XXVII : La lettre de sang
Chronologie :
2 mai 1998 : Bataille de Poudlard
26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny
20 juin 2004 : Élection de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique
17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter
04 janvier 2006 : Naissance de Rose Weasley
26 juin 2006 : Naissance d'Albus Severus Potter
16 mai 2008 : Naissance de Lily Luna Potter
28 juin 2008 : Naissance de Hugo Weasley
Décembre 2009 : Harry devient commandant des Aurors
30 juin 2011 : Inauguration du musée de la Magie
22 mars 2014 : Élection d'Adrian Ackerley comme ministre de la Magie
Période couverte par le chapitre : 21 et 22 octobre 2015
21 et 22 octobre 2015
De retour au ministère, Harry et Owen repassèrent au QG des policiers.
— J'ai une piste pour expliquer ce qu'a vu votre gars, indiqua Harry à Watchover. Il paraît que quelqu'un achète aux harpies du fil d'acromentule.
— Pour quoi faire ? s'étonna le commandant Watchover.
— Mon contact ne savait pas. Je pense que c'est pour faire des recherches. Il semble payer correctement.
— Un chercheur ? Guilde des Artisans ?
— C'est la piste que je suivrais.
— Je vous la laisse ?
Harry hésita. Il lui suffisait d'appeler Ron par miroir pour que son ami se charge de poser des questions autour de lui. Mais il préféra décliner :
— Je ne pense pas que ce soit lié. Quelqu'un qui entre dans la forêt pour tuer un centaure n'a pas besoin d'aide pour récupérer des fils. A priori, c'est davantage dans votre périmètre que dans le mien.
— Entendu, je reprends l'affaire. Concernant le coup de sabot, désolé, rien pour l'instant.
— Merci d'avoir cherché. Je vais voir si mon équipe a eu plus de chance avec les apothicaires.
— Je l'espère pour vous. Votre rendez-vous avec votre harpie s'est bien passé ?
Owen laissa échapper un petit rire :
— Ça m'étonnerait que vos gars n'en entendent pas parler à la Tête de Sanglier aujourd'hui, commenta-t-il.
— Quelque chose que je devrais savoir ? s'inquiéta Watchover.
— Rien de bien méchant, minimisa Harry en se demandant les proportions qu'allait prendre l'incident. Elle m'a juste fait passer un petit test.
*
Au QG des Aurors, Harry fonça sur Demelza qui tenait une conversation par miroir. Quand elle le vit, elle s'interrompit et secoua la tête en direction de son chef :
— Désolée, Harry, je n'ai rien de neuf. Les enquêtes sur les apothicaires et les blessures causées par les chevaux suivent leur cours. Althea a encore fait chou blanc, illustra-t-elle en montrant son miroir.
— Bon, continuez, fit Harry en tentant de cacher sa déception.
Il se dirigea vers son bureau :
— Le ministre te fait dire qu'il est disponible à n'importe quelle heure pour toi, lui annonça Pritchard sans prendre le temps de le saluer.
Harry soupira. Cela ressemblait bien à un ordre d'aller au rapport. Au moins, Kingsley comprenait que, quand on n'a rien trouvé, on avait autre chose à faire qu'à perdre son temps à le faire savoir à son supérieur.
— Eh bien, il ne va pas être déçu ! grogna-t-il en faisant demi-tour. Owen, je compte sur toi pour le rapport. Sois sobre, il va sans doute être lu par le ministre.
— Oui, chef !
— Et mollo sur Celeno, hein ! Ne te laisse pas emporter par ta prose. Manquerait plus qu'on provoque un incident diplomatique pour un regard de travers.
— Quoi ? s'étrangla Stanislas.
Harry les abandonna sans prendre la peine d'expliquer et prit l'escalier pour monter à l'étage supérieur. Mandy Brockehurst-Belby, la secrétaire du ministre, parut soulagée de le voir et bondit de sa chaise pour aller frapper au bureau de son patron. Elle dit simplement « Harry Potter » et s'effaça pour le laisser passer avant de refermer la porte derrière lui.
— Cher Monsieur Potter, comment allez-vous ?
— Très bien, Monsieur le ministre, merci.
— Alors, cette enquête, elle avance bien ?
Harry fit un rapide récit des entretiens qu'il avait eus depuis la veille, se bornant à en résumer le contenu, sans donner de détails. Ackerley l'écouta attentivement et lui demanda :
— Quelle est votre impression ?
— Que les créatures vivant dans la Forêt interdite n'ont pas intérêt à s'attaquer aux centaures et appréciaient particulièrement cette centauresse. Comme vous vous en doutez, il est hors de question d'interroger les membres des tribus. Je ne peux donc me fier qu'à la parole de leurs chefs.
