La frustration.

Voilà ce que ressentait Ellie au plus profond d'elle. On lui avait vendu la réunion comme une révélation sur les secrets dissimulés en lien avec sa présence ici. Et voilà qu'elle s'était retrouvée dans une conférence sectaire où son adhésion n'était qu'une formalité. Sans lui demander une fois son avis. 

Elle avait l'impression de se retrouver à l'âge de 4 ans où sa mère choisissait pour aller à l'école ses vêtements affreusement colorés sans qu'Ellie puisse émettre son avis. C'est vrai que ce n'était pas totalement comparable, mais la jeune femme détestait qu'on décide pour elle. C'était quelqu'un de déterminé qui savait ce qu'elle voulait faire dans la vie et dans quelle direction se diriger, personne ne lui imposerait quoi que ce soit, c'est elle qui choisissait.

Leur claquer la porte au nez lui avait fait du bien mais la réalité la rattrapa bien vite. Elle ne reconnaissait aucun des couloirs qu'elle arpentait en détalant le plus vite possible pour mettre le plus de distance entre cette porte et elle.

Même si elle était perdue, le point positif fut qu'elle ne croisa personne dans sa fuite. Pas un seul bruit de pas, ou de poursuivants. Bizarre...

Il fallait qu'elle retourne au rez-de-chaussée pour avoir plus de chance de s'en sortir avec l'éventualité que si elle ne trouvait pas la porte de sortie elle pourrait toujours sauter par une fenêtre et s'enfuir. Elle préférait éviter cette option avec sa cheville en feu qui devait avoir triplé de volume depuis. Ellie ne ressentait pas la douleur avec l'adrénaline qui coulait dans ses veines mais cela n'allait pas tarder à arriver si elle s'arrêtait.

Mais où étaient ces fichus escaliers se demandait Ellie. Les couloirs lui semblaient tous familiers , se ressemblaient tous. Elle ne pouvait pas s'arrêter. Si jamais quelqu'un partait à sa recherche... 

Mais cette idée s'évanouissa aussi vite qu'elle était apparue. Après tout, personne ne se souciait de son sort, elle n'était qu'une jeune ado rebelle pour eux après tout,  son absence ne serait pas une grosse perte.

 Cette pensée lui fit un pincement au cœur, est ce que sa famille s'était aperçue de son absence, sa mère devait sûrement, la connaissant, avoir contacté tous les hôpitaux et commissariats de la région à l'heure actuelle. Sa famille lui manquait et sa partenaire d'aventures Sam n'était pas là pour lui changer les idées. Cette fille avait le don pour rendre tout ce qui était négatif en une parenthèse belle et positive. Ellie aurait bien eu besoin d'elle dans ces instants de détresse. Elle aurait sûrement adoré courir dans les couloirs sans fin d'un château datant d'une époque révolue, dans un lieu inconnu, poursuivit par une secte comparant cela à un film d'action ou d'horreur selon la fin. Cette idée la fit rire. 

Elle poursuivit son chemin en se dirigeant à l'aveugle. Une fois à droite, une fois à gauche... Sa douleur à la cheville se réveillait peu à peu au fil de ses foulées.

Cependant ce qui l'arrêta ne fut pas sa cheville mais un bruit assourdissant qui l'étourdissa un instant la forçant à s'assoir pour ne pas risquer de tomber. Ces bruits ressemblaient à ceux qu'elle avait perçue au gymnase lors de l'épisode de sa chute, mais différemment, en beaucoup plus audible.

Elle percevait presque des mots, et semblait entendre comme une voix de femme murmurant à répétitions le mot "ici" . N'y tenant plus Ellie se boucha les oreilles toute tremblante. La jeune femme avait l'impression que des milliers de marteaux lui martelaient le cerveau intensifiant son mal de crâne et son étourdissement. Une douleur aigue parcourait tout son corps de la racine de ses cheveux à ses orteils. Son cœur battait la chamade et une goutte de sueur roula sur son front.

Elle ne sut combien de temps elle resta dans cette position mais quand cela se tut elle se rendit compte qu'elle avait le visage inondé de larmes et son corps ne s'arrêtait pas de trembler. Elle serait sans doute restée prostrée dans cette position des heures si des mains ne s'étaient pas posées délicatement sur les siennes. Des mains étrangères qui lentement décollèrent ses propres mains de ses oreilles. Puissantes et fermes, elles rencontrèrent ses doigts et tirèrent doucement pour la relever. 

