
XXXI : Le bureau de sa maman
Repères chronologiques
2 mai 1998 : Bataille de Poudlard
1er septembre 1998 : Harry entre en septième année
6 septembre 1999 : Harry devient aspirant Auror
2 mai 2000 : Naissance de Victoire
31 décembre 2001 : Mariage de Ron et Hermione
Période couverte par le chapitre : janvier — mai 2002
Les deux premières semaines de janvier, la maison parut bien vide à Harry et il appréhenda le moment où ses amis déménageraient définitivement de chez lui. Il en toucha un mot à Ginny qui fit par la suite des efforts pour revenir le plus souvent possible au Square Grimmaurd. Même si l'annonce publique de leur relation n'était toujours pas à l'ordre du jour, cela réconforta grandement Harry.
Les jeunes mariés rentrèrent ravis de leur lune de miel. Il n'y eut pas tellement de changements visibles dans la vie de tous les jours, si l'on exceptait leur nouvelle propension à se désigner mutuellement sous les vocables « mon mari » et « ma femme ». Il avait été établi qu'ils resteraient Square Grimmaurd le temps que leur future maison soit définitivement choisie. Conscients que leur cohabitation serait bientôt terminée, les quatre amis organisaient des sorties ou des activités communes quand ils arrivaient à se retrouver tous les quatre pour la fin de semaine.
— Et si on allait au musée, demain ? proposa Hermione un vendredi soir.
— Au quoi ? demanda Ginny.
— Un endroit où on met de belles choses pour que tout le monde puisse les voir, lui expliqua Harry.
Hermione en profita pour leur faire une conférence sur la gestion de l'art dans le monde magique :
— Contrairement aux Moldus, leur apprit-elle, les sorciers britanniques n'ont pas ce genre d'organisation et les collections sont rarement accessibles à tous. On ne les retrouve que chez des amateurs qui les ont acquises ou dans la famille des artistes. Ce patrimoine est donc conservé de façon privée. Je suis d'ailleurs étonnée qu'il y ait aussi peu d'œuvres de valeur dans cette maison, à peine quelques portraits. Soit les Black étaient allergiques à l'art, soit les pièces qu'ils ont possédées ont été vendues ou volées.
— On demandera à Kreattur, répondit Harry.
— Peut-être que les parents de Sirius considéraient les têtes d'elfes empaillées de la cage d'escalier comme le clou de leur collection, proposa Ron.
— En fait, reprit Hermione en foudroyant son mari du regard, Poudlard est le seul endroit où j'ai pu admirer de l'art sorcier. Dommage qu'une visite guidée du château ne soit pas prévue, en histoire de la Magie par exemple, regretta-t-elle.
— Écris à Brocklehurst pour lui en parler, suggéra Ginny. Il sera peut-être intéressé.
— Très bonne idée. Et je vais en toucher deux mots à Molly. Elle pourra proposer au conseil d'administration de son école de rajouter un cours d'initiation à l'art.
— Ils ne sont pas un peu jeunes ? demanda Ginny, sceptique.
— On peut faire visiter des musées aux enfants de trois ans, opposa Hermione. Il suffit de bien préparer la séance et de ne pas la faire durer au-delà de vingt minutes. Tu devrais essayer avec Teddy, Harry. Ma mère m'a dit que j'adorais ça, quand j'étais petite.
Le regard dubitatif de Ron apprit à Harry qu'il ne considérait pas l'attirance d'Hermione durant son enfance comme très représentative. Lui-même avait de vagues réminiscences de ce genre de visite avec son école, mais n'avait pas l'impression d'en avoir gardé un souvenir impérissable... si ce n'étaient les détestables sandwichs aux œufs que lui préparait Pétunia pour ces occasions.
Hermione leur tendit un catalogue du British Museum qu'elle avait amené et les invita à le feuilleter. Ils admirent que les pièces photographiées étaient intéressantes et acceptèrent de se déplacer pour les admirer pour de vrai le lendemain après-midi.
Ce fut un choc. La taille du bâtiment, le nombre d'artefacts présentés, l'ancienneté des objets, leur beauté, tout cela les impressionna grandement. Ils déambulèrent longuement dans les galeries, voyageant dans le temps et l'espace, sans portoloin ni retourneur de temps. Harry se demanda comment il avait pu oublier que de tels trésors étaient à la portée de tous. Sans doute, n'était-ce pas un sujet de conversation courant chez les Dursley !
