Chapitre 16
Clive
J'observe Léna tourner autour de Thomas d'un air critique, et puis elle me demande la cravate que je tiens dans les mains depuis un moment déjà.
Je la tends, un sourire moqueur aux lèvres, et Thomas grogne :
- Pourquoi je dois mettre une laisse ?
- C'est une cravate, et c'était ça ou nœud papillon, j'ai pensé que tu préférerais la cravate.
- Je ne peux rien mettre non ?
- T'aurais l'air bien con, je rigole.
- Tu ne devrais pas la ramener Clive ça a faillit t'arriver si Priya n'était pas cabale d'illusions.
- Mais ce n'est pas le cas !
Thomas me fait la grimace, et je souris de toutes mes dents.
Léna saisit la cravate, et puis s'approche de Thomas.
Elle passe délicatement l'objet derrière la nuque du A, et lorsque ses mains passent devant son cou je sens Thomas se tendre entièrement.
Léna l'observe une seconde dans les yeux, puis les baissent, troublée, et se concentre sur la cravate.
Si Thomas avait été normal, je suis persuadé qu'il aurait fait une remarque pour la draguer.
Mais depuis qu'il a effacé les souvenirs de la jolie D, le garçon n'ose plus rien. Il a perdu une partie de lui en effaçant une partie de Léna.
Léna finit d'attacher la cravate de Thomas, et puis l'observe.
Thomas se détourne pour se regarder dans le miroir, ne voulant visiblement plus croiser le regard de Léna, et puis se déplace un peu face à la glace.
- Je suis toujours aussi beau, dit-il.
Je pouffe, et rétorque :
- T'as mal prononcé « moche ».
- Jaloux.
Je l'observe à mon tour lorsqu'il se tourne face à moi, et puis je remarque que ses yeux ressortent trois fois plus à la lumière. Son visage est plus pâle qu'à l'accoutumée, ses cheveux toujours aussi clairs, presque platine et coiffés droits pour l'occasion. Sa carrure est mise en valeur par le costume commandé expressément. En clair, la tenue lui va bien, et il est plutôt pas mal. Moins que moi évidemment.
- Bon ben t'es prêt, sourit Léna.
Elle se tourne vers moi, puis me lance :
- Enfile quand même une chemise.
- Où est l'intérêt ? Notre apparence sera camouflée.
- Imagine que Priya lâche l'illusion, mets au moins une chemise plutôt qu'un tee-shirt.
Je râle pour l'occasion, et puis quitte la pièce pour rejoindre ma chambre en entendant Léna dire :
- Je vais voir où en est Céleste.
***
Une fois habillé, je sors dans le salon en vérifiant que nous ne sommes pas en retard puisque Léna, Priya, Alejandro et moi doivent arriver avant Thomas et Céleste pour être plus discrets.
Nous avons réservé au nom de Thermopolis puisque le nom de Thomas est influent et qu'il peut nous avoir une réservation en claquant des doigts.
Je n'ai pas eu l'occasion de voir Céleste avant de sortir, et notre petite troupe progresse dans les couloirs de l'hôtel pour rejoindre le grand ascenseur.
Lorsque nous entrons, il est presque vide, et les passagers descendent au fur et à mesure.
L'ascenseur monte assez vite, et de voir tous les étages défiler est assez impressionnant vu la longueur de l'appareil.
Enfin, nous arrivons au dernier étage.
Léna nous guide, déjà renseignée, et puis nous entrons dans le restaurant.
L'ambiance est très cosy, bien différente de celle du restaurant italien.
Là, tout le monde est habillé chic et se tient de manière distinguée, les sièges sont ronds et luxueux, les lumières un peu tamisées avec des bougies au centre des tables.
Et effectivement, le sol tourne très légèrement lorsque nous entrons, surtout que de grandes vitres surplombent le restaurant, nous offrant une vue plongeante sur tout Times Square et au-delà.
Les lumières de New York nous sautent aux yeux, le tout est vraiment magnifique il faut l'avouer, malgré les vestiges de certains bâtiments détruits que nous parvenons à voir au loin.
Une dame vient nous voir avec un calepin et nous demande le nom de réservation. Priya répond pour nous, et puis on nous guide jusqu'à notre table.
