XIII : Un problème de sommeil
Repères chronologiques
2 mai 1998 : Bataille de Poudlard
26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny
20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique
17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter
2006 : Naissance de Rose Weasley (4 janvier) et d'Albus Severus Potter (26 juin)
2008 : Naissance de Lily Luna Potter (16 mai) et d'Hugo Weasley (28 juin)
Décembre 2009 : Harry devient commandant des Aurors
30 juin 2011 : Inauguration du musée de la Magie
Période couverte par le chapitre : du 1er juillet au 18 novembre 2013
Le mois de juillet ramena Teddy et Victoire dans leurs foyers. Comme les autres années, toute la famille migra vers le Terrier. La petite Lucy, la fille de Percy et Audrey, étant née quelques mois auparavant, il y avait désormais treize enfants, s'étageant entre quinze ans et six mois. Douze adultes s'y ajoutaient, treize quand Charlie était là. Tous logeaient sur place.
Ginny, comme l'été précédent, était très occupée par son musée car elle faisait face à un afflux de visiteurs qui profitaient des vacances pour y mener leur progéniture. Elle n'avait pas encore récupéré de Pensine de presse, mais les expériences magiques qu'elle voulait faire partager aux visiteurs étaient d'ores et déjà scénarisées sur le papier. Fleur et Andromeda l'assistaient, mais voulaient également profiter de la présence de leurs collégiens avant qu'ils ne repartent à Poudlard.
Après un vilain rhume qui avait tourné en bronchite l'hiver précédent, Arthur avait officiellement pris sa retraite. Son adjoint le plus proche, qu'il formait à cette fin depuis plusieurs années, avait pris sa place. Percy par contre était très occupé. En effet, son efficace adjoint, Adrian Ackerley, avait été muté au département de la Justice magique. Percy avait dû reprendre tous ses dossiers.
Harry, qui suivait avec intérêt la carrière de ce charmant homme, comprenait bien la manœuvre. Il s'était fait connaître du grand public en représentant l'Angleterre durant le Tournoi des Trois sorciers et avait montré qu'il avait une envergure internationale en négociant les échanges scolaires. Ackerley se rapprochait maintenant de ceux qui voteraient directement pour choisir le ministre qui succéderait à Kingsley à la fin de son mandat : les membres du Magenmagot.
— Tu as eu l'occasion de travailler avec Ackerley ? demanda Harry à Ron au cours de l'été.
— Bien sûr, puisque le service de Contrôle de l'équipement magique fait partie du département de Percy.
— Donc il s'est déjà fait connaître des maîtres de guilde, comprit Harry. Et comment va-t-il faire pour les personnalités ?
— Oh, ne t'en fais pas pour lui, il a un réseau incroyable, intervint Hermione. Il connaît tout le monde.
— Caedmon Selwyn a-t-il une chance ? interrogea Ginny.
— Bien sûr, répondit son frère. Tu crois qu'il est resté les bras croisés depuis sa dernière défaite ? Il vient régulièrement nous voir et exposer ses arguments.
— Et qui sont ? s'enquit Harry.
— Davantage de régulation pour les produits venant du côté moldu, moins de taxes pour ce qui est purement sorcier. Des choses comme ça.
— Ça tente tes collègues ? s'inquiéta Harry.
— Certains, reconnut Ron, les mêmes qu'il y a cinq ans. C'est le Magenmagot qui sera décisif, conclut-il. Ce sont eux qui peuvent faire basculer le vote.
— Nous en sommes conscients, assura Percy qui avait écouté la conversation. Adrian est confiant.
— Je suis bien content de ne pas avoir à voter, décida Harry. Je préfère m'en tenir à mes criminels. Je suis fait pour l'action, moi, pas pour la politique.
Côté criminalité, l'été fut relativement calme à la grande satisfaction de Harry qui ne demandait qu'à rentrer tôt et s'installer dans le jardin entouré de sa famille. Comme les années précédentes, Teddy travaillait chez Ron et George. Il trouva cependant le temps de discuter un peu avec Harry. Il lui confia qu'il trouvait les filles compliquées et qu'il avait bien du mal à savoir ce qu'elles attendaient de lui en tant que petit ami. Son parrain lui avoua qu'il n'avait aucune compétence sur la question et l'envoya voir Hermione qui se fit un plaisir de lui exposer la psychologie des adolescentes.
