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15 - La garce

Gregory bascula Mycroft sur le canapé, ses lèvres toujours scellées aux siennes. Sa main vint s'égarer sur son bas ventre, taquinant cruellement la boucle de la ceinture.

Mycroft gémit de plaisir anticipé et passa sa main dans les cheveux poivres et sel qui ne demandaient qu'à être ébouriffés.

La boucle abdiqua enfin, permettant aux doigts baladeurs du policier de continuer leur enquête, persuadés de trouver un indice de taille.

Leurs lèvres se détachèrent enfin. Mais ils ne laissèrent entre eux que l'espace d'un soupir, prêt à saisir le moindre prétexte pour se rejoindre à nouveaux.

Mycroft ouvrit la bouche pour dire quelque chose. Il ne savait pas encore quoi, une excuse, une demande, une déclaration ?

À cet instant, un portable sonna.

Gregory tiqua. Cette sonnerie était associée à une personne en particulier.

-Oh, non, grogna Mycroft, ne pense même pas à...

Mais, sans l'écouter, les bras du policier l'abandonnèrent tandis que Gregory se levait pour aller fouiller dans les poches de sa veste, échouée quelque part entre l'entrée et le canapé.

Mycroft revint à l'assaut, sautant presque sur le dos de l'inspecteur accroupit.

-Gregory ! Lâche ce téléphone !

Sans l'écouter, l'autre se saisit de l'appareil, qui avait enfin cessé de crier, et appuya sur la touche répondre. Mycroft n'avait jamais été aussi frustré de sa vie.

Ce qui ne s'arrangea pas du tout lorsqu'il entendit le nom de l'interlocuteur de son amant...

-Allô ? Lança Gregory. Gemma ? Qu'est-ce qui se passe ?

Une lueur passa dans les yeux de Mycroft. Une lueur de très mauvaise augure. Qu'est-ce qu'elle venait foutre ici, celle-là ? Il résista héroïquement à l'envie d'arracher le portable des mains du policier pour le balancer quelque part. Le portable, pas le policier. Quoique, s'il s'agissait du lit...

Il se concentra du mieux qu'il put pour comprendre les babillements de la femme, de l'autre côté du fils. En vain, hélas.

-Quoi !? Hurla presque Gregory. Ne bouge pas ! Reste ou tu es, s'il te plaît, j'arrive !

Il raccrocha.

-Comment ça, tu arrives ? Reprit Mycroft d'une voix menaçante.

L'inspecteur lui envoya un sourire contrit.

-Je suis désolé Mycroft, mais son Pierrot l'a quitté, et elle semble sur le point de faire une bêtise.

Mouais. Mycroft avait de sérieux doute sur la question.

Il soupira.

-Je t'emmène.

-Quoi ? Non, tu n'es pas obligé de...

-Qui a parlé d'être obligé de quoi que ce soit ? Et puis, si tu crois que je vais te laisser t'en tirer aussi facilement après ça...

Une rougeur des plus sexy -de l'avis totalement objectif de Mycroft- vint colorer les joues du policier, qui attrapa sa veste, reboutonna sa chemise, et franchit la porte d'entrée, le gouvernement britannique directement derrière ses fesses. Peut-être même légèrement trop près, mais Gregory ne s'en formalisa pas.

*

Ils retrouvèrent Gemma en pleurs, assise au bord d'un pont, à peine vêtue malgré la neige.

Fausses larmes, jugea aussitôt Mycroft. Mais il se doutait que Gregory n'y croirait pas.

De toute façon, le policier était déjà sortit de la voiture pour s'agenouiller devant la femme, qui referma aussitôt ses bras autour de son cou.

Mycroft étouffa une pulsion meurtrière et sortit immédiatement de la voiture. Sans cesser de lâcher des sanglots aussi gros que faux, la femme qui avait glissé sa tête dans l'épaule de son Gregory releva les yeux pour le défier du regard. Leur échange ne dura qu'un instant. Mycroft resserra sa prise autour de son parapluie.

Gregory, inconscient d'être l'enjeu d'une lutte silencieuse mais mal à l'aise dans les bras de son ex-femme, la détacha doucement de lui, faisant redoubler ses pleurs.

Il lâcha un soupir résigné.

-Je te ramène à la maison.

Mycroft faillis s'étrangler. Il était tout simplement HORS DE QUESTION qu'il laisse Gregory seul, chez lui, avec cette espèce de petite intrigante !

-Désolé, Gregory, mais tu vas devoir rester chez moi. Je n'ai pas eu le temps de te prévenir que le tueur d'Abney Park avait un complice, et qu'il était plutôt mécontent que son comparse se soit fait arrêter.

Ce qui n'était pas entièrement faux. Le meurtrier avait bien un complice. Mais il n'en avait certainement rien à faire de Lestrade, trop occupé à sauver sa peau. Mais pour garder Gregory près de lui, il était prêt à bien pire...

-Tu en es sûr ? Il risque de s'en prendre à moi ?

-Absolument.

La femme lui jeta un regard. Bien joué.

Tu n'as encore rien vu, répondit-il silencieusement.

Elle sourit. Regarde et apprends.