Avant de quitter l'endroit, Harry acheta à la librairie du musée un livre-guide destiné aux plus jeunes et l'offrit à Teddy dès le lendemain. Deux jours plus tard, il profita d'un jour de repos pour emmener son filleul à la découverte de l'art assyrien. L'enfant fut effectivement fasciné par la représentation des lions sur les bas-reliefs – cela changeait des dragons – et il adora toutes les statues animalières qu'il rencontra. Son petit livre à la main, il criait de joie quand il reconnaissait une œuvre et se montra particulièrement ravi par la glace que Harry lui offrit à la cafétéria du musée pour clore leur visite.
Deux semaines plus tard, Hermione décida de les emmener à la Tate Britain. Harry et Ron furent moins sensibles à l'art plus moderne qui y était présenté. Par contre, Ginny tomba en admiration devant la peinture impressionniste.
— Tu viens, Ginny ? finit par dire Harry, qui s'impatientait après qu'elle eut passé dix minutes en extase devant un Monet. On a encore plein de salles à visiter.
— Oui, oui, répondit distraitement son amie.
— Mais qu'est-ce qui te passionne à ce point ? s'étonna le jeune homme. C'est qu'une mare.
— Tu ne te rends pas compte que cette représentation est magnifique ? lui retourna Ginny.
— Elle me paraît surtout floue.
— C'est parce qu'il a peint ce qu'il voyait dans sa tête, pas la réalité, intervint Hermione.
— Ah, il était myope ! comprit Harry.
— Continue ta visite, Harry, le rembarra Ginny. On se retrouve à la cafétéria, d'accord ?
La semaine d'après, à la Tate Gallery, Ron et Harry restèrent très perplexes devant un visage réalisé par Picasso.
— C'est un portrait, tu es sûre ? demanda Ron dubitatif à Hermione.
— Oui, répondit la jeune femme. Le peintre a voulu représenter sur la même toile cette femme de face et de profil. C'est pour cela qu'elle a trois yeux et deux bouches.
— Heureusement que cette peinture ne parle pas, commenta Ron, visiblement horrifié à cette idée.
Hermione ne répondit pas, se contentant de soupirer.
Les semaines suivantes, considérant qu'elle avait fait de son mieux pour l'éducation de ses amis, Hermione les orienta plutôt vers le cinéma.
Ils commencèrent par Le Journal de Bridget Jones qui les divertit beaucoup, même si de nombreuses références culturelles leur passèrent au-dessus de la tête. Ils furent cependant étonnés de la liberté de mœurs que révélait l'histoire.
Ainsi que l'avait fait remarquer Molly quelque temps auparavant, ils étaient la première génération à pouvoir envisager de vivre en couple sans être mariés. Et même pour des jeunes femmes indépendantes comme Ginny et Hermione, le mariage restait, socialement parlant, une fin souhaitable. Le célibat militant de l'héroïne fit beaucoup jaser les deux sorcières. Mais peut-être en rajoutaient-elles pour faire comprendre à leur petit ami ou mari qu'on pouvait très bien se passer d'eux.
La semaine d'après, quand Hermione leur proposa un film français, ils furent d'abord dubitatifs. Ils apprécièrent cependant beaucoup Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain. Ils furent particulièrement amusés par l'histoire du gnome de jardin qui voyageait à travers le monde.
En soirée, ils tentèrent aussi les pubs. La bière moldue leur parut plus amère que la Bièraubeurre, mais cela se laissait quand même bien boire. Hermione les amena même dans une boîte de nuit, mais ils ne restèrent pas longtemps, désorientés par l'excès de bruit et l'épaisse fumée de cigarette.
*
Un mercredi du mois de février, Harry et son partenaire attendaient devant l'ascenseur de l'atrium, quand un cri aigu retentit :
— Harry !
Se retournant, l'interpellé vit un petit garçon courir dans sa direction. Il eut juste le temps d'ouvrir les bras pour y recevoir son filleul.
— Teddy ! s'exclama une voix courroucée. Je t'ai dit de rester près de moi.
— Bonjour Andromeda, la salua Harry. Tout va bien, je l'ai récupéré.
— Je suis désolée, dit-elle en arrivant essoufflée. Normalement, il est très sage.
— Il n'y a pas de mal, la rassura Harry. Permettez-moi de vous présenter mon partenaire Stanislas Pritchard. Voici Andromeda Tonks, la nomma-t-il pour son coéquipier.
Pritchard, qui avait jusque-là observé la scène d'un air amusé, prit une expression plus sérieuse :
— Enchanté de faire votre connaissance, Madame, lui dit-il sobrement. J'appréciais beaucoup votre fille.
— Je vous remercie Monsieur, répondit-elle avec la gravité digne qui la caractérisait quand on évoquait devant elle un de ses proches disparus. Allons, Teddy, dis au revoir et viens avec moi.
— Harry, je peux visiter l'endroit où maman travaillait ? demanda timidement le petit garçon.
