16 - Code Rouge
Il pleuvait. Et il faisait froid.
C'était tout ce que le génial esprit de Sherlock pouvait lui apprendre en ce moment. Et encore, les gouttes qui frappaient sa peau étaient un indice de taille, tout comme les frissons qui le parcouraient, ou ses dents qu'il se retenait de claquer.
Mycroft avait mis moins de dix minutes pour lancer un programme de reconnaissance faciale sur les caméras de la ville et retrouver la trace du médecin, dans un bar peu fréquentable. Sherlock s'était précipité sur les lieux, sans se soucier de manteau ou d'écharpe.
Mais de John, nulle trace.
D'après le barman, et les propres déductions du détective, son blogueur aurait retrouvé une femme et serait ressortit avec elle par la porte de derrière. Hors du champ des caméras.
Mais quelle femme ?
La question taraudait Sherlock. Pourquoi John ne lui avait rien dit ?
La petite rue dans laquelle il se trouvait était déserte. Il s'adossa contre le mur et se laissa glisser jusqu'au sol, enlacé dans ses propres bras.
Si John l'abandonnait...
Une ombre lui fit relever la tête.
-Tu as l'air malin, railla une voix familière.
-Mycroft.
-Peut-on savoir pourquoi tu te donnes en public ainsi ?
-Non.
-John a disparu. Il est avec une femme. C'est ça qui te met dans cet état ? Vraiment, mon cher frère, tu es pathétique.
Piqué au vif, Sherlock sauta sur ses pieds.
-Pardon, mon cher frère, lança-t-il d'une voix acide, j'avais oublié que tout ceci sortait de ton champ d'expertise. Se soucier des gens ! Comment Mycroft Holmes pourrait comprendre une chose pareille ?
-Tu sais que c'est faux, répondit stoïquement l'autre en vérifiant que son parapluie les couvrait bien tous les deux.
-JE SAIS ! Hurla Sherlock en levant ses deux mains dans un geste d'énervement. Mais ce n'est pas important ! Pourquoi faut-il que tu ramènes tout à toi !
Mycroft leva un sourcil devant tant de mauvaise foi.
-John est quelque part, fourré dans quelque chose... Et tel que je le connais, quelque chose de dangereux ! Moi je suis là, inutile, sans savoir comment l'aider, comment intervenir... Et si... Et si... Si jamais...
Sa voix se brisa. Il serra les lèvres pour en dissimuler le tremblement, et fit un pas en arrière pour se retrouver sous la pluie, afin que ses yeux embués de ne remarque pas.
Autant de choses, bien sûr, qui n'échappèrent pas à son grand-frère.
L'avatar du gouvernement britannique lâcha un soupir et leva les yeux au ciel.
-Ce que tu peux être stupide, petit frère. Et tellement impulsif. Grandiras-tu jamais ?
Mais, à vrai dire, ces reproches manquaient singulièrement de conviction, pour une fois.
-Comment peux-tu penser qu'à nous deux, nous ne le retrouverons pas ? Ce n'est qu'un docteur, une personne ordinaire. Ses déplacements peuvent facilement être retracés.
Sherlock sourit et envoya un regard plein de gratitude à son frère, dont le cœur eut un petit sursaut.
-Mycroft... Fais-moi la promesse que tu feras tout ce qui est en ton pouvoir pour retrouver John sain et sauf, dit-il en chassant de sa voix les derniers tremblements.
L'intéressé leva une nouvelle fois les yeux au ciel, et acquiesça.
Et Sherlock, épuisé et soulagé, lui tomba dans les bras.
La gorge serrée, l'aîné des Holmes tapota avec une tendresse rare chez lui le dos de son frère.
Il y a quelques années, ça ne leur serait jamais arrivé. Que c'était-il passé ?
Le visage de Gregory s'imposa à son esprit.
Il ne put s'empêcher de sourire.
~
-Bordel, Harry ! Comment as-tu réussit à te mettre autant de gens à dos ?
-Pas difficile, répliqua sa sœur en se laissant lourdement tomber sur le sol. D'abord, tu payes pas. Pis tu empruntes de l'argent à un type. Mais tu peux pas payer. Alors t'emprunte de l'argent à un autre type...
-Raaaah, juste, tais-toi ! Et tu ne me feras pas croire que c'est juste des dettes ! Les types de tout à l'heure avaient vraiment l'air de vouloir ta peau.
-Mais toi, qu'est-ce que tu fous là, John ? Aux dernières nouvelles, t'étais trop connu pour te souvenir que t'avait une famille.
-Figure-toi que j'ai reçu hier soir un appel de ma sœur, complètement bourré. Un « code rouge ».
-Ah ouais, merde. Peut-être. J'me souviens plus de rien. Code rouge, tu dis ?
