IV : L'éducation des enfants sorciers
Repères chronologiques
2 mai 1998 : Bataille de Poudlard
26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny
20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique
17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter
2006 : Naissance de Rose Weasley (4 janvier) et d'Albus Severus Potter (26 juin)
2008 : Naissance de Lily Luna Potter (16 mai) et d'Hugo Weasley (28 juin)
Décembre 2009 : Harry devient commandant des Aurors
30 juin 2011 : Inauguration du musée de la Magie
Période couverte par le chapitre : 15 au 24 décembre 2011
De retour au ministère après leur visite au Premier Ministre moldu, il fut convenu que Harry irait voir les grands-parents de Niklas Timberland pour les informer de ce qui avait été décidé. Il fit venir Wellbeloved dans son bureau et résuma à son intention et à celle de Pritchard les grandes lignes de la réunion qui s'était tenue.
— Maintenant, à nous de convaincre Mr et Mrs Spavin de laisser l'enfant repartir et accepter les termes de l'accord, conclut-il.
Il n'était pas persuadé que le couple ait la sagesse d'accepter un droit de visite réduit. Un regard vers Wellbeloved le convainquit qu'il n'était pas le seul à le penser. Il s'imagina avec malaise devoir retirer l'enfant de force des bras de ses grands-parents.
C'est sans enthousiasme que les deux Aurors traversèrent le jardin des Spavin après avoir salué leurs collègues de garde.
Mr Spavin le fit entrer de mauvaise grâce et demanda en préambule :
— Quand allez-vous nous rendre notre liberté ?
— J'étais justement venu vous en parler, riposta Harry. Le ministère de la Magie a décidé que le père de Niklas serait obligé de vous accorder le droit de prendre le petit chez vous un week-end sur deux et pendant une partie des vacances scolaires.
Ignatius regarda sa femme qui était venue s'asseoir près de lui.
— Cela veut dire que nous devons le rendre ? s'enquit-il.
— C'est son père, rappela Harry. Niklas a besoin d'être avec lui.
— Vous vous moquez de nous ! s'exclama la grand-mère. Il est hors de question que nous le laissions partir !
— C'est une décision qui a été prise par le ministère, tenta de les raisonner Harry.
— Qui a pris cette décision ? Est-ce vous ? l'apostropha Mr Spavin. Êtes-vous à ce point dénaturé pour nous arracher tout ce qui nous reste de notre famille, l'enfant de notre fille unique ?
— Nous avons réussi à imposer à Joffrey Timberland de vous laisser voir votre petit-fils, alors que vous le lui aviez enlevé de force. C'est déjà beaucoup, même si vous ne semblez pas vous en apercevoir, fit remarquer Harry.
En voyant les mines renfrognées des grands-parents, l'Auror sentit sa colère monter à l'idée qu'ils ne faisaient aucun effort pour se montrer accommodants, alors qu'ils avaient indirectement mis le monde sorcier dans une situation très problématique. Mais il ne pouvait dire ce qu'il pensait. Il représentait le ministère, il devait faire preuve de retenue :
— Je comprends votre tristesse et je vois bien que vous tentez de faire au mieux pour votre petit-fils. Il a paru au ministère que Niklas a le droit de voir non seulement ses grands-parents, mais aussi son père. Je suis certain que vous pouvez vous entendre pour le bien du petit.
— Vous ne comprenez vraiment rien ! cracha Mr Spavin.
— C'est possible. Mais vous et moi devons obéir au ministère.
— Vous avez su désobéir au ministère quand il donnait des ordres que vous désapprouviez, fit remarquer Ignatius.
— Il y a une légère différence entre persécuter la moitié des sorciers et faire en sorte qu'un père puisse voir son fils, répliqua sèchement Harry.
— Avez-vous des raisons précises de penser que l'enfant ne serait pas heureux avec Timberland ? intervint Wellbeloved.
— Il est MOLDU ! cracha Malvina.
Harry grinça des dents et laissa son partenaire répondre :
— Votre fille l'a jugé digne d'être le père de son fils, tenta Wellbeloved.
Les deux grands-parents serrèrent les lèvres. Visiblement, cela n'emportait pas leur conviction.
— Aussi injuste que cela paraisse, vous n'avez pas tellement le choix, énonça Wellbeloved. Pourquoi ne pas essayer ? Si on se rend compte que c'est mauvais pour votre petit-fils, une autre solution sera recherchée.
