12 - Pansements
Une odeur de brûlé vint lui chatouiller les narines.
Lestrade s'éveilla aussitôt, conditionné par des années de formations, et sauta du lit.
L'odeur venait d'en bas. Sans prendre le temps de mettre quelque chose sur son torse nu, il dégringola les escaliers, et se précipita vers la source du sinistre, dans la cuisine...
Où Mycroft fixait d'un air furieux les deux petits tas de cendres qui avaient dû être des pancakes, dans une autre vie.
-Oh.
Ce fut tout ce que Gregory trouva à dire avant d'exploser de rire. Mycroft voulu le fusiller du regard, mais le voir rire réchauffait son cœur d'une si étrange façon que ses yeux se chargèrent de tendresse.
-Vous ... avez voulu faire... le petit-déjeuner ? Repris Gregory entre deux hoquets.
-Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle là-dedans, grogna l'autre en faisant disparaître les vestiges de la catastrophe.
Gregory s'approcha de lui en souriant. Mycroft déglutit lorsque son regard passa sur le torse nu avant de remonter résolument jusqu'au visage. Il s'était réveillé quelques heures plus tôt, dans les bras du policier. Doucement, s'amusant de son sommeil aussi lourd, il l'avait porté jusqu'au lit, installé, bordé, et observé une bonne heure encore, ignorant superbement la petite voix au fond de son esprit qui lui disait qu'il agissait comme un psychopathe. Puis il avait voulu faire quelque chose pour lui, comme, par exemple, le petit-déjeuner...
Lestrade se glissa dans son dos, et posa ses mains sur ses épaules. Mycroft se raidit malgré lui, et le policier les retira aussitôt. Une pointe de tristesse perça le cœur du politicien.
-Vous avez de quoi nettoyer ça ? Demanda Gregory sans se démonter.
-Aucune idée. Ce n'est pas moi qui fais le ménage, ici.
-Je m'en doute, railla son interlocuteur en ouvrant un placard.
Vide, bien sûr. De placards en placards, il finit par tomber sur un battant verrouillé.
Haussant les épaules, il tourna le verrou, appuya sur la poignée, tira la porte à lui, tomba nez-à-nez avec le premier ministre, referma la porte, remis le verrou.
Il cligna des yeux un instant, éberlué, puis refit une tentative.
Le ministre, mal rasé, amaigris, lui fit un petit signe de la main, le visage anxieux. La mâchoire de Lestrade se décrocha, tandis que ses sourcils entamaient leur ascension.
-Ne faites pas de bruit, chuchota l'homme en jetant un regard apeuré sur le côté. Il pourrait nous entendre.
Gregory hocha la tête par automatisme avant de se reprendre et hurler à travers le couloir.
-MYCROFT ! EST-CE QUE TU PEUX M'EXPLIQUER CE QUE LE PREMIER MINISTRE FAIT DANS TON PLACARD ?
-Mmm ? Fit l'aînée des Holmes en le rejoignant. Oh, vous êtes encore là, vous ?
Le ministre eut un mouvement de recul involontaire.
-Qu'est-ce que je vais faire de vous ? soupira Mycroft. Peut-être qu'un séjour à Israël vous rafraîchirait les idées ? Comme envoyé spécial du gouvernement britannique, pour négocier avec les rebels. Sans escorte.
-Il plaisante, il plaisante, repris précipitamment le policier en tapotant l'épaule du ministre blême. Vous allez gentiment rentrer chez vous, et ne ferez de mal à personne. N'est-ce pas ?
L'homme hocha frénétiquement la tête.
-N'est-ce pas ? Appuya Gregory à l'attention de Mycroft.
Ce dernier soupira en levant les yeux au ciel.
-Comme tu veux. Je suis certain que notre cher ministre a retenu la leçon.
N'en croyant pas sa chance, l'homme prit à peine le temps de les saluer, et fila ventre à terre. Qu'il coure, songea Mycroft en cachant son sourire. Anthea l'attendait chez lui. On ne touchait pas impunément aux affaires de Mycroft Holmes.
-Laissez-moi m'occuper de ça, déclara le policier, qui -à sa grande surprise- commençait à s'habituer au quotidien d'un Holmes, en prenant la poêle que l'autre tenait toujours à la main.
*
L'odeur des pancakes chauds flottaient dans toute la maison.
Mycroft était dans la salle de bain.