Une énorme larme roula sur sa joue.

-Greg, sanglota-t-elle, je sais que je n'ai pas le droit de te demander ça, après toutes les horribles choses que je t'ai faites, mais... mais...

La garce, songea Mycroft. Bien sûr que Gregory n'allait pas ignorer une personne en détresse.

Le policier lui lança un regard suppliant.

-D'accord, soupira l'aînée des Holmes. Elle n'a qu'à venir chez moi, elle aussi. Après tout, grinça t-il, c'est de loin l'endroit le plus sécurisé...

Gregory lui adressa un regard de remerciement et souleva son ex-femme qui, apparemment, était beaucoup trop faible pour se servir de ses jambes.

Le trajet se déroula dans un silence glacial, Gregory étant apparemment trop préoccupé par la femme qui s'était « endormi » sur son épaule. Et si Mycroft mettait dans sa tête des guillemets, c'est parce qu'il avait plusieurs fois vu celle qu'il appelait désormais intérieurement « la garce » sourire dans son « sommeil ».

Une fois arrivé, Gregory souleva la garce dans ses bras avec une douceur qui arracha le cœur de Mycroft, et la transporta à l'intérieur, jusqu'à sa chambre.

Le sofa lui irait très bien pourtant. Ou même le tapis. Voire la niche du chien. Certes, je n'ai pas de chien... mais ça peut s'arranger...

Une alarme sonna. Gregory prit son portable, un air las sur le visage.

-Putain ! Avec toutes ces conneries, j'ai fait une nuit blanche... et c'est déjà l'heure d'aller au boulot.

Mycroft haussa un sourcil, espérant que la catégorie « conneries » ne comprenait pas toutes les activités se situant avant l'appel de la garce.

-Mycroft, reprit-il, je suis sincèrement désolé pour cette intrusion...

-Ça va, ça va, grogna Mycroft qui, de toute façon, ne pouvait rien refuser à un policier aux yeux aussi beaux que lui.

-Ne l'assassine pas dans son sommeil, s'il te plaît, sourit ledit policier en s'approchant de son amant.

Il prit sa tête entre ses mains et déposa un baiser léger sur ses lèvres, déclenchant chez l'autre quelques minuscules crises cardiaques. J'essayerai de rentrer à midi, murmura-t-il en se séparant. Pour préparer le repas. Je ne voudrais pas que vous mouriez tous les deux dans un incendie !

Malgré la tentative d'humour, Mycroft se renfrogna. Il avait oublié, durant une seconde, la présence de la garce dans sa maison.

Il regarda Gregory partir la mort dans l'âme, bien trop conscient du temps qu'ils leur avaient fallu pour se retrouver la dernière fois qu'ils s'étaient séparés.

À peine la porte fut-elle fermée qu'il entendit un bruit de pas dans son dos.

Ben voyons. Elle s'est vite remit de son évanouissement, on dirait.

Plus glacial que jamais, il se retourna pour faire face à la garce qui souriait de toutes ses dents en fouillant dans le minibar. Elle finit par se saisir d'un sherry très coûteux, et s'en servit une bonne rasade.

-Je ne sais pas ce que vous êtes en train de faire... commença Mycroft.

-Oh, pitié, répondit la femme d'un ton dramatique en se laissant tomber dans un fauteuil. Vous savez parfaitement ce que je suis en train de faire.

-Certes, convint le politicien en s'asseyant en face d'elle, le buste droit, les mains posées sur le manche de son parapluie, planté entre ses jambes. Je voulais simplement vous laissez une chance de vous rétracter.

-Me rétracter ? Répéta la femme avant de partir dans un rire. Vous êtes mignon. Parce que vous croyez réellement que vous avez une chance ? Vous ? Vous vous êtes regardé ? La belle et la bête, ce n'est qu'un conte, vous savez.

Mycroft se rembrunit. C'est vrai que Gregory était beau. Incroyablement beau. Et sexy. À se damner. Alors que lui...

Et elle, elle était belle. Avec toute la mauvaise foi du monde, il devait quand même le reconnaître.

-Je suis son premier amour, continua la garce en pesant soigneusement ses mots. Il ne lui a pas fallu plus de deux mois pour me demander en mariage.

-Vous lui avez envoyé un mot d'insulte.

-En effet. Un mot que vous m'avez demandé de rédiger. Donc, à votre place, je ne ramènerais pas aussi facilement le sujet sur le tapis...

Un point pour la garce. Ça commençait à faire beaucoup.

-Greg n'a jamais pu m'oubliez, continua-t-elle d'un air innocent, mais parfaitement conscient de l'effet de ses paroles sur son interlocuteur. Quoi que je fasse, il m'est toujours revenu. Les autres ne sont que des consolations. Vous n'étiez qu'une consolation.

Elle sourit avant d'assener le coup fatal.

-Quand je l'ai appelé, il est venu aussitôt. Il était avec vous avant, n'est-ce pas ? Votre visage respire la frustration. Pourtant, il est venu vers moi.

Et, sur ses mots, elle prit la bouteille de sherry et se retira dans la chambre, laissant Mycroft à ses doutes et ses peurs.

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