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XX : La liste des priorités


Chronologie :
2 mai 1998 : Bataille de Poudlard
26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny
20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique
17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter
04 janvier 2006 : Naissance de Rose Weasley
26 juin 2006 : Naissance d'Albus Severus Potter
16 mai 2008 : Naissance de Lily Luna Potter
28 juin 2008 : Naissance de Hugo Weasley
Décembre 2009 : Harry devient commandant des Aurors
30 juin 2011 : Inauguration du musée de la Magie
Période couverte par le chapitre : 5 février au 6 mars 2014

Harry et Dione Pennifold étaient méconnaissables quand ils poussèrent la porte du café Starbuck où ils étaient attendus. L'Auror repéra facilement Adrian Ackerley qui, avec un pull et un pantalon de velours de bonne coupe, se fondait dans le décor. Harry, pour sa part, avait opté pour un vêtement un peu plus négligé – jeans et blouson – et la devineresse s'était choisi une jupe longue dans un style un peu bohème.

Cela n'empêcha pas le candidat de se lever poliment à leur approche et de les inviter à s'asseoir avec son sourire le plus éclatant. Visiblement, il avait adopté le mode « charmant » pour l'occasion.

— Et si ce n'était pas moi ? objecta Harry qui s'était affublé de cheveux blonds, coiffés en catogan, inspirés de la coiffure de Bill.

— Eh bien, vous auriez parfaitement imité votre démarche, affirma Adrian Ackerley. Madame, je suis enchanté de faire votre connaissance. Je suis touché que vous vous donniez autant de mal pour moi.

— C'est naturel, affirma la voyante. Si je peux vous éviter un accident, il serait criminel de ma part de ne pas faire savoir ce que je sais.

— En tout cas, merci d'avoir pris la peine d'être venue de ce côté-ci.

— J'en comprends bien la nécessité. J'espère que rien de ce que je ferai ne vous portera préjudice.

Adrian proposa aimablement :

— Voulez-vous un café ou quoi que soit d'autre ?

— Un café sera très bien, assura Dione.

— Je m'en charge, indiqua Harry en se levant. Vous reprenez quelque chose ? demanda-t-il en remarquant la tasse à moitié consommée d'Ackerley.

— Non merci.

L'Auror alla au comptoir, passa ses commandes et revint avec un plateau. Pendant qu'il plaçait devant la femme le gobelet et les sachets de sucre, il comprit que, durant son absence, le candidat s'était intéressé à son interlocutrice qui était en train de lui indiquer depuis combien de temps elle exerçait.

Ackerley attendit que Harry commence à consommer sa boisson pour revenir au sujet qui les intéressait :

— Comme je l'ai expliqué à notre ami ici présent, le fait même qu'on sache qu'il faut me protéger est préjudiciable, expliqua-t-il, avec moins de rudesse dans la voix néanmoins que lorsqu'il s'était adressé auparavant à Harry. Il me serait très difficile, maintenant, d'annuler ce qui est prévu sur mon agenda, sans conséquences directes sur la campagne.

— Selon ma vision, vous risquez bien davantage que de ne pas être élu, remarqua Dione.

Ackerley hocha la tête, comme s'il prenait en compte l'argument présenté. Mais Harry ne se faisait pas d'illusion : la partie était loin d'être gagnée.

— Qu'avez-vous vu exactement ? demanda le candidat à la devineresse, les yeux plantés dans les siens, donnant l'impression d'une attention sans partage.

Elle répéta ce qu'elle avait déjà révélé aux Aurors : elle l'avait vu inconscient, peut-être mort. Il portait une robe traditionnelle.

— J'ai fait un autre rêve cette nuit, continua-t-elle. J'ai la sensation que c'est lié à vous. J'ai vu une image représentant un aigle à deux têtes, rouge, sur fond jaune.

— Une équipe... sportive ? supposa Harry en tentant de visualiser les écussons de chacune des équipes de Quidditch qu'il connaissait.

— Non, affirma Adrian Ackerley. Ni un blason familial.

Harry prit mentalement note de vérifier, tout en se disant qu'il était peu probable qu'il prenne le candidat en défaut sur un sujet aussi susceptible de lui être utile pour sa campagne.

— Madame, je vais prendre en compte ce que vous m'avez appris, autant qu'il est possible, assura le candidat. Je pense que je peux compter sur vous pour prévenir le Commandant Potter si une nouvelle vision vous vient.

— Bien entendu...

— Et je compte sur vous pour me la faire parvenir avec la même discrétion qu'aujourd'hui, insista Ackerley tout sourire, mais avec un regard qui ne dissimulait pas son intention d'être obéi.

— Vous pouvez compter sur moi, Monsieur.

— Je vous en suis très reconnaissant, remercia le candidat en tendant la main en direction de la voyante, comme pour sceller un accord, en plus de prendre congé.

Après le départ d'Adrian Ackerley, Harry et Dione terminèrent leur consommation en silence avant de se lever à leur tour.

— Il est bien poli mais, en définitive, il ne va pas prendre mon avertissement au sérieux, n'est-ce pas ? exprima la devineresse alors qu'ils revenaient vers le Chaudron Baveur qui était accessible à pied de leur lieu de rendez-vous.

— Probablement pas, convint Harry tout en songeant qu'il n'était pas nécessaire d'être devin pour le prédire. Pour lui, ce que vous avez vu n'est qu'une possibilité, alors que perdre l'élection, s'il lève le pied, est une certitude.