Léna cache délicatement son oreillette derrière ses cheveux, tandis que moi je garde la mienne très peu visible.
Pendant tout le long de « l'entretien » entre Céleste, Thomas et l'inconnu, nous serons en appel avec Céleste qui portera une oreillette cachée derrière ses cheveux.
Léna et moi tenions à savoir tous les détails de la conversation, de cette façon nous pourrions tenir Priya et Alejandro informés de la situation.
Nous nous installons tous les quatre à table, et prenons les cartes pour faire mine d'être intéressés, même si visiblement Alejandro compte réellement commander pour manger.
Je détaille les personnes présentes dans le restaurant, essayant de débusquer Matt, Estéban ou l'inconnu.
Même si techniquement, Matt n'est pas censé être en bon état de santé après la balle qu'il s'est pris.
Je suis aveuglé d'un flashback soudain lorsque mon regard se pose sur un homme, attable et portant un béret à la française, le visage dissimulé derrière un menu.
Je repense à cette silhouette dans les couloirs de l'hôtel, celui qui a tiré sur Matt.
La vieille dame l'avait décrit, il avait la quarantaine d'après elle il me semble.
Et si le rendez-vous avec l'inconnu était en fait notre ange gardien ? Celui qui m'a sauvé ?
Mon cerveau carburant à toute allure, mon regard est perdu dans le vague, et je ne vois pas tout de suite Céleste et Thomas entrer dans la salle pas très remplie.
Mon regard est immédiatement accroché par Céleste. Je ne sais pas si je l'ai déjà vue aussi belle.
Sa longue silhouette mise en valeur par une robe bleu ciel, le même bleu que ses yeux, une fente sur le côté de sa jambe droite, un dos nu et un léger décolleté. Elle porte des boucles d'oreilles et est assez maquillée sans que ça ne dépasse la limite du vulgaire.
Ses cheveux blonds descendent le long de ses courbes et j'ai du mal à détacher mon regard d'elle.
Lorsque je décroche enfin, je constate que Léna aussi les observe entrer, mais son regard est lui attiré par Thomas.
Je grimace, repensant à cet épisode étrange avec James et Thomas pendant mon coma.
Il ne faut pas qu'elle tombe amoureuse du A, surtout pas.
Alejandro et Priya observe les Hunter entrer aussi, et Priya chuchote :
- L'illusion est maintenue, ils ne savent même pas qui nous sommes. Ça les aidera à ne pas se faire repérer et ne pas regarder dans notre direction.
- Ils se dirigent vers l'homme au béret, remarque Alejandro.
Je me concentre de nouveau sur les Hunter, et remarque effectivement qu'après avoir adressé trois mots à l'hôtesse d'accueil, Thomas et Céleste se dirigent vers l'homme au béret.
Je ne quitte pas la scène des yeux, et active l'oreillette pour entendre ce qu'il se dit.
Dans mon champ de vision, Céleste s'approche de l'homme au béret, et puis elle demande :
- Phil ?
L'homme baisse son menu, et son visage apparaît enfin.
Il n'est pas comme je l'imaginais, les rides sont profondes et creusent son visage, il a une longue barbe blanche ainsi qu'une moustache, des yeux noirs, et presque chauve.
Il ressemble plus à un grand père qu'autre chose, alors j'élimine immédiatement l'hypothèse de l'ange gardien.
Céleste et Thomas, imperturbables, observent l'homme en attendant un signe de lui, mais il semble presque... inerte.
Il finit par dire d'une voix très grave et cassée :
- Je vous en prie asseyez-vous.
Si les Hunter sont perturbés, ils n'en montrent rien.
Ils s'installent à table en face de l'homme qui les regarde attentivement, d'une manière très étrange, presque maternelle.
Il pose son menu, et puis Céleste attaque immédiatement :
- Qui êtes-vous ?
L'homme sourit d'un air étrange, et puis il répond :
- Tu ne peux pas savoir quels efforts je fais pour paraître normal.
Je fronce les sourcils, comme Léna, et comme Thomas et Céleste.
- Quoi ? S'enquit Thomas.
- Oh toi Thomas, tu devrais comprendre ce que je veux dire.
- Euh... Vous avez trop bu et vous essayez de faire croire que vous êtes sobres ?