— Est-ce applicable dès aujourd'hui ? demanda Malvina la voix tremblante.
— Non, il faut aussi signifier à Mr Timberland quelles seront ses obligations envers vous et s'assurer qu'il est prêt à les honorer avant de lui rendre le petit, la rassura le collègue de Harry.
— Vous pourrez toujours vous adresser au ministère en cas de problème, précisa Harry, mais vous n'aurez pas le droit de modifier de votre propre chef les termes de l'accord. Y déroger de manière unilatérale vous ferait perdre tout droit de voir l'enfant. Timberland ne peut pas venir dans le monde sorcier tout seul, mais vous non plus ne seriez pas capable de le retrouver s'il changeait de ville. Vous en tenir à ce qui a été décidé est le meilleur moyen pour vous de continuer à voir votre petit-fils.
— Et si Timberland décide de disparaître, dès que nous lui rendrons Niklas ? s'inquiéta Malvina.
— Le Premier Ministre moldu s'est engagé à ce que cela n'arrive pas, expliqua Harry. Ils ont une police efficace et peuvent nous le garantir.
— Pouvons-nous au moins garder Niklas pour Noël ? demanda Ignatius.
On était le 15 décembre. Harry ne doutait pas que le père ferait de son côté une demande analogue. Ce n'était pas à lui de prendre la décision.
— Je ne sais pas, je ferai suivre votre demande, fut tout ce qu'il put répondre.
*
Harry n'entendit plus parler de cette affaire les jours suivants. Il décida de limiter à un seul Auror la garde qu'il laissait à Abergavenny.
Le week-end passa, ramenant Teddy et Victoire de Poudlard pour les fêtes. En voyant sa famille réunie, Harry ne pouvait s'empêcher de penser à un père qui désespérait de voir son fils et des grands-parents qui craignaient d'en être privés. Il aurait bien aimé en parler à Ginny mais, pour le moment, rien n'avait transpiré du côté sorcier, et c'était un sujet trop brûlant pour qu'il puisse le partager même avec son épouse.
*
Le mardi matin, Pritchard accueillit Harry la mine sombre.
— Quoi encore ? demanda Harry.
Sans répondre, son adjoint lui tendit La Gazette du Sorcier. Le ministère veut arracher un enfant sorcier à sa famille pour l'envoyer chez les Moldus, titrait le quotidien.
— Bon sang, qui a craché le morceau ? sacra Harry.
— Les grands-parents, je pense, le renseigna Pritchard d'une voix dégoûtée. Ils sont interviewés en page trois.
Harry se jeta sur l'article indiqué. Comme il le craignait, Mr et Mrs Spavin protestaient contre la décision injuste du ministre de la Magie de remettre un enfant pourvu de pouvoirs à un Moldu incapable de faire face aux manifestations magiques d'un sorcier en devenir.
— Autant que je monte voir Kingsley avant qu'il ne me fasse appeler, dit sombrement le commandant des Aurors.
À ce moment, son miroir se mit à vibrer.
— J'arrive ! indiqua Harry avant même de vérifier qui était son interlocuteur.
Il retrouva Jason Apollo dans l'ascenseur. Le responsable des Excuses avait l'air atterré, et c'est dans un silence morose que les deux hommes attendirent d'arriver à destination. Kingsley n'était pas seul dans son bureau. S'y trouvaient déjà le directeur de La Gazette du Sorcier, Barnabas Cuffe, Lee et Padma, d'Alternatives Magiques, ainsi que Xenophilius Lovegood du Chicaneur et Gigas Hertz de la RITM. Il y avait aussi Adrian Ackerley du département de la Coopération internationale. Harry le connaissait un peu parce qu'il avait assisté Ginny dans ses voyages à l'étranger quand elle rassemblait des pièces pour son musée.
Le ministre les invita à s'installer autour d'une table ronde dressée dans un coin du bureau.
— Mesdames et Messieurs de la presse, je vous ai priés de venir pour vous donner une vision la plus complète possible de ce que je pressens être le sujet qui va passionner les foules ces prochaines semaines, commença Kingsley. La Gazette a donné le coup d'envoi, et il est maintenant trop tard pour traiter cette affaire avec la discrétion qui aurait été préférable.
Cuffe sembla vouloir prendre la parole, mais Kingsley l'arrêta d'un geste.
