Épisode 1: Chapitre 1
16 ans
Posée tranquillement sur son lit, une adolescente respira pour calmer la pression qui montait doucement en elle. Toute sa vie, on l'avait préparée à cet évènement, il était temps qu'elle assume son rôle. Cependant, elle n'avait jamais été sûre d'être la meilleure personne pour assurer toutes ces responsabilités qui ne feraient que croître avec les années. Un grand poids lui tombait désormais sur les épaules, un de plus.
Une larme solitaire coula le long de sa joue et alla se déposer sur la tête de la panthère des neiges couchée à ses pieds. Celle-ci leva la tête au contact de la goutte qui venait de la toucher.
Eloise et Palmyre se fixèrent dans les yeux sans rien dire pendant quelques minutes, se transmettant par ce seul regard leur soutien mutuel. C'était un de ces rares échange silencieux durant lequel ni Compagnon, ni Ihmisen* ne parlait, ni à voix haute, ni même par le biais de leurs pensées grâce à ce lien si particulier qui unissait chaque humain à un animal.
Pourtant, la même réflexion traversait leurs deux esprits sans qu'elles n'aient besoin de se concerter.
Dans quelques heures à peine, il serait définitivement trop tard.
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"-Tout va bien princesse? Demanda une voix masculine, que l'adolescente de seize ans reconnut instantanément comme celle de son meilleur ami.
-Je ne t'ai pas entendu arriver... J'ai eu peur, souffla-t-elle en souriant légèrement, le voyant entrer dans la pièce et s'asseoir à ses côtés.
-Désolé princesse.
-Dis, combien de fois t'ai-je demandé d'arrêter avec ce surnom? Demanda la jeune fille en rigolant, ce qui eut le mérite de la détendre un peu.
-Très certainement au moins une fois toutes les heures, répondit le garçon en sentant son sourire s'élargir, heureux de constater ce petit relâchement. Plus sérieusement, Eloise... Comment te sens-tu?
Au ton de sa voix et à l'évocation de son prénom, la dénommée sentit que son meilleur ami laissait ses pitreries de côté un moment.
-Aussi détendue qu'on puisse l'être à une heure de son couronnement. Mais je me sens plus confiante depuis que tu es là, merci Thibault.
-Je sais je suis le meilleur! Se vanta le dénommé Thibault avec un air espiègle, persuadé de faire réagir la jeune fille, ce qui, bien évidemment, ne manqua pas de se passer.
-Non mais quel vantard! Souffla-t-elle en éclatant de rire.
-Allez princesse, dis-le que je suis le plus beau et le plus fort, je sais que tu en meurs d'envie. Elle leva les yeux au ciel dans une moue que son ami n'aurait pu qualifier autrement qu'adorable, et s'empressa de rétorquer.
-Je refuse de mentir! Rétorqua la blonde, réponse à laquelle Thibault feignit d'être touché en plein cœur. De plus, je ne serai bientôt plus princesse, je te conseillerais donc, dans l'optique de t'éviter tout malaise bien entendu, de m'appeler 'Votre Altesse' dès à présent!"
Elle le fixa à son tour avec une lueur d'amusement dans les yeux, en croisant les bras sur sa poitrine. Le cœur du garçon manqua un battement. Dieu qu'elle était belle. Du haut de ses seize ans, la jeune héritière faisait déjà tourner toutes les têtes, avec ses longs cheveux blonds et ses yeux bleu glacier si caractéristiques de sa famille. Et bien évidemment, son meilleur ami était loin d'être insensible à son charme.
Il se reprit rapidement, sachant parfaitement que le cœur de l'héritière appartenait déjà à quelqu'un, et que cette personne lui rendrait sans aucun doute ses sentiments, qui que ce soit. Car oui, il avait beau être son meilleur ami, en matière de sentiments, la jeune fille préférait se tourner vers ses sœurs et il n'avait donc aucune information sur le mystérieux inconnu qui faisait battre le cœur de la blonde. Par conséquent, il savait parfaitement qu'il n'avait aucune possibilité d'avenir avec elle. Il se devait de stopper les battements irréguliers de son cœur s'il ne souhaitait pas la perdre. Il reprit la discussion après un discret raclement de gorge, et afficha cet air espiègle qu'il arborait sans arrêt.
"-Au moins, si je continue, je serai le seul, tu seras ma princesse, et celle de personne d'autre!
-Et possessif par dessus le marché! Souffla une fois de plus Eloise, tout en souriant du coin des lèvres. Mon dieu mais dans quoi me suis-je embarquée? Elle porta dramatiquement la main à son front en signe de désespoir avant d'éclater de rire.
