La fin du monde - Gardaya, Gaspard, Hoyata (4)
Hoyata venait de faire un rêve étrange. Le Grand Bientôt avait décidé de l'envoyer sur la terre ferme, seule, pour parler avec des étrangers sur l'avenir du pays. Quel imagination débordante...
Elle sentit une main sur son épaule et ouvrit lentement les yeux. Elle tomba nez à nez avec les deux énergumènes qui l'avaient rattrapée sur la plage. La gouvernante de la cité Bleue se retint de crier et serra son trident contre elle. Comment était-il encore dans sa main ? Elle n'en avait aucune idée mais la présence de son arme la réconfortait énormément.
Elle jeta un coup d'œil aux environs et remarqua qu'ils n'étaient plus sur la plage. De grands arbres s'étendaient tout autour d'elle. Elle comprit qu'il s'agissait d'une forêt, la troupe d'élite lui avait déjà rapporté des photos de différentes zones à la surface et elle en déduisit qu'il devait s'agir d'une forêt tropicale par le nombre de petits crustacés de terre qui grouillaient un peu partout autour du petit groupe. Sans parler de la chaleur ambiante mais humide. Hoyata pouvait sentir ses poumons enflés apprécier ces quelques microgouttes qui se tenaient là parmi l'air ambiant.
Étant assise sur le sol, appuyée contre un arbre, elle n'essaya même pas de se mettre debout. Elle savait qu'elle ne tiendrait pas plus de quelques secondes sur ses... jambes. Elle ne pouvait que ressentir du dégoût envers ses nouveaux membres fragiles alors que sa superbe queue de poisson pouvait lui faire traverser plusieurs mètres en un battement de cil, ou de nageoire.
Cette pensée la fit sourire mais lui pinça aussi le cœur. Elle allait devoir se débrouiller dans ce monde qui lui était presque inconnu. Elle regarda un instant les deux humains qui se tenaient devant elle. La femelle était probablement une personne haut placée puisqu'elle tenait une sorte de trident terrestre qu'ils appelaient une lance. La troupe d'élite lui avait parlé des armes de la cité de Fer et celles de la cité d'Émeraude. La lance montrait son appartenance à la cité d'Émeraude puisque le peuple est très proche de la nature. Sans parler de l'omniprésence du vert dans sa tenue.
Elle était grande, mâte et musclée. La gouvernante ne put s'empêcher de la trouver jolie malgré une cicatrice qui barrait sa mâchoire carrée. Lorsqu'elle croisa son regard noisette, elle sentit un frisson la parcourir et au prix d'un horrible mal de gorge, se décida à toussoter et prit la parole :
— Qui êtes-vous ?
— La cheffe des armées de la cité d'Émeraude, je m'appelle Gardaya. Et lui, c'est un soldat et un prophète de la cité de Fer qui a essayé de s'empaler sur ma lance.
— Mais je ne suis pas un prophète ! Combien de fois il faudra que je te le dise ? Je me suis simplement évanoui ! Le Grand Tout a dû te parler à travers ma radio ou je ne sais quoi. Tu as dû mal à comprendre que mon dieu ne parle pas à travers les gens, d'ailleurs c'est vraiment bizarre et peu ragoutant si tu veux mon avis.
— Je sais ce que j'ai vu ! Gardaya marqua une pause, sachant qu'elle allait tout envoyer balader dans la minute à venir. Et toi, tu viens de la cité Bleue n'est-ce pas ?
— Oui, comment le saviez-vous ?
— Le Grand Tout m'en a parlé rapidement. Il m'a dit que je devais partir vers l'ouest, trouver la fille au trident. Ce n'est pas une arme qu'on voit souvent par chez nous.
Heureuse que la conversation se détourne d'elle, mais vers son arme favorite, elle sentit qu'il était temps pour elle de prendre de la hauteur. Elle planta son trident dans le sol et se hissa sur ses deux pieds grâce à lui. Ses pieds nus tenaient mieux sur le sol boueux de la forêt. Cela l'aida à maintenir son équilibre. Elle pu ainsi tendre sa main vers Gardaya :
— Je suis Hoyata, gouvernante de la cité Bleue, dit-elle en ignorant la douleur qui s'éloignait au fur et à mesure de ses respirations. Pardonnez-moi, je ne suis pas habituée à votre environnement mais je ferais de mon mieux pour le faire. Le Grand Bientôt m'a envoyée ici afin de représenter mon peuple pour discuter avec des représentants de la cité de Fer et de la cité d'Émeraude.