— Je ne prétends pas vous dicter ce que vous devez mettre dans vos colonnes, simplement vous permettre de décider en conscience et en connaissance de cause ce qui peut ou non paraître dans vos publications, précisa-t-il. Vos trois journaux et la radio font l'opinion, vous avez une lourde responsabilité. Or ce conflit a pris une importance qui dépasse nettement la simple histoire de famille. Mr Apollo, du comité des Excuses à l'usage des Moldus, va vous expliquer pourquoi.
Le fonctionnaire fit un récit circonstancié de l'affaire et distribua la copie du texte écrit par Joffrey Timberland aux journalistes. Sur un signe de son ministre, Harry résuma les entretiens qu'il avait eus avec les grands-parents et les mesures qu'il avait prises pour qu'ils ne disparaissent pas dans la nature avec l'enfant. Enfin, Ackerley indiqua les messages qu'il avait reçus de l'étranger et les inquiétudes que faisait naître cette histoire dans les autres gouvernements sorciers.
— Comme vous le constatez, reprit Kingsley, nous ne sommes pas complètement libres de nos mouvements. Nous avons des obligations vis-à-vis de la loi internationale du Secret, ce qui nous oblige à prendre au sérieux le texte diffusé par le père de l'enfant. Par ailleurs, nos relations avec les Moldus nous interdisent de malmener cet homme, et un sortilège d'Oubliette qui transformerait son cerveau en légume, au vu de ce qu'il faudrait effacer, n'est envisageable qu'en dernier recours. Les deux parties devront donc transiger, et nous les y obligerons si elles refusent de le faire de leur plein gré. Une population sorcière appelant à cor et à cri des mesures drastiques est bien la dernière chose qu'il nous faut.
— Malgré vos bonnes paroles, vous nous reprochez tout bonnement d'avoir mis au courant nos lecteurs d'une crise internationale, grogna Cuffe.
— Votre Gazette est bien plus libre depuis que je suis ministre que durant les décennies qui m'ont précédé, rappela Kingsley d'un ton sec. Si je voulais vous censurer, je l'aurais fait depuis longtemps. Je vous demande simplement de ne pas laisser les choses s'envenimer à un point qui serait préjudiciable pour tout le monde.
— Nous faisons tous un tri dans ce que nous envoient les lecteurs, rappela Lee d'une voix calme. Nous ne laissons pas passer ce qui est trop loin de notre ligne éditoriale, ou qui serait susceptible de nous aliéner notre public. Il est possible d'informer les sorciers sans se faire l'écho de ceux qui ont les discours les plus radicaux.
— Pouvons-nous parler des fées qui échangent des enfants sorciers contre des bébés Moldus à Ste-Mangouste ? interrogea Xenophilius.
Il y eut une pause. Cuffe considéra son collègue avec mépris, Adrian Ackerley, qui n'avait manifestement pas eu souvent affaire à lui, avec effarement. Lee, Padma et Hertz manifestèrent un amusement bienveillant, et Kingsley resta impassible :
— Tout ce que je demande, c'est de l'information vérifiée et qui n'appelle ni à la violence ni à braver la loi, énonça-t-il d'une voix égale.
— Pour votre information, enchaîna Apollo, nous ne restons pas les bras croisés devant les agissements de Timberland. Nous avons commencé à publier d'autres textes dans la même veine, mais racontant des histoires complètement inventées pour noyer dans des inepties les informations qu'il donne. Hier, nous avons posté le témoignage d'une personne qui se rend compte que ses voisins sont des extraterrestres. Dans quelques jours, ce sera une histoire de jeu cosmique dans lequel les humains sont des pièces sur un échiquier.
— Mr Timberland ne va-t-il pas dire que cela n'a aucun rapport avec lui ? s'inquiéta Padma.
— Le Premier Ministre moldu a fait le nécessaire de son côté. Nous pouvons utiliser l'identité virtuelle de Timberland pour poster sur le même site que lui. S'il criait au complot, cela ne fera qu'accréditer son manque de fiabilité.
Cuffe se rend-il compte à quel point les Moldus coopèrent activement avec nous ? s'interrogea Harry. Sans doute que non.
— Quand le petit Niklas rentrera-t-il chez son père ? demanda Gigas Hertz.
— Le plus tôt sera le mieux, indiqua Kingsley d'une voix ferme. Aujourd'hui ou demain.