— De ce que vous m'avez dit, ils sont prêts à tout pour défendre leur clan, fit Adrian Ackerley d'une voix songeuse.
— Oui.
— Y compris mentir pour que les leurs n'aient pas à subir les conséquences de l'acte malheureux d'une brebis galeuse, continua le ministre.
— Il n'est pas improbable que, dans ce cas, ils abattent la brebis et fassent leur possible pour que cela ne filtre pas, admit Harry.
Ackerley hocha la tête.
— Pensez-vous déboucher sur une conclusion dans cette enquête, alors que vous ne pouvez pas perquisitionner chez nos principaux suspects ?
— J'en ai d'autres, rappela Harry. Les investigations continuent du côté de Pré-au-Lard. Par ailleurs, les harpies et les vampires se savent soupçonnés et, s'ils ont des indices qui pointent chez leurs voisins, il y a de bonnes chances qu'ils les fassent connaître pour prouver leur innocence.
— Espérons qu'ils ne créeront pas de fausses pistes contre les sorciers, s'inquiéta Adrian Ackerley.
— Nos progrès en détection et analyse de preuves sauront déjouer leurs ruses, assura Harry en espérant que ce soit vrai.
— Commandant, j'aimerais que vous ne preniez pas de décision qui pourrait être mal comprise sans m'en parler avant, dit le ministre d'une voix pressante. Nous pouvons réfléchir ensemble à la meilleure solution.
— J'y songerai. À bientôt, Monsieur le ministre, fit Harry en prenant congé.
Il sortit du bureau et fut accueilli dans l'antichambre par le sourire compatissant de Mandy. Il le lui rendit vaillamment et redescendit dans son département.
Owen était assis à sa table, les bras croisés, dictant son rapport à son stylo-plume qui s'activait sur son papier. Harry s'approcha et regarda par-dessus son épaule. Il fut satisfait de ce qu'il y lut et rejoignit Pritchard.
— Rien d'urgent à signer ? demanda-t-il.
— Une ou deux notes, mais ça peut attendre si tu es pressé.
— J'ai surtout besoin de m'asseoir et de réfléchir.
— Quel est le problème ?
— Oh, rien. Une scène de crime totalement piétinée. Des témoins potentiels que je ne peux pas interroger. Un ministre qui ne tient pas vraiment à ce que je trouve le coupable et qui veut me dire comment m'y prendre. La possibilité de relancer une guerre raciale si je fais un faux pas.
— Faut-il absolument que tu résolves cette enquête ? s'enquit Pritchard avec un air prudent.
— Tu ne vas pas t'y mettre aussi ! Quand j'étais jeune, Firenze m'a sauvé la vie. Il s'est battu à la bataille de Poudlard de notre côté et a été blessé. Je lui dois la vérité sur la mort de sa fille !
— Très bien. Alors, quelles sont tes pistes, quelles enquêtes mènes-tu ?
Harry raconta tout à Pritchard, avec le maximum de détails, cette fois-ci. Il savait que son adjoint avait lu les premiers rapports, qu'il devait suivre ce que faisait Demelza, et que le but du récit était de vérifier que rien n'avait été laissé de côté. Il était en train de terminer quand un employé de la volière du ministère vint frapper à leur porte.
— Une lettre pour vous, Commandant Potter.
Harry tendit la main et récupéra une enveloppe de grand format qui semblait contenir plusieurs feuillets. Il remercia le coursier et la décacheta. C'était le rapport de Williamson.
Cher Commandant Potter,
J'ai mené des interrogatoires sur tous les habitants de Poudlard, dans le but de déterminer :
a) si quelqu'un est entré dans la Forêt interdite dans les deux heures précédant le crime ;
b) si une personne est sortie de la Forêt interdite dans les deux heures suivant le crime ;
c) si tout humain ou créature demeurant à Poudlard et de plus de 16 ans avait un alibi durant la période nécessaire pour commettre le crime (absence d'une durée d'une heure, entre 15 h et 18 h 30 pour un crime estimé entre 16 h et 17 h 30) ;
d) si une personne étrangère à l'école avait été vue dans l'enceinte de Poudlard la veille, le jour ou le lendemain du meurtre (avant votre arrivée).
Le c) a été le plus facile à déterminer. Tous les élèves, excepté trois, étaient en classe durant ce laps de temps et pouvaient témoigner de la présence de leur professeur (dont moi-même). Les trois élèves absents étaient à l'infirmerie, sous la surveillance de Madame Pomfresh qui a discuté ou donné des médicaments à deux d'entre eux. Elle n'a pas dérangé le troisième qui dormait, mais il n'était pas en état de sortir de l'infirmerie, encore moins d'aller dans la Forêt.