— Ce que j'ai surtout compris, c'est qu'il ne faut pas que je m'étonne de ne rien y comprendre, rapporta Teddy après sa séance explicative.
— Désolé de ne pas pouvoir t'aider davantage, s'excusa Harry. Je suppose que c'est comme lancer un sortilège. On ne peut apprendre qu'en pratiquant.
— Y'a plus désagréable comme matière à réviser, remarqua Teddy.
— Alors, profites-en, lui conseilla Harry qui de son côté n'avait pas pu y consacrer autant de temps que ses camarades, trop occupé à lutter contre les mages noirs et autres traîtres.
L'été passa comme toujours trop rapidement et, début septembre, la famille Potter au grand complet accepta l'invitation en France des parents Delacour. Les années précédentes, après l'été familial au Terrier, Harry et Ginny avaient choisi de partir en amoureux. Mais cette fois-là, ils s'étaient accordés sur leur désir d'avoir leurs enfants auprès d'eux. Lily avait désormais cinq ans et pouvait les suivre en promenade ou dans leurs visites. Il était temps également de montrer d'autres lieux et d'autres pays aux deux grands, qui avaient sept et huit ans.
Ils apprécièrent tous les cinq ces retrouvailles et ne regrettèrent pas d'avoir fait rater deux semaines de classe aux enfants.
*
Au cours du mois de novembre, un lundi matin, Pritchard signala à Harry :
— Tiens, tu devrais jeter un coup d'œil là-dessus.
Il lui tendit le rapport de l'équipe de garde de la veille. Ils avaient été appelés par Ste-Mangouste en début de soirée. Au vu des premiers témoignages, un certain Jerold Plunkett était parti faire un tour dans les airs avec son frère, Edmund. Jerold Plunkett avait eu un malaise et était tombé de son balai. Son compagnon avait plongé pour tenter de le secourir, mais l'accidenté avait déjà heurté le sol. Affolé, Edmund Plunkett s'était saisi du corps de Jerold et l'avait transplané à Ste-Mangouste qui n'avait pu que constater le décès. L'hôpital avait alerté les Aurors en indiquant qu'ils faisaient les vérifications d'usage. Jusque-là, rien d'extraordinaire. Ce genre d'accident arrivait une ou deux fois par an malgré les interdictions de survoler le territoire de cette façon.
Le rapport du médicomage qui complétait le dossier, arrivé tôt le matin même, donnait une tonalité différente à l'incident : le guérisseur chargé de l'examen du corps avait détecté des traces d'une potion de sommeil dans le sang de la victime. Il était en outre indiqué que le décédé était lui-même guérisseur de son état.
— On est bons pour une enquête de fond, commenta Harry.
— Ça m'en a tout l'air, souscrivit Pritchard.
— Plunkett, ce nom me dit quelque chose, fit pensivement Harry.
— Cette famille possède le Magicobus, le renseigna son adjoint.
— Ah oui, c'est ça. J'espère que cela ne va pas désorganiser le service.
— Si je peux me permettre, tu devrais prendre cette enquête sous ta responsabilité. Il va sans doute falloir poser des questions indiscrètes, et les sorciers importants le pardonnent plus facilement au Survivant qu'à un obscur Auror.
— Tu as raison. Je pense que je vais prendre Wellbeloved, pour travailler avec moi.
— Très bon choix.
Harry aimait bien Richard Wellbeloved, le partenaire d'Angelina. C'était un Auror ancienne génération, très sympathique et d'un calme à toute épreuve, ce qui le rendait précieux pour les enquêtes délicates. C'était un sang-pur qui ne cachait pas ses tendances traditionalistes, mais il avait l'esprit assez ouvert pour débattre de ses opinions avec des sorciers progressistes, sans que la discussion ne s'envenime.
Lors de l'enquête sur les incendies des maisons de sang-purs, il n'avait pas hésité à interpeller le ministre de la Magie pour protester contre une manière de mener l'enquête qu'il estimait trop politique. Harry le savait capable de lui indiquer son éventuel désaccord sur ses méthodes, sans que cela tourne au rapport de force comme c'était le cas avec Muldoon.
Harry fit venir Wellbeloved dans son bureau et lui fit un résumé de l'affaire. Le dossier médical, rempli par Edmund Plunkett, le témoin de l'accident, indiquait Le Relais de Poste comme lieu de résidence. Ils allaient commencer par là.
