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5. Je suis une légende (II)



Il fallut un bon moment à Eivor pour réussir à convaincre Jere – c'est ainsi que s'appelait le fermier – et sa famille de se relever et se comporter un peu plus normalement vis-à-vis d'elle. Quoique sur ce dernier point, il restait encore beaucoup de progrès à faire.

- Explique-toi, ordonna-t-elle au maître de maison. Comment se fait-il que tu saches qui je suis ?

- Heu... C'est que... vous êtes... eh bien... ça a toujours été comme ça, d'aussi loin que j'me souvienne, répondit le pauvre homme. On prie Eiv... Enfin... on vous prie, vous, pour qu'vous détourniez l'regard de nous. Pour éviter d'attirer l'malheur et la ruine sur sa maison par exemple. Ou sinon, pour maudire quelqu'un, pour lui apporter la malchance.

Magnifique, songea la créature avec un rictus méprisant.

Installée en bout de table, à la place d'honneur, l'écailleuse tapotait le bois du meuble du bout de ses griffes, agacée par la nervosité persistante de ses hôtes : Jere, assis à sa droite, ne cessait de bafouiller en tripotant fébrilement le devant de sa tunique ; Oda, sa femme, s'obstinait à effectuer des allers-retours entre la table et ses fourneaux ; quant aux enfants du couple – Stig, Oli et Kirsi –, ils s'étaient réfugiés tous trois sur les marches de l'escalier, à travers les barreaux duquel ils l'étudiaient sous toutes les coutures.

Eivor lança un sourire à Kirsi, dans l'espoir d'au moins parvenir à amadouer la petite dernière de la famille. L'échec fut cuisant. Les lèvres de la gamine se mirent à trembloter et elle commença à hoqueter. Elle ne pleura pas, non ! Mais n'en n'était visiblement pas loin.

Je vois d'ici la scène : finis ton gruau fillette ! Ou Eivor l'Ecailleuse viendra pour t'emporter et te passer à la broche !

Non que le tendron, avec ses rondeurs enfantines moelleuses à souhait, ne puisse constituer un met de choix pour un carnivore ! Cela étant dit, Eivor évitait tout de même de manger des êtres vivants à partir d'un certain degré d'intelligence. A chacun son éthique.

- Pardonnez-la s'il vous plait ! Kirsi ne se rend pas compte... elle vient à peine de quitter les langes, s'empressa de la supplier la mère de l'enfant en posant, d'un geste peu assuré, un gobelet d'alcool de fruits devant elle.

Elle manqua d'ailleurs d'en renverser le contenu sur Eivor.

Oh ! J'abandonne ! s'exclama mentalement la créature, non sans lancer un nouveau regard irrité à Oda qui sembla se ratatiner sur place. Jamais je n'obtiendrai d'eux un comportement normal.

Mais qu'avait-il bien pu se passer pour qu'elle se retrouve ainsi transformée en cette espèce de... de terreur légendaire ?

Qu'est-ce qui leur est passé par la tête ?

Et à combien de temps remontait son dernier séjour ? Eivor n'était pas sûre que Jere puisse la renseigner à ce sujet. Il était fermier après tout, et non historien !

- Bon ! s'écria-t-elle en abattant le plat de sa main sur la table, ce qui eut pour principal effet de faire sursauter ses hôtes à l'unisson.

Elle décida de les ignorer.

- Reprenons depuis le début : Où sommes-nous ?

- Vous voulez dire... ?

- Je veux dire : ici. Où sommes-nous ICI ?! s'énerva d'abord Eivor devant les hésitations de Jere, avant de lâcher un long soupir.

Reste calme. Sois plus douce. Si tu les effrayes trop, tu n'obtiendras plus rien d'eux, lui souffla une voix dissidente chez les Anciens.

Joignant ses mains devant elle, la créature reptilienne adressa au paysan un sourire qui se voulait plus apaisant et encourageant. Difficile cependant de savoir si, avec ses deux rangées de dents pointues, elle obtint réellement le résultat escompté. Jere ne semblait pas plus rassuré que cela.

- J'entends par là que, visiblement, Andomaniveld a beaucoup changé depuis que j'en suis partie. Et j'aimerais savoir où exactement, sur le continent, je me trouve actuellement.

- Ah oui ! Dans l'sud du Védeveld, à quelques jours au nord d'Hanka. Pas loin à l'ouest du village de Loen.

- Excellent. Excellent... Et où se situe le Védeveld exactement ? demanda Eivor en supposant à juste titre qu'il s'agissait d'un pays.

Ses hôtes écarquillèrent les yeux.

- Heu... Ben... Tout au sud d'Andomaniveld, répondit Jere comme s'il énonçait une évidence qu'il ne comprenait qu'Eivor puisse ignorer. L'est frontalier avec l'Eldemid...

Védeveld, Eldemid... Pas très originaux comme noms.

- Et encore plus au nord, y s'trouve le royaume d'Eykiveld.

Eykiveld ? Ah, ce nom-ci est assez poétique.

