Céleste

Je cours, mes jambes galopent aussi rapidement que mes conditions physiques le permettent.

Je ne suis pas une grande sportive de base, mais je ne suis pas non plus allergique au sport, je peux courir très vite mais pas sur de longues distances.

J'essaye de me repérer dans les rues, je ne connais pas ce quartier et quand Nick m'a partagé sa position mon téléphone m'a menée directement ici.

Il fait nuit noire, je ne vois presque rien, mais pourtant je continue d'accélérer sans regarder derrière moi.

J'essaye d'anticiper, d'aviser mes directions, mais seul la lune réussit à m'éclairer, cela fait longtemps que je n'ai plus croisé un lampadaire.

Mes talons m'empêchent d'avancer, je les retires, et me retrouve pieds nus à courir sur les pavés, alors que la pluie commence à tomber.

Mon premier réflexe est de jeter mes talons, mais je décide d'en garder un, qui peut me servir comme d'arme.

J'entends des pas derrière moi, et je devine que Matt me rattrape alors je continue d'accélérer en sentant mon coeur tambouriner de plus en plus fort.

Mais surtout, je sens que je vais devoir m'arrêter bientôt si je ne veux pas mourir d'une asphyxie.

Je sais que l'objectif principal est d'éloigner Matt des autres, des énergies surnaturelles, pour éviter qu'il s'en serve contre moi.

Quand j'ai vue Clive sur le sol, en sang, a essayé de respirer par tous les moyens, mon premier réflexe a été de me jeter sur lui.

Mais j'ai rapidement compris en voyant l'étendu des dégâts que c'était la dernière chose à faire, et surtout une immense preuve de bêtise de ma part.

Et quand Clive m'a demandée de courir j'ai obéis, certaine que c'était la meilleure solution.

Mais maintenant que j'arrive dans le noir, dans une rue que je connais pas, un fou à mes trousses, je me demande si j'ai fais le bon choix.

Je suis forcée de m'arrêter pour reprendre mon souffle, et mon regard parcours l'allée rapidement, et voyant toute une rangée de voiture s'aligner des deux côtés du trottoir, je saute sur l'occasion.

Je rejoins l'une d'entre elle, et tombe contre la roue en tentant de reprendre mon souffle.

La pluie tombe doucement autour de moi, ma poitrine se soulève à un rythme anormal, et mes joues sont si brûlantes que quand je pose mes mains glacées dessus elles ne suffisent pas à faire baisser la température.

Des pas résonnent alors, comme un écho, et une voix suit :

- Je sais que tu es là Céleste.

Matt.

Je ne bouge pas pétrifiée, et me plaque un peu plus contre la roue pour dissimuler ma silhouette.

La voix se rapproche :

- Ça ne sert à rien de te cacher.

Je peux à peu près dire qu'il se trouve sur ma gauche, alors je tourne la tête à droite, et sers fort mon talon aiguille dans ma main.

Une rangée de voiture s'aligne devant moi, alors je commence à progresser à quatre pattes, lentement et délicatement pour ne pas prendre le moindre risque de me faire entendre et repérée.

- Je te trouverais Céleste, tu devrais abandonner maintenant.

J'arrive à atteindre la voiture suivante, et à me mettre juste derrière le capot, alors qu'au même moment je vois les pieds de Matt se placer exactement à l'endroit où j'étais quelques secondes plus tôt.

Je dégage ma tête juste à temps, tandis que la pluie s'abat sur mon visage.

Je me baisse pour regarder en dessous de la voiture, et peut voir les chaussures de Matt se diriger vers moi.

Je pivote en même temps, et me décale sur ma droit délicatement mais rapidement.

La peur gonfle mon ventre et ma poitrine, une boule m'empêche de respirer normalement, et contrôler mon souffle devient l'étape la plus dure pour moi.

- Céleste je t'entends tu sais. Tu ne pourras pas m'échapper longtemps.