-Princesse? Demanda une voix de l'autre côté de la porte blanche. Eloise se leva, et lorsqu'elle ouvrit la porte, elle tomba sur deux prunelles vertes qu'elle reconnut comme celle de sa styliste du jour.
-Je t'écoute?
-Votre mère aimerait vous parler avant la cérémonie. Et elle m'a chargée de vous communiquer Monsieur Pekkarinen, que vos parents vous attendent dans la salle, au premier rang.
-Merci Irma, tu peux disposer. La jeune rousse s'apprêtait à faire demi-tour, lorsqu'on la retint doucement par le bras. Et si cela ne te dérange pas, poursuivit Eloise, je préfèrerais que tu prennes l'habitude de me tutoyer, nous devons avoir le même âge et cela me met mal à l'aise de recevoir une telle marque de respect d'une personne de mon âge.
-Je ferai de mon mieux, sourit la jeune fille. Mais je risque d'avoir un peu de mal à m'y habituer.
-Prends le temps qu'il te faudra! Tu peux y aller Irma. Eloise se leva, suivie de Palmyre qui s'étira tel le félin qu'elle était. Thibault, on se retrouve tout à l'heure! Et s'il-te-plaît, fais-moi le plaisir de te changer! Tu sais parfaitement que la cérémonie va être visionnée dans tout l'Empire, et tes parents t'en tiendraient certainement rigueur si tu te présentais habillé d'un simple jean et d'une chemise!
-Tout ce que tu voudras princesse!" Elle lui fit un salut de la main, sans relever le surnom, qu'il lui rendit accompagné d'un clin d'œil provocateur avant qu'elle ne disparaisse au tournant d'un couloir.
Dès que sa meilleure amie eut disparu, le jeune homme s'empressa de s'en aller à son tour, en quête de ses appartements pour se changer, tandis que deux cousines se souriaient avec connivence.
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"-Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Compagnons, Peuple de Kevyt, je vous souhaite la bienvenue dans cette émission absolument exceptionnelle! Résonna la voix du présentateur depuis la Grande salle. Aujourd'hui, en ce dix-sept mai 621, nous célébrons le seizième anniversaire, et arrivée au pouvoir, de notre bien-aimée princesse Eloise Valtonen, première du nom! Le soleil est radieux, notre capitale en liesse, toutes les conditions sont réunies pour que cette journée soit mémorable! Dans quelques instants, la Keisarillinen Perhe** fera son apparition! Nous avons tous hâte de découvrir les couleurs des princesses! La semaine dernière nous vous avons fait parvenir un sondage pour savoir quelle serait selon vous la prochaine couleur impériale! Après le splendide doré de sa mère, quelle couleur notre héritière a-t-elle bien choisie pour représenter sa couleur officielle? En tête des sondages..."
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De l'autre côté de la grande salle dans laquelle le présentateur faisait son discours, cinq silhouettes féminines conversaient à voix basse.
"-Je suis sûre qu'il serait très fier de toi ma chérie. Dit la plus âgée.
-Merci maman... J'aurais aimé qu'il soit là. Les quatre filles soupirèrent de concert.
-Allons mes trésors, le passé appartient au passé, et il faut savoir aller de l'avant.
-Plus facile à dire qu'à faire. Suite à cette affirmation de leur cadette, les deux ainées s'échangèrent un regard peiné.
-Je sais bien Maud, souffla la mère des quatre princesses. Mais vous avez la chance d'avoir chacune une jumelle sur qui compter. Nous finirons bien par trouver le coupable, les recherches ont été lancées depuis des années!
-Et malheureusement, aucune piste n'a été trouvée... Moi je me suis rendue à l'évidence, on ne retrouvera jamais son assassin, annonça la brune Gaëlle avec résignation.
Eloise jeta un regard larmoyant vers la rousse à sa droite, qui lui rendit en lui pressant la main. Les deux jumelles détournèrent la tête d'un même mouvement pour fixer le sol.
-Je sais bien que c'est difficile mes trésors, et encore plus pour vous Eloise et Gaëlle, puisque vous étiez très proches de lui, dit l'Impératrice avec un sourire rempli d'amour. Mais il ne voudrait pas que vous vous abattiez sur votre sort, et préférerait que vous profitiez au maximum de ce jour! Eloise, Eloane, vous êtes majeures aujourd'hui, profitez de cette jeunesse. Puis elle continua d'un ton plus enjoué, pour détendre l'atmosphère, lourde de non-dits. Alors, Eloise, qui comptes-tu inviter comme cavalier?
L'héritière adressa un sourire reconnaissant à sa mère et s'empressa de poursuivre sur la lancée.
-Certainement Thibault, c'est mon meilleur ami et c'est le seul avec qui je suis sûre de m'amuser!