- Hmmm ! J'aurais besoin de plus d'informations... Mais on ne doit sûrement plus trouver de gardiens de la mémoire de nos jours !

Il n'y avait qu'à voir l'objet de superstition et d'épouvante qu'elle était devenue !

- Par les Dragons, bien sûr que si ! se récria presque aussitôt Oda. Il y en a même un à Loen !

Le regard d'Eivor s'étrécit en deux fentes meurtrières comme elle tiquait sur ce qu'elle venait d'entendre, peu certaine de goûter beaucoup la découverte qu'elle s'apprêtait à faire.

- Par les Dragons ? Pourquoi en appelles-tu à eux ? questionna-t-elle la femme de Jere avec un soupçon de hargne.

- Eh bien..., se mit bredouiller Oda. Parce que... ce sont les Dragons ! Parce qu'ils sont divins ! Et qu'ils nous protègent !

L'écailleuse en resta interdite. Avait-elle réellement entendu ce qu'elle venait d'entendre ?

Quoi ?! Diantre ! Je dois halluciner, ce n'est pas possible ! Quand sont-ils devenus des dieux ?

Elle demeura un long moment silencieuse, avant d'émettre un petit ricanement. Un ricanement dégoulinant de méchanceté.

- Puissante... Eivor ? s'enquit Jere, une expression incertaine sur le visage tandis que la créature laissait libre court à son hilarité.

- AH AH AH AH ! C'est la meilleure !

Eivor rafla le gobelet posé devant elle, qu'elle vida d'une traite. L'alcool de fruits lui réchauffa immédiatement les entrailles.

Me voilà croquemitaine tandis que ces enflures ailées ont acquis le statut de divinités ! Qui plus est bienveillantes ! C'est parfait... vraiment parfait !

- Je passerai donc par Loen, décida-t-elle une fois calmée. Mais maintenant que j'y pense... il me faudrait aussi une monture. Jere, as-tu un arten ?

Dotés par la nature de trois paires de pattes, les artens étaient à la fois grands, robustes et surtout très rapides. Leurs nombreuses qualités en faisaient des montures de voyage idéales, mais ils pouvaient tout aussi bien être employés comme bêtes de somme ou montures de guerre, leur tête étant ornée de trois redoutables cornes.

- Oui...

- Dans ce cas, prête-le moi, exigea aussitôt Eivor sans se soucier des états d'âme de son hôte.

Les traits duquel accusèrent d'ailleurs un profond désarroi.

- C'est que... Je n'ai que cet animal... Sans lui comment ferai-je pour moissonner mon champ cet été ?

La détresse du pauvre Jere ne la toucha que peu. Bien sûr, Eivor le comprenait... Mais ses priorités n'étaient-elles pas sans commune mesure avec celles du fermier ? Sa mission était de la plus haute importance et elle était pressée. En conséquence, les moyens employés pour atteindre son but lui importaient peu.

- Les moissons à venir sont bien le cadet de mes soucis. Et si tu avais connaissance de ce que je sais, elles le seraient aussi pour toi. J'ai besoin d'une monture et tu vas me la fournir.

- Pitié... Ayez pitié ! protesta de plus belle Jere en s'agenouillant devant elle avec un geste de supplique.

Oh non ! Pas encore !

L'écailleuse resta quelques minutes à étudier le fermier en silence, hésitant sur la conduite à tenir.

Dois-je abuser de l'ascendant que j'ai visiblement sur cet homme ? Ou est-ce une limite que je ne dois pas franchir ? Il me faut absolument aller plus vite et il serait pratique de lui imposer mon autorité, mais... Le puis-je vraiment ?

Les voix des Anciens, presque unanimes, se rappelèrent à elle en rugissant.

Oui, oui ! lui intimèrent-elles avec une douloureuse intensité. Les Souverains ordonnent et les inférieurs obéissent ! Oui ! Réclame ton dû ! Prends ce qui est tien !

- Rah ! pesta Eivor en découvrant ses dents. Suffit !

D'un geste brusque elle attrapa Jere par le bras et le remit sans ménagement sur ses deux jambes.

- Fort bien ! Je te laisse ta bête..., gronda-t-elle en rivant dans les yeux du paysan un regard si dur qu'il en resta pétrifié. Mais la prochaine fois que tu voudras conjurer le mauvais sort... ou la prochaine fois qu'il te prendra l'envie de m'invoquer pour attirer la ruine sur l'un de tes semblables ! Quand ce moment arrivera, rappelle-toi la mansuétude dont j'ai fait preuve envers les tiens et abstiens-toi. Désormais je serai, pour toi et ta famille, Eivor la Charitable ! M'entends-tu ?

Incapable de prononcer le moindre mot, le fermier déglutit en opinant du chef et elle le relâcha. Puis tournant les talons, sans plus un regard à leur adresse, ainsi Eivor l'Ecailleuse disparut-elle de la vie de Jere et sa famille : aussi soudainement qu'elle y était entrée.


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