Harry se demanda dans quelle mesure leur interview dans les journaux avait fait perdre aux époux Spavin toute chance de garder leur petit fils pour Noël.
— Et si ce fou furieux continue à nous mettre en danger ? interrogea Cuffe. On va le laisser faire ? Et s'il refuse d'envoyer l'enfant à Poudlard ?
— S'il devient dangereux pour le Secret, il est évident que nous adopterons des mesures plus drastiques, affirma Kingsley. Le Secret doit être préservé à tout prix, et mon homologue moldu l'a bien compris. Mais pour le moment, tout ce que demande Timberland est le retour de son enfant. On va commencer par là, tout en veillant à ce que les grands-parents aient un droit de visite régulier. Nous avons été très fermes là-dessus lors de nos discussions avec leur Premier Ministre. L'enfant ne doit pas être coupé de ses racines sorcières et devra fréquenter notre école de sorcellerie.
— Cet accord contient-il d'autres termes ? se fit préciser Lee.
— Nous avons convenu des sanctions à mettre en place si une des parties viole l'accord. Elle perdra le droit de voir l'enfant. Si le père parle encore de nous d'une manière ou d'une autre, nous lui effacerons la mémoire. Vous pouvez le publier.
Cuffe eut un rictus sardonique. À ce stade, Kingsley ne pouvait de toute manière rien empêcher.
— Il serait bon, continua le ministre de la Magie, de faire connaître notre contre-attaque pour que les personnes qui savent la vérité sur nous puissent instiller le doute si on parle de sorciers devant elles en évoquant les autres pseudo-révélations.
— Entendu, nota Lee.
Il n'y eut pas d'autres questions, et les journalistes prirent congé.
*
Une fois qu'ils furent entre eux, Harry demanda :
— Que fait-on maintenant ?
— Allez chercher l'enfant et rendez-le à son père, répondit le ministre.
— Ils vont aller se plaindre à La Gazette, et ce n'est pas Barnabas Cuffe qui leur conseillera la modération, prédit Harry.
— Le mal est fait, autant en finir. J'ai eu hier le ministre Hasting au téléphone : tout est prêt de son côté pour que Timberland ne nous joue pas de mauvais tour. Nous avons établi un calendrier pour les visites. Voici les coordonnées de Timberland et les instructions pour que l'enfant passe d'un côté et de l'autre.
Harry retrouva Wellbeloved au QG des Aurors et l'informa des suites de leur affaire.
— Je pense qu'il vaut mieux commencer par aller voir où habite le père, conclut Harry. On pourra comme ça y transplaner directement une fois Niklas avec nous.
— Je ne pense pas que les Spavin nous le rendront sans protester, prévint Wellbeloved.
— Moi non plus, reconnu Harry. Pauvre gosse ! Sa famille ne lui facilite pas la vie. Et si on emmenait Timberland avec nous ? Si ses grands-parents font du grabuge, ce sera moins angoissant de repartir avec son père qu'avec deux inconnus.
— Tu n'as pas peur que cela dégénère en bataille familiale ? opposa Wellbeloved. Je croyais qu'il était prévu que les deux clans opposés ne se voient pas.
— Faisons en sorte qu'ils ne se parlent pas, décida Harry. On va commencer par contacter Timberland. J'ai son numéro de portable, l'équivalent de son miroir, précisa-t-il pour son coéquipier. On va monter dans la rue et utiliser une cabine publique.
En accord avec les services moldus, une cabine publique en état de marche et acceptant les pièces de monnaie se dressait non loin de la fausse cabine qui servait d'entrée au ministère. Harry et son coéquipier transformèrent donc leurs vêtements, prirent de la monnaie moldue dans la réserve de la brigade et montèrent à la surface.
— Mr Joeffrey Timberland ? demanda Harry quand son correspondant eut décroché.
— Lui-même, répondit une voix méfiante.
— Je m'appelle Harry Potter et je suis... comme votre épouse, expliqua Harry, qui même dans une conversation privée préférait respecter le Secret.
— Où est mon fils ? demanda immédiatement Timberland.
— Je veux justement vous rencontrer pour que nous allions le chercher ensemble. Pouvons-nous venir chez vous ?
— Quand ?
— Dès que vous serez libre.
— Tout de suite ?
— Le temps que nous arrivions.
— Je serai chez moi dans un quart d'heure.
— Très bien. Il nous faudra sans doute un peu plus de temps. À tout à l'heure, Mr Timberland.