L'homme éclate de rire, et ce son a une très jolie mélodie.
Céleste et Thomas échangent un regard étonné.
Ma copine finit par avouer :
- Votre voix... Elle ne colle pas avec votre visage.
Oh...
J'échange un regard avec Léna.
Donc Céleste a déjà compris quelque chose, mais quoi ?
Elle soupçonne cet homme de modifier son apparence et d'être Estéban probablement, puisque son amorce ressemble fortement à des soupçons.
L'homme sourit, et se tourne vers Thomas.
- Et toi Thomas ?
- Comment ça et moi ?
- Ma voix ne colle pas avec mon visage ?
- Je... Oui je trouve...
Thomas semble si hésitant que j'en suis interpellé.
Que se passe-t-il exactement ?
- Un truc m'échappe, chuchote Léna.
- J'ai l'impression aussi, je dis.
Le comportement de Thomas est anormal, je ne l'ai jamais vraiment vu aussi perturbé.
Céleste semble également étrange, mais pas de la même manière, elle semble plus méfiante qu'autre chose alors que pour Thomas cela s'apparente plus à de l'hésitation.
- C'est normal, finit par dire l'homme.
Et puis sous nos yeux, son visage change.
Pour devenir celui d'un homme bien plus charismatique. La quarantaine, des cheveux blonds virant au châtain, une mâchoire marquée, un nez droit, une expression très joueuse, aussi malicieuse que celle de Thomas.
Et puis... Des yeux d'un bleu très clair. Des lèvres couleurs corail, des tâches de rousseurs presque invisibles avec l'âge.
Céleste recule sous l'effet de la surprise, les yeux écarquillés, elle observe ce nouveau visage.
Les mains de Thomas tremblent de manière presque imperceptible, dans l'ensemble il reste bien plus impassible que ma copine.
Léna fronce les sourcils, semblant en être arrivée à la même conclusion que moi, et puis elle souffle :
- Ce ne peut pas être...
- Qui est-ce ? Demande Alejandro.
- Il leur ressemble ou c'est moi ? Chuchote Priya.
Ni Léna ni moi ne répondons, captivés par la scène qui se déroule sous nos yeux.
Céleste dit à Thomas :
- Ce doit être encore Estéban. Il se transforme pour que son apparence ressemble à... La sienne.
- Non Céleste, coupe l'homme d'une voix cassée, et je comprends désormais d'où elle vient. C'est moi, Finn Hunter. Papa.
- Tu es mort, coupe Thomas.
Finn Hunter éclate de rire, et lance :
- Ben non regarde !
La lueur de folie qui anime son regard me rappelle celle de Thomas, et si j'avais des doutes avant, ils viennent d'être bannis.
Cet homme est forcément le père de Céleste et Thomas.
- C'est difficile à croire peut-être effectivement. Mais c'est bien moi.
Céleste semble perturbée, et c'est compréhensible. Mais comme lorsque je lui ai annoncé la vérité sur moi, elle dit calmement :
- Admettons. Explique-nous.
Thomas l'observe, intrigué, et puis Finn sourit, et explique :
- Bordel, des années que je vous traque pour vous retrouver vous pourriez au moins embrasser votre vieux père !
Thomas et Céleste se regardent, et puis simultanément se mettent à sourire. Je ne comprends pas tout, mais Céleste souffle :
- D'accord c'est vraiment toi... Tu étais comme ça aussi avant que tu ne partes.
- Pourquoi tu es parti d'ailleurs si tu n'es pas mort ? Demande Thomas.
- Pour la même raison que toi fiston.
J'arque un sourcil, attendant des explications.
Et puis Finn dit :
- C'était il y a belle lurette maintenant... Thomas tu avais huit ans, et Céleste toi sept. Je suis parti d'Area de la même manière que vous croyez. Je suis réellement mort.
- Bon, là-dessus ce n'est déjà pas un mensonge.
- Exact. Accident de voiture, et j'ai atterris ici, en Amérique du Nord vu que je suis un A, sans aucun souvenir de ma vie d'avant. Je ne savais même pas que vous existiez, vous et Area. Et puis... Je suis devenu agent pour la CIA, et je le suis encore.
