Partie 114 : structure
1, 2 et 7
2 et 7 descendent de l'avion, suivies de près par Nora et Choy. Un petit groupe de soldat s'est installé pour les accueillir dès la piste d'atterrissage et les deux HR reculent instinctivement en voyant leurs armes. 2 se demande dans quel guêpier elle les a entraînés...
Elle lève les mains et dit aux militaires :
« Amis ! Nous sommes les invités de M. Edmund !
— Bien sûr, répond le chef du détachement. Sinon, vous pensez vraiment que vous auriez pu atterrir ?
— Il nous attend.
— Je sais. On est là pour vous y conduire. Et préparer les défenses. Ça ne va pas tarder à péter.
— Dans combien de temps ? demande la Tech inquiète pour le reste de sa fratrie.
L'homme ne répond pas. Elle le suit sans poser davantage de questions. Les HR lui emboîtent le pas sans entraîner de réaction des soldats.
— Et ma mère ? chuchote Nora. Est-elle avec eux ?
— Je ne sais pas. » répond 2.
La jeune fille pose la question sans obtenir davantage de réponses qu'auparavant. On la conduit au Laboratoire. Elle n'a vraiment pas manqué 1 de beaucoup, elle le voit qui parle devant la porte toujours close. À ses côtés, Sanx et Edmund. Et les professeurs.
7 lui lâche la main et se précipite dans les bras de son frère. Edmund ne paraît pas surpris de sa venue. Les professeurs le sont bien davantage.
« Pourquoi est-ce que vous l'avez amenée ? tempête Milley.
— Elle nous accompagne, répond Nora.
Le regard du professeur l'effleure avant de revenir sur la petite fille. Manifestement elle n'a pas reconnu la HR. Elle continue :
— C'est beaucoup trop dangereux, 1 n'avait qu'à ouvrir et filer, bon sang !
— Il faut qu'on l'aide, précise 1. On devrait y arriver grâce au Laboratoire. »
En même temps, le Tech regarde avec curiosité Choy et Nora. Il les identifie rapidement grâce aux souvenirs de 2. Mais l'heure n'est pas aux présentations — pas devant les militaires. Au moins, à l'intérieur, il n'y aura qu'Edmund et ses équipiers. 2 partage cette pensée et remet elle aussi leurs retrouvailles et la présentation de Nora à plus tard, dans un cadre plus intime. Puis 7, après avoir recréé un lien mental avec son frère, se tourne vers les professeurs qui la serrent dans leurs bras. Ses humains de parents...
Des retrouvailles différentes, qui demandent du temps, des mots, tant de choses à expliquer et décortiquer, qui s'amorcent à peine dans ces quelques secondes de contact. Avec les humains les liens sont différents, fragiles, impalpables, peut-être illusoires. Mais les deux professeurs sont au bord des larmes en reprenant leur plus jeune création contre leur cœur, eux qui ne l'ont jamais touchée sans bonne raison au laboratoire. Puis ils se tournent vers 2 et, à son tour, l'enlacent sans un mot. Mais c'est suffisant pour qu'elle comprenne leur soulagement et leur peur.
1 se concentre sur le système de sécurité et ouvre la porte. Mentalement, il désamorce les pièges et remet en marche les systèmes de survie. Surtout, il tente de ne pas penser aux cadavres qui sont restés sur place. Ils en croiseront bien assez tôt, et 7 est trop liée à lui pour qu'il laisse des images pareilles le traverser.
Le petit groupe entre, après quoi les Techs referment la porte. Ils sont les maîtres des lieux... pour le moment. 2 et 7 regardent 1, attendant machinalement qu'il donne le signal de départ, 1 regarde le professeur Milley et Milley regarde Edmund. Celui-ci, plus mondain que jamais, déclare :
« Et bien, avant de continuer, nous allons faire les présentations à nouveau. Particulièrement pour les deux invités que 2 et 7 nous ont ramenés. Si cela vous convient, bien sûr.
— Choy, dit sobrement Choy.
— Nora Milley, dit doucement Nora en fixant sa mère.
Celle-ci pince les lèvres, évite son regard et ne dit rien. Évidemment. Nora savait que l'austère professeur n'était pas du genre à laver son linge familial en public.
— Quelles sont vos affiliations ? demande Edmund.
— Pas d'affiliation, répond Choy. Nous avons accompagné 2 et 7 pour les aider et les protéger si possible. Quant à Nora, elle voulait également retrouver sa mère.
Personne n'est dupe du mensonge, à part peut-être les professeurs. M. Edmund, quant à lui, se désigne sobrement sous l'étiquette d'un "ami des Techs". 2 a expliqué aux deux HR, pendant le vol, l'implication qu'il avait dans leur création et ses différentes tentatives pour les reprendre. Malgré leur longue habitude de la politique, ils sont surpris par l'aisance et le naturel des mensonges d'Edmund. Celui-ci continue à jouer les hôtes serviables :
— Bien. Maintenant que nous avons fait plus ample connaissance, allons-nous attendre patiemment que les autres Techs nous rejoignent ou commençons-nous la visite ?
— Qu'est-ce qui vous faire dire que les autres Techs vont venir ? dit 2.
— Mon petit doigt, ma chère, mon petit doigt... les sept Techs humains seront là car ils sont nécessaires. Au fait, savez-vous pourquoi sept ?
