout le temps de le questionner plus tard. Nous marchons silencieusement. Mon ami n'a plus ouvert la bouche depuis l'incident de tout à l'heure. C'est vraiment étrange. Nous nous installons dans la voiture quand il se décide enfin à ouvrir la bouche. Ceci dit j'aurais préféré qu'il continue à se taire au vu de la conversation qu'il veut entamer.
- Tu n'as plus de nouvelles? me demande-t-il.
Il n'a pas besoin de préciser de qui il parle. Surtout avec ma réaction au prénom du préposé de l'accueil.
- Non, aucune.
- C'est quand même étonnant venant de sa part.
- Il a beaucoup de choses à gérer entre son retour à la caserne, ses exercices et...
- Et nous savons tous les deux que ce sont de belles excuses, s'énerve-t-il. Je ne le comprends pas.
- On est deux dans ce cas. Mais de toute façon, qu'est-ce que je pouvais espérer? Je ne suis pas faite pour être avec quelqu'un, dis-je tout bas.
- Tu vas ôter tout de suite cette idée de ta petite tête de pioche. Tu mérites le bonheur autant que qui que ce soit. Et ce n'est pas en pensant comme ça que tu vas parvenir à sortir de ta dépression.
- Je sais, soupirais-je. Entre toi et le psychologue, je vais finir par me le rentrer dans le crâne.
- Puisque tu parles de ça, comment ça va avec lui? Tu n'en parles jamais, me dit-il plus doucement.
- Parce qu'il n'y a rien à dire, dis-je en haussant les épaules. Je me couche sur son divan, lui assis derrière moi et je dois dire tout ce qui me passe par la tête.
- Ça te convient comme méthode? me demande-t-il sceptique.
- J'avais un peu de mal au début mais finalement, je préfère comme ça. Je ne me sens pas jugée. Je ne vois pas ses réactions et je peux laisser mes larmes couler quand elles se pointent sans être gênée.
- Il ne réagit pas? Il ne fait que t'écouter?
- Non, il me pose des questions. On en est encore au début et j'ai tellement de choses à débiter qu'il n'y a aucun blanc. Par contre, je suis complètement vidée quand j'en sors. Remuer tout ça me chamboule au plus haut point.
- J'ai remarqué. Après il te faut toujours une heure ou deux, voir la nuit pour t'en remettre.
- Heureusement que tu es là. Tu ne sais pas ce que ton soutien représente pour moi. Depuis que je te connais, tu as toujours été là et je t'en serai éternellement reconnaissante. Je ne pourrai jamais te rendre tout ce que tu m'apportes.
- Je ne fais pas ça pour que tu me le rendes. De toute façon, tu en fais beaucoup pour moi aussi même si tu ne t'en rends pas compte. Avant que tu ne partages ma vie, je me morfondais tout seul. T'avoir à l'appartement a été la chose la plus intelligente que j'ai pu faire. Et j'espère que ça durera encore un petit moment, me dit-il en me serrant dans ses bras.
- Même si on est à l'étroit? riais-je.
- Même si on est à l'étroit, rit-il sans me lâcher.
Après être restés comme ça quelques minutes, profitant l'un de l'autre, Olivier démarre et nous ramène chez nous. À peine sommes-nous installés que la sonnerie retenti. Il va au parlophone et dit à la personne de monter.
- Qui est-ce? demandais-je curieuse.
- Je savais que tu aurais besoin d'un remontant en rentrant. Je me suis permis d'inviter quelqu'un.
- Et qui donc?
- Tu verras, me dit-il avec un grand sourire.
Quand la personne frappe à la porte, il ouvre cette dernière en grand laissant place à une petite tornade. Ma fille apparaît dans toute sa splendeur.
- Maman, dit-elle avant de foncer sur moi tel un boulet de canon.
Je la réceptionne tant bien que mal et me retrouve couchée sur le canapé, elle allongée de tout son long sur moi.
- Oh ma chérie. Mais quelle bonne surprise! Tu m'as manqué, lui dis-je en la serrant très fort.
- Et moi, je n'ai pas droit à un câlin?
Je me tourne vers la voix reconnaissant mon deuxième ami. Geoffrey est là également, attendant près de la porte. Voyant que je ne réagis pas, il s'empresse d'ajouter:
- Olivier a pensé que tu ne voudrais pas voir Mireille ou Tom. Je me suis donc dévoué pour aller chercher ta princesse.
- Vous êtes géniaux! Vous restez combien de temps?
Je les vois échanger un regard quand Olivier se décide à reprendre la parole.
- Et bien, elle va passer la nuit ici.
Je n'ose pas y croire! Je vais pouvoir profiter d'elle jusqu'à demain matin.
- Mais on est en semaine. Comment va-t-elle faire pour l'école demain? demandais-je après quelques secondes de réflexion.
- Son cartable est dans le coffre. J'irai la conduire à l'école, me répondit Oli directement.
Mes larmes coulent toutes seules. J'ignore ce que j'ai fait pour avoir des amis comme eux mais je les remercie du fond du cœur.
- Pourquoi tu pleures maman? T'es triste? Tu veux un bisou magique?
- Au contraire mon ange, je suis heureuse. Mais tu peux me faire un bisou magique quand même?
- Ben oui, me dit-elle comme si c'était évident.
Elle me serre et me fait un gros bisou sur chaque joue.
- Comme ça y a pas de jalouses, me dit-elle en riant.
Je regarde les deux hommes qui me font face, un sourire sur les lèvres. Je leur articule «MERCI» avant de fermer les yeux et de profiter de Sylvie.
- Ce n'est pas tout ça mais j'ai faim. Qui d'autre? Non toi Sylvie tu n'as pas faim. Audrey? Geoffrey?
- Hey mais moi aussi j'ai faim, dit la petite chipie en allant tirer sur le t-shirt d'Olivier.
- Mais non, tu n'as pas faim. Tu ne m'as même pas fait mon bisou en plus, dit-il en faisant une mine triste.
Elle lui tire le t-shirt jusqu'à ce qu'il se baisse près d'elle. Avec un grand sourire, elle se blottit contre lui et lui fait un énorme smack sur la joue.
- Ah, c'est beaucoup mieux! dit mon ami tout sourire. Et si on commandait pizza ce soir?
C'est comme ça que l'après-midi, qui avait pourtant si mal commencé, s'est terminée sous les rires et les parts de pizza. Mon cœur toujours blessé par l'absence de mon «plus» mais réconforté par la présence des êtres qui me sont chers.
------------------------------
Encore une étape de franchie pour Audrey. Lucas aux abonnés absents.
Et pour ceux qui ont lu ma première histoire, un petit clin d'oeil à Lucas et Auriane :-).
Mais comment va se passer la suite de l'histoire entre Audrey et Lucas?
Qu'en pensez-vous?
Un tout grand merci à vous, déjà presque 3k de vues! Je vous adore <3<3
Chapitre corrigé le 11/10/18
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro