Lila serra la petite clé noire dans sa main tremblante. Elle était froide comme de la glace, presque vivante, pulsant doucement contre sa peau. Elle tenta de la jeter au sol, mais ses doigts refusaient de s’ouvrir. La clé semblait collée à elle, comme si la maison la retenait.

Les couloirs étaient plus sombres qu’avant. Les murs, autrefois recouverts de boiseries vieillies, semblaient maintenant faits de chair palpitante, pulsant au rythme de son propre cœur. Lila savait que quelque chose l’attendait, quelque chose qu’elle ne pouvait plus fuir.

Guidée par une force qu’elle ne comprenait pas, ses jambes avancèrent seules. Chaque pas la rapprochait d’une porte massive au bout du couloir, ornée de symboles gravés à même le bois. Ces symboles vibraient doucement, émettant un faible bourdonnement qui résonnait dans ses os.

Elle s’arrêta devant la porte, la marque noire sur son bras semblant s’animer, s’étirant jusque dans sa paume pour fusionner avec la clé. Alors, la porte s’ouvrit lentement, dans un craquement sinistre.

L’intérieur était un vaste hall, bien plus grand que ce que la maison semblait pouvoir contenir. Des chandeliers suspendus illuminaient la scène : un autel au centre, entouré de silhouettes indistinctes. Ces êtres n’avaient pas de visages, seulement des ombres mouvantes qui semblaient absorber la lumière.

Au-dessus de l’autel, une autre silhouette était suspendue. Lila sentit son souffle se couper lorsqu’elle réalisa ce qu’elle voyait : c’était elle. Ou plutôt, une version d’elle-même, comme celle qu’elle avait vue dans les miroirs.

La silhouette suspendue ouvrit soudain les yeux, noirs et vides, et un sourire cruel déforma son visage. « Tu es venue au bon endroit, Lila, » murmura-t-elle, sa voix résonnant comme un écho à travers la pièce.

Lila recula, mais les silhouettes autour de l’autel levèrent une main à l’unisson, l’empêchant de fuir. La clé noire dans sa main brûla violemment, forçant son poing à se refermer.

« Que voulez-vous de moi ? » cria-t-elle, désespérée.

La version d’elle-même éclata de rire, un son qui sembla faire vibrer la pièce tout entière. « Ce n’est pas une question de ce que nous voulons. C’est ce que la maison veut. Et elle veut toi. »

L’autel s’illumina, révélant une inscription gravée en son centre. Les mots, anciens et incompréhensibles, se réarrangèrent sous les yeux de Lila pour former une seule phrase :
« Seule la vérité éteindra la faim. »

Lila sentit un poids dans sa poitrine. Elle savait. Elle savait ce que cela signifiait. La maison exigeait ce qu’elle avait toujours refusé de donner : la vérité sur son frère, son propre rôle dans sa mort.

Les silhouettes autour d’elle commencèrent à avancer, leur présence écrasante. La clé noire dans sa main semblait pulser plus rapidement, comme si elle réclamait une décision.

« Dis-le, ou deviens comme nous, » chanta la voix des ombres.

Lila sentit ses jambes céder. Les souvenirs refoulés la submergeaient : le regard terrifié de son frère, son propre cri lorsqu’elle avait tourné les talons, fuyant le danger, le laissant derrière. Elle avait toujours prétendu ne pas avoir eu le choix. Mais était-ce vrai ?

Le poids de ses mensonges l’écrasait. La clé noire brûla une dernière fois, et Lila prit sa décision.

Elle ouvrit la bouche et prononça enfin les mots qu’elle n’avait jamais osé dire :

« C’est ma faute. »

Le hall entier sembla retenir son souffle. Les ombres s’arrêtèrent, figées. La lumière des chandeliers vacilla. Et puis, l’autel se fendit en deux, un cri inhumain déchirant l’air.

Lila sentit une force invisible l’arracher du sol, son corps projeté en arrière. Tout devint noir.

---