J'essaye de toutes mes forces de ne pas l'écouter et de croire en moi comme je n'ai jamais cru en moi.

Je progresse doucement, et me place cette fois ci derrière la voiture.

N'entendant plus rien, je me baisse pour regarder sous la voiture, et c'est avec surprise que je constate que je ne vois plus les chaussures de Matt.

Mon coeur s'accélère, la boule dans ma gorge prend dix centimètres, et j'ai beau cherché de tous côtés, je ne vois plus les pieds de Matt.

Je comprends immédiatement qu'il est derrière moi, je sens sa présence, alors je presse un peu plus mon talon aiguille dans ma main qui doit être hors de son champ de vision, et je me retourne brusquement.

Matt allait abattre un poignard dans ma poitrine mais mon talon brandit empêche la lame de m'atteindre.

Je l'arrête juste à temps, et le visage de Matt se retrouve penché au dessus du mien, tordu par l'effort.

Je suis sur le sol, sur le dos, les deux mains brandies à essayer de repousser une lame de ma gorge.

Je grogne d'effort, et Matt accentue le geste.

- Arrête de lutter, je t'aurais !

Mais je ne m'arrête pas, je veux me battre.

Il appuie plus fort, et comme je sens perdre l'avantage, je me dégage soudainement sur ma droite, et roule sur le sol laissant la lame du poignard tailler une entaille profonde au creux de ma main.

Je pousse un cri de douleur, mais Matt tombé au sol se relève déjà, brandissant de nouveau son poignard.

Je roule sur la droite et me redresse pour me mettre à courir de plus belle.

Mais Matt derrière moi lance le poignard droit devant lui, celui ci fend l'air, et vient se planter dans ma taille.

Je pousse un cri, et m'effondre sur le sol tandis qu'un tsunami de souffrance m'emporte.

Mais je sais que je n'ai pas le choix et dois faire abstraction de la douleur pour survivre.

M'armant de tout mon courage, j'arrache brusquement le poignard planté dans ma taille, et le recueille entre mes doigts.

Je pousse un gémissement de douleur, et Matt s'approche en éclatant d'un rire mauvais.

- C'est dommage Céleste. Je t'aimais bien.

Je tente de contrôler ma douleur pour faire face, pour organisée ma tête et tracer le chemin que je dois prendre.

Matt s'approche encore, et je dissimule tant que je peux la lame au coin de ma taille.

Mon souffle est saccadé, j'ai toutes les difficultés du monde à respirer, et Matt en a parfaitement conscience.

Il s'approche, et s'agenouille juste derrière moi.

- Tu as simplement fais les mauvais choix. Et comme sur Area, c'est ta gentillesse qui te perdra. Tu n'aurais pas dû t'enticher de Clive.

Il réfléchit un moment tandis que j'essaye de contrôler mes tremblements, et plaque de toutes mes forces ma main gauche contre mon flanc droit pour empêcher le sang de couler.

- Au fond, je crois que ç'a été ça ta pire erreur. Tomber amoureuse de Clive.

Au moment où il s'apprête à me donner le coup de grâce, je me retourne brusquement, et brandit le poignard imbibé de sang sur l'abdomen de Matt.

Il s'enfonce dans son ventre, et le jeune homme pousse un brusque cri de surprise et de souffrance.

Je laisse le poignard appuyé avec une grimace, en faisant abstraction des bruits de la chair frottant contre la lame, et surtout en ne regardant pas la masse de sang qui s'écoule de nos deux plaies.

Matt suffoque, tousse, et crache une mêlée de sang sur le sol, se mélangeant à la pluie fraîchement tombée.

Je retire le poignard de son ventre, et recule en tremblant tandis que Matt plaque ses mains contre son ventre, recroquevillé sur lui même.

Je recule encore en gémissant, et laissant mes mains de toutes mes forces sur mon flanc droit.

Mes jambes trembles de plus belle, je sens mon visage plus pâle qu'il ne l'a jamais été ainsi que la douleur me tenailler, me prendre toute entière pour former une couche de glace indestructible autour de moi.

Je recule, et m'éloigne de Matt le plus possible en essayant de rejoindre l'endroit où étaient les autres.

Je sens mon corps faiblir au fur et à mesure que je progresse sur le sol, le sang coule de plus en plus, mes mains en sont recouvertes entièrement.

La gauche appuie le plus possible sur la plaie, tandis que de la droite j'essaye d'avancer en m'aidant du sol.

La pluie bat l'air de plus en plus fort, de plus en plus vite, comme en écho à mon coeur qui tambourine dans ma poitrine à un point que j'ai peur qu'il ne finisse par en sortir.

Je crois n'avoir jamais eut autant peur dans toute ma vie entière, même au moment de mourir dans la salle du palais Royale d'Area, je sais que je n'étais pas aussi effrayée.

Parce qu'à ce moment là, mon objectif était de prévenir Léna, de l'informer de l'existence de Thomas, parce que je voulais qu'elle le retrouve pour comprendre qui était il réellement.

Là, mon objectif principal est d'échapper à Matt, qui peut se relever à tout moments pour me poignarder.

- Céleste !

Cette voix !

Je relève la tête, remplie d'espoir, et fais abstraction de la quantité de sang répandue sur le sol, formant une traînée délimitant mon passage sur les pavés.

Je crois avoir reconnu James, et je prie pour ne pas me tromper, et que ce ne soit pas mon imagination me jouant des tours.

- Je suis là ! Je crie en rassemblant mes forces.

Des pas se font entendre, des chaussures claques contre les pavés, résonnant avec la pluie.

Je gémis de douleur en tentant de me déplacer, et je fais tout mon possible pour stopper l'hémorragie.

Les pas se rapprochent, alors je continue d'appeler, en espérant m'être assez éloignée de l'endroit où j'ai laissé Matt.

- James !

Les pas se rapprochent, et c'est avec soulagement que je vois la large silhouette de James se déployer devant moi.

Je soupire et tousse en même temps tandis que James s'agenouille devant moi.

- Que s'est il passé ? Demande t'il en me découvrant.

Je me redresse, et m'appuie contre le bout d'une voiture.

- Je me suis battue avec Matt, j'annonce en contrôlant mon souffle et appuyant des deux mains contre ma plaie.

James s'approche, plisse les yeux, et me demande :

- Enlève tes mains pour voir ?

Je grimace, et retire mes mains pour découvrir une ouverture sanglante sur le côté de mon flanc.

- Que s'est il passé la bas ? D'où sort tu ? Je demande.

- Continue d'appuyer avec tes mains, dit il. Quand Mickaël, Téo et Léna sont venus nous chercher avec Thomas j'ai été retenu par des gardes. J'ai mis plus de temps à m'en débarrasser, et les autres devaient absolument secourir Clive. Je viens à peine de réussir à vous rejoindre. J'ai neutralisé Esteban, j'ai dégelé les autres, et je voulais m'occuper de Clive quand il m'a ordonné de te retrouver, et que Mickaël s'occuperait de lui. Où est Matt ?

J'appuie un peu plus fort, m'arrachant un gémissement de douleur, et je réponds :

- J'ai réussi à le blesser, il est par là bas. Mais je ne sais pas si ça va marcher longtemps.

C'est à ce moment là qu'une ombre se dresse derrière James, silencieuse, comme un spectre.

Je comprends immédiatement, et réagis au quart de tour.

De mon bras droit, je donne un grand coup à James qui bascule sur ma droite, et une douleur fulgurante survient, et me fait pousser un tel cri que je suis persuadée que tout Manhattan m'a entendue.

Je tombe, écroulée sur le sol comme un pantin, et j'ose à peine ouvrir les yeux pour constater des dégâts.