Les deux Aurors décidèrent de prendre le Magicobus, car il n'y avait pas de cheminée à proximité de la banlieue de Leeds, où vivait le père.
Au bout d'une demi-heure, ils atteignirent leur objectif et descendirent, un peu chancelants. Jeoffrey Timberland leur ouvrit immédiatement la porte. C'était un homme d'une trentaine d'années, aux cheveux châtain et aux yeux inquiets, qui les dévisagea avec méfiance.
Il s'effaça pour les laisser entrer dans un salon lumineux légèrement en désordre. Harry se présenta et expliqua comment les sorciers voyaient la situation :
— Mr Timberland, votre fils va vous être rendu aujourd'hui. Mais nous voulons être clairs sur les conditions qui accompagnent son retour. Pour commencer, vous accepterez de leur confier leur petit-fils suivant un calendrier bien précis. Et quand il aura onze ans, vous le laisserez partir en internat à Poudlard, notre école de Sorcellerie.
— Je suis au courant, un secrétaire de Downing Street est venu me l'expliquer, répliqua Timberland d'un ton sec.
— Ensuite, puisqu'il n'est plus possible de faire disparaître le texte dans lequel vous parlez de nous, vous vous engagez à ne pas le publier de nouveau sur aucun support et à ne pas contredire la version selon laquelle cela fait partie d'un recueil de nouvelles fantastiques, tant par écrit qu'en paroles.
Timberland ne répondit pas.
— Mr Timberland, martela Harry, par votre action, vous avez mis des milliers de personnes en danger. Ce serait très ennuyeux pour nous, sorciers britanniques, si les Moldus étaient convaincus de notre existence. Mais pour ceux qui vivent dans d'autres pays, ce peut être la possibilité d'une mise à mort atroce pour tous ceux qui seraient soupçonnés d'être sorciers, et qui n'auraient ni les pouvoirs ni l'entraînement nécessaire pour échapper à leurs bourreaux.
— Je voulais juste qu'on me rende mon enfant.
— Je comprends vos raisons, mais j'aimerais que vous réalisiez la portée de vos actes et la raison pour laquelle nous ne tolérerons plus ce genre d'action de votre part.
— Vous n'avez qu'à vous arranger pour qu'ils ne me prennent pas mon fils ! s'entêta le père.
— Mr Timberland, continua fermement Harry, nous nous sommes engagés, vis-à-vis de vous et de votre Premier Ministre, à ce que vous puissiez l'élever dans les limites que je vous ai exposées. Mais si, pour une raison ou pour une autre, la situation ne vous convient pas et que vous mettez de nouveau en danger notre Secret, il n'y aura plus de solution amiable possible. Nous vous effacerons la mémoire en profondeur pour que vous ne vous souveniez plus de l'existence des sorciers, ce qui vous fera perdre définitivement votre fils et les dernières années de votre vie.
— J'ai parlé des origines de ma femme à d'autres personnes, les prévint-il.
— Nous les retrouverons et leur effacerons la mémoire également, assura le commandant des Aurors. Cela fait 300 ans que nous avons disparu de la mémoire des Moldus, croyez bien que nous avons les moyens de continuer.
Il laissa passer un temps avant de reprendre :
— Nous allons maintenant nous rendre chez les Spavin. Nous n'avons pas l'intention d'arbitrer une dispute, donc vous resterez à l'extérieur du jardin pendant que nous irons dans la maison pour en faire sortir Niklas. Nous ne tolérerons aucun témoignage.
C'est en silence que les trois hommes se préparèrent à transplaner. Harry laissa Wellbeloved prendre Timberland en escorte. Ils émergèrent juste devant le portail du jardin des grands-parents.
— Restez-là, ordonna Harry à son collègue et au Moldu en les faisant reculer derrière un buisson pour ne pas être visibles de la maison.
Il salua Vince Oldrige qui était de garde et se dirigea vers l'habitation. La porte s'ouvrit avant qu'il n'ait besoin de frapper. Mr Spavin avança sur le perron, baguette brandie vers l'Auror. D'un mouvement fluide, Harry sortit la sienne et lança un Expelliarmus modéré pour désarmer son adversaire sans le déséquilibrer, avant même que le vieil homme ait terminé de prononcer le sort qu'il lui destinait.
