ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 5
Le hurlement d'un corbeau déchira l'air, bientôt suivi par des tambours sourds. L'écho des tambours du clan de l'Épine. Ils étaient proches. Trop proches.
Je me tenais derrière la barricade improvisée, les mains crispées sur la garde de ma dague. Le froid du métal mordait ma peau, mais je refusais de céder à la panique. À mes côtés, Maela ajustait son arc, ses doigts tremblants malgré son expression résolue.
- T'es prête, Sienna ? murmura-t-elle sans me regarder.
Je ne répondis pas. Prête ? Comment pourrais-je l'être ? Je savais me battre, bien sûr. Tous les apprentis du clan des Cendres recevaient un entraînement pour survivre, mais affronter une guerre... c'était une autre histoire.
Une clameur monta dans le village, brisant mes pensées. Aedan revenait, entouré de quelques guerriers.
- Ils sont à nos portes ! lança-t-il en posant un pied ferme sur une caisse, dominant la foule rassemblée. Souvenez-vous, le clan des Cendres a survécu à bien pire. Nous ne sommes pas faibles, malgré ce qu'ils pensent. Si c'est une guerre qu'ils veulent, alors ils vont découvrir ce que cela coûte de nous sous-estimer.
Son discours galvanisa les autres. Mais pas moi. Une étrange nausée me rongeait. Je connaissais les clans. L'Épine n'attaquait pas à la légère. Ils étaient stratèges, calculateurs, vicieux. Si nous étions pris pour cible, c'est qu'il y a une raison, une raison infondée.
- Sienna ! La voix de Maela me tira de mes réflexions. Bouge, ils arrivent !
Les tambours cessèrent. Le silence qui suivit fut pire que tout. Mon souffle devint court, chaque bruit semblait amplifié. Le froissement des feuilles, le craquement des branches, et enfin... leurs ombres.
Ils se dévoilèrent lentement, émergeant de la forêt comme des spectres. Des silhouettes encapuchonnées, leurs armes scintillant à la lumière de nos torches. Leurs visages, partiellement masqués, ne laissaient transparaître aucune émotion.
Un homme s'avança. Son armure noire, incrustée de motifs d'épines, le désignait clairement comme le chef.
- Membres du clan des Cendres, déclara-t-il d'une voix rauque mais étrangement calme, vous avez brisé l'équilibre. Deux de mes guerriers ont été retrouvés morts près de vos terres. Nous exigeons réparation.
- Nous n'avons tué personne ! s'exclama Aedan en avançant à son tour. Vous cherchez des excuses pour une guerre qui n'a pas lieu d'être. Retournez chez vous, avant qu'il ne soit trop tard.
Le chef du clan de l'Épine haussa un sourcil, un rictus moqueur étirant ses lèvres.
- Trop tard ? C'est toi qui le dis.
D'un geste rapide, il leva sa main. Une volée de flèches empoisonnées fendit l'air.
- À couvert ! hurla quelqu'un.
Le chaos éclata. Je me jetai derrière une barrière de fortune, sentant une flèche frôler mon épaule. Les cris retentirent, les armes s'entrechoquèrent. La bataille était lancée.
L'instant où les flèches empoisonnées avaient fendu l'air semblait suspendu dans le temps. Le chaos qui suivit, par contre, m'engloutit instantanément. Le vent sifflait entre les arbres, porté par les hurlements des guerriers. Je me redressai, les doigts serrés sur ma dague, prête à tout. Mais une douleur lancinante me rappela ma faiblesse : une flèche s'était plantée dans le sol à quelques centimètres de moi, à peine manqué. J'étais en plein cœur du danger.
- Sienna ! hurla Maela. Fais attention !
Elle était déjà en mouvement, tirant une flèche après l'autre, ses gestes précis malgré l'urgence de la situation. L'arc qu'elle tenait, une extension de sa volonté, décochait ses projectiles avec une rapidité qui m'étonnait à chaque fois. Mais je n'avais pas le luxe de l'observer.
Je jetai un coup d'œil autour de moi, tentant d'évaluer la situation. Le clan de l'Épine semblait s'être bien préparé. Ils étaient nombreux, disciplinés, et les tactiques qu'ils employaient étaient bien plus calculées que ce à quoi je m'attendais. Il ne s'agissait pas seulement de tuer ; ils cherchaient à nous piéger, à nous épuiser avant même que la vraie bataille n'éclate.
Le chef du clan de l'Épine, lui, ne bougeait pas. Il observait calmement la scène, comme si tout ceci n'était qu'un jeu d'échecs dont il contrôlait les pièces.
- Ce n'est pas juste une attaque pour venger des morts, soufflai-je à Maela, qui tirait encore, son visage marqué par la concentration. Ils veulent plus.
- Et qu'est-ce qu'ils veulent d'autre ? répondit-elle, l'air troublé. S'ils veulent vraiment une guerre, ils ont bien choisi leur moment.
- Ce n'est pas juste la vengeance. Ils veulent peut-être prendre notre territoire. Le froid de ma voix la fit se tourner vers moi. Ils ne nous attaquent pas juste pour des morts près de la frontière. Il y a autre chose.
Maela haussait les épaules. Peut-être, mais pour l'instant, on a pas le choix. Faut défendre notre vie, pas nos idées.
Un bruit sec derrière moi me fit me retourner. Un guerrier du Clan de l'Épine s'approchait à toute vitesse, une dague à la main. Le temps sembla se figer alors que je levais ma dague pour parer son coup. Mais un cri perça l'air, et je vis une silhouette familière surgir dans ma direction, frôlant la ligne de feu.
- Aedan ! Je criai son nom, surprise, alors qu'il se jetait sur le guerrier de l'Épine, son épée frappant avec une puissance dévastatrice.
Le combattant fit un pas en arrière, mais Aedan, sans perdre une seconde, l'abattit d'un coup net. Un souffle coupé, je m'élançai à son côté, cherchant à repousser les ennemis qui se rapprochaient. La guerre était là. Plus proche, plus violente, et bien plus cruelle que je ne l'avais imaginé.
Tout à coup, un bruit sourd attira mon attention. Des tambours, à nouveau. Mais cette fois, ce n'était pas ceux du Clan de l'Épine. C'était un autre rythme, plus rapide, plus pressant.
- Encore eux ! Aedan grogna, haletant. Ce n'est pas possible... Le Clan de l'orage arrive.
Je n'avais pas besoin de regarder pour savoir. Ils étaient là. Tout près.
- Tout le monde à couvert ! cria Aedan. Là où les flèches ne peuvent pas atteindre !
Je m'élançai, courant sous les couvertures, cherchant à trouver un abri derrière les débris des bâtiments. Une lourde fumée montait dans l'air, et je vis les premières silhouettes du Clan de l'Orage émerger à travers la brume.
Ils n'étaient pas là pour discuter.
Leurs armures étincelaient à chaque mouvement, et leurs armes brillaient de mille feux, une promesse de violence. Les tambours de l'Épine s'étaient tus, mais ceux du Clan de l'Orage roulaient encore. Cette fois, ce n'était plus une simple escarmouche. C'était une guerre totale.
Je n'avais jamais cru que cela arriverait. Pas à ce point.
Aedan s'élança une nouvelle fois, frappant avec une précision fatale.
- On doit les repousser, Sienna. On ne peut pas laisser ces idiots croire qu'ils ont gagné. Il me jeta un regard lourd de détermination. Si on veut s'en sortir, il faut tenir la ligne.
Je hochai la tête sans un mot. La guerre ne faisait que commencer.
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