— On pourrait y aller en Magicobus, fit remarquer le nouveau partenaire de Harry.
— Oui, ça serait de circonstance, admit-il. Ça nous évitera de marcher depuis la cheminée publique la plus proche.
En règle générale, il évitait ce moyen de transport car il le trouvait encore plus désagréable que le réseau de Cheminette. Mais pour une fois...
Un quart d'heure plus tard, l'épaule endolorie, il examinait la magnifique demeure devant laquelle il avait été déposé.
— Joli petit manoir, souffla Wellbeloved.
— Oui, pas mal, admit Harry en sonnant à la porte.
Le battant sculpté s'effaça devant un elfe de maison, vêtu d'un torchon impeccable.
— Ces messieurs désirent ? pépia la créature.
— Nous sommes les Aurors Wellbeloved et Potter, les introduisit Harry. Nous sommes bien chez Mr Jerold Plunkett ?
— Non, Monsieur Potter, le détrompa l'elfe en le saluant bien bas en signe de respect. Vous êtes chez Mr Ulysses Plunkett, l'oncle du pauvre Monsieur Jerold.
— Où est la maison de Monsieur Jerold ? questionna Harry.
— À Norwich, le renseigna l'elfe. Mais Madame Nell, sa femme, est ici aujourd'hui.
— Et Mr Edmund Plunkett ? demanda Wellbeloved.
— Il demeure au hameau de Bodmin Moor mais lui aussi est resté chez Monsieur Ulysses pour la nuit. Nous sommes tous très tristes pour ce pauvre Monsieur Jerold.
— Merci pour ces précieux renseignements, dit Harry. Pouvons-nous être reçus par Monsieur Ulysses ?
Les deux Aurors furent introduits dans le large vestibule, et l'elfe partit en trottinant chercher son maître. Il fut très vite de retour :
— Si vous voulez bien me suivre. Monsieur Ulysses va vous recevoir dans le salon.
Ils arrivèrent dans la pièce en même temps qu'un homme très corpulent aux cheveux blancs, qui rappela à Harry le professeur Slughorn. En temps normal, son aspect devait être jovial, mais ses yeux rouges et son expression attristée montraient à quel point il était affecté par le drame.
— Monsieur Potter, c'est un honneur de recevoir votre visite, commença-t-il, tentant manifestement de faire bonne figure. Je crains être un hôte bien piètre, malheureusement. Nous sommes tous sous le choc du décès soudain de mon neveu.
— Veuillez recevoir nos condoléances, lui répondit gravement Harry. Je suis désolé de venir vous importuner dans un tel moment, mais ce genre de disparition soudaine fait obligatoirement l'objet d'une enquête.
— Je suppose qu'il faut donc en passer par là, en prit-il son parti. Mais je suis d'une impolitesse... je vous en prie, prenez un siège.
L'homme avait manifestement l'habitude d'évoluer en société et arrivait presque à masquer sa douleur derrière les formules convenues. Harry commença par présenter son partenaire, déclina la boisson qu'on lui proposait et entra dans le vif du sujet :
— Pourriez-vous nous indiquer ce que vous savez sur cet accident ?
Ils tirèrent du récit du vieil homme que la famille – sa belle-sœur, ses trois neveux et leurs épouses – avait déjeuné dans cette maison la veille à midi. Ce genre de réunion avait lieu à peu près une fois par mois, mais Ulysses voyait encore plus souvent ses neveux dont il était très proche. Une fois le repas terminé, Jerold et Edmund étaient allés faire un petit tour en balai, comme ils le faisaient régulièrement.
— Je sais que c'est en principe interdit, commenta Ulysses à ce point du récit. Mais ils faisaient bien attention de s'appliquer des sorts d'invisibilité, et leur balai est recouvert de Repousse-Moldus pour davantage de sécurité. Ils ne faisaient rien de mal.
— Les Aurors ne se préoccupent pas de ce genre de délit, le rassura Harry. C'est du ressort du département des Transports magiques... Vous devez y connaître du monde, je suppose, ajouta-t-il.
— Oui, bien entendu, je m'y rends régulièrement pour affaires, confirma Ulysses.
— Donc, vos deux neveux se sont envolés après le déjeuner, le relança Harry.
— Oui, vers quinze heures. Nous ne nous doutions de rien. Edmund est revenu vers dix-huit heures et nous a appris...
