Chapitre 4
Les quatre adolescents se lâchèrent les petits doigts. Aussitôt, la main d'Eloise vint presser celle de son meilleur ami, lui jetant un regard angoissé. Leurs compagnons les rejoignirent, se plaçant à leurs côtés.
"-Tout va bien se passer princesse tu as fait le plus difficile! Et si tu as besoin je suis toujours là, tu le sais."
Thibault fit signe à Nicolas et Eloane de rentrer dans la salle d'un signe de tête. Lorsque les lourds battants se refermèrent derrière les deux jeunes gens, respectivement suivis d'un kangourou et d'une biche, il prit les joues de la blonde entre ses mains, la forçant à le regarder pour la convaincre. Kotka se posta sur le dos de Palmyre, qui frotta sa tête avec compassion contre les jambes d'Eloise.
"-Thibault! Répondit la jeune fille avec lassitude mais néanmoins attendrie. Le surnom! Le garçon lui fit un de ses innombrables clins d'œils.
Mais tu sais, la partie couronnement en elle-même était certes très éprouvante psychologiquement, les gens ne mesurent pas réellement l'ampleur du poids qui nous tombe dessus, mais le bal le sera encore plus." Elle détourna les yeux, embués de larmes qu'elle tentait de retenir. Lorsqu'une goutte salée s'échappa de ses prunelles bleues, le cœur du garçon se fendit. Son regard se fit peiné et il eut envie de pleurer lui aussi devant la détresse de la fille qu'il aimait.
"-Je sais princesse. Il te manque. À ces mots, Eloise fondit désespérément en larmes. Elle se jeta dans les bras de Thibault et s'agrippa à lui comme une bouée de sauvetage. Ce dernier lui caressa tendrement les cheveux, déposant quelques baisers sur le sommet de son crâne tandis que sa panthère se coucha sur ses pieds en ronronnant. Il la serra fort contre lui, tentant de lui transmettre tout son amour, tout son soutien, et toute sa force pour affronter la suite des événements.
-Il aurait dû être là, avec maman, à la faire tourner toute la soirée, à parler avec ton père, à nous souhaiter un bon anniversaire, il aurait dû pouvoir profiter de cette soirée avec nous tous, reprit Eloise en revivant mentalement son dernier anniversaire aux côtés de son père.
-Arrête d'y penser aujourd'hui, je te promets que demain on passe une journée rien que tous les deux -avec Palm et Kotka, se reprit-il en surprenant le regard blessé de l'aigle, où tu auras tout le loisir de déprimer, mais amuse-toi ce soir, tu es majeure, couronnée, c'est ton anniversaire! Détends-toi, tout va bien se passer d'accord? Je ne serai pas loin si tu as besoin, même si tu dois laisser ton cavalier quelques minutes ce n'est pas grave. Je sais à quel point c'est difficile de perdre un proche. Il inspira lentement pour contenir les tremblements de sa voix et baissa d'un ton. Tu sais, on avait beau se chercher tout le temps, Maeva me manque énormément. Elle était ma sœur je tenais beaucoup à elle. Il se racla la gorge et reprit d'un ton qui se voulait plus joyeux. Mais je sais que tu es forte et que tu parviendras à surmonter cette épreuve, au moins ce soir! Ne serait-ce que pour moi. Qu'est-ce que je deviendrai si je ne peux pas voir ton beau sourire égayer la soirée?
-J'apprécie tes efforts pour me remonter le moral, vraiment, j'ai encore du mal à comprendre l'incroyable chance que j'ai de t'avoir près de moi, mais je ne suis pas celle que tu penses Thibault. Eloise se décolla de ses bras et se mit à fixer la porte, le regard vide et un bras négligemment posé sur son ventre, comme pour se protéger, sa panthère debout à ses côtés. Elles tentaient toutes deux de chasser les souvenirs, en vain.
-Bien sûr que si! Tu es ma meilleure amie. Une personne joyeuse, intelligente, belle à l'intérieur comme à l'extérieur, compléta-t-il en rougissant légèrement. Tu es drôle, attentive, déterminée, tu as un sang froid et un mental à toute épreuve, tu ferais tout pour les gens que tu aimes et pour ton peuple et surtout, tu es une personne forte. Je le sais. Un léger rire amer s'échappa de la gorge d'Eloise.
-Oui c'est sûr, je serai capable de tout pour les personnes que j'aime. Je serai même prête à mourir pour eux.
-N'exagérons rien, grimaça le brun. Il ne souhaitait pas la perdre. J'espère que nous n'en arriverons pas à cette extrémité là tout de même, bien qu'en temps qu'héritière, enfin Impératrice désormais, c'est forcément une possibilité à laquelle tu dois te préparer.
-J'espère ne pas devoir en arriver là non plus, mais tu sais tout aussi bien que moi que cela fait partie de nos derniers cours avant d'être couronnées, maman m'a consacré quatre heures à ce propos le mois dernier. Oh Thibault, se lamenta-t-elle ensuite, il y a tellement de choses que tu ignores à mon sujet!" Eloise soupira en un sanglot, croisa le regard bleu de Palmyre et tourna lentement la tête vers lui, les joues inondées de larmes. Le cœur du jeune homme acheva de se briser à cette vison. Eloise se retourna, et d'un mouvement délibérément lent, poussa sa cascade de cheveux blonds sur son épaule gauche, offrant sa nuque à la vision de son meilleur ami.
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"-Vous avez failli être en retard. Maman se faisait un sang d'encre. D'habitude tu arrives toujours avec cinq minutes d'avance! Murmura Maud en apercevant sa sœur arriver au bras de son meilleur ami.
-Je sais, j'ai eu un petit moment d'inquiétude mais c'est passé. Elle fit un sourire crispé à l'encontre de sa cadette, et sentit une main se poser sur son bras. Détournant les yeux, elle tomba sur les prunelles rassurantes de Thibault.
-Eloise! S'exclama une élégante femme en apparaissant dans l'angle de vision de sa fille. Thibault ne put s'empêcher de constater encore une fois la ressemblance frappante entre mère et fille, tandis qu'elles conversaient allègrement. Toutes deux blondes aux yeux bleus, elles dégageaient une prestance et un charisme sans pareils, d'une élégance époustouflante, et leur simple présence semblait rassurante, comme une barrière qui empêchait les mauvaises ondes de s'abattre sur le peuple tout entier.
"-Pourtant ce sont elles qui auraient parfois besoin d'etre sauvées, murmura le jeune garçon sans s'en apercevoir. Les trois blondes qui l'entouraient le fixèrent d'un même mouvement gracieusement impérial.
-Tu disais? Demanda la cadette. Tu as parlé tellement bas qu'il nous était impossible de comprendre.
-Oh non ne vous en faites pas j'étais dans mes pensées," s'excusa-t-il. Inconsciemment, son regard se fixa sur Eloise, qui devinait sans peine le fil de ses réflexions, au vu de ses dernières confidences. Elle baissa la tête, se sentant coupable de lui faire endurer avec elle un secret aussi lourd. Le brun la lui releva délicatement, attrapant son menton de sa main libre et la fixa dans les yeux.
Conscientes d'être de trop, Maud et Télia s'éclipsèrent discrètement. Mais cette dernière ne put s'empêcher de jeter un regard anxieux en direction des adolescents.
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Quelques minutes plus tard, la foule se pressait dans l'immensité de la Galerie, et la voix du présentateur retentit à nouveau. Les personnes qui donnaient les retranscriptions échangèrent avec d'autres, souhaitant se reposer. Ces personnes, des hypnotistes, étaient ceux capables de contrôler les esprits. Une manière d'utiliser leur pouvoir était d'envoyer des souvenirs à quelqu'un d'autre. Dans le cas présent, ils envoyaient ce qu'ils observaient en direct à d'autres hypnotistes présents dans tous les recoins de l'Empire, et ceux qui recevaient les souvenirs les projetaient devant eux, permettant ainsi à d'autres personnes d'avoir accès aux souvenirs. Mais c'était une tâche lourde, qui engendrait bien des migraines et surtout, peu étaient ceux capables de les retranscrire avec précision.