— Je ne sais pas ce que je peux faire de plus pour le convaincre de prendre mon avertissement au sérieux. Je ne suis même pas certaine qu'il croie en mes prédictions.

— Il y croit suffisamment pour être venu ce matin, tenta de la rassurer Harry. En tout état de cause, tout ce qui est en votre pouvoir est de continuer à me dire ce que vous voyez sur lui. Pour le reste, c'est mon travail, et ce sont ses choix. Nous ne pouvons pas faire mieux, et il est inutile de nous en faire pour ce que nous ne pouvons pas changer.

Harry sentit le regard de la femme sur lui.

— Vous pensez que je suis mal placé pour donner ce genre de conseil ? questionna-t-il.

— Non, pas du tout. Ce que vous dites est plein de sagesse. Mais vous n'auriez pas parlé ainsi la dernière fois que nous nous sommes vus.

— C'est vrai. Il faut croire que mes nouvelles responsabilités m'ont appris les limites du pouvoir et m'ont incité à prendre du recul, reconnut Harry. Je vais bien entendu faire mon possible pour protéger Mr Ackerley, mais je lui reconnais le droit de refuser mon aide.

*

Les semaines qui suivirent furent éprouvantes pour Harry qui dut faire preuve de toute sa diplomatie, qualité qui n'était pas son fort, pour convaincre Adrian Ackerley de le laisser faire son travail. Il découvrait, sans trop de surprise d'ailleurs car il ne s'était jamais laissé abuser par l'onctuosité du discours, un homme obstiné qui cédait difficilement sur ses positions. Le commandant des Aurors ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose. D'un côté, un dirigeant trop influençable n'était pas souhaitable mais, de l'autre, il fallait espérer que cela n'irait pas jusqu'à un entêtement qui l'empêcherait d'écouter les conseils de son entourage.

Finalement, ils avaient trouvé un accord : seul Harry assurait personnellement la protection du candidat, gardant le secret vis-à-vis de ses subordonnés. En échange, Ackerley organisait ses rencontres dans des endroits faciles à surveiller ou dans son bureau au ministère. Les visiteurs devaient laisser leurs baguettes dans l'atrium, ce qui tranquillisait Harry qui en profitait pour régler les affaires courantes.

Un autre aspect déplaisait davantage à Harry. Les paroles que le candidat laissait échapper en marge de ses sorties officielles firent comprendre au commandant des Aurors qu'il manquait à Ackerley la passion et la soif d'idéal qui avait toujours justifié ses propres actions et celles de ses amis. Kingsley s'était présenté et s'était maintenu quinze ans au pouvoir avec des buts bien précis : faire évoluer la société sorcière vers une plus grande ouverture sur les Moldus, faire respecter les créatures magiques, et mettre fin à la corruption régnant au sein du ministère. Adrian Ackerley avait certes des sympathies pour les idées progressistes, mais Harry avait la nette impression que c'était avant tout l'amour du pouvoir qui le motivait.

Harry réalisa alors combien ses proches s'effaçaient derrière ce qui semblait être leur devoir : l'amélioration du sort des créatures magiques pour Hermione, les lourdes fonctions de chefs de département pour Arthur et Percy, le conseil de guilde pour Ron, l'école primaire pour Molly, le musée pour Ginny, Fleur et Andromeda, la promotion d'une information pluraliste pour les Jordan...

Habitué à davantage de grandeur d'âme, Harry s'aperçut qu'il avait du mal à respecter celui qu'il espérait cependant voir prendre la tête du ministère de la Magie. Il avait conscience qu'il était présomptueux de sa part de juger un homme sur des critères aussi élitistes que les siens. Il reconnaissait que l'homme possédait de grandes qualités, en particulier son aptitude à séduire et convaincre et ses incontestables capacités à mener à bien ses projets. Mais Harry se sentait de moins en moins d'affinités avec Ackerley. Il en vint même à penser qu'il se sentait plus proche de Bertold Higgs, malgré leurs opinions divergentes, car celui-ci briguait le poste pour défendre ses convictions, et non par ambition personnelle.

Il gardait cependant pour lui toutes ses réflexions, ne pouvant ni s'épancher sur l'épaule de son adjoint, le seul au courant de l'enquête en cours, ni auprès de sa famille, à qui il ne pouvait pas en parler.

Sa fameuse enquête, à elle seule, était éminemment frustrante. Tout ce que Harry savait, c'est qu'Adrian Ackerley devait mourir prochainement, sans doute de manière non naturelle. Ses recherches avaient réussi à décrypter l'image vue par la voyante la nuit qui avait précédé sa rencontre avec Ackerley dans le café moldu : l'aigle à deux têtes était le logo d'une marque de Bièraubeurre, qu'on trouvait apposée sur les tonneaux que les bars recevaient et revendaient ensuite au pichet ou au verre.

La logique aurait voulu que le candidat accepte d'être suivi par au moins un Auror lors de ses visites électorales et ne boive pas de Bièraubeurre. Mais ces deux mesures furent jugées incompatibles avec la tenue d'une campagne efficace. Tout ce que Harry put obtenir, c'est de pouvoir être présent, sous sa cape d'invisibilité, à quelques manifestations particulièrement médiatisées qui devaient attirer le plus de monde, et que le candidat lui laisse le temps de jeter quelques sorts de vérification sur son verre avant de le porter à ses lèvres. Le commandant des Aurors devait reconnaître qu'il y avait perdu son temps. Il ne surprit aucune action suspecte à l'encontre d'Ackerley, et il ne détecta dans les diverses chopes ingurgitées en sa présence aucune trace de poison ni sortilège malfaisant.