— Représentant de la cité ? rit le soldat en serrant la main de Hoyata, passant devant la cheffe des armées. Hé bien je crois que nos Dieux respectifs nous ont envoyés ici pour une réunion au sommet. Je m'appelle Gaspard au fait, et pas celui-qui-a-essayé-de-s-empaler-sur-ma-lance.
Gardaya renifla en guise de réponse et serra à son tour la main de la gouvernante de la cité Bleue. Celle-ci se sentit ensuite obligée d'expliquer les raisons de son malaise ainsi que sa difficulté à marcher. Les deux la regardèrent comme si elle venait d'une autre planète.
— Hé bien oui, les Dieux, en plus d'être immortels, peuvent nous apporter quelques modifications corporelles. Nous avions besoin de nous protéger des autres humains alors nous avons décidé de combattre du côté de la nature.
Ces quelques mots eurent un impact, que Hoyata ne pouvait soupçonner sur la jeune femme aux cheveux de jais. Son Dieu l'avait envoyé combattre les autres peuples qui ne respectaient pas Mère nature. Alors pourquoi la cité Bleue avait-elle été sur la liste des cités à convertir ? Elle savait que son Dieu avait trafiqué sa voix, elle n'en doutait pas. Il aurait fallu être un véritable ignorant pour ne pas le deviner, mais Gardaya lui avait laissé le doute. Après tout il était le Grand Peut-être. « Le Dieu des demi-vérités surtout » pensa l'Emeraude. Non, jamais elle n'avait douté de lui. Jamais. Toutes ces personnes qu'elle avait soumises en son nom pour la bonne cause. Elle ferma les yeux, se sentant complètement submergée.
Pendant ce temps là, Gaspard restait perplexe face aux dires de la jeune femme. Il ne put s'empêcher de lui poser toutes sortes de questions. Chercher, toujours chercher pour comprendre par la suite.
Mais dans le bourdonnement incessant de Gaspard, Hoyata entendit le grondement de Gardaya :
— Tu mens. Vous devez la détruire.
— Quoi ? Mais nous vivons à l'intérieur d'elle, nous sommes à moitié poisson enfin ! Nous faisons à moitié partie de la nature, cela fait partie du pacte que mon Dieu a dû faire avec elle.
— Les Dieux ont fait des pactes avec la Nature ? s'exclamèrent en cœur les deux soldats.
— Vous n'avez pas fait de l'Histoire des Dieux à l'école ?
—Attends, attends, coupa Gaspard, vous entretenez quels genres de relations avec votre Dieu ? Parce que j'ai la sincère impression qu'il se comporte comme un humain.
— Un petit peu... Il ne souhaite que s'amuser et profiter de la vie. Il aime bien discuter avec nous et il est présent pour toute la cité, à n'importe quelle heure, sauf si il est déjà occupé. Il donne des cours à l'école pour expliquer la Grande histoire. Avant la Grande Catastrophe, Mère Nature a enfanté nos Grands Dieux. Le Grand Peut-être, le Grand Bientôt, le Grand Tout et le Petit dernier. Le Petit Dernier était un humain qui devait prévenir les autres de la Grande Catastrophe. Apparemment il a échoué. Mère Nature a envoyé les Dieux pour nous exterminer. Ils l'ont fait pour la plus part. Mais ils ont gardé les survivants. Ils les ont pris sous leur aile, les ont rendu meilleurs, les ont protégés de Mère Nature. Mais Mère Nature l'a découvert. Mère Nature sait tout. Alors ils ont passé des pactes avec elle. Le Grand Bientôt n'a jamais voulu expliquer les termes exacts du pacte mais c'est comme ça que nous sommes devenus à moitié poisson.
Les deux soldats se regardèrent bouche-bée. Hoyata ne put s'empêcher d'avoir une petite pensée pour son propre Dieu. Elle qui l'envoyait si souvent balader comme si il était son égal... Elle se rendit compte de la chance qu'elle avait et envoya, pour la première fois, une petite prière à son Dieu.
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