La voix de Marvynn Numli, présentateur attitré de la Keisarillinen Perhe, présentement placé devant deux hypnotistes, couvrit les hurlements hystériques de la foule en vue de l'heure qui tournait. Avec un doigt sur le côté de son cou, Marvyn Numli se servait actuellement de son pouvoir de sonneriste qui lui offrait l'opportunité de contrôler le volume de sa voix, tandis que son hibou foudroyait toute personne trop bruyante de ses yeux perçants.
"-MESDAMES, MESDEMOISELLES, MESSIEURS, COMPAGNONS DE TOUTES TAILLES! Voyant qu'il avait le public pendu à ses lèvres, il relâcha son doigt le long de son corps et poursuivit avec un ton plus bas, un rictus satisfait au coin des lèvres.
Voici à présent le moment que vous attendiez tous! Le traditionnel Grand Dîner va pouvoir commencer! Nous brûlons tous d'impatience de découvrir les cinq chanceux qui auront l'honneur de passer leur soirée aux côtés de ces splendides dames que sont nos princesses! Quelles seront leurs couleurs, nous allons le découvrir dans un instant! Kevyt, je suis fier de vous présenter la princesse Gaëlle!" Sur ces paroles, La brune de la famille entra dans la salle d'un pas souple et empli de sagesse, laissant aux invités le loisir de constater à quel point la cadette ressemblait à son défunt père. Sa robe de tulle rouge, d'une élégante simplicité, était agrémentée d'une épaisse ceinture de diamant comme unique ornement. L'ensemble de couleur vive rendait ses cheveux noirs d'autant plus soyeux qu'ils ne l'étaient déjà, leur donnant de discrets reflets roux. La louve blanche qui la suivait salua la foule d'un hochement de tête, et se posta en retrait, dans un coin de la salle prévu aux Compagnons.
"Il semblerait que la cadette ait choisi du rouge, à l'instar de sa tante vingt-quatre ans plus tôt. Laissez-moi maintenant vous introduire la princesse Maud!" La jeune fille de quatorze ans, de trois heures l'aînée de Gaëlle, fit à son tour son entrée en lumière, au rythme de ses pas légers et joyeux. Sa robe à elle était plus élaborée que celle de la cadette. D'un rose pâle, le bustier laissait apparaître les fines épaules de la jeune fille et des fleurs brodées venaient agrémenter le haut du vêtement. Son petit lémurien sauta joyeusement de son dos pour rejoindre la louve, confortablement installée sur des coussins.
"Il semblerait d'apres les sondages que la plupart d'entre vous aviez vu juste! Notre coquette princesse a bel et bien fait du rose sa couleur officielle. À présent, veuillez accueillir la princesse Eloane!" Une silhouette élancée apparut devant les convives subjugués, ses belles boucles rousses se balançant allègrement sur la dentelle verte qui recouvrait le bustier de sa robe de soie couleur émeraude. Ses fins bijoux incrustés d'émeraudes rehaussait l'éclat de ses yeux. Doe, sa biche, plia ses fines pattes puis sautilla jusqu'à disparaître aux yeux des spectateurs.
"Quelle élégance princesse! S'extasia le présentateur tandis qu'Eloane plongeait dans une légère révérence de remerciement. Mais pouvez vous rivaliser avec notre Muinainen*, Sa Majesté Télia!"
L'ancienne Impératrice déambula sur l'estrade blanche, se plaçant derrière ses filles et affichant un calme olympien. Elle avait pour l'occasion revêtu sa propre robe de couronnement, toute de paillettes agrémentée, du haut de la robe qui laissait apparaître ses épaules jusqu'à la longue traîne derrière elle, ne la rendant que plus impressionnante encore. Sa panthère était déjà avec les autres Compagnons, aimant peu la lumière.
