Lila se réveilla dans un sursaut, haletante, mais cette fois-ci, il n’y avait pas de lumière douce qui filtrait à travers des rideaux. Il n’y avait que le noir. Un noir profond, étouffant, comme une mer sans fond dans laquelle elle se noyait lentement. Elle se leva, ses jambes tremblantes, se sentant toujours aussi distante d'elle-même, comme si la partie de son âme qui l’avait rendue vivante était désormais loin, quelque part au fond de cet abîme.

Elle regarda autour d’elle. La pièce était vide. Vide, mais oppressante. Les murs étaient froids, et l’air, lourd comme du plomb, ne bougeait pas. Rien ne bougeait. Pas de souffle, pas de bruit, juste l’écho de ses propres pensées. La maison... Elle en était là, à nouveau. Mais cette fois, il n'y avait pas de porte à franchir, pas de rue à parcourir. Elle était à l’intérieur de ce vide, coincée dans l’espace sans fin que la maison avait transformé autour d’elle.

Une pensée émergea. Elle ne pouvait plus faire marche arrière. Peu importe combien elle voulait fuir, elle était liée à ce lieu. À cette maison. Mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle avait fait pour en arriver là ? Quel choix avait-elle fait ? Le vide dans ses yeux ne l’avait pas trompée : la maison, ce n’était pas qu'un endroit. Elle était en elle, elle faisait partie d’elle. Elle en était prisonnière, comme une partie de son propre corps qu’on ne pouvait plus dissocier.

Soudain, une silhouette se dessina dans le coin de la pièce, une ombre qui grandissait, s’élargissant et se contractant à la fois. Un mouvement fluide et mystérieux, comme si la forme était faite de brume. Lila sentit une pression sur sa poitrine, un poids qui l’écrasait. Elle essaya de reculer, mais ses pieds semblaient ancrés au sol.

« Tu pensais vraiment pouvoir t’échapper ? » la voix résonna dans l’obscurité, familière et pourtant déformée, comme si elle venait de partout à la fois.

Lila se tourna lentement, la douleur qui la traversait à chaque mouvement. « Où est-il ? » demanda-t-elle faiblement. « Où est mon frère ? »

« Ton frère… » La voix éclata dans la pièce, un rire froid et sans joie. « Il est là, tout comme toi. Tout comme tous ceux qui sont venus ici. Tous ceux qui ont cru qu’ils pouvaient fuir. »

Lila s’agenouilla, le sol glacé sous elle. Elle ferma les yeux, tentant de se ressaisir. Mais la vérité s'imposait à elle comme une cloche de fer. Le frère qu’elle avait connu, le sourire qu’il arborait, l’avait-elle rêvé ? Ou avait-elle été, dès le début, une illusion dans ce labyrinthe ? Elle n’avait plus de réponses. Elle avait seulement l’écho de la maison, qui la hantait sans fin.

« Mais… pourquoi ? » murmura-t-elle, sa voix étranglée par la peur. « Pourquoi moi ? »

« Parce que tu as cherché. Parce que tu voulais savoir. Et maintenant, la maison t’a choisie. » La silhouette se rapprocha, une ombre mouvante, changeante, qui semblait se nourrir de son angoisse. « Elle t’a marquée. Le prix de la vérité, Lila, est toujours plus lourd qu’on ne l’imagine. »

Elle sentit une chaleur contre sa peau, comme si le sol sous elle devenait incandescent. Elle se redressa lentement, les yeux écarquillés, à la recherche d'une issue. Mais il n’y avait plus d’issue. Tout était devenu une seule et même chose, une seule entité. La maison. Elle la portait maintenant en elle, à l'intérieur, partout. Elle était l’écho des murs, l’ombre des fenêtres.

La silhouette disparut aussi soudainement qu’elle était apparue, laissant un vide encore plus grand, plus oppressant. Lila se retrouva seule, mais elle savait, au fond d’elle, qu’elle n’était pas réellement seule. La maison était là, dans chaque fibre de son être.

Elle ferma les yeux. Si elle devait accepter cette vérité, elle devrait l’affronter. Il n’y avait plus d’échappatoire. Seulement un destin qui l’attendait dans la pénombre, une porte qu’elle ne pourrait jamais franchir. Le bruit d'une porte qui claque au loin lui rappela que tout était maintenant fermé pour elle. Pour toujours.

Le temps semblait s'étirer, suspendu dans cette maison infinie. Lila soupira. Mais au fond, une part d’elle savait que la maison n’avait pas fini de lui révéler ses secrets. Et elle serait là, à chaque détour, à chaque respiration.