— Ne m'obligez pas à vous stupéfixer, indiqua Harry. Cela traumatiserait votre petit-fils et ne changerait rien à ce qui va se passer. Dites-lui au revoir, vous le reverrez bientôt.
Ignatius se tint un moment en posture de défi puis ses épaules s'affaissèrent comme s'il acceptait sa défaite. Harry surveilla les deux adultes tandis qu'ils serraient l'enfant contre eux, les yeux pleins de larmes. Impressionné, Niklas commença à pleurer à son tour, amenant Harry à intervenir :
— Ton papa t'attend dehors, il est pressé de te voir.
Le gamin tourna immédiatement la tête vers la porte, visiblement heureux à l'idée de revoir son père. Mr Spavin réagit avec vigueur :
— Vous l'avez amené chez nous ?
— Sur le chemin communal appartenant à tout le monde, répliqua sèchement Harry. Et si vous avez l'intention de lui faire une scène devant le petit, sachez que je manie aussi très bien le Silentio !
Deux regards furieux furent la seule réponse.
Harry ouvrit la porte en faisant signe à l'enfant de le suivre. Niklas regarda dans le jardin, vit son père qui s'était avancé jusqu'à la barrière et courut vers lui en criant : « Papa ! ».
— Ramène-les, je reste un peu, cria Harry à Wellbeloved. On se retrouve au ministère.
Il resta sur le perron le temps que les trois voyageurs disparaissent. Ensuite, il retourna dans la maison. Les Spavin étaient assis sur le canapé, anéantis, main dans la main.
— Vous allez le revoir dès lundi prochain, le 26 décembre, pour toute la semaine, tenta de les réconforter Harry en déposant sur la table devant eux un morceau de parchemin frappé des armes du ministère de la Magie. Un agent du ministère viendra vous l'amener, puis reviendra le dimanche soir le ramener chez son père.
Les deux grands-parents ne bougèrent pas. Harry avait pitié d'eux, mais il devait mener sa mission jusqu'au bout :
— Vous devez être conscients que toute tentative de soustraire Niklas à son père vous fera perdre tous vos droits sur lui. Il en est de même pour Timberland. Pour le bien de l'enfant, je vous conseille vivement de vous y conformer.
— Comment osez-vous parler de son bien alors que vous l'envoyez chez ces gens-là ! réagit Ignatius.
Harry soupira et partit sans répondre.
*
Dès que les enfants furent couchés ce soir-là, Ginny demanda à Harry :
— Tu savais pour cette histoire de violation du Secret ?
— Oui, répondit-il, incertain d'avoir envie d'en parler avec sa femme, encore secoué par les émotions de la journée. Et tout à l'heure, je suis même allé chercher le gamin pour le rendre à son père.
— Celui qui a révélé le Secret ? Tu crois que c'est une bonne idée ?
Au ton de Ginny, il était clair qu'elle était loin d'en être persuadée.
— Enfin, c'est son père ! Le fait qu'il soit Moldu ne le disqualifie pas pour élever un petit sorcier.
— Mais il a trahi le Secret ! Tu te rends compte de ce qu'il a fait ?
— Ginny, je suis en contact avec Kingsley qui a la Confédération internationale des sorciers sur le dos depuis une semaine. Bien sûr je m'en rends compte, protesta-t-il, agacé.
Elle le regarda un moment et demanda :
— Mais ça ne t'angoisse pas ?
— Enfin, ma chérie, le temps des chasses aux sorcières a passé de mode en Angleterre, et le ministère fait son possible pour noyer le poisson avec de fausses informations sur internet. Ce sera dans le journal demain.
— Ils en ont parlé à la radio aujourd'hui, convint-elle, mais il n'empêche que ce type est au mieux un irresponsable, au pire un criminel. Lui confier un gamin ne me semble pas des plus judicieux. Harry, il a trahi le Secret, il en a parlé sur internet. Tout le monde est au courant, maintenant !
Harry n'avait pas l'impression que cette conversation l'aiderait à se sentir mieux avec cette affaire.
— Écoute, si cela ne te fait rien, on change de sujet. Je n'en peux plus de cette histoire, et quelque chose me dit que c'est loin d'être terminé.
*
Effectivement, la contre-attaque ne se fit pas attendre : le 23 décembre, La Gazette du Sorcier titrait : Un enfant arraché à sa famille la veille de Noël. Quelques pages plus loin, une tribune de Magie, Quidditch et Tradition s'insurgeait contre la décision du ministère de la Magie de céder à l'ultimatum d'un ennemi des sorciers.
