Les ténèbres.

Impénétrables.

Oppressantes telle une chape de plomb.

Des noirceurs abyssales, une forme émergea. Une silhouette minuscule qui s'avançait à pas lents. Artyom discerna une petite tête blonde. Ainsi que la peau d'une pâleur cadavérique. Les veines se transformant en un réseau de lits asséchés plus noires que les ténèbres. Le cratère tout aussi sombre et perdu au milieu du front. Les yeux vides. Réduits à l'état de deux globes inertes ayant à jamais perdu leurs éclats.

— Pourquoi ? murmura simplement la fillette morte dans un souffle sépulcral.

Artyom ne put soutenir plus longtemps cette vision d'horreur. Il ferma les yeux pour se replonger dans les ténèbres et l'oubli. Mais le murmure de l'enfant résonna une nouvelle fois dans le vide :

— Pourquoi ?

Sa mâchoire se contracta nerveusement. La bile s'agita dans son estomac, lui brûlant la gorge. Il serra les poings, si fort que ses ongles lui pénétrèrent la chair. Les brûlures des larmes envahirent ses yeux. Mais il se força à les maintenir clos. À ignorer sa jeune victime dans l'espoir qu'elle se volatiliserait.

— Pourquoi ?

— VA-T-EN !

Les yeux exorbités, Artyom avait hurlé dans sa supplique toute sa terreur et sa colère.

— TU ES MORTE ! C'EST FINI ! TU N'AS RIEN À FAIRE ICI ! REPARS DANS LES TÉNÈBRES !

— POURQUOI ?

Artyom sentit soudain la froideur familière de l'acier dans sa main. Sans réfléchir, il leva le pistolet et tira. La balle fusa. L'enfant bascula en arrière. Mais à la place de disparaître, le corps inerte resta étendu au milieu du néant. Incapable d'en détacher les yeux, Artyom ne put retenir une plainte lugubre lorsqu'elle s'anima de nouveau.

— Non... Non ... Non ...

Même ce gémissement mourut dans sa gorge lorsque le visage de l'enfant se releva pour lui faire face. Il ne s'agissait plus de celui de la jeune fille. Ses traits avaient pris ceux d'un autre.

— Pourquoi ? Pourquoi ... elle et pas moi ?

Cette funèbre interrogation s'exhalait à présent des lèvres bleuie d'un petit garçon. Un garçon qui n'était autre que lui-même. Une version de sa personne qui datait de bien des années auparavant. De l'époque où il n'avait encore commis aucune atrocité.

Lentement, il leva une nouvelle fois son arme. Il déglutit de nervosité. Sa main n'avait jamais tant tremblé qu'en cet instant. Puis, finalement, fermant les yeux, le coup de feu emplit les ténèbres.

Il se réveilla en sueur, entortillés dans des couvertures rapiécées.

— Un rêve ... grommela-t-il, encore sous le choc.

(La suite arrive bientôt ^^)