L'homme ne put continuer. Il porta une main à ses yeux comme pour en cacher les larmes et resta de longues secondes avant de regarder de nouveau les Aurors.
— Quelle tragédie, murmura-t-il alors d'une voix brisée.
— Excusez-moi d'insister, dit doucement Harry, mais j'ai besoin de savoir ce que votre neveu vous a dit exactement.
— Que vouliez-vous qu'il dise ? Que son frère était tombé de son balai et qu'il était...
Là encore, il ne put continuer sa phrase.
— Nous supposons que votre neveu a mangé et bu quand il était ici. Pourriez-vous nous indiquer ce qu'il a ingéré ?
Ulysses les regarda avec surprise avant de dire d'une voix hésitante :
— Le déjeuner, comme tout le monde.
— Vous avez pris un apéritif, un digestif ? s'enquit Harry.
— Un apéritif, puis tout le monde a pris du café
— Quel apéritif ? demanda Harry, sachant qu'il était plus facile d'administrer un produit dans un verre pris au salon qu'autour d'une table où les plats étaient partagés.
— Un whisky Pur-Feu je crois, répondit l'oncle en tournant les yeux vers les portes en bois qui marquaient sans doute l'emplacement du bar.
Wellbeloved s'en approcha et ouvrit le meuble d'un mouvement de baguette.
— Est-ce ce flacon ? demanda-t-il en montrant une jolie bouteille ouvragée qui contenait un liquide dont la couleur se rapprochait le plus de la boisson indiquée.
— C'est ça.
— Qui l'a servi ? continua Harry, laissant Wellbeloved faire les relevés nécessaires.
— Je crois que c'est Edmund, lui apprit Ulysses.
— Et ensuite, vous avez tous mangé la même chose à table ou votre neveu a-t-il pris des aliments particuliers ?
— Je ne comprends pas le sens de vos questions, fit Ulysses en fronçant les sourcils.
— Votre neveu s'est endormi sur son balai, nous en recherchons la cause, explicita sommairement Harry. A-t-il des problèmes de sommeil ?
— Pas à ma connaissance, indiqua Ulysses.
Il y eut un petit silence, puis Ulysses répondit à la question première :
— Il a mangé les mêmes plats que nous à table et a ensuite pris du café comme tout le monde après le repas.
— Qui a fait le service à table ?
— Notre elfe. Est-ce important ?
— À ce stade, tout est important, répliqua Harry. Je suppose que toute la vaisselle qui a servi hier est déjà lavée.
— Sans doute que oui, notre elfe est très consciencieux.
Harry entendit son partenaire refermer les portes du bar et décida de passer à l'interrogatoire suivant :
— Pouvons-nous parler à Mr Edmund Plunkett ? demanda-t-il.
— Il est dans la bibliothèque, je crois, répondit leur hôte. Je vais vous y mener.
Les deux Aurors suivirent le vieil homme dans un corridor joliment décoré de lustres torsadés et de gravures représentant des moyens de transport : les différentes versions du Magicobus, mais aussi des balais, le Poudlard Express et même des tapis volants. Ulysses poussa une porte et entra, les Aurors juste derrière lui. Deux personnes se tenaient dans la pièce : un homme bien bâti, les cheveux bruns, et une femme blonde tout de noir vêtue. Celle-ci se trouvait dans les bras de son compagnon, le front contre l'épaule de celui-ci.
Harry s'arrêta tandis qu'Ulysses s'approchait du couple et disait d'une voix douce.
— Viens, ma petite, ta tante te cherchait. On va aller la retrouver.
Il détacha en douceur la femme de l'étreinte de l'homme et l'entraîna vers la sortie en la soutenant. Avant de sortir, il lança :
— Ces messieurs veulent te parler, Edmund.
L'homme avait une expression hagarde et les yeux injectés de sang. Il regarda sans les voir les visiteurs pendant plusieurs secondes avant de demander :
— Qui êtes-vous ?
— Nous sommes les Aurors Wellbeloved et Potter, expliqua Harry. Nous devons déterminer ce qui a causé le décès de votre frère.
— J'ai déjà tout expliqué à l'hôpital, fit douloureusement l'homme endeuillé.
— Nous avons une copie de ce que vous avez déclaré, admit Harry. Mais cela n'explique pas comment votre frère s'est endormi sur son balai. Je suis désolé, mais nous devons vous poser quelques questions.