Comment peut-on confier un de nos enfants à un homme qui déteste autant les sorciers, un homme qui a comploté pour que le temps des persécutions revienne ? interrogeait l'article.
Qu'est-ce qui a pu amener le ministère à faire si peu cas de notre sécurité à tous ? Pourquoi n'a-t-il pas envoyé immédiatement les Oubliators régler le problème définitivement ? Depuis quand le bien-être d'un Moldu doit-il passer avant la survie de centaines de milliers de sorciers ? Imagine-t-on les Moldus être aussi pusillanimes à notre égard ? Qu'ils sont si inconséquents quand il s'agit de la sécurité des leurs ?
Non bien entendu. Cette décision est parfaitement déraisonnable, n'importe qui peut s'en rendre compte. Le ministre de la Magie est-il inconscient ? Manque-t-il à ce point de sens politique ?
Oui, sans doute. Mais ce n'est pas tout. Cette décision imprudente a été dictée par une obsession. Une idée fixe qui a fait oublier au ministère ses devoirs, y compris les plus impérieux. Je parle de sa volonté monomaniaque de nous transformer en Moldus, de nous amener à rejeter notre héritage, de nous faire oublier notre fierté sorcière.
Il faut donc que ce jeune sorcier soit éduqué de manière moldue, même si cet éducateur est un de nos ennemis. Il est considéré comme une priorité de le soustraire à ses grands-parents qui, quelle horreur !, pourraient lui inculquer notre histoire et notre culture.
Il est temps de nous opposer à cette politique suicidaire. Nous sommes fiers de ce que nous sommes ! Nous refusons qu'on tente de nous transformer contre notre gré. Les sorciers doivent préserver leur culture et leurs particularités. C'est à nous d'apprendre aux sorciers nés-de-Moldus à devenir membres de notre communauté, pas à eux de nous en arracher.
Alors, levons-nous et exigeons qu'on rende les enfants sorciers à leur famille sorcière !
— Bon sang, s'exclama Harry en découvrant l'article que Pritchard lui avait mis de côté, c'était bien la peine de demander aux journaux d'avoir une attitude responsable !
— Tu préférerais que le MQT soit obligé de s'exprimer par tract ou de monter un journal clandestin ? interrogea son adjoint. Que tu le veuilles ou non, cela correspond à l'opinion d'une portion non négligeable de la population.
Harry sentit qu'il ne fallait pas trop creuser. S'il savait pouvoir compter sur la totale loyauté de Pritchard, il ne pouvait exiger que son adjoint aligne sa manière de penser sur la sienne. Tenter de le convaincre serait lui dénier son droit d'avoir son indépendance d'esprit ou le contraindre à l'hypocrisie. Or Harry tenait à préserver leurs relations d'un trop grand lien de subordination. Il avait besoin de savoir qu'il y avait au moins une personne dans la brigade capable de le contredire s'il allait trop loin ou faisait une erreur. Et en prime, avoir un véritable ami dont il respecterait l'opinion divergente.
Et puis, Pritchard avait raison. À en croire la réaction de Ginny et ce qu'il avait entendu ce matin-là dans les couloirs du ministère, le choc de la violation du Secret prévalait, et la manière dont Kingsley avait traité cette affaire était très critiquée.
Sans plus de commentaire, il classa l'article dans le dossier qu'il avait constitué sur l'affaire Timberland-Spavin. Inquiet, cependant, il passa voir Hermione qui travaillait au même étage depuis qu'elle avait rejoint le service de la Loi magique et lui demanda ce qu'elle en pensait.
— C'est dans la droite ligne du MQT, remarqua-t-elle. Ils politisent cette affaire pour affaiblir la position de Kingsley. Cette histoire est potion bénie pour eux. Un jeune orphelin, des grands-parents anéantis par le chagrin, un Moldu qui a brisé le Secret... Ils auraient bien tort de ne pas en profiter.
Elle considéra son exemplaire et continua :
— Qu'ils prennent parti pour les grands-parents est assez logique. Ce que je n'aime pas du tout, c'est la dernière phrase.
— Qu'est-ce qu'elle a de particulier ? interrogea Harry.