Il entretenait un dialogue silencieux avec ce visage qui l'observait depuis le miroir.
Qu'allait-il se passer, maintenant ? Il pouvait faire sembler d'être léger, détaché. Mais la question lui tordait le ventre. Qu'allait-il se passer ?
Pourquoi n'avait-t-il pas laissé Gregory le toucher, tout à l'heure ? C'était un mouvement de recul purement instinctif, une peur diffuse dont il n'arrivait pas à se débarrasser. Gregory avait vu les cicatrices. Gregory savait.
L'objet de ses pensées se matérialisa soudain derrière lui, le faisant sursauter.
Il tendit une main vers l'épaule de Mycroft, qui se raidit aussitôt. Pourquoi, pourquoi ? Il voulait que Gregory le touche, pourtant... Pourtant...
L'autre n'insista pas.
Ne m'abandonne pas, hurla silencieusement Mycroft. Je sais que je n'ai pas le droit de te demander ça. Je n'ai rien pour te retenir. Mais ne pars pas.
-Je me souviens, déclara Gregory d'un ton détaché, que tu m'as dit une qu'il y avait de quoi déclencher une guerre dans les tiroirs de ta salle de bain.
Avant que Mycroft n'ait put l'empêcher, il avait ouvert le tiroir. Le bon, comme par hasard. L'éclat métallique qui s'en dégagea l'hypnotisa un instant.
-Eh bien... souffla le policier en laissant son regard glisser sur les lames soigneusement alignées . Au moins, vous êtes équipé.
Il referma le tiroir d'un coup sec. Le bruit fit sursauter Mycroft. Dieu du ciel, quand était-il devenu aussi craintif ?
-Je ne sais pas pourquoi... commença-t-il.
Gregory l'interrompit.
-Moi, je sais. Assieds-toi.
Un peu perdu, Mycroft obéis, et posa ses fesses sur le bord de la baignoir. Lestrade fouilla les tiroirs jusqu'à trouver ce qu'il cherchait.
-Relève tes manches, demanda-il avec le plus de douceur possible.
Mycroft sentit la panique monter, gonfler, comme un ballon sur le point d'exploser. Pourquoi ? Pourquoi voulait-il revoir... ça ? Il voulait se moquer ? Il voulait le détruire ? Il voulait...
Non.
Sa raison étouffa dans l'œuf ce souffle grandissant. S'il devait croire en quelqu'un, autant que ce soit lui. Il se demanda si le policier avait conscience qu'il pourrait définitivement le détruire, là, maintenant, d'un mot ou d'un regard. Le cœur à vif, il n'avait jamais été aussi vulnérable de toute son existence. Il avait levé toutes les barrières. C'était la plus grande preuve d'amour qu'il ne pourrait jamais donner.
La main tremblante, il releva une manche, puis l'autre, et posa ses bas sur ses genoux, paumes vers le ciel.
Gregory s'agenouilla pour être à sa hauteur.
-Avant que tu ne puisses continuer de vivre, Mycroft, avant que tu ne puisses permettre que je te touche, il faut s'occuper ça. Enlever le sang. Enlever la douleur. Nettoyer les plaies. Ne laisse pas les cicatrices te dévorer, Mycroft. Ne les laisse pas ta douleur te défigurer. Tu es plus fort que ça.
-Je ne suis pas fort.
-Dit l'homme qui dirige l'Angleterre, terrorise les criminels comme les ministres et m'a sauvé à lui tout seul d'un kidnapping.
-Ce n'est pas vraiment la même chose.
-Peut-être. Mais c'est une chose dont toi seul est capable.
Il commença doucement à nettoyer les plaies. Et, se dit Mycroft en esquissant un sourire, il ne s'agissait pas que de son bras.
*
Ses bras étaient blancs sous les pansements. La douleur, auparavant omniprésente, était atténuée, presque inexistante.
Une odeur de brûlé leur parvint.
-Je crois que tu as laissé trop cuir les pancakes, déclara Mycroft, amusé.
-Oups.
Mais le policier n'avait pas l'air désolé du tout.
-Et si nous reprenions où nous en étions ?
Il tendit une main, effrayé à l'idée que Mycroft s'écarte à nouveau. Mais ses doigts s'emmêlèrent dans les cheveux du politicien.
Mycroft sourit.
Et Gregory l'embrassa.
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