Le frère éploré secoua la tête comme s'il doutait de l'utilité de leur démarche, mais il se recula et s'assit sur l'un des sièges de la pièce en les invitant d'un geste à en faire autant.
— Votre frère avait-il des problèmes de sommeil ? commença Harry.
— Il ne m'en a jamais parlé, répondit le frère.
— Avait-il l'air fatigué avant que vous ne vous envoliez ? continua le commandant des Aurors.
— Non, pas du tout. C'est même lui qui a insisté pour que nous allions jusqu'à la côte parce qu'il avait envie de voir la mer.
Il s'interrompit puis s'exclama d'une voix brisée :
— Si j'avais refusé, on serait peut-être rentrés avant qu'il n'ait un coup de barre et s'endorme en volant !
Il se plia en deux, les coudes sur ses genoux, la tête reposant sur ses mains. Son corps se mit à tressauter sous les sanglots silencieux.
Harry échangea un regard avec son partenaire. Si la douleur était sincère, il serait cruel de continuer l'interrogatoire. Dans le cas contraire, ils auraient le temps de le réinterroger.
— Nous reprendrons notre conversation plus tard, proposa doucement Harry.
Il fit signe à son coéquipier et ils sortirent de la pièce.
— Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Wellbeloved.
— On interroge les autres. Il faut qu'on détermine si la victime a montré des signes de somnolence avant de partir. Il faut aussi qu'on sache si quelqu'un avait intérêt à ce que Jerold disparaisse.
Harry suivit le couloir par lequel ils étaient arrivés et retrouva le vestibule. Il examina les portes qui donnaient sur l'endroit et poussa celle qui se trouvait derrière l'escalier. Comme il le supposait, elle donnait sur un corridor qui menait à la cuisine où il retrouva l'elfe qui leur avait ouvert.
— Comment t'appelles-tu ? demanda Harry à la créature.
— On m'appelle Catena, répondit l'elfe. Que puis-je pour ces messieurs ?
— As-tu vu Jerold Plunkett partir hier ?
— Non, Monsieur Potter, j'étais ici à ranger la cuisine.
— C'est toi qui as servi à table ? demanda Wellbeloved.
— Oui, Monsieur l'Auror.
— Jerold Plunkett t'a-t-il semblé fatigué ?
— Pas spécialement, Monsieur l'Auror.
— L'as-tu vu prendre une potion ou boire quelque chose que les autres n'ont pas pris ? continua Wellbeloved.
— Non, Monsieur.
— Pourrais-tu nous montrer les verres, couverts ou assiettes dans lesquels il a bu ou mangé ?
— J'ai fait la vaisselle dans l'après-midi, leur dit la créature d'un ton hautain. Je ne laisse pas traîner les affaires sales ! Tout est rangé à sa place !
— D'accord, c'était juste pour savoir, tenta de l'apaiser Harry. Nous aimerions parler à Mrs Nell Plunkett, maintenant. Peux-tu aller la chercher ?
Catena les escorta dans le salon et alla chercher la veuve. Quand elle les rejoignit, ils la reconnurent : c'était la jeune femme qu'Edmund était en train de réconforter quand ils étaient allés le rejoindre dans la bibliothèque. Ils ne tirèrent pas grand-chose de l'entretien. Elle n'avait remarqué aucune fatigue chez son mari avant son départ et assura qu'il ne prenait aucune potion pour dormir ni n'avait de problème de sommeil. Il n'avait pas non plus été astreint à des gardes de nuit depuis plusieurs mois, ce qui aurait pu expliquer des troubles de son cycle circadien. Elle-même n'avait jamais eu besoin de prendre de potion de sommeil et, à sa connaissance, il n'y en avait pas chez eux.
— Êtes-vous rentrée chez vous depuis le drame ? s'enquit Harry.
Elle secoua négativement la tête. Harry continua son interrogatoire et apprit qu'elle était mariée à Jerold depuis un an seulement. Le couple n'avait pas d'enfant. Quand il eut posé toutes les questions prévues, Harry demanda :
— Autorisez-vous que nous envoyions quelqu'un chez vous vérifier votre pharmacopée ?
— Je... Oui, je suppose.
— Pourriez-vous débloquer la cheminée pour mon collègue ? insista Harry.
Prise de court, elle se dirigea vers l'âtre du salon et jeta de la poudre de Cheminette dedans. Wellbeloved se dépêcha de la rejoindre pour partir avec elle. Elle fut de retour quelques secondes plus tard l'air déboussolé, sans doute étonnée par la requête qui lui avait été adressée.
