La cité de Fer - Gaspard (2)
— On est attaqué ! Lève-toi Gaspard ! C'est la cité d'Emeraude qui veut nous attaquer !
Gaspard grommela et envoya balader son colocataire. Qu'il pouvait être pénible ! Depuis l'école militaire, ils avaient décidé de partager un appartement mais le soldat commençait vraiment à regretter sa décision. Une alarme retentit alors et il se leva enfin. Il appuya plusieurs fois sur son réveil mais ça ne l'arrêta pas.
L'habitant de la cité de Fer grommela de nouveau et ouvrit grand ses yeux.
— On est attaqué ! Pourquoi tu me l'as pas dit plutôt, Anthony ?!
— Mais c'est ce que je te dis depuis tout à l'heure, debilos. Tu m'écoutes jamais ! répondit en criant son colocataire qui enfilait rapidement dans la salle commune ses habits de soldat.
Gaspard revêtit alors sa tenue de simple militaire et rangea son pistolet à sa ceinture. Ce n'était pas la première fois que la cité se faisait attaquer par les Émeraudes mais il n'aimait jamais ces affrontements. Les ennemis étaient prêts à tout pour avoir la cité, adoptant parfois des comportements auto-destructeurs. Gaspard avait parfois des doutes sur la sanité des esprits de la cité d'émeraude et lorsqu'il en avait parlé au Grand Tout, le Dieu avait refusé de lui répondre, insistant sur le fait que les cités reposaient sur un équilibre et que le Grand Peut-Être usait un stratagème dangereux.
Gaspard avait eu, comme chaque habitant de la forteresse, une conversation téléphonique avec le Grand Tout. Celui-ci ne parlait qu'à travers son téléphone ou encore des micros, mais le Grand Tout évitait d'accorder trop d'importance à ses protégés. Être éternel, le Dieu aimait les choses matérielles et remplaçables. La preuve en était : la cité de Fer ne portait pas son nom pour rien. Véritable cité de machines et de métaux, Il était fier de ses petits génies qui amènaient toujours plus d'idées et de créations incroyables au palmarès de la cité. Il les remerciait toujours mais ne s'attardait jamais. Il refusait de s'attacher à des êtres temporels. Étonnant de la part d'un Dieu, Gaspard était persuadé que le Grand Tout, un peu comme ses protégés, ne supportait pas la perte d'un proche. Il accordait une conversation téléphonique à chacun, à une date spéciale, notée sur le bracelet de naissance, où il racontait le monde et ses alentours, répondant aux questions sur un temps que la personne choisissait.
Le soldat se rappelait de la sienne comme si c'était hier. Il avait passé vingt-quatre heures auprès de son Dieu. Vingt-quatre heures à se renseigner sur les secrets de l'univers. Le Grand Tout, dans tout son génie, lui avait répondu à chaque fois, du mieux qu'il avait pu. Gaspard avait adoré cette rencontre, certainement moins celles qu'il allait faire aujourd'hui.
Un ange passa et l'habitant de la cité de Fer s'échappa de ses souvenirs. Anthony lui pressa l'épaule, l'autre soldat se rendit alors compte que cela lui arrivait de plus en plus souvent, de s'échapper en pensant au Grand Tout. Son colocataire lui sourit et d'un hochement de tête, ils sortirent de leur appartement. Sur le balcon se tenait leur petit volanticar, dans lequel ils montèrent et conduisirent jusqu'à la grande muraille en fer, qui avait toujours permis de protéger les habitants.
Le soldat jeta un coup d'œil au trafic volant à vapeur, où des fumée s'élevaient de chaque côté de la ville. Ici ça s'abîmait, ça se calcinait pour la machine. Étrangement l'air restait cependant respirable, encore un coup de maître d'un génie perdu au milieu du bitume. Ici le vert on n'en parlait pas, on n'en voulait un peu, une plante dans le coin de l'appartement et c'était tout. "Ils ont dépassé depuis longtemps la nature" se plaisaient-ils à dire. Gaspard détestait cette idée que l'Homme était supérieur à la nature car il ne l'était certainement pas. C'était d'ailleurs pour ça qu'il était devenu soldat, les seuls à avoir la chance de passer de l'autre côté de la muraille et voir un peu de verdure.
Il expira l'air de la cité de fer hors de ses poumons lorsqu'il sortit du véhicule. Ils étaient passés au dessus de la muraille et avaient caché leur volanticar un peu à l'écart du champs de bataille qui se présentait sous leurs yeux.
Des âmes ou du moins des corps qui s'interposaient, se battant à mains nues voir aux couteaux pour les Émeraudes, aux armes à feu pour les Fers. Tout portait à croire que la cité de Fer était ainsi avantagée par son avancement technologique mais, même avec deux ou trois balles dans le buffet, certains continuaient d'avancer dans le camp ennemi.
Mais Gaspard avait ignoré le massacre et gardait toute son attention pour une femme à l'arrière des troupes. Majestueuse, son corps se tenait parfaitement droit et immobile à l'exception de sa bouche qui devait crier des ordres en donnant des impulsions au sol avec son immense lance, seule personne à posséder ce genre d'arme sur le champ de bataille. Entourée de quelques soldats, elle ne semblait pas le moins du monde en avoir besoin. Un frisson parcourut le dos du soldat, et si c'était le Grand Peut-être en personne ? Il se ressaisit et se tourna vers Anthony.
— C'est elle qu'il faut abattre. C'est leur cheffe ! s'exclama-t-il. Regarde, c'est la seule à posséder ce genre d'arme.
Anthony hocha la tête et envoya un message à ses supérieurs pour informer les soldats d'encercler la troupe pour tenir les soldats proches de la femme occupée. Caché dans la forêt à proximité, Gaspard remercia son Dieu de lui avoir donné l'idée de garer le volanticar ici. Ils attendirent que les troupes alliées changent leur position d'attaque. Alors, Anthony reprit la place du conducteur et Gaspard, le côté passager. Ils sortirent de la petite forêt en faisant le tour pour surprendre par derrière ce qui semblait être la cheffe des Émeraudes. Anthony prit alors la décision de prendre de la hauteur par rapport au sol.
— T'es prêt à lui tomber dessus ? demanda Anthony, le plus sérieusement du monde.
— Tu veux que je m'empale sur sa lance ? Bien sûr que non je ne suis pas prêt !
— Oh ça va on te fera des points du suture ! Et il faut rester discret je te rappelle !
— Mais même ! Descend un peu ou je vais mourir !
Anthony râla mais descendit légèrement. Gaspard ouvrit alors la porte du véhicule et déglutit. On l'avait déjà entraîné plusieurs fois à ce genre d'exercices, mais il détestait cela. Il prit une grande inspiration et sauta dans l'herbe en se réceptionnant en une roulade parfaitement contrôlée. Il était prêt à se lever en faisant sa danse de la victoire, mais le bout de la lame de la lance qui lui frôlait le cou lui intima de ne pas bouger. Le soldat leva doucement ses mains au-dessus de sa tête et la lame recula suffisamment pour le laisser se mettre debout. Il pouvait enfin regarder Gardaya dans les yeux et vit, de ce fait, qu'elle continuait de donner ses ordres, imperturbable.
Puis il ne vit plus rien du tout.
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