— Au moins, il est toujours vivant, tentait de le réconforter Stratford.

— Oh, une minute avant son assassinat, je ne doute pas qu'il le sera, répliquait Harry.

Il ne restait plus qu'une dizaine de jours avant les élections, quand Dione Pennifold le contacta par miroir.

— J'ai vu une nouvelle image, lui annonça-t-elle. Je l'ai dessinée du mieux que j'ai pu. Je vous envoie un hibou.

À son intonation désolée, Harry comprit qu'il ne devait pas attendre un indice qui lui donnerait une piste supplémentaire. En effet, quand il eut la missive en main, il resta perplexe devant le cercle jaune qui se profilait devant une large bande verticale grise. À tout hasard, il fit tourner l'image dans la brigade pour savoir si cela évoquait quelque chose à l'un de ses subordonnés, mais sans succès.

Ackerley n'eut pas davantage d'explication. Harry soupira avec résignation et remarqua :

— Je suppose que ces derniers jours vont être bien remplis.

— J'en ai terminé avec les meetings publics, les visites de boutiques et les exploitations agricoles et artisanales. Plus que les discussions privées.

Harry savait que les fameuses discussions privées étaient en réalité des tractations faites avec ceux qui allaient participer à l'élection. Ron lui avait expliqué comment cela marchait : les candidats tentaient de gagner les votes en échange d'un règlement à faire voter, ou à rendre caduque, s'ils étaient élus. Les personnes sollicitées tentaient d'obtenir le maximum de promesses, sans pour autant s'engager totalement à voter pour l'un ou l'autre des candidats. Certains votants devaient sans doute accepter de l'argent. Bref, bien des choses que Harry aurait préféré ignorer et auxquelles heureusement Ackerley ne le laissait pas assister.

— Dans deux jours, il y a le match de Quidditch, rappela Harry.

C'était un match qui devait opposer l'Orgueil de Portree aux Frelons de Wimbourne. Or les Frelons l'avaient emporté sur Portree en finale de la Coupe de la ligue de l'année précédente, lors d'un match dont l'arbitrage avait été fortement controversé. Tous ceux qui s'intéressaient au Noble Sport voulaient y assister, soit pour avoir la preuve que les Frelons pouvaient battre de nouveau Portree, soit pour démontrer que Portree l'aurait emporté si l'équipe n'avait pas été injustement désavantagée – un de ses joueurs s'était fait sortir à la vingtième minute.

Le ministre de la Magie en exercice y assisterait et, par courtoisie, y avait invité les deux candidats à sa succession.

— Je suppose que vous voudrez m'y suivre, soupira Ackerley le vendredi qui précédait la rencontre.

— Tout à fait, confirma Harry.

— Par pur sens du devoir, bien entendu, fit le candidat avec un petit sourire ironique.

— Comme toujours, répliqua Harry un peu agacé par le sous-entendu. La probabilité qu'on vous attaque est faible vu que tout le monde aura remis sa baguette à l'entrée, reconnut-il. Mais, d'un autre côté, tout le monde étant au courant de votre présence, je ne peux pas totalement ignorer le risque. Voyez le bon côté des choses, personne ne s'étonnera de m'y voir, c'est le match de l'année.

— Votre épouse a-t-elle prévu d'y assister ?

Harry savait que Ginny avait tenté d'acheter un billet, mais sans succès, les places s'étant arrachées dans les premières heures de la mise en vente. Elle avait semblé déçue mais était vite passée à autre chose.

— Elle n'a malheureusement pas réussi à obtenir de place. Je lui raconterai.

Le candidat le considéra un moment avant d'écarter des documents se trouvant sur son bureau et d'y récupérer un coupon de papier brillant.

— Je sais que cette histoire est pénible pour vous et que ma conduite vous cause bien du souci, commença Adrian Ackerley. Cette place m'a été donnée au cas où je voudrais venir accompagné, mais je n'avais pas l'intention de l'utiliser. Considérez-la comme une modeste compensation des tracas que je vous donne.

*

— Comment tu as fait ? s'extasia Ginny quand Harry lui tendit le ticket. Oh, je suis tellement contente, merci, mon amour !

— On me l'a proposée, simplifia-t-il alors qu'elle lui sautait au cou. Mais si tu m'avais dit que c'était aussi important pour toi, je me serais débrouillé pour t'en obtenir une, bien avant. Tu aurais aussi pu demander à tes diverses relations.

Toujours serrée contre lui, Ginny haussa les épaules.

— Je sais que tu n'aimes pas profiter de ton statut pour obtenir des faveurs et moi non plus. Je pouvais m'en passer.

— Tu peux me parler de tes déceptions, fit-il remarquer en l'étreignant. Je suis là pour ça aussi.

— Mhm.

Harry fit reculer Ginny pour la contempler avec attention. Elle évita son regard.

— Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiéta-t-il. Tu n'as pas l'air dans ton assiette.

— Non, tout va bien. Je n'allais pas t'ennuyer avec un caprice.

— Tout va bien ? répéta-t-il.

— Mais oui. La nouvelle salle avec les pensines sera ouverte pour les vacances de Pâques. Il faut que tu viennes voir, ça va être formidable.

Comme elle l'avait prévu l'année précédente, Ginny avait réussi à faire témoigner des sorciers de nombreux pays, et leurs explications sur leurs méthodes magiques, démonstrations à l'appui, étaient visualisables comme si on y était grâce à la technique des Pensines de presse. C'était Fleur qui avait assuré les interviews, Ginny ayant préféré rester en Angleterre près de sa famille.