— Teddy ! le tança sévèrement Andromeda. Je t'ai déjà expliqué que ce n'était pas possible.
Harry lança un coup d'œil à Pritchard qui semblait fasciné par l'enfant. L'Auror senior haussa imperceptiblement les épaules.
— On peut s'arranger, assura Harry à Andromeda. La plupart de nos collègues sont sortis. Cela ne dérangera personne.
— Je ne veux pas vous faire perdre votre temps, hésita encore la grand-mère.
— Aucun problème, Madame, renchérit Pritchard. Cela nous fera plaisir.
— Je dois me rendre tout de suite au niveau un, objecta Andromeda.
— Quand aurez-vous terminé ? s'enquit Harry.
— D'ici un quart d'heure, mais...
— On se retrouve dans vingt minutes dans l'atrium, proposa Harry.
Il la vit hésiter, mais le regard suppliant de son petit-fils la fit fléchir.
— Tu seras bien sage, Teddy ? capitula-t-elle.
— Oui Grand-mère, promit-il de son air le plus vertueux.
— Bon, je te le confie, Harry.
Harry reposa Teddy et le prit par la main. Ils entrèrent ensemble dans le premier ascenseur qui se présenta. Ils quittèrent Andromeda au niveau deux, tandis qu'elle continuait vers l'étage supérieur. Harry se demanda ce qu'elle venait faire au ministère. Sans doute une démarche liée à sa pension de veuve, supposa-t-il après réflexion.
Arrivant devant les portes du QG, Harry prévint Teddy :
— Tu restes près de moi et tu ne touches à rien, d'accord ? Et tu parles tout bas, il ne faut pas déranger les Aurors qui travaillent.
— Oui, Harry, fit le petit garçon de son air le plus innocent.
Et pour montrer qu'il avait bien compris, il fit le signe de tourner une clé devant sa bouche. Dans son élan, son nez suivit le mouvement et se tordit avant de se remettre en place. Pritchard leva un sourcil en constatant cette démonstration inconsciente de métamorphomagie, mais ne fit aucune réflexion. Ils entrèrent et Harry mena l'enfant vers son bureau. Sur leur passage, leurs collègues leur jetaient des regards surpris, amusés, curieux ou sévères, en fonction de leur tempérament.
Teddy fut très intéressé par les diverses notes et images animées qui tapissaient l'espace personnel de Harry. Il se montra ravi de se retrouver sur la photo qui représentait tous ceux qui se réunissaient le dimanche au Terrier (seule façon que Harry avait trouvé d'avoir Ginny sous les yeux, sans souligner sa relation avec elle), examina longuement le cliché où l'équipe de Quidditch des Aurors recevait la Coupe du ministère. Il contempla ensuite les portraits robots des mages noirs et Rafleurs en fuite que les Aurors mémorisaient pour les reconnaître si jamais ils croisaient leur chemin.
— Ce sont des méchants ? demanda Teddy.
— Oui, répondit Harry.
— Ils vont aller à Azraban, alors ! jugea Teddy.
— On va essayer, assura Harry.
— On recrute de plus en plus jeune ! fit une voix amusée derrière eux.
Teddy sourit largement en reconnaissant Owen.
— Je visite le travail de ma maman, lui indiqua l'enfant d'un ton important. C'est sa table ? demanda-t-il à Harry en désignant le bureau devant lequel ils se trouvaient.
Harry se tourna vers Pritchard d'un air interrogateur.
— Viens avec moi, mon bonhomme, fit celui-ci en tendant la main au petit garçon. Je vais te montrer où ta maman s'asseyait.
Harry les suivit tandis qu'ils traversaient la pièce. Ils s'arrêtèrent devant Janice Davenport – qu'en son for intérieur, Harry surnommait toujours Bandeau-vert.
— Quoi ? fit-elle d'une voix peu amène, manifestement guère encline à perdre son temps avec un gamin en visite.
— C'est un petit garçon qui voudrait voir le bureau où travaillait sa maman, expliqua suavement Pritchard.
Janice dévisagea l'enfant avec acuité puis regarda son collègue, comme pour chercher confirmation de ce qu'elle venait de comprendre. Quand elle reporta son attention sur Teddy qui se pressait, intimidé, contre les jambes de son guide, Harry vit pour la première fois cette dure à cuire se laisser gagner par l'émotion. C'est d'une voix radoucie qu'elle dit au garçonnet :
— Ta maman travaillait à mon bureau. Tu veux t'asseoir sur sa chaise ?
Comme Teddy hochait la tête en silence, elle se leva et l'invita à prendre place. Une fois qu'il fut installé, elle précisa :
— Là, à côté, il y avait Kingsley Shacklebolt, notre ministre de la Magie. Tu as dû le voir dans le journal.