- Comment ça ? Demande Céleste. Tu es agent secret ?
- Exact. Je me suis en quelques sortes engagé pour protéger les US. Ce qui m'a amené à voyager et faire des recherches. J'ai croisé la route de personnes surprenantes, et assisté à certains évènements plutôt troublants.
- C'est-à-dire ? S'enquit Thomas.
- Deux jeunes gens, un peu plus vieux que vous. Un couple, Alejandro Cortès et Priya Keller.
Je me tourne immédiatement vers les deux concernés, sans qu'ils ne sachent pourquoi.
Finn continue :
- J'ai eu ces informations grâce à mon métier évidemment. Mais quand j'ai compris que ce que je cherchais était bien plus important que ce que je croyais, j'ai hésité à en parler à mon boss. Parce que lorsque j'ai assisté aux illusions de Priya, des souvenirs ont commencés à m'apparaître sous la forme de rêves. Et quelques jours plus tard, je t'ai croisé Thomas.
Thomas blêmit.
- Je m'en souviens... Mais je croyais que tu ne m'avais pas reconnu.
- Non tu te trompes. Je t'ai vu une fois de loin, mais toi tu ne m'as pas remarqué. C'est là que je me suis souvenu de tout, et je n'ai pas compris ce que tu faisais là. Ensuite, je me suis renseigné sur ton compte pour te croiser à nouveau. Lorsque nous nous sommes revus, je t'ai collé une puce sur ton tee-shirt, imperceptible et transparente, tu ne pouvais pas la remarquer.
- A quoi ça servait ? Interroge Céleste. Thomas allait un jour où l'autre laver sa veste et la puce était morte.
- Tu n'as pas perdu le Nord gamine, répond Finn en souriant. Cette puce me permettait de savoir où Thomas logeait. Je me suis renseigné sur lui au maximum, et l'ait surveillé de loin, décidant d'être son ange gardien. Mais je n'ai jamais rien dis à mon boss concernant les pouvoirs. J'ai assisté à toute votre arrivée ici, je t'ai vu Céleste grimper dans l'échelle sociale, et devenir actrice. Et j'ai vu Thomas et vos amis tenter de te sauver. J'ai toujours été derrière vous pour vous surveiller. J'ai même libéré votre ami James.
- Quoi ? S'écrie Céleste.
- Il n'a sans doute pas eu le temps de vous le dire... Mais oui. Vous ne vous êtes pas demandés comment il s'était libéré des autorités d'Area ?
- Si bien sûr... Mais on n'a jamais pu le savoir, dit Céleste.
- Eh bien c'était moi... Et plus récemment, j'ai sauvé Clive d'une mort certaine.
- Ah bon ? S'étonne Céleste. Mais... Tu sais qui est Clive ?
- Je me renseigne un minimum sur les plans culs de ma fille, oui, sourit Finn.
Céleste rougit, et moi aussi.
- Matt voulait le tuer c'est ça ? S'enquit Thomas.
- Exact, répond Finn. A l'heure qu'il est il doit être mal en point.
- Et tu nous as surveillé depuis tout ce temps ? Pourquoi ne pas venir plus tôt ? S'enquit Céleste.
- Parce que Tanner m'a écrite une lettre. Il avait vu mon arrivée, m'a écrit que j'interviendrais dans votre vie seulement le 23 mars 2018. Alors je l'ai fait, mais ça a été long croyez-moi.
- Et tu n'es jamais retourné à Area ? Voir maman ? Demande Céleste.
- Ma chérie, tu sembles oublier qu'à Area, personne ne sait que ses habitants finissent sur Terre lorsqu'ils meurent. Ce serait un choc si les gens l'apprenaient, et c'est bien ce que Caleb cherche à éviter.
- Il va falloir qu'ils soient au courant, pour le moment nous sommes les seuls à lutter, lâche Céleste.
Finn l'observe, attentivement.
- Tu n'as pas changé.
- Je ne vois pas pourquoi ce serait le cas.
- C'est vrai. Thomas par contre est devenu encore plus con qu'avant.
Céleste rit, je souris comme Léna, tandis que l'intéressé donne un grand coup de pied à son père.
- Salopard.
- Connard, toi-même, rétorque Finn.
C'est quoi cette famille ?
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