Partie 66 : négociations
Abhaya Singh :
Les négociations avec l'AGN s'annoncent houleuses, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le poids des Techs a permis d'assoir autour de la table le président Robertson, le général Belley qui est le chef des armées du Nord, Carmilla Stuart qui est la responsable des renseignements de l'AGN, ainsi que la professeur Milley, Abhaya, et 2. Ils sont dans le palais présidentiel, dans les bunkers du sous-sol, et il est évident que c'est l'AGN qui décidera de qui ressortira de cette pièce et dans quelle condition. Cependant, l'endroit garde un accès au Réseau, un fil d'or court dans la pièce et un écran tech domine la salle. L'AGN a besoin de la collaboration des Techs plus que de leur faire peur, pour le moment.
Le président les accueille assez chaleureusement vu les circonstances. Il connait déjà Milley et 2, qu'il salue d'une poignée de main ferme, et reste un peu plus surpris par Abhaya :
"Vous venez en tant qu'émissaire de l'Hydre ? Si j'ai bien suivi, nos diplomates n'ont pas encore officiellement accepté de traiter avec l'ennemi.
— Et l'Hydre ne m'a pas mandatée pour parler en leur nom. Je pense cependant pouvoir vous donner des renseignements utiles en vous parlant de l'Hydre et du Sud, en vous expliquant ce qu'ils recherchent, afin que nous puissions tous prendre la meilleure des décisions possibles.
— J'accepte avec plaisir toute information supplémentaire, et je suppose que le professeur Milley a déjà longuement discuté avec vous de ce dont elle compte nous faire part aujourd'hui. De notre côté, si nous abordons des sujets sensibles, je vous demanderai de quitter la pièce.
— Bien entendu.
Au moins, il n'accuse pas Anura de haute trahison en voyant qu'elle parle avec les sudiens sans son accord, du moins pas pour le moment. Robertson semble avoir accepté avec un certain fatalisme que les Techs et Milley étaient des électrons libres qu'il n'avait pas les moyens de contraindre, ni l'intérêt.
À ses côtés, Belley et Stuart semblent beaucoup moins coulants. Ils estiment sans doute savoir tout ce qu'ils ont besoin de savoir sur l'Hydre, et jugent sa présence dangereuse. Abhaya les salue gracieusement de la tête avant de s'installer.
— Alors, commence Robertson, que me vaut cette convocation ? Comme vous le savez, la situation est un peu tendue en ce moment, alors j'espère qu'il s'agit de bonnes nouvelles ?
— Allez-vous lancer les bombes T sur le Sud ? demande Milley.
— Oui.
À ses côtés, Belley semble outré par l'aveu, tandis que Stuart est plutôt agacée. Le président poursuit, très à l'aise :
— Honnêtement, vous vous attendiez à quoi ? Ils ont réussi à toucher plusieurs de nos villes et nous n'avons pas encore découvert comment. Les représailles sont le seul moyen de leur faire stopper leurs tirs.
— Non. Le message de l'Hydre était très clair : il s'agissait d'un coup de semonce pour vous faire renégocier le Traité de Pacification. Et avec la chute de la SRAM, ce traité était de toute façon caduc. Vous pouvez trouver une solution pacifique à ce conflit si vous agissez rapidement.
— Il est hors de question de céder à la menace. Vraiment, c'est tout ce dont vous vouliez me parler ? J'espérai que les Techs auraient leur aide à apporter à ce conflit. Ou que vous pourriez éclairer notre lanterne sur les dernières déclarations du fantôme du Réseau, qui s'est visiblement autodésigné comme un alien.
— Ça ne devrait pas vous surprendre. Je vous ai déjà expliqué que c'était un alien, qu'il était relié à notre Réseau par un satellite qui fait office d'antenne, et qu'il est vital que nous détruisions cette antenne. J'espère qu'au moins à présent vous êtes convaincu.
— Pas vraiment. Plus ça nous parle, plus cette chose ressemble à coup monté. Vous allez me dire : "Monté par qui ? Et pour quoi faire ? Après tout, nous avons déjà les Techs, la SRAM ne ressemble plus à rien, nous avons déjà le pouvoir." n'est-ce pas ? Mais... C'est ça le truc que je n'aime pas trop avec toutes vos histoires. Je ne sais que ce que vous voulez bien que je sache. Or je suis le président élu de cette moitié du monde, et ce n'est pas comme ça que les choses sont censées fonctionner.
— On vous informe de ce qu'on sait, monsieur le président. Vous pourriez arrêter toute cette histoire en négociant avec l'Hydre, c'est un fait. Sachez que les Techs ne veulent pas d'un massacre de civils et ils vont empêcher les bombes T d'être tirées.
— Ils vont empêcher ? C'est une menace ?
— C'est une promesse.
— C'est une déclaration de guerre ! Non, de trahison ! Nous sommes en guerre et vous m'annoncez tranquillement que vous ralliez le Sud ! J'aurais dû savoir...
— Les Techs prennent leurs décisions. Vous vous souvenez du massacre des Ghettos que vous aviez ordonnés et de la manière dont ils ont réagi. Vous pensiez vraiment que le même geste, à plus grande échelle, passerait mieux ?
— Je pensais surtout que vous les teniez correctement.
2 regarde le président droit dans les yeux et sourit légèrement, ce qui ne fait que renforcer l'énervement de l'homme. À ses côtés, le général Belley intervient :
— Vous êtes venus pour négocier. Vous savez que nous n'avons pas les moyens de nous passer des bombes T ni de les mettre à l'abri de votre influence. Que voulez-vous pour nous rendre l'utilisation de nos armes ?