— Mais ? insista encore Harry qui trouvait le ton enjoué de sa femme un peu trop forcé pour être honnête.

— Je ne sais pas, avoua Ginny la tête baissée, laissant ses cheveux lui masquer le visage. J'ai vraiment été très déçue de ne pas avoir de place pour cette rencontre. De manière... exagérée. Ce n'est qu'un match.

— Mais pourquoi tu ne m'as rien dit ? On ne se parle plus ?

— Mais si, Harry, mais je vois bien que depuis plusieurs semaines tu es sur une affaire qui te pose problème. Je ne voulais pas t'importuner avec des futilités. Ne te sens pas coupable pour ça, ajouta-t-elle vivement. Si ça avait été grave, je t'en aurais parlé. Là, c'est simplement... je ne sais pas. J'ai un peu de mal à m'intéresser à mon travail. Peut-être un peu de fatigue. Ça va passer.

— C'est le Quidditch qui te manque ? l'interrogea Harry. Tu n'es pas tentée de reprendre la compétition, maintenant que Lily est rentrée à l'école ?

— Je n'ai plus la condition physique pour le faire, assura Ginny. Ce n'est pas raisonnable d'y songer.

— Mais tu préférerais un métier davantage lié au Quidditch, c'est ça ? insista son mari. Tu n'as jamais cessé de t'y intéresser, remarqua-t-il.

Elle faisait toujours son possible pour assister à plusieurs matchs importants par an, réalisa Harry, et elle suivait suffisamment l'activité sportive pour se tenir au courant.

— J'ai adoré monter mon musée, assura-t-elle. J'ai appris tellement de choses, je suis tellement fière d'avoir apporté tout ce savoir à nos visiteurs. Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression d'avoir contribué pour de bon à l'amélioration de notre communauté. J'étais la seule d'entre vous à ne pas l'avoir fait.

Ce discours rappela à Harry ses réflexions sur Ackerley. Il doutait que celui-ci ait ce genre de préoccupations. Mais il se concentra sur le cas de sa femme qui l'intéressait bien plus.

— Maintenant que ton musée est bien établi, tu te sens peut-être moins indispensable là-bas et, du coup, cela perd pour toi son intérêt, supputa-t-il. Tu devrais peut-être envisager une nouvelle carrière.

— J'y pense depuis quelques mois, avoua-t-elle. Mais je ne vois pas ce que je pourrais faire.

— Créer une nouvelle marque de balai, proposa-t-il en souriant.

— Non, je ne me vois pas magingénieure, répondit-elle avec sérieux. La technique ne m'intéresse pas. Je n'ai pas non plus envie de diriger une équipe de Quidditch, ajouta-t-elle l'ayant visiblement envisagé. Ni d'entraîner des joueurs...

— Écoute, je vais être un peu pris jusqu'aux élections mais, après, je te promets, j'aurai davantage de temps à te consacrer. On trouvera ce qu'il te faut, j'en suis sûr.

— Merci, Harry. Rien que le fait que tu m'encourages à voir au-delà de mon musée m'aide beaucoup. Je crois que je me trouvais tellement stupide de ne pas me contenter de ce que j'avais, que je n'osais pas me projeter ailleurs.

— Il n'y a pas de mal à vouloir changer, lui assura Harry. Tu dois suivre tes envies. Jusque-là, ça t'a très bien réussi !

*

Le jour du match arriva. C'était un dimanche. Harry et Ginny quittèrent le déjeuner familial juste après le dessert. Harry laissa penser qu'ils avaient deux places et qu'ils y allaient en couple. Àuprès de Ginny, il avait justifié sa présence par celle des trois personnalités.

Harry arriva un peu avant Ackerley. On était à moins d'une semaine des élections, et il se sentait particulièrement nerveux. Sur les conseils de Pritchard, il avait demandé à Janice de l'accompagner. Il l'avait rapidement briefée sur cette mission particulière, sachant qu'il pouvait lui faire confiance. Elle devrait faire des rondes, à l'affût de tout incident sortant de l'ordinaire, tandis qu'il assurerait la protection rapprochée.

Petit à petit, la tribune officielle se remplissait. Harry échangea un sourire avec Gwenog Jones qui avait également une place dans la tribune et qui parut ravie d'y retrouver Ginny. Il vit le journaliste Harold Tribune, le patron de La Gazette du Sorcier, aller vers elles et les saluer. Harry nota la présence de Quentin Whitehorn, l'actuel patron de la société des balais de course Nimbus en pleine conversation avec son concurrent des balais Brossdur.

Ackerley et son compétiteur, Bertold Higgs, arrivèrent pratiquement en même temps. L'opposant d'Adrian Ackerley était accompagné de son épouse. Ils se saluèrent avec bonhomie, sans doute un peu pour la galerie. À peine un quart d'heure avant le début du match, le ministre sortant arriva à son tour.

Le responsable du stade, dont la chaise était tout juste derrière celles de ses augustes invités, entretenait les trois politiques, dans l'attente du coup d'envoi. Comme à son habitude, Ackerley semblait captivé par ses paroles – il avait l'art de donner l'impression à ses interlocuteurs qu'ils étaient passionnants. Kingsley souriait poliment, mais Harry n'était pas persuadé qu'il écoutait réellement. Mr et Mrs Higgs hochaient régulièrement la tête pour montrer leur intérêt.