— Je le connais en vrai, lui apprit Teddy. Il m'a donné un livre sur Merlin avec des images. C'est mon préféré livre !
— Tu as de la chance, commenta gentiment Davenport. Attention, ne touche pas à ça, tu vas mettre de l'encre partout !
D'un air coupable, l'enfant ramena sa main sur ses genoux.
— Tu as déjà écrit avec une plume magique ? lui demanda Davenport.
— Ron m'en a donné une, mais grand-mère l'a reprise, se désola Teddy. Mais on ne voit plus la tâche sur le fauteuil, précisa-t-il pour sa défense.
Tandis que Harry réprimait un sourire à ce souvenir, sa collègue se saisit alors d'une plume de Vérité Conforme et la disposa au-dessus d'un parchemin.
— Dis ce que tu as envie d'écrire, encouragea-t-elle le petit garçon.
— Teddy ! tenta-t-il.
Il s'exclama quand son nom s'inscrivit sur la feuille. Mais en regardant le résultat de plus près, il avoua d'un ton déconfit :
— Grand-mère ne m'a pas encore montré les lettres rondes.
Janice Davenport reprit la plume qui continuait à transcrire et l'enchanta différemment.
— Recommence, l'encouragea-t-elle.
— Teddy. Oh, je peux lire maintenant ! s'exclama l'enfant en découvrant son nom écrit en capitales. Maman ! Papa ! Grand-mère ! Harry ! débita-t-il d'un ton ravi.
Harry le laissa faire un petit moment, « Dragon ! Baguette ! Citrouille ! Sieste ! », avant d'intervenir pour libérer sa collègue.
— Grand-mère doit nous attendre. Il faut y aller.
Teddy gratifia Davenport d'un de ses plus beaux sourires et commenta en descendant du siège :
— Ce matin, Grand-mère a promis que j'aurai des Chocogrenouilles pour le goûter si je suis sage. Tu lui diras que je l'ai été ? s'inquiéta-t-il auprès de Harry.
— Tu pourras lui donner ce papier pour le lui prouver, dit Davenport en reprenant sa plume et roulant le parchemin pour le lui confier.
— Merci, répondit-il poliment en commençant à s'éloigner avec Harry. Au revoir, Madame l'Auror, au revoir Owen, continua-t-il quand ils furent à proximité du jeune homme. Il est où le bureau de Papa ? s'enquit-il au moment où ils passaient les portes qui les menaient dans le couloir.
— Il en a eu un à Poudlard, répondit Harry. Tu pourras le voir quand tu iras là-bas.
*
Au début du mois de mars, les aspirants Aurors de troisième année eurent de nouveau un cours magistral délivré par leur commandant.
— Aujourd'hui, nous allons parler d'occlumancie et de legilimancie, commença-t-il. Qui sait ce que c'est ?
Seuls Harry et Owen levèrent la main.
— Peux-tu nous en donner la définition, Harper ?
— La legilimancie permet de lire dans les pensées. On s'entraîne à l'occlumancie pour s'en protéger, répondit le jeune Auror.
— As-tu déjà pratiqué l'une ou l'autre de ces deux disciplines ?
— Non, commandant.
— Et toi, Potter ?
— J'ai fait un peu d'occlumancie, admit Harry, mais je n'étais pas très bon.
— Peux-tu nous expliquer concrètement comment ça marche ?
— La formule pour lire les pensées est Legilimens. Pour y résister, il faut vider son esprit.
Vicky Frobisher leva la main :
— Beaucoup de sorciers pratiquent la legilimancie ?
— Pas tellement, la rassura Faucett. Il faut être assez puissant pour le faire de façon efficace.
— Comment savoir à quel moment il faut faire de l'occlumancie ? se renseigna Kevin Whitby.
— Quand le legilimens opère, on voit défiler les images qui sont extraites de notre tête, expliqua Harry. Parce que ce sont des souvenirs et non des pensées qui sont lues, précisa-t-il.
— Tu as pratiqué la legilimancie ? demanda Faucett à Harry.
— Pas vraiment. Des fois, en faisant de l'occlumancie, je recevais des images appartenant à mon professeur, mais c'est tout.
— Ça en était. Tu ne dois pas être si mauvais que tu sembles le croire pour y être arrivé, jugea Faucett. Bon, essaie d'entrer dans ma tête.
Harry sortit sa baguette et se concentra :
— Legilimens ! déclama-t-il comme il avait vu Rogue le faire.
Pendant une seconde ou deux, rien ne se passa, puis il vit deux mains qui tenaient un journal. Il reconnut les titres du matin. Il essaya de glisser vers un autre souvenir, comme il le faisait dans la Pensine quand il voulait atteindre une séquence particulière, mais à chaque tentative, les feuillets imprimés se dressaient devant lui, lui bouchant la vue. Il finit par abandonner.
