7
Face à la mer, les pieds s'enfonçant peu à peu dans le sable, Eeva regardait émerveillée danser les vagues. Ses yeux étaient perdus sur l'horizon. Une douce brise caressait son corps. Le soleil la réchauffait de ses rayons. L'air marin dans les narines, elle ne s'était jamais sentie aussi vivante. Ni aussi sereine. Elle ferma les yeux pour apprécier plus encore le moment.
Après quelques minutes ou peut-être quelques heures, elle ne savait plus, elle tourna la tête et vit Kali, assise sur un tronc de bois flotté. Elle ramassait de petits galets qu'elle jetait dans l'eau un par un, en faisant des ricochets.
Kali leva les yeux, l'air étonnée. Elle aurait juré être seule sur cette plage. Elle se leva, la main devant les yeux, aveuglée par le soleil. Quelqu'un arrivait à cheval derrière Eeva.
— Derrière toi ! cria Kali.
Eeva se retourna et vit une silhouette sauter de cheval et s'avancer vers elles. Kali l'avait rejoint et avait sorti son épée. Un homme à la peau d'ébène se tenait devant elles. Son accoutrement ne ressemblait à rien qu'elles ne connaissaient. D'imposants colliers de perles colorées paraient son cou et le haut de son buste sur plusieurs hauteurs. Enveloppé dans un boubou noir brodé de fil d'or, de nombreux bracelets égayaient ses poignets. Il était pieds nus et tenait dans sa main droite un long bâton surmonté d'un orbe d'œil de tigre.
L'homme leur sourit. Sur la défensive, elles ne lui rendirent pas son geste.
— Vous vous êtes enfin retrouvées, dit-il. Quelle joie !
Elles se regardèrent brièvement. Cet homme était décidément étrange, au-delà de sa tenue.
— Qui êtes-vous ? demanda Kali.
Il la regarda dans les yeux. Son regard était limpide, transperçant.
— Allons. Tu sais qui je suis, n'est-ce pas ?
— Zamani ? tenta-t-elle.
Le mage sourit à nouveau. Eeva et Kali échangèrent un regard circonspect.
— Nous n'avons pas beaucoup de temps, et j'ai beaucoup de choses à vous dire. Si je suis là, c'est que vous avez trouvé l'opale. J'imagine que Gawain vous a parlé de moi ?
— Très peu. Il a mentionné votre nom lorsqu'il nous a parlé de la Prophétie, répondit Eeva.
— Parfait, ainsi vous savez que vous êtes...
Elles n'entendirent pas la fin de sa phrase. La plage s'était effacée et avait laissé place à des murs de pierre éclairés à la torche. Zamani continuait d'ouvrir la bouche, mais aucun son ne sortait de ses lèvres. Il tendit la main vers elles alors qu'un épais brouillard monta du sol et l'enveloppa. Il disparut comme aspiré par le néant.
Les deux jeunes filles se mirent dos à dos, prêtes à affronter ce qui se présenterait à elles. Un silence de mort régnait. La respiration haletante, elles étaient dans l'expectative. Soudain, le sol trembla. Kali ne sentit plus Eeva derrière elle. Par-dessus son épaule, elle ne vit que l'obscurité.
— Kali ?
D'où pouvait venir cette voix ? Il n'y avait personne aux alentours.
— Kali ? Tout va bien ?
Elle ouvrit enfin les yeux et vit Azi penché au-dessus d'elle, l'air inquiet.
— Tu étais partie bien loin on dirait, dit-il.
— Je ne sais pas où j'étais, répondit-elle en se frottant les yeux.
— En attendant, dépêche-toi. Tu es en retard pour ton tour de garde.
Kali se retourna dans son lit, la tête sous l'oreiller.
À son réveil, Eeva n'avait qu'une seule chose en tête : la Prophétie. Et qui était ce Zamani ? Gawain n'avait jamais mentionné son nom auparavant. L'Ancien devait en savoir plus qu'il ne leur en avait dit la veille.