-Ne fais pas l'innocente. Code rouge. c'est-à-dire « vient me chercher John j'ai merdé et je suis coincé au fond d'un bar mais ne dis rien à papa ». C'est-à-dire l'intitulé de quasiment toutes nos conversations durant les trois dernières années que j'ai passé à la maison.
-Pas vrai.
-Non, tu as raison, il y en avait aussi quelques-unes où je te disais d'arrêter tes conneries et tu m'envoyais bouler.
-Je crois qu'on va se refaire celle-là, genre, maintenant.
-Arrête des conneries.
-Va te faire foutre.
Il y eu un blanc.
-Tu m'as manqué, souffla Harriet en souriant faiblement.
-Pardon d'interrompre ce charmant tableau de famille, intervint une voix familière, mais vous mentez, Harriet Watson.
Les deux Watson sursautèrent.
-Sherlock ! s'exclama le médecin en sautant sur ses pieds. Qu'est-ce que tu fiches ici ?
-Tu vois bien, répondit le détective en s'approchant de lui. Je suis venu te chercher.
Il voulut le prendre par le bras, mais John recula.
-Je suis désolé d'être partit sans donner de nouvelles, Sherlock, mais ce sont des histoires de famille. Ça ne te regarde pas.
-Tu t'occupes bien de mes histoires de famille.
-C'est différent. Ma famille est peut-être un désastre, mais elle ne met pas tout le pays en danger. C'est gentil d'être venu, Sherlock, mais maintenant que tu as vu que j'allais bien, tu peux retourner à l'appart.
-Mais elle se sert de toi !
-BIEN SÛR QU'ELLE SE SERT DE MOI ! Explosa John. Elle s'est toujours servi de moi ! Elle veut de l'argent, elle veut que je la protège de ses ennemis, et elle s'en contre-fou de moi ! Mais c'est ma sœur ! Alors comme à chaque code rouge, je vais faire semblant de croire ses conneries, et je vais l'aider !
-Comment tu peux...
-Ne fais pas l'innocent, Sherlock ! Toi aussi tu te sers de moi sans arrêt ! Tu veux de la compagnie, tu veux quelqu'un qui s'extasie devant toi, tu veux de l'aide sur une affaire, tu veux que je fasse les courses, que je te surveille, que je m'occupe de toi, que je te donne ceci ou cela... Tout le monde se sert de moi ! Tout le monde s'est toujours servi de moi ! De mon père à mes amis, en passant par mes collègues ou mes frères d'armes. Mais ça va, Sherlock. Je gère. C'est comme ça, c'est tout. Alors maintenant, rentre à la maison.
-Mais... tenta un pauvre Sherlock déboussolé.
-Rentre, Sherlock. Je te rejoindrai lorsque j'aurais réglé cette affaire.
L'air sombre, le détective sortit du bâtiment.
-Bon, reprit John en retrouvant son sang-froid, qui as-tu énervé cette fois ?
-Tu te souviens de Clara ?
-Ta femme...
-Je te l'ai jamais avoué – d'ailleurs, si je l'avais fait, elle m'aurait tué – mais c'est une ponte de la mafia.
-Quoi ?
-Ouais, j'ai eu cette réaction-là quand elle me la dit. Après le mariage. Mais enfin, j'ai décidé de faire avec...
-Je ne sais pas ce qui cloche avec cette famille, grommela John. À croire qu'on a une passion pour les psychopathes.
-Bref. J'ai repris la bouteille. On s'est séparé. J'ai arrêté. On s'est remis ensemble. Je l'ai trompé... Et ça fait deux semaines qu'elle à mis ma tête à prix dans toute la ville.
-Seigneur... Soupira John en pinçant l'arête de son nez. Et tout ce que tu as trouvé pour te sortir de là, c'était de te bourrer la gueule ?
Harriet haussa les épaules.
-Le seul moyen que je connaisse pour faire disparaître les emmerdes.
-JOHN ! Appela soudain une voix. COUREZ !
Le sang du médecin ne fit qu'un tour. C'était Sherlock.
Il se précipita à la fenêtre de la baraque abandonnée où ils s'étaient réfugiés.
Sherlock se battait contre trois hommes, au bout de la rue.
John arma aussitôt son revolver et s'apprêta à sauter dans l'escalier pour l'aider... Mais au dernier moment, Harriet posa sa main sur son bras pour l'arrêter.
Un homme avait surgis par-derrière et venait d'assommer proprement le détective, qui gisait sur le sol.
John referma sa main autour du poignet de sa sœur et la tira sans douceur vers la sortie de derrière.
-S'il lui arrive quoi que ce soit, siffla-t-il entre ses dents, je te jure, Harry, que je te tue.
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