Le commandant des Aurors vit cependant Mr Higgs étirer discrètement le bras pour regarder sa montre. Il était assez près pour distinguer l'accessoire qui enserrait le poignet du candidat : les deux brides argentées du bracelet formaient une bande verticale où s'intercalait un cadran doré. Cela faisait irrésistiblement penser au dessin que Dione Pennifold avait envoyé.

Harry sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque tandis qu'il tentait de trouver un sens à ce qu'il voyait. Higgs était manifestement lié à l'accident qu'il craignait pour Ackerley. En était-il le commanditaire ou une victime collatérale ?

Il saisit son miroir pour avertir Janice. Mais avant qu'il ne l'active, l'objet vibra, réagissant à un appel en entrée. Harry l'ouvrit, prêt à raccrocher au nez de l'importun, mais il vit que c'était sa collègue qui l'appelait. Il allait lui faire part de sa trouvaille, quand la vue bascula. Le visage de Janice fut remplacé par un symbole qui lui donna un nouveau coup au cœur.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? interrogea fiévreusement Harry.

— Un tonneau de Bièraubeurre qui n'a rien à faire où il est.

— Mais où es-tu ?

— Juste en dessous de toi. Dans l'espace vide entre la tribune et les vestiaires qui sont en dessous.

— Et moi, j'ai trouvé le cercle d'or et les deux barres argentées, la renseigna Harry. Au bras de Higgs.

— Si le tonneau représente un danger, toute la tribune est visée, fit Janice d'une voix pressante, faisant écho à la conclusion à laquelle Harry était en train d'arriver.

— J'évacue la tribune, réagit Harry.

— Attends ! l'arrêta Janice. Je ne sais pas ce qui peut déclencher le danger. Il te faudra plusieurs minutes pour faire sortir les cent personnes qui sont avec toi. Et tu imagines ce qui peut se passer si les cinq mille spectateurs du stade voient la tribune désertée, juste au moment où le match commence ?

Mouvements de foule, piétinement, étouffement. Harry voyait très bien. Il savait que les stades moldus étaient bâtis selon des règles très strictes pour prévoir les évacuations d'urgence, mais ce n'était pas le cas des constructions sorcières. Entre les sortilèges anti-transplanage et les sorciers délestés de leurs baguettes, les stades pouvaient devenir une nasse mortelle en cas de problème.

— Je m'occupe du tonneau, proposa Janice. Évacue pour commencer le ministre et les candidats. Envoie-moi du renfort.

— Entendu, accepta Harry avant de refermer son miroir.

Il avança vers le trio de politiques, se pencha vers eux et chuchota pour ne pas être entendu par leur entourage :

— Monsieur le ministre, messieurs les candidats, je vais vous demander de vous diriger tranquillement vers la sortie. J'ai des raisons de penser que vous n'êtes pas en sécurité ici.

— Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? s'indigna le directeur du stade.

— Nous étions tombés d'accord sur le fait..., commença simultanément Ackerley.

— Vous évacuez tous les trois, coupa Harry. Vous aussi, Madame, ajouta-t-il à l'adresse de l'épouse de Higgs, tout en s'interdisant de regarder en direction de Ginny.

Kingsley était déjà debout et tendait galamment son bras à Mrs Higgs qui était à ses côtés. Celle-ci ne put rien faire d'autre que de l'accepter et se lever à son tour. Son mari l'imita et finalement Ackerley en fit autant.

Harry se tourna vers le directeur :

— Officiellement, ils sont allés parler aux joueurs pour les encourager, indiqua-t-il. Et restez dans le coin, j'ai besoin de vous parler. En attendant, arrangez-vous pour retarder le début de la rencontre de dix minutes.

Tout en menant ses protégés vers la sortie, Harry ouvrit son miroir et appela son adjoint qui était chez lui :

— C'est pour aujourd'hui. Envoie-moi tous ceux que tu arrives à joindre. Je te laisse récupérer quatre personnes au ministère dans l'atrium.

— Compris, fit brièvement Pritchard avant de couper la communication pour appliquer les consignes qu'il venait de recevoir.

Ils étaient presque arrivés à la porte de la tribune quand Ackerley se tourna vers Harry :

— Votre épouse... commença-t-il.

Harry sentit sa gorge se serrer. Depuis qu'il avait pris sa décision, il tentait de ne pas penser à Ginny et au risque qu'elle courait si Janice n'arrivait pas à désamorcer le danger représenté par le tonneau qu'elle avait trouvé ou, s'ils avaient fait fausse route, que la menace ne vienne d'ailleurs.

— Elle n'est pas la première sur la liste des priorités, répondit-il sèchement. Et nous ne pouvons évacuer toute la tribune sans risquer un mouvement de panique qui risquerait d'être meurtrier. Il faut près d'une heure pour vider le stade.

— Il a raison, intervint Kingsley de sa voix grave. Sortons d'ici pour le laisser faire son travail, ajouta-t-il d'une voix sans réplique.

Les autres se le tinrent pour dit et prirent docilement la suite de couloirs qui les menèrent aux cheminées et aires de transplanage. Quand ils les atteignirent, quelques Aurors étaient déjà sur place, en train de se rassembler en brigades.

— Wellbeloved, escorte ces messieurs-dames au ministère en cheminée. Reste avec eux tant que Pritchard ne les prend pas en charge, ordonna Harry.

Il distribua ensuite ses ordres : un groupe fut envoyé sous la tribune officielle en soutien à Janice. Les autres furent répartis dans le stade pour noter tout ce qui pouvait leur paraître suspect.