— L'article était si intéressant que ça ? demanda-t-il.
— Mon instructeur m'a appris que le meilleur moyen de bloquer un legilimens était de se réfugier derrière un souvenir qu'on choisit soi-même, expliqua Faucett.
— Ah bon ? On m'a plutôt conseillé de ne penser à rien, s'étonna Harry.
— Il y a plusieurs écoles, admit Faucett. Certains disent que ta méthode est plus efficace contre un legilimens puissant, mais je la trouve plus difficile à mettre en œuvre. On la réserve normalement pour ceux qui ont déjà une certaine pratique.
Harry savoura cette explication. Bien qu'il ait soutenu que le manque de pédagogie de son professeur avait été la cause de ses piètres talents en ce domaine, il s'était toujours senti coupable de n'avoir pas mieux réussi en occlumancie et de s'être laissé piéger par Voldemort. La critique de la méthode de Rogue exprimée par le commandant des Aurors était réconfortante pour Harry. Pendant qu'il était plongé dans ses pensées, Faucett avait expliqué à ses condisciples comment bloquer une attaque psychique.
— Vous avez compris ? concluait-il. Concentrez-vous sur un souvenir anodin, mais frais dans votre esprit, pour m'empêcher d'en choisir un autre. Harper, je commence avec toi.
Owen et le commandant des Aurors se fixèrent un long moment. Quand Faucett abaissa sa baguette, Owen était en sueur, mais semblait satisfait. Son supérieur lui adressa un mouvement de tête approbateur, avant de continuer avec Eleonor Branstone. Très vite, elle grimaça d'un air déconfit.
— Il va falloir travailler ça, remarqua Faucett.
Il passa ensuite à Vicky. Cette dernière résista vaillamment une dizaine de secondes avant de rougir jusqu'à la racine des cheveux, visiblement mortifiée par le souvenir que son chef avait réussi à atteindre.
— À travailler également, fit Faucett d'un ton neutre.
Kevin tint encore moins longtemps avant de lever ses mains en signe de défaite. Finalement, Faucett se tourna vers Harry.
— À nous, annonça-t-il.
Harry évoqua précipitamment le contre-feu qu'il avait choisi : le serment des Aurors, qu'il avait commencé à apprendre par cœur en vue de sa nomination six mois plus tard.
Je jure de toujours m'efforcer de distinguer la magie blanche de la magie noire, de protéger la première et de combattre la seconde.
Qu'avait-il mangé ce matin-là au petit-déjeuner ? Il repoussa vivement l'image de sa cuisine et de...
Je m'engage à servir les lois magiques, à combattre tous ceux qui chercheront à détourner les forces naturelles à des fins de coercition de la volonté d'autrui ou d'enrichissement personnel.
Du thé ou du café ?
Je promets de toujours mettre ma baguette au service des plus faibles et de ceux qui ont besoin de protection.
Thé ou café ?
Je le jure sur ma magie.
Thé ou café ?
Je le jure sur ma magie.
Thé ou...
JE LE JURE SUR MA MAGIE !!
L'esprit de Harry fut soudain envahi par une image : son commandant, plus jeune d'au moins vingt ans, découvrait avec horreur une marque de Mangemort fluorescente flottant au-dessus d'une maison. Harry cligna des yeux et le souvenir disparut.
Une fois sa vision éclaircie, il s'aperçut que Faucett avait laissé échapper sa baguette et se tenait la tête entre les mains. Harry resta immobile, ne sachant ce qu'il avait fait.
— Commandant ? finit-il par dire timidement.
Faucett leva une de ses mains d'un geste qui voulait dire de ne pas s'inquiéter. Il avait cependant l'air secoué quand son visage redevint visible.
— Désolé, dit platement Harry, gêné par les regards de ses camarades.
— Ce n'est pas ta faute, le rassura son formateur. Je n'aurais pas dû essayer de forcer. Enfin, j'espère que te voilà tranquillisé sur tes capacités en la matière. Et je confirme, c'est bien de la legilimancie, ce que tu viens de faire.
Harry lut dans les yeux de ses camarades une immense curiosité au sujet du souvenir qu'il avait réussi à dérober à son commandant. Il échangea un sourire triste avec lui. Faucett se pencha pour récupérer sa baguette puis annonça :
— D'ici votre examen, faites des exercices ensemble dans ces matières. Le but est que vous reconnaissiez une attaque et que vous sachiez y résister. Merci de noter que l'utilisation de la legilimancie est très encadrée et que vous n'avez pas le droit de l'employer contre des suspects. S'ils s'en rendent compte, ils peuvent porter plainte et annuler toute la procédure qu'on aurait engagée contre eux.