— J'aimerais parler à votre tante, maintenant, requit Harry.
— Je vais la chercher, annonça-t-elle avant de traverser le vestibule pour se diriger vers l'escalier.
Mrs Bettany Plunkett avait l'air aussi bouleversée que son mari. Harry la fit asseoir avant de commencer son interrogatoire. Elle n'avait pas remarqué de somnolence chez son neveu et confirma qu'il n'était marié que depuis un an. Quand Harry lui demanda si le couple lui semblait heureux, elle eut l'air désarçonnée par la question. Avant qu'elle ne puisse commencer à répondre, son époux entra brusquement dans la pièce :
— Puis-je savoir à quoi rime cette enquête, demanda-t-il d'un ton rogue. Ma nièce vient de m'informer que vous lui avez demandé l'ouverture de sa cheminée !
— Effectivement, répondit Harry d'une voix calme.
— Pourquoi avez-vous fait une chose pareille ? tonna Ulysses qui semblait de plus en plus en colère.
Harry décida qu'il était temps de mettre cartes sur table pour s'assurer le concours de celui qui semblait être le chef de famille.
— Votre neveu ne s'est pas endormi par hasard, expliqua-t-il. Une trace importante de potion de sommeil a été retrouvée dans son sang. Nous devons déterminer s'il a ingéré cette substance lui-même, s'il l'a prise par erreur ou, éventuellement, si on la lui a donnée à dessein.
Ulysses Plunkett ouvrit la bouche de stupéfaction tandis que son épouse laissait échapper une exclamation d'horreur. Sans leur laisser le temps de se reprendre, Harry demanda :
— Jerold et son frère partaient-ils systématiquement en balade quand ils mangeaient chez vous chaque mois ?
— Oui, généralement, reconnut Ulysses.
— Pensez-vous que, dans ces conditions, votre neveu aurait pris une potion de sommeil avant de venir chez vous ?
— Il était guérisseur, rappela le propriétaire du Magicobus en se laissant tomber sur la chaise qui se trouvait derrière lui. Il était bien placé pour savoir ce qu'il ne faut pas prendre avant de monter sur un balai.
— Mais vous ne pensez tout de même pas qu'on lui a fait boire cette potion à son insu ! s'insurgea Mrs Plunkett.
— Je n'en sais rien, temporisa Harry. Cela peut être une erreur. Mais, puisque nous sommes dans les suppositions, qui héritera des biens de votre neveu ?
Les Plunkett échangèrent un regard horrifié. Plusieurs secondes s'écoulèrent avant qu'Ulysses ne réponde :
— Son épouse, je suppose, sauf s'il a fait un testament contraire. Il doit bien avoir quelques économies, mais rien qui ne justifie... des mesures aussi radicales. Il vit bien, mais c'est parce qu'il a un salaire confortable. À part la maison, je doute que Nell récupère grand-chose.
Harry hocha la tête mais il savait qu'on pouvait avoir des surprises au moment de l'ouverture des testaments. En attendant, il devait continuer à rassembler des indices sur ce qui s'était passé avant le décès.
— Y a-t-il des personnes que je n'ai pas vues et qui étaient présentes hier ? demanda-t-il.
— Oui, notre autre neveu Marvin, le cousin germain de Jerold et Edmund. Il était venu avec sa mère et son épouse, l'informa Bettany.
— De quelle manière Marvin, Jerold et Edmund vous sont apparentés ? questionna Harry qui commençait à être perdu.
Ce fut Ulysses qui répondit :
— J'avais deux frères, Basileus et Donatien. Basileus est mort lors d'une attaque de Mangemorts sur le Chemin de Traverse durant la Première Guerre. Nous avons fait notre possible pour aider Doraleen, la mère de Marvin, quand elle s'est retrouvée veuve avec un enfant en bas âge. Mon cadet, Donatien, est décédé avec son épouse moldue à Azkaban pendant l'année des Ténèbres.
Ulysses laissa passer une seconde pour se reprendre avant de continuer :
— Jerold et Edmund sont les enfants de Donatien. Dès que j'ai appris l'arrestation de leurs parents, je suis allé les chercher et je leur ai dit de se réfugier chez moi immédiatement. Ils sont restés cachés dans ma résidence de vacances, jusqu'à la fin de la guerre.