Le professeur Lecreuset, qui enseigne les potions, n'avait pas cours et est passé aux cuisines chercher un citron dont il avait besoin pour une préparation qu'il destinait à l'infirmerie. La professeure Chourave a rangé les serres après son dernier cours, ce qui est corroboré par le professeur Hagrid qui est venu lui demander un conseil pour son potager, et ils ont discuté un moment.
Madame Darnapan et le professeur Brocklehurst ont travaillé ensemble dans le bureau du directeur jusqu'à 17 h, puis Madame Darnapan est allée en inspection dans les dortoirs pour vérifier que le ménage avait été bien fait par les elfes pendant la journée. Plusieurs tableaux en témoignent. Le professeur Brocklehurst n'a pas quitté son bureau aux dires des gargouilles qui en gardent la porte.
Pour déterminer le d), j'ai personnellement interrogé tout humain, créature, fantôme, portrait, statue, armure pouvant parler. Aucun d'entre eux ne m'a signalé avoir vu une personne étrangère à Poudlard durant la période sur laquelle portait mon investigation. J'en conclus qu'il est fort improbable qu'une personne non résidente à Poudlard y ait mis les pieds ce jour-là.
Concernant le a) et b) : de nombreux témoins ont pu garantir que personne n'était entré ou sorti de la Forêt interdite sur des laps de temps assez courts : élèves près d'une fenêtre donnant de ce côté du parc, la professeure Chourave et ses élèves dans les serres, le professeur Hagrid dans le parc, des elfes vaquant à diverses occupations. Ils n'ont vu personne s'approcher de la Forêt.
En mettant bout à bout toutes ces périodes, je suis arrivé à la conclusion que les abords de la Forêt interdite ont été surveillés de 15 h à 16 h 15, de 16 h 50 à 17 h 20 et de 17 h 35 à 17 h 45, de 18 h 10 à 18 h 30. Cela laisse 1 h 35 sans surveillance.
Cependant, compte tenu des points c) et d), la probabilité que le meurtrier soit entré ou sorti de la Forêt par Poudlard est très faible.
Je suis désolé de ne pouvoir vous apporter davantage de certitude.
Votre dévoué,
Josef Williamson
Pièces jointes :
• liste des êtres vivants présents à Poudlard du 17 au 19 octobre
• liste des personnes interrogées
• liste des elfes interrogés
• liste des fantômes interrogés
• liste des objets magiques interrogés
• procès-verbaux d'interrogatoire
• plan des lieux avec indication de la localisation des témoins des points a) et b)
— Eh bien, conclut Harry en feuilletant les annexes, ça, c'est ce que j'appelle un rapport complet. J'ai bien envie de l'afficher au mur pour montrer à nos Aurors ce que j'attends d'eux.
— Je peux t'en trouver d'autres, fit remarquer Stanislas. Josef a toujours enquêté comme ça. Il n'aurait eu aucun mal avec ta réforme de la preuve, lui.
— Mais pourquoi diable l'avez-vous laissé partir ? s'étonna Harry. Il aurait pu rendre de grands services ici, même sans aller sur le terrain.
— C'était son choix, justifia Pritchard.
Alors que Harry allait répondre, son adjoint ajouta :
— Enfin, pas seulement. Il y avait le contexte, aussi. On sortait de la guerre, et savoir se battre était plus important que de remplir des papiers et enquêter. Ça n'a commencé à se calmer que l'année de ton arrivée, après qu'on ait coincé tous les Mangemorts en fuite. Ce n'était pas un temps où on pouvait garder un Auror à qui il manquait un bras, tout simplement.
— Quel dommage, jugea Harry.
— Oui, mais ce qui est fait est fait. Ça fait quinze ans qu'il enseigne, maintenant. Il fait un travail utile, là-bas.
— D'accord. En attendant, je pense qu'on peut déduire de ce document que le meurtrier est entré et sorti par Pré-au-Lard et non par Poudlard.
— Ou n'est ni entré ni sorti, le reprit Stanislas.
Pour toute réponse, Harry soupira. Que ce soit un habitant de la Forêt ou un sorcier, il ne voyait pas comment le coincer.
— Bon, je pense que je vais faire une pause cet après-midi. On a interrogé tous les témoins potentiels, récupéré tous les indices possibles, alerté tous ceux qui pourraient nous signaler des éléments intéressants. Il faut attendre de voir si quelque chose en sort.
— Tout à fait, confirma Stanislas. Mets ton enquête en pause jusqu'à demain, le temps que tout cela se décante.
— J'aimerais bien, mais je te rappelle que j'ai un ministre qui exige un compte-rendu deux fois par jour.
— Tu es capable de résister à cette pression. Tu es le commandant des Aurors, c'est toi qui mènes les enquêtes, pas lui.
Harry en convint et alla voir la petite équipe qui travaillait sur le meurtre de Salomé. Il dit à Owen, Demelza et Althea de terminer de mettre le dossier en forme, puis de repasser aux autres affaires qu'ils traitaient en parallèle. Ils avaient toujours des surveillances en cours, ainsi que le suivi de dossiers pour lesquels ils attendaient le retour d'autres services. Quant à lui, il se concentra sur les plannings de la semaine suivante et sur l'analyse des décisions de justice qui étaient intervenues sur les dossiers préalablement transmis au département de la Justice magique.
L'après-midi était bien entamé quand l'employé de la volière du ministère revint.
— Un autre courrier pour vous, Commandant Potter. Enfin, je crois.
Quand Harry eut l'objet en main, il comprit la remarque de l'employé. Ce n'était ni du papier, ni du parchemin, plutôt une sorte de toile, sur laquelle son nom était marqué à l'encre marron. Sous l'œil intéressé de son adjoint, il la déplia et déchiffra le message inscrit sur la face interne :
la pist du san va a la méson aprai le moulain prais de la siterne avèque trois cheminé – Celeno
— Ça m'a tout l'air de venir de ton amie la harpie, analysa Pritchard.
— Ouais. Elle a suivi la piste avec son flair, et cela l'a amenée quelque part. Où est notre carte de Pré-au-Lard ?
Pendant que Stanislas la dépliait sur la table, Harry alla faire signe à Owen pour qu'il vienne les rejoindre. Le laissant prendre connaissance de la lettre, il tenta de situer le moulin et la citerne sur le plan.
— Dis, ce n'est pas du sang ? questionna Owen.
— Quoi ? Où ? sursauta Harry qui avait localisé les repères et déterminait quelles maisons se trouvaient à proximité.
— L'encre. On peut demander à Althea de nous vérifier ça, mais j'en suis presque certain. Ta copine t'écrit une lettre de sang. Ce n'est plus de la passion, c'est de la rage !
— Ne vous emballez pas trop, temporisa Pritchard. Elle peut chercher à vous envoyer sur une fausse piste pour détourner les soupçons d'une des siennes.
— C'est vrai, mais comme les indices que nous avons vont également dans ce sens, nous ne pouvons pas rejeter complètement ce témoignage, soutint Harry.
— Et puis, c'est notre seule piste concrète, fit prosaïquement Owen. On n'a rien d'autre à suivre.
— Je suis d'accord, convint Stanislas, mais le ministre ne verra pas d'un bon œil que vous accusiez un sorcier sur le seul témoignage d'une créature. Les juges non plus. Alors, ne faites rien sans assurer vos arrières. Enquêtez sur vos suspects avant de débarquer chez eux. Tentez de trouver d'autres preuves qui confortent vos soupçons.
— Tu as raison, convint Harry. Il y a deux maisons qui correspondent à la description sur le plan. Owen, tu fais un saut à Pré-au-Lard et tu trouves celle qui a trois cheminées. Sois discret. Nous, on va préparer les requêtes pour que le service des Cheminettes nous donne la destination des dernières communications de nos suspects.
Owen revint bientôt. Ils déterminèrent que la maison désignée par Celeno était au nom de Sherlock Elphick. Owen fila au bureau de la police magique pour demander s'ils n'avaient rien sur ce sorcier pendant que Demelza portait la requête en renseignements auprès du service des Cheminettes.
Owen les rejoignit avec un grand sourire et un gros dossier.
— Trois frères habitent dans cette maison et leur sœur dans celle d'à côté avec son mari, reporta-t-il. Ils sont bien connus de nos amis policiers. Ils louent leurs bras pour les travaux agricoles dans les exploitations du coin et arrondissent leurs fins de mois avec divers petits trafics. Tout est là !
— Appelle Althea, ordonna Harry à Demelza qui revenait. On va étudier tout ça. Stan, tu crois que je peux faire surveiller leur maison par des policiers ? Ce serait bête de rater un indice s'ils bougent avant qu'on ait pris une décision.
— Pourquoi pas ? répondit Pritchard. Ne dis pas à Watchover que tu tiens tes renseignements d'une harpie, c'est tout.
Deux heures plus tard, ils savaient tout ce qu'il y avait à savoir sur les frères Elphick. Ils s'appelaient Sherlock, Elvendork et Burdock. Ils étaient querelleurs (cinq arrestations pour bagarre dans un bar), buvaient pas mal (trois amendes pour ivresse sur la voie publique) et étaient assez mal vus de leurs voisins (plusieurs plaintes avaient été portées contre eux pour tapage nocturne). Ils avaient été interrogés et jugés plusieurs fois pour marché noir et malfaçon, mais avaient toujours réussi à s'en tirer, faute de preuves substantielles contre eux.
Pendant que Harry et Demelza continuaient à éplucher les procès-verbaux, Owen et Althea allèrent faire une tournée des apothicaires et se renseigner auprès de Ste-Mangouste avec la photo de leurs suspects, trouvée dans le dossier des policiers. Ils revinrent bredouilles.
— Personne ne les a vus ces trois derniers jours, résuma Owen. Ils ne sont pas allés se faire soigner et n'ont pas tenté de revendre de produits, du moins au marché officiel.
— Tout le monde doit maintenant savoir qu'on enquête dans le coin, remarqua Harry. S'ils refilent quoi que ce soit, ce sera au marché noir. Watchover vient de m'envoyer une note pour me dire qu'il est sur le coup.
— Bien. Que fait-on maintenant ? demanda Owen.
Harry avait bien envie de faire une perquisition chez les Elphick avant que la piste ne refroidisse, mais il savait que cela se passerait mal s'il ne trouvait rien. N'avait-il pas plutôt intérêt à leur laisser le temps de faire une erreur ?
— Tiens, la sœur qui habite à côté, Bellock Elphick, épouse Oddpick, est infirmière, nota Demelza qui étudiait une vieille affaire. Elle a été interrogée comme témoin, il y a quelques années de ça, et elle l'indique dans les questions préliminaires. Si l'un d'eux a été blessé, elle a pu lui prodiguer les premiers soins.
— Génial, maugréa Harry.
Il était désormais dix-huit heures, et le soir était tombé.
— On ne va rien faire aujourd'hui, finit-il par décider. Je vais demander une surveillance de nuit, et on refait le point demain matin.
— On vient tôt ? s'enquit Owen.
— Oui, au cas où. Pas toi, Demelza. T'en fais pas, tu te rattraperas plus tard, tenta-t-il de la consoler en voyant la moue de déception de sa collègue enceinte.
Harry alla faire une brève visite au ministre pour lui rendre compte de l'avancée de l'enquête. Il lui apprit qu'ils avaient une piste, mais trop ténue pour agir. Il refusa d'en dire plus et décida de regagner ses foyers, écœuré par l'enlisement de ses investigations.
Ce soir-là, Ginny était rentrée tôt, et les enfants étaient propres et prêts à manger quand il arriva. Ce n'est que lorsque James, Albus et Lily furent couchés que les deux adultes purent sérieusement parler.
— Tu sembles préoccupé ce soir, fit remarquer Ginny quand ils redescendirent au salon. Qu'est-ce qui se passe ?
— Mhum, pour le petit-déjeuner j'ai failli me faire boulotter par une harpie ; vers midi, notre ministre m'a fait comprendre qu'il n'aimait pas la direction que prenait mon enquête ; dans l'après-midi, je n'avais plus aucune piste à suivre ; et ce soir, j'ai reçu une dénonciation que je ne suis pas certain de pouvoir exploiter.
Il lui raconta les détails de ses aventures puis il conclut :
— Et je ne sais toujours pas si je fais une perquisition demain ou s'il vaut mieux laisser filer pour avoir davantage d'informations ou un flagrant délit.
— Si tu n'avais pas la pression du ministre, qu'est-ce que tu ferais ? interrogea Ginny.
— J'irai voir chez les Elphick. Si c'est eux, il est certain qu'on trouvera des indices. Des traces de sang de centaure, l'arme du crime, quelque chose. Et s'il n'y a rien, cela ferme la piste. Mais cela peut aussi causer une crise politique. Le MQT va encore prétendre que l'on fait le jeu des créatures et qu'on préfère accuser injustement un sorcier plutôt que de chercher le criminel là où il se trouve, à savoir dans la Forêt interdite. Et comme je ne peux pas vraiment y enquêter, je ne pourrais pas leur donner tort.
— Tu ne t'es jamais vraiment préoccupé de ce que la presse dit de toi, rappela Ginny. Si tu penses qu'il faut aller voir, fais-le, c'est tout. Le reste, c'est le travail d'Ackerley. Il l'a voulu son poste de ministre de la Magie, qu'il se débrouille avec la politique. Toi, fais ton boulot d'Auror, tu l'as toujours fait à la perfection.
Harry contempla Ginny en souriant. Il n'était pas certain qu'elle ait pris le temps d'apprécier les enjeux politiques, mais son vote de confiance le réconfortait.
*
Il était sept heures du matin quand Harry retrouva au QG la petite équipe à qui il avait donné des instructions par miroir une demi-heure auparavant. Il avait évalué que six Aurors, renforcés par le policier de garde, devaient suffire pour arrêter les trois frères et surveiller leurs arrières – il se méfiait de la sœur et son mari dans la maison voisine.
— C'est Owen qui amènera Althea et Michael. Vicky et Vince, vous viendrez avec moi, exposa-t-il en montrant sa partie de portoloin lié tandis que Owen faisait voir la sienne. C'est cette maison que nous devons encercler, ajouta-t-il en la désignant sur le plan de Pré-au-Lard. Il y a trois hommes dedans. Ce ne sont pas des mages noirs, mais pas des tendres non plus. On les immobilise et on perquisitionne. On cherche des traces de sang, la preuve qu'ils ont été blessés et peut-être des potions bizarres. On demandera au policier d'empêcher ceux qui habitent la maison d'à côté d'intervenir.
Harry prit son miroir et appela Watchover. Celui-ci répondit d'une voix alerte, sans permettre d'image. Il n'était sans doute pas encore habillé. Il comprit rapidement de quoi il était question et assura que d'ici trente secondes, l'agente Patientia Whisp les attendrait et se mettrait sous leurs ordres.
Deux minutes plus tard, ils étaient tous sur place. Ils commençaient à se déployer pour poser un anti-transplanage quand un chien se mit à aboyer furieusement. Harry se maudit de n'avoir pas pensé à vérifier la présence d'un gardien, mais il n'était plus temps de tergiverser : un volet s'entrebâilla, et un éclair jaune fusa.
— Bureau des Aurors, cria-t-il pendant que ses collègues se dépêchaient de terminer le sortilège en cours. Lâchez vos baguettes et sortez les mains sur la tête.
Pour toute réponse, un nouveau sort fusa dans sa direction.
— On y va ! indiqua-t-il à sa troupe en faisant signe à Owen de le suivre.
Pliés en deux, ils s'élancèrent vers la maison, couverts par leurs camarades. Arrivé à la porte, Harry la fit exploser d'un sortilège et bondit dans l'habitation. Il allait lancer un Stupéfix circulaire, quand un Expelliarmus lui fit sauter sa baguette des mains. Il s'était trop avancé, laissant derrière lui Owen, dont le rôle était de le couvrir avec un sort de Bouclier.
Il plongea à terre et roula sur le côté, à la fois pour se protéger et pour laisser le champ libre à ses collègues. Owen réagit à la perfection en battant rapidement en retraite, avant de repartir à l'attaque en duo avec Vince Oldrige qui avait pris la place de Harry. Ils réussirent parfaitement leur coup et, après quelques échanges de tirs, deux des frères se trouvèrent hors de combat. Le troisième cependant avait gagné la fenêtre et s'était glissé à l'extérieur.
Harry n'eut pas le temps de s'en préoccuper : le chien, qui n'avait toujours pas été immobilisé, fonçait vers lui les crocs dénudés. Harry prit le premier objet qui lui tomba sous la main, en l'occurrence une chaussure, et la lança de toutes ses forces sur l'animal. Des années de Quidditch lui avaient appris à tirer fort et juste. Il toucha le chien en plein sur la truffe, ce qui le ralentit suffisamment pour que Oldrige le stupéfixe. À l'extérieur, le fuyard se fit faucher d'un sort par Althea qui gardait la fenêtre.
Tout à coup, ce fut terminé. Michael Corner et Vicky Frobisher vérifièrent magiquement qu'il n'y avait personne d'autre dans la maison. Ils entreprirent de faire un tour rapide dans les pièces voisines, pendant qu'Owen rejoignait Harry pour l'aider à se relever.
— Ça va ? demanda-t-il.
Harry ne répondit pas. Se jeter à terre pour permettre la suite des opérations était un geste qu'il avait répété, semaine après semaine le samedi à l'entraînement, et qu'il avait fait sans réfléchir. Arrêter le chien d'un projectile avait été un réflexe, sans pensée consciente de sa part. Du moment où il avait senti sa baguette quitter ses doigts, il n'avait eu qu'une seule obsession : la récupérer.
Les années avaient passé, mais Harry n'avait pas oublié ce qu'il avait compris pendant la guerre et expliqué à Voldemort lors de leur dernier duel. Le possesseur de la baguette de l'Aîné perdait son emprise sur elle s'il se faisait désarmer, quelles que soient les circonstances. Ce pouvoir était ainsi passé de Dumbledore à Drago Malefoy, au sommet de la tour d'astronomie, puis de Drago à Harry, lors de sa fuite du Manoir Malefoy. À cet instant précis, un minable trafiquant, meurtrier présumé de centaure, en désarmant le commandant des Aurors venu l'arrêter, était devenu le maître de la baguette la plus puissante d'Angleterre. Harry ne pouvait pas laisser cette situation perdurer.
Il chercha sa baguette des yeux et la repéra près d'un des hommes à terre, en vêtement de nuit. Il était encore figé dans la position grotesque où l'avait surpris le sort d'immobilisation et surveillé avec attention par Oldrige.
— Donne-moi ta baguette, ordonna Harry à Owen.