Les aspirants consignèrent consciencieusement ce dernier point puis rangèrent leurs affaires.
*
Au cours des semaines suivantes, Harry fut régulièrement sollicité par ses condisciples pour les conseiller en la matière et leur servir d'adversaire. Un peu mal à l'aise au début avec l'idée d'être considéré comme un instructeur, il finit par se prendre au jeu et retrouva le plaisir qu'il avait eu à aider ses camarades à progresser l'année où il avait animé l'AD. Ainsi, de façon informelle, Harry devint l'organisateur des divers entraînements auxquels les futurs Aurors s'astreignaient pour obtenir leur examen final.
Ce fut durant cette période que Faucett fit signe à Harry de le rejoindre dans son bureau. Surpris, le jeune homme regarda Pritchard, qui confirma qu'il devait y aller, mais sans faire mine de le suivre. Tout en se levant, Harry se demanda s'il avait fait une bêtise ces derniers temps, mais sa conscience était nette. Faucett lui fit signe de prendre place dans un fauteuil et commença :
— Comme tu l'as sûrement constaté, nous n'avons pas fait de recrutement depuis l'arrivée de ta promotion.
Harry hocha la tête.
— Nous avons fait rentrer dix nouveaux Aurors en deux ans, et j'ai voulu leur donner le temps de s'intégrer avant de faire venir d'autres aspirants. Mais nos effectifs sont vraiment justes et je dois parfois jongler pour gérer les congés et les maladies.
Harry interrogea son chef du regard, ne comprenant pas en quoi il était concerné.
— J'ai pris contact avec Poudlard, continuait le commandant. Le professeur Williamson m'a fait savoir qu'un certain nombre de ses élèves de septième année ont les compétences et le profil que nous recherchons. Mais la plupart d'entre eux n'ont pas indiqué vouloir devenir Aurors lors de leur conseil d'orientation. Visiblement, notre métier ne paraît plus aussi attractif depuis que nous avons mis la plupart des Mangemorts connus sous les verrous. Sans doute, croit-on qu'il n'y a plus de mages noirs à combattre.
Harry devait admettre que, même s'il ne regrettait pas son choix de carrière, son travail était plus tranquille et monotone qu'il l'avait imaginé.
— J'ai décidé d'aller à la rencontre des étudiants et leur parler un peu de nos activités, histoire de faire naître des vocations.
Harry commençait à comprendre. Quelque chose lui disait qu'il allait se retrouver d'ici peu à faire de la retape à Poudlard.
— J'aimerais que tu viennes avec moi, indiqua effectivement Faucett. Je sais que tu n'apprécies pas tellement te produire en public, mais cela me rendrait vraiment service. Je ne te demande pas de t'engager tout de suite. Prends quelques jours pour réfléchir et donne-moi ta réponse d'ici la fin de la semaine, d'accord ?
— Je vais y penser, indiqua Harry comprenant que l'entretien était terminé.
Retournant à sa place, il vit au regard que lui lança son partenaire que celui-ci savait parfaitement de quoi il retournait. Mais ni l'un ni l'autre ne firent allusion à ce qui avait été dit dans le bureau de leur chef.
Le soir même, Harry fit part de cet entretien à Ron, Hermione et Ginny.
— Tu vas davantage faire naître les vocations que Maugrey Fol Œil ! jugea Ron.
— Tu vas accepter d'y aller ? demanda Ginny.
— Je peux difficilement refuser de faire ça pour mon service, soupira Harry.
— Ne fais pas cette tête, Harry. Pense à toutes les étudiantes de septième année ! positiva Ron. Aïe, ajouta-t-il rapidement, laissant supposer que Ginny lui avait décoché un coup de pied sous la table.
À moins que ce ne soit Hermione.
— Tu as une idée de ce que tu vas dire ? demanda justement celle-ci.
Il nota que son amie n'imaginait pas une seconde qu'il tenterait de se dérober à son devoir. Et elle avait raison d'ailleurs. Harry soupira.
*
Le jour dit, Harry et Dave Faucett transplanèrent juste devant la grille de Poudlard. Ils firent tinter la cloche d'entrée et attendirent qu'on vienne leur ouvrir. Harry ne put s'empêcher de sourire quand la haute silhouette du gardien des clés surgit au loin.
— Hagrid, comment ça va ?
— Très bien, Harry, très bien, s'écria le géant en le serrant contre lui. Je suis heureux de te voir.
— Moi aussi, Hagrid, répondit Harry quand il eut retrouvé l'usage de ses poumons.