— Je vois. Et votre belle-sœur Doraleen était là hier, se fit confirmer Harry qui avait sorti son carnet pour prendre des notes.
— Oui, c'est ça.
— Vous n'avez pas d'enfants ? s'enquit Harry qui essayait toujours de définir l'étendue de la famille.
— Hélas non, fit Ulysses en échangeant un regard peiné avec son épouse.
— Edmund n'est pas encore marié, continua Mrs Plunkett comme pour ne pas s'appesantir sur son absence de maternité. Marvin et Janet ont deux enfants qui sont à Poudlard. Je suppose que Jerold et Nell espéraient en avoir mais...
Submergée par le chagrin, elle ne put terminer sa phrase.
— J'ai besoin de voir Mr et Mrs Marvin Plunkett ainsi que votre belle-sœur Doraleen, indiqua Harry à Ulysses. Où puis-je les trouver ?
*
Avant de se rendre chez les cousins du défunt, Harry contacta par miroir Wellbeloved, qui était toujours chez la veuve, pour savoir s'il en avait bientôt terminé. Ils convinrent de se retrouver dans l'atrium du ministère. Quelques minutes plus tard, le partenaire de Harry faisait son rapport :
— J'ai récupéré tous les produits liquides qui étaient dans la salle de bains et la cuisine et j'ai lancé tous les sorts de repérage possibles, sans rien détecter d'étrange. J'ai aussi ramené toutes les bouteilles qui auraient pu contenir la potion, ainsi que leur caisse de verre consigné. Je suis passé déposer tout ça au labo de Ste-Mangouste.
— Parfait. Et l'échantillon du whisky de l'apéro ?
— Aussi.
— Très bien. Nous on va aller continuer les interrogatoires.
Marvin Plunkett lui ouvrit lui-même la porte de sa maison. Les Aurors purent constater la forte ressemblance qu'il avait avec son cousin Edmund. Ils expliquèrent la raison de leur visite et demandèrent à interroger séparément les deux époux. Ceux-ci obtempérèrent et Mrs Janet Plunkett sortit de son salon pour laisser le champ libre à l'interrogatoire de son mari.
Marvin commença par redire tout ce que Harry et Wellbeloved savaient déjà : le déjeuner suivi de la promenade habituelle en balai. Non, son cousin ne lui avait jamais parlé de problème de sommeil.
— Je n'arrive pas à y croire, confia-t-il aux Aurors. J'ai l'impression qu'il va passer la porte d'un moment à l'autre ou que je vais me réveiller d'un cauchemar. C'est invraisemblable qu'il ne soit plus là. Il est trop jeune pour disparaître ainsi !
— Et il s'était marié récemment, lança Harry pour amorcer le sujet de l'héritage.
— Cette pauvre Nell, qui se retrouve veuve, à peine un an après son mariage ! C'est terrible. Nous sommes là bien entendu, surtout Edmund.
Harry sentit comme une bougie s'allumer dans sa tête. La plume de Wellbeloved qui s'était immobilisée au-dessus de son carnet lui apprit qu'il n'était pas le seul à se poser des questions.
— Surtout Edmund ? répéta-t-il comme s'il ne comprenait pas.
— Oh ! n'allez pas imaginer des choses, relativisa Marvin. Il se trouve simplement qu'Edmund la connaît depuis plus longtemps que nous, car elle a été sa secrétaire et c'est ainsi qu'elle a rencontré Jerold. Quoi qu'il en soit, nous ferons tout notre possible pour aider cette pauvre petite. Elle fait partie de la famille.
— Bien entendu, répondit Harry.
Leur entretien avec Mrs Marvin Plunkett ne leur apporta aucun élément nouveau. Elle semblait horrifiée par la situation et inquiète pour son mari :
— Il était tellement proche de son cousin, leur confia-t-elle. Jerold était pratiquement un frère pour Marvin. Le pauvre, il est complètement bouleversé par cette perte.
Malgré les perches que lui tendit Harry, Janet ne fit aucune allusion à un lien particulier entre la jeune veuve et son beau-frère Edmund.
— Bon, fit Harry en sortant de là. Plus qu'à voir la mère de Marvin, et on aura fait le tour de ceux qui ont déjeuné avec la victime hier.