— Elle ouvre le débat sur tous les enfants sorciers issus d'une famille moldue. L'article laisse entendre qu'il serait préférable qu'ils soient récupérés dès leur première manifestation magique et élevés par des familles sorcières pour qu'ils oublient tout de leurs origines. Cette manière de les couper de leurs racines serait aussi néfaste que les refuser à Poudlard du fait de l'impureté de leur sang.
— On en est là ? s'affola Harry, se repenchant sur l'article.
— Non, pas encore, mais il est à parier qu'on y arrivera.
Harry la dévisagea, consterné.
— Ne fais pas cette tête-là, fit Hermione d'une voix apaisante. Pour le moment, cela se passe plutôt bien. Du temps de Fudge, on aurait amnésié le père sans remords. On a un peu progressé, non ?
— Je suppose qu'il faut s'en contenter et espérer qu'il n'y aura pas trop de débordements, grogna Harry. Je ne sais pas qui j'ai le plus envie de maudire : ceux qui ont enlevé ce gosse ou celui qui n'a rien trouvé de mieux pour se faire entendre que de parler de nous sur internet.
Il songea avec horreur aux regards que Niklas risquait de devoir supporter quand il ferait son entrée à Poudlard.
— Pauvre gamin, le voilà bien mal loti, soupira Hermione qui, une fois de plus, semblait lire dans ses pensées.
*
Le lendemain, Harry retrouva sa famille au Terrier pour le réveillon. Peu après son arrivée, Molly lui demanda ce qu'il pensait de l'affaire du « pauvre petit Niklas ». Il répondit qu'il estimait que ce serait bien de ne pas aborder le sujet le soir de Noël. Elle convint que ce n'était pas une conversation très adaptée aux circonstances.
Ron et George arrivèrent assez tard, car le magasin n'avait pas désempli jusqu'à la dernière minute. Ils avaient de nouveau embauché Teddy qui avait travaillé avec eux durant toute la semaine. Il se reposerait cependant la semaine suivante pour repartir à Poudlard en pleine forme. Les trois administratrices du musée de la Magie, par contre, avaient fermé tôt. Autant les familles avaient investi leur établissement durant l'été, autant elles restaient chez elles ou se rendaient visite lors de ces vacances-là. L'époque n'était pas non plus propice aux voyages touristiques, et peu de sorciers étrangers s'étaient présentés les jours précédents.
Le premier semestre de Victoire s'était bien déroulé. Dans ses lettres adressées à ses parents, elle avait longuement raconté les occasions où elle avait fait gagner des points à sa maison, en écoutant en classe et répondant bien aux professeurs. La petite fille adorait manifestement ses cours de sortilèges et de vol sur balai. Elle aimait moins les potions « qui obligent à découper des choses dégoûtantes » et n'avait pas d'attirance pour la botanique. Elle trouvait la métamorphose « difficile », et Harry eut l'impression qu'elle avait un peu peur de la professeure McGonagall.
Au fur et à mesure que la soirée avançait, les plus jeunes devenaient de plus en plus déchaînés, attendant avec impatience le père Noël. Ceux qui purent veiller jusqu'à l'heure fatidique entendirent enfin un vrombissement qui venait du ciel. Ils se ruèrent dans le jardin, sans remarquer l'absence de Charlie qui jouait chaque année le rôle-titre.
Émerveillés, ils se pressèrent autour de la moto de Harry que des sortilèges avaient rendue rouge et blanche pour l'occasion. Avec une grosse voix chevrotante, le héros de la fête appela les « enfants sages », leur remit leurs cadeaux. Il confia à Frederick ceux qui étaient destinés aux plus jeunes qu'on avait couchés et qui les découvriraient à leur réveil. Il laissa en outre un sac plein de présents enrubannés pour les adultes « pour qu'ils restent jeunes malgré les années, ho ! ho ! ho ! ».
Après des baisers aux enfants ravis et des recommandations d'être « bien sages avec leurs parents et surtout avec leur oncle Charlie », la moto décolla dans un ronflement sonore, et l'on rentra écouter la voix mélodieuse de Celestina Moldubec.
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Barnabas CUFFE : Directeur de la Gazette du sorcier. Autrefois remarqué par H. Slugorhn
Gigas HERTZ : Directeur de la RITM, la Radio Indépendante à Transmission Magique.
Adrian ACKERLEY : Travaille au département de la coopération internationale magique comme secrétaire de Percy WEASLEY. Frère de Stewart Ackerley, Serdaigle (1994 - 2001).
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