Le gardien salua le commandant des Aurors de façon plus protocolaire puis les accompagna vers le château. Pendant leur traversée du parc, Harry s'enquit de la santé de Graup et apprit avec plaisir que le petit allait très bien. Arrivés dans le Hall d'entrée, les deux invités furent accueillis par Aristote Brocklehurst. Le directeur serra la main de ses visiteurs et les informa qu'une salle avait été aménagée pour qu'ils puissent parler à la quarantaine d'élèves de septième année.
Harry et Faucett se laissèrent guider à travers le château. Sur le parcours, les personnages des tableaux reconnaissaient Harry et le saluaient. Même la grosse dame de Gryffondor déserta son poste pour se placer sur son chemin et il ne put faire autrement que d'échanger quelques mots avec elle. Leur trajet les fit passer devant le refuge de Mimi Geignarde. Harry pensa un instant aller lui dire bonjour, mais il n'osa pas pénétrer dans les toilettes des filles sous les yeux de son commandant.
Ils furent menés dans une pièce se trouvant près de la classe de défense contre les forces du Mal. Les élèves les attendaient sous la surveillance du professeur Josef Williamson. À leur entrée, toutes les têtes se tournèrent, et un bruissement s'éleva de la foule d'élèves qui chuchotaient à qui mieux mieux en tendant le cou pour voir Harry.
Celui-ci soupira quand il comprit qu'il devait passer entre deux rangées d'étudiants pour atteindre l'estrade où se tenait Williamson. Un sourire plaqué sur les lèvres, il entreprit sa traversée. Une personne cependant attira son attention.
— Oh, Demelza, salut ! la reconnut-il avec plaisir.
Il s'arrêta pour lui serrer la main.
— Bonjour Harry, répondit-elle manifestement ravie qu'il la remarque.
— Alors, où en est la Coupe de Quidditch ? lui demanda-t-il.
— Je ne suis pas aussi bonne capitaine que toi, grimaça-t-elle. On n'a rien gagné depuis que toi et Ginny êtes partis.
— Gryffondor a raté la Coupe durant plusieurs années de mon temps, et puis la roue tourne, l'encouragea-t-il.
Il fit un signe de la main à Euan Abercrombie, son ancien gardien, qui se trouvait plus loin, avant de hâter le pas pour rejoindre son chef. Celui-ci était en train d'échanger des nouvelles avec le professeur Williamson, et Harry se souvint qu'ils étaient autrefois collègues. Finalement, le directeur commença :
— Mesdemoiselles, Messieurs, voici David Faucett, le commandant des Aurors. Il est venu avec Harry Potter, que je n'ai pas besoin de présenter.
Une salve d'applaudissements éclata. Avec résignation, Harry salua de la tête.
— Je pense que je vais laisser la parole à l'Aspirant Potter, sourit Faucett.
Harry inspira à grand coup :
— Bonjour à tous.
Là, il se rendit compte que le trac lui avait fait oublier le petit discours qu'il avait prévu, et que seul un grand blanc subsistait dans sa mémoire.
Il contempla son public qui attendait la suite et se décida à improviser :
— Vous savez ce qu'on va faire ? C'est vous qui allez parler. Que représente pour vous le métier d'Auror ?
Les jeunes gens se regardèrent puis Demelza se lança :
— Arrêter les mages noirs ?
— Oui, nous faisons ça. Et je parie que vous vous dites que puisque la plupart des Mangemorts sont en prison, ça ne doit plus valoir le coup de devenir Auror.
Beaucoup opinèrent.
— Eh bien, vous vous trompez. Notre périmètre est bien plus large et comprend tout ce qui pourrait révéler un crime grave. Nous enquêtons sur toutes les morts suspectes et sur les trafics de produits pouvant être utilisés en magie noire. Nous faisons des recherches, des interrogatoires, nous recoupons les informations et tentons d'obtenir des renseignements.
— Vous avez des indics ? demanda un jeune homme.
— Oui, bien sûr. Quel est ton nom ? Ce n'est pas pour mes fichiers, assura Harry en voyant son mouvement de recul, c'est juste que je trouve plus agréable de savoir avec qui je parle.
— Peter Thickey, répondit-il d'une voix mal assurée.
— Donc comme je disais, oui Peter, nous avons des indics. Nous devons gérer ce genre de relations, estimer la valeur de leurs déclarations, décider ce qu'on peut leur donner en échange de leurs informations. Être Auror, c'est avoir des responsabilités, prendre des décisions, faire confiance à son instinct, conclut-il surpris d'avoir tant de plaisir à parler de sa fonction.
Un autre élève leva la main et prit la parole quand Harry la lui donna d'un signe de tête :
— Herbert Dobbs. Est-ce qu'on fait parfois des missions d'infiltration ?