Son ami eut une seconde d'hésitation avant de la tendre lentement d'un geste incertain. Harry la lui arracha presque des mains puis la dirigea vers son voleur dont les yeux s'écarquillèrent d'effroi. Le commandant des Aurors lança le sort de Désarmement en y mettant toute sa volonté. Sa victime fut violemment rejetée en arrière, rudement clouée au mur le plus proche, tandis que deux baguettes fonçaient vers Harry. Le Survivant rattrapa la sienne de la main gauche, laissant passer celle du frère Elphick au-dessus de son épaule et retomber à terre derrière lui.
Harry rendit son bien à Owen. Ignorant les regards interloqués de ses subordonnés et les halètements de l'homme qu'il avait malmené et qui tentait de reprendre son souffle, il ordonna sèchement :
— Perquisition.
Il y eut un instant de latence, avant qu'Althea Synthol ne brise la tension en franchissant la porte avec son prisonnier, tandis que Michael et Vicky revenaient de la pièce attenante. Owen et Oldrige parurent se réveiller et, tous les Aurors enchaînèrent les gestes habituels : entrave des suspects, premières questions, fouille de la maison. Vicky trouva rapidement des linges couverts d'une substance qu'Althea identifia comme un emplâtre pour soigner les contusions. Dans ce qui avait été une cuisine, mais qui ressemblait davantage à un laboratoire de potions, ils trouvèrent deux chaudrons remplis d'un liquide violet, en train de mijoter.
— Tu peux déterminer s'il y a du sang de centaure dedans ? demanda Harry à Althea.
— Pas comme ça, Commandant. Donne-moi une heure et mon matériel.
— C'est bon, affirma Owen, qui tenait un parchemin sale à la main.
Il le tendit à Harry qui le parcourut rapidement : c'était une recette de potion, apparemment très compliquée, où le sang de centaure figurait dans les ingrédients.
— On les embarque ! décida-t-il. Et on continue à fouiller : je veux tout ce qui montre que l'un d'eux a été blessé, ce qui a trait à du sang de centaure et qu'on récupère l'arme du crime.
En sortant, il vit que l'agente Whisp tenait en respect un couple en vêtements de nuit sur le seuil de leur maison – la sœur et le beau-frère. Harry les désigna :
— Laissez-les s'habiller et amenez-les en tant que témoins au ministère. Fouillez chez eux aussi. Et faites une empreinte des derniers sorts de leurs baguettes.
En regardant autour de lui, Harry constata que des habitants de Pré-au-Lard les observaient de loin, sans doute en pyjama sous leurs capes.
Un quart d'heure plus tard, ils entreprirent d'escorter les prisonniers. Une fois au ministère, alors qu'ils attendaient l'ascenseur sous le regard des fonctionnaires les plus matinaux, Harry fit le point sur tous ses manquements des dernières heures : arrestation déclenchée dans le plus grand secret pour qu'Ackerley ne puisse interférer, intervention mal préparée (ils auraient dû savoir qu'il y avait un chien), opération loin d'être aussi discrète que prévu. Sans compter qu'il avait fait une erreur tactique en s'avançant trop vite, se mettant bêtement en danger. Cela n'avait pas été sans conséquence : il avait un instant perdu le contrôle de la baguette dont il avait la garde et avait agi de manière troublante devant deux de ses subordonnés.
Oldrige, qui convoyait les prisonniers avec Michael et lui, lui lançait justement des coups d'œil en dessous. Les frères Elphick avaient un regard dur qui ne laissait pas présager un interrogatoire constructif. Ils avaient cependant assez de preuves contre eux, tenta de se rassurer Harry. Si la potion qu'ils concoctaient contenait du sang de centaure, cela suffirait largement. Et ils allaient forcément retrouver l'arme. Sinon, Celeno aurait repéré une piste s'éloignant de la maison.
Harry inspira fortement, alors que l'ascenseur arrivait. Il se sentait ébranlé par les évènements. Par cette enquête minée qui l'amenait à faire des erreurs et, surtout, par l'incident de la baguette. Il réalisa que Voldemort avait beau être mort depuis plus de quinze ans, tout n'était pas terminé. Il demeurait le Survivant, avec des tâches qui lui étaient dévolues et qu'il ne pouvait pas déléguer.
C'est avec l'impression de porter le monde sur les épaules que Harry se dirigea vers le QG, laissant ses collègues s'occuper des procédures d'enregistrement des prisonniers. Il avait à peine franchi la porte que Pritchard lui tomba dessus :
— J'allais t'appeler. Le ministre demande que tu te rendes au plus vite à son bureau, lui annonça-t-il d'une voix tendue.
Les nouvelles vont vite, songea Harry en faisant immédiatement demi-tour pour reprendre l'ascenseur. Il était agacé contre Ackerley qui prétendait lui dire comment faire son travail, qui ne se souciait pas de la victime ni de savoir le criminel sous les verrous, et qui souhaitait seulement que tout se passe sans faire de vagues.