De son côté, Kali n'avait fait que penser à son rêve de la nuit précédente. Zamani lui était apparu. Était-ce seulement un rêve ? Ou bien avait-il réellement essayé de communiquer avec elle ? Quel dommage qu'Azi l'ait réveillée. Elle n'avait pas pu entendre tout ce qu'il avait à lui dire. Quelles étaient ces choses dont il voulait lui faire part ?
La journée touchant à sa fin, Eeva remonta le puits central de la mine pour déposer ses trouvailles dans le grand coffre. Pas question de subtiliser une autre pierre. Jonah l'attendait un peu plus loin. Il n'avait rien tenté depuis la Débauche, ce pour quoi Eeva lui était reconnaissante. Elle ne tenait pas à gâcher leur amitié.
Alors qu'elle déposait ses outils, Azi fit son apparition. Il venait vérifier que la journée s'était passée sans incident et récupérer le butin pour Asmoth. Eeva rata l'étagère en déposant son seau et dans un fracas tout se retrouva par terre. Tout le monde se retourna vers elle. Rouge de honte, elle se précipita pour ramasser ce qu'elle avait fait tomber.
Lorsqu'elle releva la tête, elle tomba nez à nez avec Azi. Autant elle ne ressentait absolument rien lorsqu'elle regardait Jonah, qui était pourtant objectivement très beau. Autant dès qu'elle voyait Azi, elle sentait ses entrailles danser et avait soudainement des bouffées de chaleur.
— Fais attention à ce que tu fais, dit-il.
Eeva baissa les yeux, se répandant en excuses.
— Je ne voudrais pas avoir à punir une aussi jolie fille...
Il me trouve jolie ?!
Azi s'approcha d'elle et l'attrapa vigoureusement par la taille. Son souffle caressa son cou et elle frissonna. Sans la quitter de son regard brûlant, il déposa un baiser sur ses lèvres entrouvertes. Eeva se laissa faire et pressa son corps contre le sien. Plus rien n'existait en dehors de cette étreinte.
— Eeva ?
Elle ouvrit les yeux. Jonah se trouvait devant elle.
— Tout va bien ? Tu as l'air ailleurs...
Azi était reparti depuis un moment. Eeva ne répondit rien et haussa les épaules. Kali venait d'arriver. Elle lui fit signe discrètement. Je te rejoins chez toi.
— Bon, je dois y aller, Jon. À plus.
Elle partit sans explications et sans se retourner. Jonah resta seul à finir de ramasser les seaux.
Prenant garde de ne croiser personne en arrivant au village, Kali frappa à la porte. Son troisième coup resta en suspens lorsque la porte s'ouvrit. Eeva l'attrapa brusquement par le bras et la tira à l'intérieur. Elle referma sa porte sans faire de bruit après avoir vérifié que personne n'était dans les environs.
Les deux jeunes filles restèrent à se regarder dans la lumière vacillante de la bougie posée sur la table de chevet. Kali attrapa un tabouret et s'assit. Pas gênée celle-là, pensa Eeva.
— Je te conseille de surveiller tes pensées, dit Kali.
Eeva haussa les épaules.
— Écoute, j'ai fait un rêve la nuit dernière, enchaina Kali. Nous étions sur une plage et...
— Zamani ! cria Eeva.
Son rêve lui était revenu à l'instant. Le mage allait leur dire quelque chose d'important lorsqu'elle s'était réveillée.
— Nous avons donc partagé le même rêve ? Je ne comprends pas que le destin ait choisi de me lier à quelqu'un de si...ordinaire. Mais si cela peut me permettre de détrôner Moira, j'imagine que je peux bien m'accommoder de toi.
Eeva allait répliquer lorsque quelqu'un frappa à la porte. Elle alla ouvrir et fut surprise de découvrir les gardes d'Asmoth.
— Votre père vous demande, dit l'un d'entre eux à l'adresse de Kali. Il souhaiterait que vous emmeniez la mineuse avec vous.
Il faut croire que mon mur n'était pas assez solide, il a réussi à percevoir quelque chose hier, pensa Kali, la mâchoire crispée.
***
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