Autour de moi, j'entends des cris, et quand je finis par oser ouvrir les paupières, je découvre James et Matt en train de se battre, tous deux à l'aide du feu.

Et moi, mon bras, est traversé par une immense entaille, profonde, et le sang jaillit comme de longs flots par cascade.

Le poignard s'est abattu dessus, et il s'en est fallut de peu que je le perde puisque je l'ai dégagé une seconde plus tôt.

Mais la douleur déchirante me tenaille cette fois ci toute entière et je me retrouve prisonnière d'une bulle sombre,  cette fois ci je vois le monde tourner autour de moi de plus en plus vite.

Ma tête tambourine, le sang coule, et mes yeux peines à rester ouverts.

Mais pourtant, je suis le duel entre James et Matt, parce qu'un pressentiment, le même que celui qui m'a tenaillé le ventre six mois plus tôt menace de faire exploser mes tempes.

Matt brandit une main sur James, en feu, et celui ci se dégage pour appuyer Matt vers le bas.

Celui ci tombe sur le sol, et James se redresse.

Mais Matt balance sa jambe gauche dans les pieds de James, et celui ci s'écroule sur le sol alors que j'entends sa tête claquer contre les pavés.

Matt se redresse, brandit ses deux mains, et des torrents de flammes se jettent sur le D, qui a à peine le temps de baisser la tête pour les éviter.

James se relève avant Matt, et fait pleuvoir des étincelles de flammes sur lui, mais il les évite, en roulant sur sa droite.

Il se relève et se jette cette fois ci sur James qui tombe de nouveau au sol.

S'ensuit un corps à corps si violent que pendant un instant, j'oublie la douleur qui me tenaille le bras.

Matt se retrouve sur James, il le frappe et tente de lui brûler le visage, mais James trouve la bonne solution, et l'endroit stratégique où frapper.

Il appuie sa main pile à l'endroit où j'ai blessé Matt auparavant, et celui ci pousse un hurlement de souffrance tel qu'il tombe sur le dos au sol.

James en profite pour se redresser et reprendre son souffle, mais c'est là que tout bascule.

James s'apprête à se jeter en avant sur Matt pour lui donner le coup de grave.

Mais c'est l'inverse qui se produit.

L'action ne se déroule qu'en tout et pour tout deux secondes.

Mais pourtant, à ce moment là, je vois la scène complète progresser au ralenti.

James se jette sur Matt.

Celui ci saisit de la main droite le poignard laissé tombé, celui ayant servit à me taillader le bras.

Au moment où James tombe sur Matt, il voit la scène arriver sous ses yeux, mais pourtant, même s'il amorce un mouvement pour se dégager, il est incapable de faire quoique ce soit.

Matt brandit son poignard au dessus de lui, droit sur James, et la poitrine de celui ci s'écroule dessus.

La lame traverse en plein le coeur de James, et il a beau faire nuit noire, je vois mili secondes par mili secondes le visage de mon ami blanchir, jusqu'à prendre une couleur si pâle que s'en est terrifiant.

Sa bouche grande ouverte émet un râle qui résonne à mes oreilles comme une sentence, et c'est là que je pousse un tel cri d'horreur que mes oreilles en souffrent elles mêmes.

Matt se dégage de sous le corps de James, et celui ci tombe sur le sol comme une vulgaire poupée de bois, une marionnette.

Sa silhouette s'étend sur le dos, le visage tourné vers le ciel, et je me redresse tant bien que mal, le visage déformé par la terreur pour essayer d'approcher de lui.

J'entends à peine les gémissements de Matt à mes côtés, tout ce que je vois, c'est la poitrine de James que je fixe désespérément en priant le ciel pour qu'elle continue de se soulever.

Mais malheureusement, comme moi il y a six mois, le coeur de James cesse de battre.

Sa poitrine ne se soulève plus, et ne se soulèvera plus jamais.