— Nous recherchons un terroriste. N'hésitez pas à fouiller tous ceux dont le comportement ne semble pas conforme à celui d'un passionné de Quidditch, ordonna Harry. Vous avez le droit de les stupéfixer s'il le faut. Allez, au boulot !

Le commandant laissa un Auror en faction sur place pour transmettre les consignes à ceux qui allaient arriver puis retourna à la tribune officielle. De la porte, il fit signe au directeur de le rejoindre.

— Puis-je savoir ce qui se passe ? s'écria le responsable.

Harry lança une bulle de confidentialité autour d'eux.

— Nous avons des raisons de penser qu'un attentat est prévu ici. Pouvez-vous annuler le match ? Si oui, en combien de temps pouvons-nous faire évacuer tout le stade ?

— Annuler le match ? s'étrangla le directeur. Vous croyez qu'ils vont repartir tranquillement, demanda-t-il en montrant les tribunes réservées aux supporters des équipes qui allaient s'affronter, qui formaient des pavés bleu et rouge, qui déjà scandaient leur réprobation du retard donné au coup d'envoi. Notre hantise à chaque fois, c'est que la rencontre soit trop courte et que les spectateurs refusent de partir.

Harry avait en effet entendu parler d'une demande de modification des règles du Quidditch, en vue de retarder la lancée du Vif d'or et de garantir une durée minimale à chaque match. La dernière fois que le Vif avait été récupéré dans les cinq premières minutes – une rencontre entre les Pies de Montrose et les Tornades de Tutshill –, il y avait eu une dizaine de blessés. Et c'était un stade plus petit, lors d'une rencontre amicale.

— Peut-on suspendre le bouclier anti-transplanage ? continua Harry.

— Il faut cinq briseurs de sorts et cela prend un certain temps, indiqua le directeur. De toute manière, vous aurez du mal à convaincre tout le monde de partir sans repasser par les vestiaires pour récupérer les baguettes, ajouta-t-il.

Harry eut un soupir frustré. Il ne pouvait pas faire évacuer la tribune officielle sans générer un mouvement de panique ; il ne pouvait pas faire évacuer le stade sans déclencher d'émeute ; il n'était pas certain que le tonneau soit la seule menace, ni même qu'il était réellement une menace.

— Nous avons trouvé un tonneau de Bièraubeurre juste sous la tribune officielle, révéla Harry. Est-ce normal qu'il y soit ?

— Que voulez-vous dire par « juste sous la tribune » ? Nous sommes au-dessus des vestiaires et...

— Je parle de l'espace situé entre la tribune et les vestiaires.

— A priori non. À la limite, on y stocke du mobilier provenant des vestiaires, mais l'usage de ce genre de boisson y est proscrit donc...

— Qui y a accès ?

— Eh bien, mon personnel. Comme dans tous les endroits non publics, on y accède avec un passe que tous mes employés ont sur eux.

— Je veux la liste de vos employés et je veux savoir si l'un d'eux s'est absenté cet après-midi.

— J'ai la liste dans mon bureau. Quant à savoir qui est là ou non, il faut attendre la fin du match car, pour le moment, mon personnel est dispersé un peu partout.

À ce moment, le miroir de Harry vibra. C'était encore Janice.

— On a réussi à amener le tonneau à la zone de transplanage. Je m'occupe de l'évacuer.

— Parfait.

— J'ai laissé sous la tribune ceux que tu m'as envoyés, ils passent tout au peigne fin.

— Je vais les rejoindre, merci.

Il ferma le miroir et fit signe au directeur de le suivre.

— Mes équipes vont inspecter le stade pour vérifier qu'il n'y a pas de magie suspecte, l'informa-t-il. Vous allez faire un tour avec moi et me dire si un objet n'est pas au bon endroit. On va commencer par cet espace en dessous de la tribune officielle.

Durant les deux heures suivantes, alors que les exclamations des supporters ponctuaient la rencontre qui avait enfin commencé, Harry visita tous les coins et recoins du stade, le ventre noué par l'idée d'avoir laissé échapper un indice crucial. Certes, le ministre et les candidats étaient en sûreté – il recevait de loin en loin des rapports rassurants de son adjoint – mais Ginny et des milliers de ses concitoyens étaient encore sur place, sans garantie que l'attentat ait été effectivement contrecarré. Mais durant tout ce temps, ils ne trouvèrent rien de notable, et Harry ne savait pas s'il devait s'en réjouir ou s'en épouvanter. Plusieurs fois, il s'étonna de ne pas recevoir de compte-rendu de Janice sur le contenu du tonneau mais, entre les appels qui le tenaient au courant des manœuvres de ses subordonnés et sa propre inspection, il n'eut pas le temps de la rappeler.

Enfin, les clameurs annoncèrent la prise du Vif.

— Donnez l'ordre à votre personnel de presser le mouvement pour faire sortir tout le monde, ordonna Harry au directeur.

Une heure et demie plus tard, Harry rassembla au centre de la pelouse tout le personnel du stade et tous les Aurors qui étaient présents. En les interrogeant, il détermina qu'un certain Dagbert Horton manquait à l'appel. Selon les témoignages de ses collègues, il était bien venu le matin pour préparer le lieu pour les festivités de l'après-midi, mais personne ne l'avait vu depuis l'arrivée des premiers visiteurs. Trois Aurors furent immédiatement envoyés pour l'appréhender à son domicile et, en cas d'absence, commencer une enquête de voisinage.

Aucun des employés ne put donner de renseignement supplémentaire sur l'individu. Il ne travaillait parmi eux que depuis deux mois et ne s'était lié à aucun d'eux.