Mrs Doraleen Plunkett leur parut sèche par rapport aux autres membres de la famille. Si elle avait pleuré la mort de son neveu, cela ne se voyait pas. Elle répondit à leurs questions avec précision, sans faire de commentaires sur la situation. Harry trouva qu'elle ressemblait à Andromeda par sa manière de réagir devant l'adversité.
Elle confirma à quel point les cousins étaient proches les uns des autres. Enfant, Marvin avait passé beaucoup de temps chez Ulysses et Bettany qui prenaient soin de lui pendant qu'elle-même tenait le magasin que son défunt mari lui avait laissé. De son côté, Donatien venait souvent voir son frère avec sa famille, de sorte que les trois enfants se voyaient régulièrement.
— D'après ce que m'a dit votre fils, il tient le magasin familial avec vous, maintenant, se fit préciser Harry.
— C'est exact.
— Son épouse ne participe pas ? s'enquit Wellbeloved.
À la mention de sa belle-fille, Doraleen serra les lèvres.
— Non, elle préfère tenir son ménage et s'occuper de ses enfants. Son dernier n'est entré à Poudlard que cette année, répondit-elle d'une voix neutre.
Mrs Plunkett ne leur apprit rien d'autre, et les deux Aurors se levèrent pour partir.
— Bon, que penses-tu de tout cela ? demanda Harry à Wellbeloved une fois sorti de la maison.
— Il faudrait peut-être éclaircir les rapports entre la petite veuve et son beau-frère, proposa son coéquipier. Jerold n'avait peut-être pas beaucoup de biens mais il laisse une jeune et jolie épouse !
— Étant donné que, s'il y a complicité entre Edmund et Nell, ils ont largement eu le temps d'accorder leurs versions, ce n'est pas la peine de nous précipiter et lancer ce genre d'accusation sans preuve, jugea Harry. On va plutôt essayer de savoir ce que possédait réellement Jerold et l'état général des finances de tous ceux qu'il laisse derrière lui.
*
Harry rentra chez lui un peu plus tard que d'habitude, ce qui lui fit rater le dîner des enfants. Mais il arriva à temps pour le rituel du coucher et put surveiller le brossage des dents puis lire une histoire à Lily. Officiellement, les garçons étaient trop grands pour cette lecture à haute voix, mais ils venaient quand même se blottir sur le lit de leur sœur pour rester avec papa. Puis il embrassa tout le monde et passa d'une chambre à l'autre avec Ginny pour répondre aux dernières doléances et autres marchandages dont l'unique but était de retarder le départ des deux parents.
Ginny et Harry descendirent enfin, promettant de revenir dix minutes plus tard si l'un d'eux ne dormait toujours pas. Ils s'attablèrent à leur tour dans la cuisine pour manger.
— Qu'as-tu fait aujourd'hui ? demanda Harry.
— Rien d'extraordinaire, répondit son épouse. Et toi, tu as passé une bonne journée ?
— Rien de mieux qu'un petit meurtre pour s'occuper.
— C'est toi qui enquêtes ? demanda-t-elle, intéressée.
— Oui, parce que ça s'est passé dans une famille en vue. Je pense que je peux t'en parler, ce sera dans La Gazette demain. C'est le neveu du propriétaire du Magicobus.
— Ulysses Plunkett ? fit-elle en fronçant les sourcils.
— Son neveu Jerold. Tu connais Ulysses ? s'enquit-il.
— Oui, il nous a donné plein d'informations pour la partie du musée qui est sur les transports. C'est de chez lui que viennent nos maquettes du Magicobus et du Poudlard Express. Il a fait un don conséquent en gallions, aussi. Je suis peinée pour lui, je vais lui écrire un mot.
— Utilise un papier à l'en-tête du musée et fait plutôt signer Andromeda ou Fleur, conseilla Harry. Il est fort possible que ce soit un meurtre familial. Il va bientôt me détester, car mon enquête va m'amener à fourrer mon nez dans ses affaires. Que tu communiques personnellement avec lui serait malvenu.
— Tu ne penses quand même pas que c'est lui le coupable ! s'exclama Ginny.
— À ce stade, je ne pense rien mais je n'exclus rien non plus, répondit-il honnêtement.
— Ah, je vois. Tu me raconteras... ce que tu peux me raconter ?
— Oui. Je risque de faire pas mal d'heures tant que cette affaire n'est pas bouclée, désolé.
— Je sais que tu aimes être sur le terrain, Harry. Profites-en et enquête bien.
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