— Ça arrive, Herbert, mais je suis bien trop jeune dans le métier pour qu'on me confie de telles missions. Oui, Demelza ?
— Tu penses pouvoir en faire un jour ? sembla-t-elle douter. Tu es, euh..., assez reconnaissable.
Harry lui sourit d'un air malicieux puis prit sa baguette et la dirigea vers son propre visage. Il se concentra sur celui de Ron, ne voulant pas leur montrer l'aspect qu'il utilisait pour son travail, et chuchota les sorts qui lui permettaient de se transformer.
Des « Oh ! » de surprise et un « Ron Weasley ! » étonné lui indiquèrent qu'il avait bien réussi sa démonstration.
— On apprend quelques techniques en Filature et tapinois, comme vous voyez, commenta-t-il avant d'annuler le sortilège.
Il sentit une attention accrue de la part de l'assistance. Plusieurs mains se levèrent en même temps.
— Wilfried Hooper, se présenta celui à qui il avait donné la parole. Quelles sont les qualités requises pour proposer sa candidature ?
— Comme tu as dû le lire dans les prospectus mis à votre disposition, il faut un minimum de cinq E aux ASPIC. Bien entendu, on s'attend à ce que ce soit avant tout en défense contre les forces du Mal. D'autres disciplines sont appréciées comme la métamorphose, les enchantements, les potions. Je dirais que la plupart des matières enseignées à Poudlard peuvent se montrer utiles dans certains cas particuliers.
— Même la divination ? demanda un plaisantin.
— Si vous avez vraiment le don, cela peut aider pour les enquêtes, rétorqua Harry. Mais si c'est pour nous prédire des morts atroces et prématurées, on se passera de vous.
Les sourires dans l'assemblée lui démontrèrent que les cours de la professeure Trelawney n'avaient pas tellement évolué depuis son départ.
— Oui ? continua-t-il.
— Rosa Urquhart. Y a-t-il beaucoup de filles chez les Aurors ?
— Pas énormément, mais d'après une de mes collègues, cela offre un immense avantage : leurs toilettes sont propres.
Un éclat de rire franc et général accueillit cette remarque. Harry entendit les trois hommes qui se trouvaient derrière lui ricaner dans son dos. Il donna la parole à un autre élève :
— Adolph Vaisey, se présenta-t-il. Sur quoi se basent les tests d'aptitude et de personnalité ?
— Je n'en sais rien, avoua Harry. Je n'ai pas passé de test et, en sortant de mon entretien, j'étais persuadé que j'allais être recalé. Je vais laisser mon commandant vous répondre.
— Ce n'est pas tant ce que vous direz que la façon dont vous le direz qui compte pour l'entretien de personnalité, expliqua Faucett. Le meilleur conseil que je peux vous donner, c'est d'être le plus franc possible. Pour les tests d'aptitude, on vous posera quelques colles pour voir si vous avez un minimum d'esprit de logique et de déduction et on vérifiera votre condition physique. Pour répondre à la demoiselle de tout à l'heure, être une femme ne doit pas être un obstacle à votre candidature. Je suis tout à fait favorable à une féminisation du bureau des Aurors.
Quand il fut certain que son commandant avait terminé, Harry fit signe de parler à un autre élève :
— Qu'est-ce qui est le plus dur dans le métier d'Auror ?
— La mort des collègues, énonça brièvement Faucett sans laisser le temps à son aspirant de répondre.
Il y eut un silence alors que les étudiants prenaient la mesure de la déclaration. Harry songea qu'ils savaient de quoi il était question. Plusieurs d'entre eux avaient perdu de la famille quatre ans auparavant – dans l'un ou l'autre camp.
Heureusement, Demelza ne voulut pas rester sur une note aussi sombre :
— Et le plus merveilleux ? demanda-t-elle.
— Le sentiment de faire quelque chose d'utile, répondit Harry.
Le jeu des questions-réponses se termina là-dessus. Faucett distribua des formulaires d'inscription et donna des précisions pratiques sur les dates de dépôt et les informations à renseigner.
Harry remarqua que Demelza prenait un document avec détermination et songea qu'il la verrait sans doute franchir les portes du QG au mois de septembre suivant. Les deux Aurors prirent finalement congé après avoir remercié le directeur de les avoir reçus.
En retraversant le parc, Harry se souvint de la nostalgie qu'il avait éprouvée en quittant Poudlard trois ans auparavant. La vie qu'il avait menée depuis avait été plaisante et il espéra que les années à venir lui réserveraient autant de joies et de satisfactions.
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Pour les jeunes qui s'étonneraient qu'on puisse fumer dans les pubs, je précise que l'interdiction en Angleterre date de 2006.
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