Partie 68 : Boris
Yoro Samb :
"Alors ? demande Nora lorsque Yoro la rejoint. Où on en est ?
— Au moment où on met les voiles loin de ce charmant trou à rat. Les gars m'ont dit qu'ils s'occupaient de la sécurité, on va juste rejoindre ta voiture et filer en vitesse.
— Et on te cache dans le coffre ?
— ... Oui. Il faut bien. C'est un truc à faire une fois dans sa vie, non ?
— C'est sûr, sans ça où serait l'aventure ? Et ensuite, je te conduis où ?
— À l'aéroport de Nava, c'est là qu'on va récupérer la scientifique et qu'on va la conduire à ta mère.
— Il risque d'y avoir du grabuge ? Tu crois qu'il nous faut du renfort ?
— Qui nous attendrait là-bas ? Et puis, qui pourrait nous aider si besoin ?
— Tu ne peux pas compter sur Edmund, alors... Fais chier.
— Je suis le premier à le regretter, mais c'est comme ça. Prends des armes si tu peux, sinon, on y va à poil.
— Mais la SRAM a attaqué les Techs et ils ont des agents dans tous les aéroports. Ils te connaissent sûrement maintenant. C'est trop risqué !
— Ils te connaissent encore mieux, donc...
— On va faire un détour. J'ai un ami qui peut nous donner un coup de main. Je ne crois pas qu'il soit dans le collimateur de la SRAM, et c'est une force de frappe à lui tout seul. Il va nous aider."
Est-ce que Yoro se repose trop sur Nora ? C'est une alliée providentielle, il doit bien l'avouer, et un espion expérimenté se serait déjà renseigné sur elle. Pour l'instant, tout ce qu'il sait, c'est qu'elle a une relation tendue avec sa mère, et qu'elle fait partie des HR mais qu'elle les trahit. Est-ce qu'on peut vraiment de parler de trahison dans ce groupe où chacun a l'air de ne faire que ce qui lui chante, jusqu'à ce que les autres groupes l'apprennent et lui crie dessus ? Quoi qu'il en soit, elle s'oppose au protocole officiel de Choy et elle lui sauve la mise. Qu'est-ce qu'elle y gagne ? Et son mystérieux ami ?
Mais est-ce que Yoro a le choix ? Pour l'instant, absolument pas.
Sortir d'une zone ennemie caché dans un coffre de voiture est une expérience à faire une fois dans sa vie. Et pas deux, estime Yoro en essayant de se déplier hors de sa cachette au bout de trois longues heures. En tous cas, pas dans un coffre aussi petit.
Le paysage est toujours aussi désolé autour d'eux et le jeune homme se demande si Nora ne l'a pas tout simplement emmené dans un autre repère HR. Est-ce qu'ils voulaient juste capturer un agent d'Edmund et comptent le torturer jusqu'à ce qu'il leur raconte tout ce qu'il sait ?
Mais non. Nora lui a donné une arme avant de le cacher. Elle lui fait confiance autant qu'il doit lui faire confiance, il faut qu'il arrête de se faire des films.
Elle l'a amené au milieu de trois baraques plantées au milieu de nulle part, qui paraissent sorties d'un bidonville. L'une d'entre elles est un hangar ouvert qui dégueule son désordre jusqu'à la route. Une autre ressemble à un poulailler abandonné. La troisième est donc logiquement la maison, qui parait pourtant aussi abandonnée que le reste. Jamais Yoro n'aurait imaginé voir des constructions pareilles dans le Nord tout-puissant.
Il n'a pas le temps de poser des questions à Nora avant qu'elle ne frappe énergiquement à la porte. Un homme lui ouvre, un véritable ours en tenue de bûcheron, aussi grand et large qu'hirsute. Il gronde envers la femme :
"Qu'est-ce que tu fous ici ? J'ai dit que je voulais plus entendre parler de vous.
— Ce n'est pas pour les HR, promis !
— C'est pour qui, alors ?
— Mon ami Yoro a besoin d'aide, et tu es la seule personne à qui je pouvais demander...
L'ours fixe Yoro du regard. Tout, dans sa carrure jusqu'à son regard de glace, est une menace. Instinctivement, Yoro lève les mains en geste d'apaisement :
— S'il vous plait, j'ai quelque chose de très important à accomplir, et Nora m'a dit que vous pourriez nous aider ? Laissez-moi simplement vous expliquer. Ensuite, si ça ne vous plait pas, on s'en ira.