— À quelle date a-t-il été embauché ? demanda Harry ?

— Le 4 février dernier, répondit le directeur en consultant sa liste.

C'était le jour où Dione Pennifold avait fait son premier rêve, calcula Harry. Cet homme était donc bien lié à l'attentat raté, et son engagement au stade avait été un élément déterminant dans la suite des évènements prévisibles.

Son miroir se rappela une fois de plus à son souvenir. Il répondit et eut la surprise de voir le visage d'Andromeda.

— Je suis près de Janice, lui apprit-elle sans préambule. Elle est à Ste-Mangouste, suite à une désartibulation sévère.

— Quoi ? Comment va-t-elle ?

— Pas aussi mal que ça aurait pu. Heureusement, j'étais revenue chez moi car j'avais la migraine. J'étais en train de prendre ma potion quand elle s'est matérialisée dans mon jardin. J'ai pu récupérer tous les morceaux éparpillés avant de l'emmener à Ste-Mangouste.

Harry inspira un grand coup pour rester calme et faire taire son sentiment de culpabilité.

— Est-elle en état de parler ? demanda-t-il.

— Elle dort.

— D'accord. Merci de m'avoir appelé.

Dans la foulée, il appela son adjoint et le mit au courant des derniers développements. Il lui demanda de faire le nécessaire pour que l'hôpital les prévienne dès que Janice serait éveillée. Ensuite, estimant qu'il ne pouvait plus rien apprendre sur place, il délivra le personnel du stade, renvoya une partie des Aurors chez eux avec ordre de rester disponibles en cas de rappel et repartit au ministère avec une dizaine de ses subordonnés pour continuer l'enquête.

*

Les heures suivantes lui en apprirent un peu plus sur leur suspect, qui bien entendu restait introuvable. Dagbert Horton avait trente-cinq ans et était sorti de Poudlard avec de bonnes notes en Potions et en Défense contre les forces de Mal, mais c'était à peu près tout. Il ne semblait pas avoir gardé de travail bien longtemps. Sa mère, qui était veuve, ne lui avait pas parlé depuis des mois et avait semblé plus résignée qu'autre chose en constatant que les Aurors en avaient après son fils.

Dagbert Horton avait également fait partie des manifestants qui s'étaient battus lors de l'élection précédente cinq ans auparavant, quand une cinquantaine de citoyens, répartis entre les supporters de Kingsley et ceux de Higgs avaient échangé des coups de poing dans la rue. Horton avait été adhérent du parti Magie, Quidditch et Tradition à cette époque, mais en avait été exclu depuis. La police magique l'avait arrêté plusieurs fois suite à des plaintes pour violence, déposées par des femmes qui s'étaient laissées convaincre de l'héberger chez elles. Il n'avait cependant jamais été condamné, ses victimes ayant toutes retiré leur plainte avant le procès.

Harry fit surveiller la maison maternelle et celle de chacune des conquêtes connues de Horton. Les centres de portoloins internationaux furent prévenus. Un peu plus tôt, il avait donné son accord pour que le ministre et les deux candidats puissent rentrer chez eux sous bonne garde. Même Kingsley n'avait pas protesté en apprenant que Harry lui avait adjoint deux Aurors pour veiller sur sa sécurité. Le commandant des Aurors n'aurait su dire si c'était pour donner le bon exemple aux deux autres ou si l'ancien Auror devait reconnaître que la moindre des précautions était de ne pas rester seul tant que le terroriste était en liberté.

Alors que Harry s'apprêtait à rentrer chez lui vers dix heures du soir, Ste-Mangouste appela : Janice s'était réveillée. Il décida de s'y rendre lui-même.

Il la trouva recouverte de bandages et embaumant l'essence de dictame. Son œil valide était cependant visible, ainsi que le bas de son visage, ce qui lui permettait de parler. Andromeda, qui était à son chevet, prit congé et rentra chez elle, laissant les deux Aurors.

— Comment vas-tu ? s'enquit Harry.

— Un peu fatiguée, admit sa collègue. Je crois que je n'ai plus l'âge de ces plaisanteries.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? interrogea-t-il.

— Je me suis fait avoir comme une bleue. Je me méfiais, pourtant, il ne m'inspirait pas confiance, ce tonneau. Impossible de savoir s'il était programmé pour faire du dégât à heure fixe ou suite à une impulsion quelconque. C'est pour ça que je me suis dépêchée de l'évacuer, en le secouant le moins possible. J'ai aussi demandé à ne pas être assistée pour le transporter, histoire d'éviter les mélanges de magie. J'avais prévu de l'amener dans la lande de Bodmin dans un premier temps et de voir là-bas ce qu'on pouvait faire. Ensuite, je ne sais pas si c'était le moment prévu ou si le transplanage l'a trop remué, mais dès que je suis arrivée à destination, boum ! il m'a sauté à la figure. Si je n'avais pas eu le réflexe de retransplaner immédiatement, j'étais cuite. Et j'ai eu de la chance d'avoir été d'instinct chez ma plus ancienne amie. Si j'avais voulu rejoindre Pierre, je serais en ce moment en train de flotter dans la Manche en plusieurs morceaux.

Pour avoir déjà expérimenté le transplanage d'urgence, Harry savait que le choix de la destination était instinctif, lié à un sentiment de sécurité et d'amour. Pour sa part, il s'était retrouvé dans le jardin du Terrier, preuve que Molly avait réussi à lui inculquer, par des années de maternage intensif, que sa maison biscornue était un endroit sûr où il était le bienvenu. L'amitié qui s'était renouée entre Andromeda et Janice quelques années auparavant devait être très forte pour lui avoir montré le chemin dans un moment de stress intense.