"Votre Majesté, vous rayonnez ce soir, on croirait vous voir revenue vingt-quatre ans en arrière lors de votre couronnement. Hélas, vous n'êtes plus la vedette du jour. J'ai nommé notre magnifique Impératrice, Eloise!"
L'aînée de la fratrie marchait lentement sur le sol blanc immaculé, le bas de sa robe bleue foncée faisant de délicats soubresauts à chacun de ses pas. Sa styliste, Irma, avait réalisé un véritable chef d'oeuvre de satin bleu, de brodures dorées, et d'élégance. Son diadème de saphir luisait sur sa tête, mettant en valeur sa chevelure claire qui retombait légèrement jusqu'au milieu de son dos, où sa robe s'évasait gracieusement. Palmyre marchait à ses côtés, de son pas souple, avant de descendre l'estrade et de s'allonger auprès de Kotka et Doe.
Elles avaient beau être radicalement différentes physiquement parlant, présentement leur aura à la fois bienveillante et puissante faisait briller les quatre sœurs d'un même éclat.
En temps normal, il n'était pas rare qu'il y ait des ressemblances physiques au sein d'une famille. Bien souvent, les enfants étaient le portrait craché d'un de leurs parents, et beaucoup de cousins se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Les frères et sœurs se ressemblaient aussi énormément. Rares étaient les fratries où les enfants avaient des yeux différents. Les quatre princesses ne faisaient pas exception à la règle, et tiraient leurs légendaires yeux bleus de leur ancêtres, qui les avaient transmis à chaque enfant du couple impérial. Jamais personne qui avait été un jour dans la Keisarillinen Perhe n'avait eu des yeux autres que bleus.
En revanche, pour ce qui était des jumeaux, les physiques étaient toujours très différents, voire opposés. Et cela s'expliquait au moment de la division des embryons. Chez les Keijut**, le peuple de Kevyt, la cellule-oeuf ne possédait pas tous les gênes des futurs enfants. C'était seulement après la division qu'était défini le physique des jumeaux. Et bien souvent, l'un des deux héritait des gênes maternels et l'autre des gènes paternels, ce qui causait de grandes différences physiques.
Dans le cas des sœurs Valtonen, leurs parents avaient déjà beaucoup de similitudes au niveau du physique. Alors elles se ressemblaient beaucoup, malgré le blond, le roux et le noir de leurs chevelures. Elles possédaient la même forme de visage, le même petit nez retroussé et surtout, les mêmes yeux bleus si caractéristiques de leur famille.
*Keijut: fée en finnois
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En média, l'entrée de la Galerie Galerie couronnement.
Heyy! Me revoilà pour ce nouveau chapitre!
Je vous avoue que j'ai dû le couper en deux sans quoi vous vous seriez retrouvés avec presque 5000 mots de lecture...
Et aussi je me relis, je me corrige et je modifie des paragraphes entiers depuis 21h ce soir donc il est possible que j'ai laissé quelques fautes... ^^'
Je vous saurai gré de me les signaler.
Encore un chapitre explicatif, mais malheureusement il le faut bien pour comprendre la suite... Kevyt est un univers très complexe que j'imagine depuis une dizaine d'années, il est normal qu'il soit complet et que j'ai beaucoup de choses à raconter dessus ><
De plus que chaque petit élément qui peut vous paraître insignifiant aujourd'hui peut devenir un point crucial lors de la suite.
Gardez à l'esprit qu'aucune information n'est distillée au hasard, et aussi que vous pourrez commencer à comprendre certaines choses d'ici 2/3 chapitres! Les bases sont pratiquement posées, plus que 2/3 chapitres de descriptions et d'explications et on pourra véritablement commencer!
Néanmoins j'espère qu'il vous a plu, et moi je vous dis à la prochaine pour un dodo bien mérité!
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