-Oui meilleur ami hein? Glissa malicieusement Eloane à son oreille.
-Parle moins fort veux-tu! lui répondit sa jumelle en ne pouvant empêcher un petit sourire de prendre place sur son visage. Et puis, ajouta-t-elle à voix haute avec un sourire revanchard, je n'oserai jamais inviter Nicolas, j'aurais trop peur des représailles!
-Chhhhhut! Siffla sa jumelle en mettant une main sur la bouche de l'héritière pour l'empêcher de continuer, et la fusilla du regard, avant qu'elles n'éclatent toutes les deux d'un rire nerveux.
Tandis que les deux ainées laissaient retomber leur pression, les cadettes s'étaient écartées pour discuter tranquillement à côté, toutes quatre couvées par le regard bienveillant de leur mère. Celle-ci interrompit leur moment avec regret, ayant entendu la voix du présentateur s'élever pour couvrir les cris de joie de la foule.
-Les filles c'est l'heure... Les sourires et les éclats de rire retombèrent aussitôt pour se tourner vers Eloise, qui respira un grand coup. Remettez de l'ordre dans vos cheveux, ils ont été un peu décoiffés." Quatre claquements de doigts synchronisés retentirent, tandis que les petits cheveux qui sortaient des coiffures se remettaient en place. Les quatre sœurs échangèrent un regard, et se placèrent en file derrière l'Impératrice.
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Alors, les portes s'ouvrirent, laissant la célèbre musique du compositeur terrien Jean Sibelius, Finlandia, l'hymne de leur empire, retentir dans le couloir où se trouvaient les quatre filles et leur mère. Cette dernière s'avança au milieu de la foule avec grâce et élégance sur le riche tapis rouge et doré qui avait été déplié pour l'occasion. Alors, des vivats retentirent de partout dans l'Empire de Kevyt, qu'ils viennent de la salle, où des villes les plus reculées, qui visionnaient l'instant grâce à des retranscriptions que donnaient les personnes avec les pouvoirs les plus puissants.
Les cadettes apparurent à leur tour dans la lumière, sous les applaudissements et les sifflements du public.
Et enfin, l'héritière, leur future Impératrice, la fierté de l'Empire, fit son apparition dans la salle, subjuguant les spectateurs par son élégance. Elle avança lentement tandis que les personnes présentes retenaient leur souffle. Arrivée au milieu du tapis, de timides applaudissements se firent entendre, et ce fut le déclenchement de toute une euphorie. Les privilégiés qui étaient au premier rang, les ministres et les proches ne cachaient pas leur joie, et Eloise crut même entendre son meilleur ami siffler plusieurs fois.
Arrivée devant l'estrade sur laquelle se trouvait le trône, la Keisarillinen Perhe se plaça en ligne et se retourna vers la foule, avant d'adresser cinq lumineux sourires aux convives. Seuls de légers tremblements des mains, invisibles pour quiconque, marquaient leur anxiété.
"Courage princesse tu peux le faire!" Eloise se retourna en souriant à son meilleur ami, qui la fixait depuis le rang des privilégiés. Il lui fit un clin d'œil malicieux, et l'héritière dut se retenir pour ne pas lever les yeux au ciel. La remarque de son meilleur ami l'avait un peu détendue, et elle se trouva soulagée qu'il ait pensé à lui lancer cette pique par le biais de ses pensées.
À vrai dire, il était le seul à pouvoir le faire, sans qu'aucun d'eux ne trouve pour l'instant une explication à ce fait.
D'accord, ce n'était pas totalement vrai. Eloane pouvait passer outre le portail qui permettait d'accéder à l'esprit de sa sœur. Mais elle le pouvait car un lien très fort, une cicatrice commune les unissait. Tandis que Thibault, jamais aucun évènement fort qui puisse expliquer ce lien n'était survenu entre eux. Eloise avait bien une théorie à ce sujet, mais préférait la garder pour elle pour le moment afin de ne pas affoler sa famille.
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Le Doyen, cet homme, ce seul homme a avoir les capacités d'immortalité, celui-là même qui avait sacré chacune des Impératrices depuis la légendaire Maddalena, prit une couronne de joyaux bleus, et la déposa sur le sommet de la tête d'Eloise, qui l'avait précédemment inclinée.
Puis il déposa une couronne verte sur la tête d'Eloane, une rose sur celle de Maud, et une rouge sur les cheveux bruns de la dernière de la fratrie. Et leur mère les couvait d'un air fier, une couronne d'or reposant sur ses cheveux.