C'est amplement remonté qu'il arriva dans le bureau ministériel. En le voyant, Mandy ouvrit la bouche, mais il ne la laissa pas le temps d'articuler un mot :
— Je sais, ne te dérange pas, je connais le chemin.
Il entra sans frapper chez Ackerley et referma la porte derrière lui sans douceur.
— Vous vouliez me parler, Monsieur le ministre ? s'obligea-t-il à demander poliment.
Adrian Ackerley le jaugea du regard et eut un geste d'apaisement :
— Oh, je n'étais pas si pressé, assura-t-il. Prenez le temps de vous asseoir, Commandant Potter.
— Désolé, mais j'ai beaucoup de travail. On m'attend.
— Je ne vais pas vous retarder bien longtemps, alors. Mais, vous devez comprendre que les relations avec les autres peuples sont de mon ressort. Nous ne pouvons pas admettre que vous vous fassiez agresser par des harpies dans un pub. Vous auriez dû m'en référer hier. Maintenant, il est presque trop tard pour agir sans avoir l'air faibles et ridicules. Il est hors de question de laisser passer cet acte impuni et...
— Mais de quoi parlez-vous ? Je n'ai pas du tout été agressé !
— J'ai plusieurs témoignages concordants en ce sens et...
— Nous avons eu des mots, c'est vrai, mais j'avais fait exprès de provoquer la harpie pour voir ce qu'elle me dirait. Si vous arrêtez tous ceux qui m'ont envoyé paître en interrogatoire, Azkaban ne va pas y suffire.
— Elle vous a pratiquement mordu, protesta Ackerley.
— Je ne me suis à aucun moment senti en danger, martela Harry. J'avais un collègue avec moi, prêt à intervenir, et je lui ai fait signe de ne pas le faire.
— Commandant, vous rendez-vous compte de l'impression que cela a donné ? Tout le monde a vu cette créature vous menacer. Vous ne réalisez pas l'image désastreuse que cela représente ?
— Une image désastreuse ? répéta Harry n'en croyant pas ses oreilles. Je vais vous dire, moi, ce qu'est une image désastreuse ! Une jeune centauresse égorgée, ce n'est pas une belle image, loin de là. Un chaudron rempli de son sang, ça, c'est non seulement désastreux, mais en plus carrément écœurant !
— Nous ne travaillons pas sur les mêmes problématiques, tenta Ackerley.
— Je suis content de vous l'entendre dire. Moi, j'ai une enquête en cours et je vous interdis de vous attaquer à mes témoins ou d'interférer de quelque manière que ce soit.
— Vous n'avez rien à m'interdire, Commandant, signifia Ackerley, glacial.
— Et sachez que j'ai arrêté des sorciers ce matin même, sur la dénonciation d'une harpie, continua Harry sur sa lancée. Grâce aux très précieuses informations qu'elle m'a transmises suite à notre discussion d'hier.
— Vous n'avez aucune notion de ce que vous faites ! affirma Ackerley.
— Il se trouve que ce n'est pas la première fois que je collabore avec une créature, et que cela m'a toujours réussi, revendiqua Harry. Je sais que vous préféreriez que je ferme les yeux sur les fautes des sorciers, mais je me refuse à laisser un crime impuni.
— Commandant, vous êtes parti avec la conviction que c'était un sorcier qui avait fait le coup, et n'avez enquêté que dans ce sens, l'accusa Ackerley. Vous êtes en train de vous faire manipuler par ces créatures que vous aimez tant.
Harry décida qu'il était temps de mettre fin à l'entretien.
— Votre prédécesseur a eu la bonne idée de faire voter des lois qui garantissent les droits de la défense, rappela-t-il. Alors on verra bien si mes suspects arrivent à réfuter les preuves que j'ai contre eux.
Il rouvrit la porte et sortit, sans attendre la réponse du ministre.
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Merci à Fabian Devroye qui m'a donné l'idée d'utiliser le fil d'accromulente.
Patienta WHISP : agente de police
Elvendork, Sherlock et Burdock ELPHICK : Frères habitant à Pré-au-Lard. Nom inspiré de Wilfred Elphick (1112 - 1199), premier sorcier à avoir été saigné à mort par un éruptif d'Afrique (Carte des Sorciers Célèbres)
Bellock et Thaddeus ODDPICK : sœur et beau-frère des précédents. Nom inspiré de Winkus Oddpick qui écrit dans La Gazette du Sorcier une chronique sur les gobelins.
On se retrouve dans 15 jour pour "Un soutien sans faille".
Si vous voulez en savoir plus sur l'écriture de cette histoire, je vous invite sur mon LiveJournal (Alixe75)
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