Abhaya répond :
— Négociez ce Traité et les Techs ne se mêleront plus de vos histoires d'armement, je peux vous le garantir. Mais le vrai danger, ce n'est pas nous, et vous devriez mettre toutes vos bombes T hors d'état de nuire le plus vite possible. L'alien peut les utiliser à sa guise aussi. Il n'avait aucune raison de s'en occuper, mais plus la peur monte, plus les humains le prient pour qu'il les protège. Il va sans aucun doute lancer les bombes, et lorsqu'il va commencer, aucune négociation ne pourra éteindre cette guerre. Vous-mêmes n'aurez plus aucun contrôle sur vos propres frappes. Vous devez agir tout de suite !
— C'est impossible, réplique Belley, nos systèmes de sécurité...
— Vos systèmes sont en tech, répond 2. Je n'ai eu aucun mal à y pénétrer, et même si vous avez ajouté un milliard de couches de sécurité, ça ne fera que ralentir un esprit Tech. Et nous, les Techs, nous sommes humains dans notre façon de penser et d'explorer le Réseau. L'Alien est bien plus puissant que nous. Il n'a qu'à y penser pour prendre les bombes T et les manipuler comme si c'était une partie de son propre corps, et nous ne pourrons pas les lui reprendre. Le seul moyen de l'en empêcher, c'est de désamorcer les bombes T, qu'elles redeviennent de la manière inerte. Il pourra toujours les lancer comme des gros cailloux, mais ça ne fera pas beaucoup de dégâts.
— Non, s'obstine Robertson, non et non. Qu'est-ce que vous croyez, qu'il suffit de venir ici et d'exiger une reddition pour que nous fassions vos quatre volontés ? Depuis le début, la sudienne est la seule dont nous n'avons pas entendu l'avis, mais ce n'est pas dur de comprendre pour qui vous travaillez tous. Et c'est hors de question. Nous avons été indulgents le temps que la crise se passe pour éviter un trop gros impact sur notre économie, mais l'heure n'est plus à la négociation ! Vous et vos monstres de foire, vous allez revenir sous l'autorité de l'AGN immédiatement, ou ça se fera par la force !
Il s'est levé pendant sa tirade, sa peur est palpable derrière les cris de colère. Il n'a rien auquel se raccrocher, et il le sait très bien.
C'est Stuart, la responsable des renseignements, qui l'interrompt d'une voix plus apaisée :
— Vous dites qu'il faudrait détruire cette antenne pour que l'alien n'ait plus d'impact sur notre Réseau, n'est-ce pas ?
— Visiblement, répond Milley, l'alien pouvait communiquer avant cette antenne, mais de façon très parcellaire. Il ne pourra plus utiliser notre matériel tech en tous cas.
— Et cette antenne est un simple satellite qui a été... transformé. Nous pourrions le détruire, si nous utilisions une technologie binaire.
— C'est ça.
— Partons là-dessus. Vous vous rendez bien compte que les bombes T ne seront pas désamorcées alors que nous sommes sous attaque. Mais nous pouvons nous occuper de votre histoire de satellite.
— Vous aviez dit...
— Je sais, nous vous avons dit que nous n'avions pas le matériel nécessaire pour le faire, et c'est toujours le cas. Mais la SRAM l'a, et nous pouvons l'obtenir.
— Bien. Alors faites-le le plus vite possible !
— De votre côté, que les Techs ne se mêlent pas de cette guerre, si c'est le mieux qu'ils puissent faire. Je comprendrais qu'ils soient trop jeunes pour avoir envie de se salir les mains. Mais nous devons compter sur eux pour faire tourner la machine avant que nos peuples soient affamés et sombrent dans l'anarchie. Pouvons-nous le faire ?
C'est 2 qui répond :
— Oui. Nous avons mis en place tous les logiciels nécessaires pour remplacer ceux de la SRAM, en expliquant clairement à l'Alien pourquoi il ne faut pas y toucher. Les gens ne devraient pas souffrir de pénuries.
— Bien. Pouvez-vous également nous aider à trier les informations accessibles par le Réseau ? Les gens s'affolent et se montent la tête les uns les autres. Il faut qu'ils se calment, et vous avez accès à tous les comptes citoyens du Nord.
— Je... vous voulez dire quoi, au juste ?
— On ne vous a jamais parlé de la propagande d'État ? demande Robertson . Si vous voulez que les gens se tiennent tranquilles et arrêtent d'adresser des prières dangereuses à votre alien, il faut qu'ils pensent que tout est sous contrôle et qu'ils n'ont aucune raison de s'affoler.
— Mais c'est faux.
— Nécessité fait loi. Si vraiment cet alien fonctionne comme vous l'affirmez, je ne comprends même pas que vous ne vous en soyez pas déjà occupés.
Milley répond :
— Ce sera fait. Nous nous occuperons des prières à la racine.
— Bien. Comme quoi à défaut de pouvoir vous considérer comme de véritables alliés, au moins nous pouvons nous entendre sur certains points.
— Et il y a un autre problème d'importance pour lequel nous avons besoin de votre aide. La 5e Tech a été enlevée.
— Quoi ? Par qui ?
— Nous l'ignorons, mais si ça ne vient pas de vous, c'est probablement la SRAM.
— Ou les HR, ou ces enfoirés de sudiens ! Comment est-ce que vous avez pu collaborer avec...
Le président est encore une fois interrompu par Stuart qui affirme :
— Nous allons tout mettre en œuvre pour la retrouver.
— Je vous donne tous les renseignements que nous avons. Bien sûr, une fois que vous l'aurez retrouvée, vous nous la rendrez.
— Nous en reparlerons. Mais je vous garantis qu'elle sera parfaitement en sécurité avec nous.
— Je l'espère pour vous."
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