Car c'était ainsi qu'était la tradition. À chaque nouveau couronnement, l'héritière choisissait une couleur officielle pour son règne, et ses cadets faisaient de même pour les évènements importants auxquels ils seraient tenus d'assister de par leur statut.
La nouvelle Impératrice se tourna vers la foule sous les hurlements de joie, tandis que cinq rayons colorés tournaient autour d'elle, avant de disparaître dans sa couronne. Ces cinq rayons, c'était ses pouvoirs, ses deux pouvoirs qui venaient de la reconnaître comme Impératrice légitime de l'Empire.
Chaque pouvoir avait un esprit, et c'était ces esprits qui venaient de s'insinuer dans le gros diamant bleu.
L'esprit de la terre.
L'esprit de l'air.
L'esprit de l'eau.
L'esprit du feu.
Et l'esprit de la glace.
Deux pouvoirs, cinq esprits. Posséder deux pouvoirs était quelque chose d'extrêmement rare, que seul les Elémentaristes pouvaient avoir. A ce jour, il avait existé trois Elémentaristes, trois personnes capables de contrôler les éléments, et Eloise en faisait partie. Pour être exacte, les Elémentaristes avaient trois pouvoirs. Mais le troisième était tenu secret par chaque personne l'ayant possédé un jour.
Ces cinq esprits sortaient à présent du joyaux pour inonder la pièce de lumière, arrachant des exclamations de surprise et d'admiration aux spectateurs. Puis la lumière disparut peu à peu, pour venir se loger dans le collier d'Eloise. Un collier très particulier, bien que parfaitement ordinaire pour tout personne ne connaissant pas le passé de la jeune fille. Car chaque personne possédait ce collier dès sa naissance. Ce collier permettait de contrôler les pouvoirs de chacun afin d'éviter que trop de puissance ne soit concentrée en une seule personne. Chacun le recevait en même temps qu'il découvrait son Compagnon animalier qui l'accompagnerait toute sa vie et pourrait partager son esprit. Le collier correspondait au Compagnon, ce qui permettait de déterminer le pouvoir principal, le plus puissant, pour ceux qui en avaient plusieurs. En plus de ce collier et du Compagnon, un tatouage indiquait le pouvoir de l'enfant. Les Elémentaristes avaient deux tatouages à la naissance, et le troisième s'inscrivait quelques années plus tard.
Il était possible de désactiver un collier, enlevant toute protection magique et laissant la personne à sa pleine puissance, seulement personne n'en avait jamais eu conscience.
Mais d'après les contes, certains colliers n'avaient même jamais été activés.
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Le Doyen attrapa une deuxième couronne avec d'infimes précautions, et la tendit au dessus de sa tête, pour la montrer au public. Eloise enleva son diadème officiel et regarda le deuxième avant de prononcer le sermon qui la nommerait officiellement responsable de millions d'habitants.
"Moi, Eloise Valtonen, première du nom, jure de faire ce qui est en mon pouvoir pour protéger mon peuple et ma patrie. Par ce diadème, j'accepte les charges de l'empire de Kevyt sur mes épaules, et les Légendes qui le précèdent. Par cette couronne, je promets de prendre les décisions importantes en présence de mon Conseil. Par ce diamant, j'accepte de connaître les Légendes de Kevyt. Par ces esprits, je m'engage à ne révéler de Légende que si celle-ci met en danger mon peuple. Par ces deux couronnes, j'accepte le titre d'Impératrice de Kevyt."
Le Doyen, approcha alors la couronne de la tête d'Eloise, qui s'apprêtait déjà à réagir. Lorsque le diadème entra en contact avec la tête jeune fille qui, par mesure de précaution, restait tournée dos à la foule, le diamant central luisit d'une étrange lueur noire.
Eloise soupira et d'un petit mouvement imperceptible du poignet, entra dans les pensées du Doyen, qui la fixait avec des yeux ronds, afin d'effacer de sa mémoire ce qu'il venait de se passer.
Puis elle se tourna vers la foule, pleinement consciente que maintenant que le Diadème Maudit avait été activé, il était définitivement trop tard pour faire demi-tour.
*Ihmisen: Humain
**Keisarillinen Perhe: Famille Impériale
***
Eloise à 16 ans en média
Helloooo!
Comment allez-vous?
Voici le premier chapitre, qui semble être le commencement (ou la suite?) d'une succession d'ennuis.
Qu'en avez-vous pensé?
C'est un premier contact avec la plupart des personnages principaux de l'histoire. Vous n'en n'avez pas assez vu pour cerner avec précision leur caractère, mais vous en avez déjà une première approche.
Dites-moi si je n'ai pas été suffisamment claire dans mes premières explications du fonctionnement de l'Empire.
Et sinon, je vous dis à bientôt pour la suite.
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