Le géant semble moins menaçant, mais presque nostalgique en entendant ces mots.
— Vous venez du Sud, hein ?
— Oui. Du Mali. Vous connaissez ?
— Non, non, mais votre accent... on entend tout de suite que vous n'êtes pas nordien. C'est Nora qui vous a aidé à venir ?
— Non, mais elle m'aide aujourd'hui pour la suite...
— Ma femme était sudienne. Elle venait d'Argentine. Je l'ai rencontrée grâce aux HR. C'était une résistante, une vraie de vraie. Maintenant, elle est morte, et moi, j'ai juré de ne plus jamais me mêler de tout ça. Alors je ne sais pas ce que vous avez inventé comme histoire pour me convaincre, mais elle a intérêt à être excellente.
— Boris, répond Nora, tu n'as rien suivi des actualités du dernier mois, non ?
— Ni le dernier ni les putains d'années d'avant, frangine. Pourquoi ? C'est la fin du monde ?
— On a un sacré paquet de trucs à te raconter alors."
Boris les fait entrer chez lui et leur sert à tous les deux un verre d'alcool si fort que sa seule odeur fait monter les larmes aux yeux. Nora se débarrasse du sien cul sec, en habituée, tandis que Yoro tente de son mieux de l'imiter sans tousser comme un perdu. Puis ils commencent.
Comment résumer tout ce qui est arrivé depuis le dernier mois ? Le temps leur est compté, mais l'histoire est beaucoup trop rocambolesque pour ressembler à quoi que ce soit de censé. Des enfants artificiels en tech, un alien, personne n'y croirait si le fonctionnement du monde entier n'avait pas basculé cul par-dessus tête. La guerre lancée par l'Hydre n'a du sens que si la SRAM a débarrassé le plancher, et Boris n'arrive tout simplement pas à croire que la SRAM a débarrassé le plancher. Ça semble juste impossible. Pour tout le monde, la SRAM est aussi indestructible que les cafards qui courent librement dans la maison, et Boris a visiblement renoncé à affronter l'un comme l'autre.
— Donc... vous êtes en train de me raconter que le tech s'est fait infester par un alien et des enfants.
— C'est ça. Enfin, le plus vieux des Techs a vingt ans, mais ce sont presque tous des enfants.
— Et qu'ils ont changé les lois sur la citoyenneté. Maintenant, si je voulais, je pourrais aller n'importe où sans carte de citoyen.
— Je les ai aidés avec l'alien, mais oui, normalement c'est bon.
— Avec l'alien. Bien sûr.
— Écoutez, la seule chose dont on ait besoin, c'est de quelque de fiable que la SRAM ne connait pas pour aller chercher quelqu'un à l'aéroport de Nava. Après, je vous promets qu'on vous laissera tranquille.
— Moi. Dans un aéroport. C'est une mauvaise blague.
Nora insiste :
— Tu peux le faire ! J'ai vérifié personnellement, toutes les restrictions ont été annulées, il n'y a plus qu'à...
— Et les flics, ils sont au courant de ça ? Et le B.A.G.N. ? Et tous les autres ? Tu crois vraiment que parce que je suis resté à l'écart des médias tout ce temps je vais croire qu'on va m'attendre à bras ouverts là-bas ? Et...
— Je peux vous proposer autre chose, le coupe Yoro en lui tendant son propre passe universel.
Le géant attrape le mince rectangle de plastique et l'examine soigneusement. Il s'exclame :
— Où tu as trouvé ça ? J'en ai jamais vu d'aussi bien faits !
— Il est authentique.
— C'est impossible, la SRAM n'aurait jamais...
— C'est un miracle de l'alien. Sérieusement. Qu'est-ce qui vous parait le plus impossible, que j'ai extorqué ce bijou à la SRAM ou qu'un alien existe réellement et se soit connecté au tech ?
Boris pousse un long soupir :
— À ce stade-là, je crois que le plus probable c'est que je sois un poulet qui rêve qu'il est coincé dans un corps humain dans un monde de merde qui n'a plus aucun sens.
— Alors vous n'avez plus rien à perdre, non ?
— J'imagine. Allons-y, alors. Ça fait longtemps que je n'ai pas vu la ville, ni les avions, voyons combien de temps il va me falloir pour me réveiller."
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