— Je me félicite d'avoir indirectement permis vos retrouvailles, assura chaleureusement Harry.

Janice sourit faiblement, et continua d'une voix embarrassée :

— Quand je t'ai dit de ne pas évacuer la tribune, j'avais oublié que Ginny y était, confia-t-elle.

— Cela n'aurait rien changé, lui assura Harry. Tu avais raison, il était déraisonnable d'évacuer le stade alors qu'on avait trouvé la bombe. Tu as sauvé pas mal de vies aujourd'hui, y compris celle du ministre et des deux candidats, conclut-il, tout en prenant la décision de faire son possible pour qu'elle reçoive une médaille pour son acte héroïque. Andromeda a-t-elle prévenu Pierre ? s'enquit-il.

— Oui, et elle a eu le bon sens d'attendre que je sois hors de danger pour le faire. Du coup, il n'a pas pu trouver de portoloin pour ce soir. Il sera là demain matin.

— Bien. Je te laisse te reposer, fit-il en se levant.

— Va te coucher, conseilla Janice. Tu as une tête épouvantable, tu sais ?

— Maintenant, oui. À demain.

Les enfants étaient couchés quand Harry arriva chez lui. Ginny vint à sa rencontre.

— Tu rentres tard, mon pauvre chéri.

La voir bouleversa Harry. Il avait repoussé toute la journée la pensée de ce qui pouvait arriver à sa femme ; de ce qui aurait pu lui arriver si Janice n'avait pas trouvé le signe recherché sur le tonneau, si elle avait manqué la petite porte menant au réduit, si... Il s'avança et prit Ginny dans ses bras. Elle se laissa faire. Elle dut sentir son malaise, car elle ne dit rien, se contentant de le serrer contre elle et le laisser enfouir sa figure dans le creux de son cou.

Enfin, il soupira et la laissa aller.

— Mauvaise journée ? demanda-t-elle pleine de sollicitude.

— Une journée qui aurait pu très mal finir, soupira-t-il.

— Tu as dîné au moins ? s'inquiéta-t-elle, en bonne fille de sa mère.

— Euh, non, je ne crois pas.

— Eh bien, tu vas me raconter tout cela à la cuisine. On t'a gardé ta part.

Pendant qu'il se débarrassait de sa cape et se lavait les mains, elle mit son couvert et réchauffa les plats d'un coup de baguette. Il lui raconta tout d'une traite, entre deux bouchées. Il savait qu'il pouvait lui faire confiance pour tenir sa langue.

— Effectivement, c'était une journée difficile, convint Ginny. Je me suis doutée qu'il y avait quelque chose de bizarre quand tu es parti avec les officiels et qu'aucun de vous n'est revenu, mais je ne pensais pas que c'était si grave.

Il la regarda un moment sans rien dire.

— Quoi ? demanda-t-elle.

— Tu ne m'en veux pas de t'avoir laissé dans la tribune ? Alors que je n'étais pas certain que le danger était écarté ?

— Bien sûr que non, s'exclama-t-elle, comme étonnée qu'il ait cette pensée. Tu as pris cette décision pour de bonnes raisons. D'ailleurs, si tu avais pu choisir une autre personne, c'est Harold Tribune que tu aurais dû mettre à l'abri. La disparition du directeur du journal le plus important du monde sorcier aurait été très néfaste pour notre communauté.

— Et tu crois que la mort de l'épouse du commandant des Aurors n'aurait pas été grave ? Tu crois que j'aurais été en état de continuer à faire mon boulot, si tu avais disparu ?

— Oui, répondit instantanément Ginny. Je ne dis pas que ce ne serait pas difficile pour toi, ajouta-t-elle en voyant son mouvement de dénégation, ni que tu n'aurais pas des moments de passage à vide, mais je te connais. Tu as toujours fait passer ton devoir avant tes sentiments. Tu ne te serais pas laissé aller avant d'être certain que le travail allait être fait, par toi ou un autre. Tu aurais tenu le coup pour les enfants et pour mes parents. Ce n'est pas pour rien que tu es le Survivant, Harry.

Alors qu'il restait muet devant une telle foi, elle se leva et vint s'installer sur ses genoux.

— Je ne te souhaite pas de passer par là, mon cœur, ajouta-t-elle d'une voix douce, et je suis bien contente d'être encore en vie et ne pas laisser mes enfants à moitié orphelins. Janice et toi avez fait du bon travail, avez pris les bonnes décisions. Et tu sais quoi ? Je n'en suis même pas étonnée. Juste aussi fière de toi que d'habitude.

— Moi aussi je suis fier de toi, marmonna Harry.

— Oui, mais on ne joue pas dans la même cour, ce dont je me félicite. La maturité m'a appris à apprécier ce que je suis. À ce propos...

— Quoi ? demanda Harry alors qu'elle s'interrompait.

— Non, se reprit-elle. Ce n'est pas le moment d'en parler. On verra plus tard, il n'y a rien d'urgent. Tu as besoin de dormir, et moi aussi.

Elle se leva et prit sa main.

— Allez, au lit ! insista-t-elle.

Il la suivit dans les étages, apaisé par cette conversation. Alors qu'il se laissait aller au sommeil, bien confortable dans son lit, le corps chaud de Ginny contre lui, il se dit qu'il avait quand même de la chance d'avoir une épouse qui savait à la perfection lui dire ce qu'il avait besoin d'entendre.

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