Personne ne lui répond. Il continue avec une certaine satisfaction :
— Les professeurs Milley et Stones le savent mais ils n'ont jamais voulu l'utiliser. Étrange, n'est-ce pas ? Après tout, vous êtes nés pour ça. Oh, pour être une nouvelle espèce de soldats, aussi, et pour protéger et servir l'humanité, bien sûr, ainsi que pour toutes les manipulations technologiques dont vous êtes capables. Mais vous avez aussi une autre capacité, qui ne peut se révéler qu'en étant sept. Mais peut-être attendaient-ils que la petite septième soit assez grande ?
— Assez grande pour quoi ? demande 1. De quoi vous par...
M. Edmund l'interrompt pour répondre à un appel.
— 6 sera bientôt ici. Attendons-le. Les autres ne se montrent pas pour le moment, nous allons donc commencer sans eux. Il faut atteindre la salle zéro. Même avec l'aide de nos amis Techs ça va nous faire une bonne marche, je le crains.
— Quelle salle ? demande 2. Il n'y a pas de salle appelée zéro dans le Laboratoire.
— Décidément, heureusement que je suis venu. Il y a un écran, faite une projection 3D du Laboratoire, si vous ne me croyez pas.
1 et 2 échangent un courant de pensées méfiantes mais ils finissent par s'exécuter.
— Bien. Maintenant, ne gardez que les parties techs.
Ce qu'ils font. Ils ont toujours considéré que le Laboratoire était construit en grande partie en matériaux non-tech pour leur confort et leur sécurité. Depuis peu ils réalisent que c'était également un bon moyen de les maintenir prisonniers. À présent s'esquisse sous leurs yeux une nouvelle facette de la réalité. Les fils d'or du Réseau interne tracent un maillage complexe, ponctué par endroit de zones remplies de machines techs. Le tout a une forme familière. Une logique qui dépasse les besoins de l'architecture. Un motif complexe parfaitement défini.
Le même motif qui se répète tout au long de la structure du pont que 7 devait construire.
Les deux aînés parviennent à limiter au maximum leur réaction mais la petite fille hurle en reconnaissant le plan de son pire cauchemar, et il faut du temps pour que les autres parviennent à l'apaiser.
— Et bien, dit Edmund avec satisfaction, je vois que vous avez compris. Il ne manque qu'un point pour que la structure soit complète. Le cœur. La salle zéro. Coupée du reste mais au centre de tout.
— Moi je n'ai pas compris, intervient Sanx. On est censé voir quoi ? Ce truc informe est censé avoir un centre ?
— Je laisse votre ami expliquer. Moi et mon équipe n'en avons pas besoin.
Sanx et les deux HR se tournent vers 1. Qui est plutôt désemparé. La présence tech et le pont vers les étoiles était un secret, et il sait qu'aucun des Techs n'a jamais réussi à vraiment en parler à un humain, à part à Breda Carson qui a disparu en tentant de comprendre. Le fait que ceux qu'ils considèrent comme leurs ennemis soient au courant le déstabilise complètement. Il ne sait pas quels mots poser sur cette chose qu'il n'appréhende pas totalement lui-même.
— Je... Il y a quelque chose de tech... dans le Réseau, mais pas seulement dans le Réseau... On dirait que ça peut nous atteindre à distance. Et ça poursuit 7. Comme un esprit qui n'aurait pas de corps... Mais qui aurait des milliers de voix... vous comprenez ?
Regards incrédules en face de lui. Non, les humains ont du mal à comprendre.
— Comme un avatar informatique ? demande Sanx.
— Un peu. En plus puissant. Peu importe qu'on soit à portée d'une source d'énergie tech ou non, ça sait où on est et ça parvient à parler à 7.
— Ça ? Ce n'est pas un programme ?
— On ne sait pas ce que c'est. Mais c'est sans doute vivant. Ça vit sans avoir de corps où naître. C'est... c'est différent de tout ce qu'on connaissait. C'est sûrement intelligent. Et ça a des émotions, je pense. Mais pas vraiment comme les nôtres. Je ne pense pas que ça veuille du mal à 7 pour lui faire du mal. Mais ça veut que 7 construise un pont vers les étoiles. Un pont créé en déployant son esprit tech. Si elle le fait, elle mourra. Et cette... chose s'en fiche.
Instinctivement Nora pose une main protectrice sur l'épaule de la petite fille.
— Quel rapport avec les plans ? demande Sanx.
— Tout ce qui est en tech, dans ces lieux, dessine le motif qui doit être répété pour créer le pont. Au centre, c'est l'emplacement de l'énergie pure.
— Mais qu'est-ce que ça veut dire, faire un pont avec son esprit ? Elle ouvre un trou dans une autre dimension ? Ou c'est sa cervelle qui s'étire à l'infini ?
— Non, c'est son esprit. Les esprits sont réels. On les voit dans le Réseau mais on peut aussi les étendre dans l'espace normal. Ça ne sert à rien puisqu'on ne peut pas agir dans l'espace normal, mais si au bout du chemin on trouve de la matière tech, l'esprit peut s'accrocher. Et il fait un passage.
— L'esprit... c'est plutôt une âme que tu décris.
— Peut-être. Je ne sais pas. Je ne connais pas les caractéristiques d'une âme.
Sanx tente de s'imaginer l'âme de la fillette étirée à travers l'univers en suivant le maillage complexe qu'il a sous les yeux. Une idée qui lui donne froid dans le dos. Mais il reste deux points plus importants à éclaircir.
— Pour ce pont, il faudrait de la matière tech à l'arrivée, c'est bien ça ? Mais depuis quand on trouve du tech dans l'espace ? Ce n'est pas fabriqué sur Terre ? »
Le chuintement de la porte le coupe.
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