Encore choquée par ce qui venait d'arriver, elle se laissa faire comme une poupée. Elle se sentit alors si faible qu'elle crut que ses jambes allaient lâcher sous son propre poids. Heureusement son sauveur la soutena et positionna ses bras sous ses genoux pour la porter alors comme une princesse.

Ellie sentit ses paupières lourdes et la dernière chose qu'elle vit fut, encore une fois le visage du ninja, dont elle connaissait maintenant le prénom. Elle ferma les yeux sur la dernière image du visage de Léo, les sourcils froncés, inquiet.

.

.

A son réveil, Ellie ne se serait pas senti si différente à si elle avait été lancé à pleine vitesse dans des milliers de tours de manège. Une barre au niveau de la tête l'empêchait de sortir de ce brouillard épais dans lequel ses pensées étaient immergées. La jeune femme s'efforça de reprendre contenance mais ses yeux encore lourds des sanglots qui lui avaient échappés n'arrivaient pas à soutenir la luminosité ambiante. Un grognement de frustration franchit les lèvres d'Ellie. C'est alors qu'une voix féminine répondit : 

- La belle au bois dormant est enfin réveillée, s'exclama-t-elle.

Cette voix était familière à Ellie mais cette dernière n'arrivait pas à remettre le doigt sur le visage de la personne à son chevet. 

Un bruit de chaise et des pas dans la pièce précédèrent le bruit de rideaux que l'on ferme. 

La pièce s'assombrit alors et Ellie, en luttant, réussi à entrouvrir lentement un œil. Le suivant ne tarda pas à suivre et elle découvrit le visage souriant d'Alexandra penché dans sa direction. 

- Bonjour, lui lança la jeune rousse 

- Bjourr, répondit la voix enrouée d'Ellie

- Si tu savais la peur que tu nous as fais le soir du conseil. Léo n'en a pas dormi de 2 nuits tellement il était inquiet. Il va enfin être rassuré quand je vais le prévenir que tu es réveillée et que tu vas bien.

Les mots "2 nuits", "Léo" et "inquiet" s'entrechoquèrent dans les pensées d'Ellie qui s'exclama bruyamment :

- Quoi ? Deux nuits ? Tu veux dire que je suis inconsciente depuis deux jours ?

- Ton corps n'a pas tenu après autant de rencontres, le spectre de Fasmay t'as absorbé beaucoup d'énergie et ton ignorance sur le contrôle de tes capacités t'a complètement vidé. J'imagine que le choc du conseil n'a pas dû aider non plus..., déblatéra Alexandra songeuse

Qui était Fasmay et de quelles capacités parlait-t-elle donc. Celle de se créer des ennuis très certainement pensa Ellie. Le conseil l'avait en effet bousculé et elle n'avait rien appris de plus hormis des tirades fantaisistes sur des soi-disant évènements dramatiques et des missions secrètes. 

- Je veux rentrer chez moi, je ne sais pas ce que vous avez fumé ici mais ça doit vraiment être fort, j'aurais bien gouté pour vous rejoindre dans votre délire, mais désolé c'est pas mon truc, railla Ellie alors que la porte s'ouvrait à la volée. 

Elle fut arrêtée dans sa pique par une voix grave et puissante :

- Tu ne bougeras pas d'ici, s'écria fermement Léo, qui venait de pénétrer dans la pièce.

La pièce où Ellie avait été enfermée au début de son arrivée l'accueillait une nouvelle fois à ce réveil avec comme visiteurs Alexandra et la dernière personne qu'elle voulait voir, Léo. 

La honte gagna Ellie qui se remémorait l'état dans lequel le beau brun l'avait retrouvé après le conseil. Lamentable. Faible. Voilà ce qu'il devait penser d'elle. 

Alexandra en profita pour s'éclipser et Léo récupéra la place de cette dernière, tout près du lit où était étendue Ellie. Avec un regard inquisiteur, il lâcha comme une bombe : 

- Bon sang, mais qui es-tu ?