La divinité trahie
Lorsqu'Aladriel se réveilla, iel sut immédiatement qu'iel était en prison. Prison confortable, cependant avec le minimum : un lit propre, une petite table et une petite pièce à part avec de l'eau et un trou à excréments.
Les prisons étaient proches du centre de soins car on soignait les prisonniers. Aladriel fut appelé quand iel fut réveillé pour être examiné. Presque tous les Seigneurs étaient présents avec les elfes. Asquine supervisait le travail, Lysinos, Lorsae, Ehl et Eguyne circulaient pour aider comme iels le pouvaient et enfin Margan et Shamara avaient perdu connaissance sur leur lit ensanglanté. Iel ne put s'empêcher de songer que cette dernière faisait plus royale encore auréolée de sang, elle qui était Seigneure de la Guerre et de la Discorde. Iel se détourna. Un elfe s'approcha, lui fit exécuter quelques gestes puis hocha la tête. Il lui demanda d'ôter sa chemise. Aladriel s'exécuta. Iel s'étonna car le regard de l'elfe était purement neutre. C'était une machine, sans émotions, sans le moindre désir, incapable d'éprouver quoi que ce soit. Il obéissait aux ordres. Lea Seigneur.e jeta un coup d'oeil à la créatrice. Elle était en grande discussion et fronçait les sourcils. Aladriel soupira, secoua un peu la tête. Son médecin ne s'en occupa pas le moins du monde. Quelque chose clochait avec ces créatures.
- Remettez votre chemise. Aladriel, remettez votre chemise.
Confus.e, lea Seigneur.e s'empressa de se rhabiller. Iel n'avait rien, sinon un terrible mal de crâne et une bosse à l'arrière de la tête. Iel regagna sa cellule. Et iel attendit. Longtemps. Très longtemps.
Nous avons peu parlé de Nyphau, fille de Lorsae et Lysinos, Seigneuresse de l'Amour et qui avait autant grandi que les autres. Tendis qu'Aladriel, tout comme Asquine et pas mal d'autres Seigneurs se demandaient ce qu'il pouvait manquer chez les Elfes, Nyphau vit immédiatement qu'il s'agissait d'amour et plus largement d'un coeur. Il leur manquait un coeur. Mais la question était celle-ci : comment leur donner un coeur ? Asquine les avait façonnés d'extérieur, non pas d'intérieur. Nyphau interpella donc Asquine et l'amena à part pour lui parler. Elle lui dit ceci :
- Les elfes sont des êtres beaux d'extérieur mais vides d'intérieur. Il leur faut un coeur pour ressentir des émotions.
- Et comment faut-il faire ? répondit la Seigneuresse.
- Il faut les couper de leur élément, la terre.
- Mais si je fais ça, ils vont en mourir !
- Sauf s'ils ont un autre leader.
- Tu es en train de dire qu'il faut que je devienne comme eux pour leur montrer l'exemple et qu'ils puissent vivre vraiment ?!
- C'est à peu près ça.
- Je vais y réfléchir. Je te consulterai avant d'agir.
- Merci.
Les deux Seigneures se levèrent et sortirent. Dans l'ombre, une silhouette tressaillit.
***
Les deux déesses se réunirent de nouveau dans cette même salle peu de temps après (notons tout de même que le temps n'est pas grand chose pour ces seigneurs immortels). Asquine exposa son plan.
- J'ai façonné d'autres peuples. Différents. Une centaine à chaque fois. Je vais, comme tu l'as proposé, couper les elfes de la terre et les rallier à moi. Et pour être assez proche d'eux, je vais... Je vais... Je vais...
Elle inspira profondément.
- Je vais abandonner ma divinité. Je n'en ai parlé à personne d'autre pour l'instant. Si je vois que ça fonctionne avec les elfes, je donnerais progressivement vie aux autres peuples.
- Pourras-tu encore le faire, même sans être déesse ?
- Oui. Je pense. Je préfère garder ça pour moi, si ça ne te dérange pas.
- Non, bien sur.
- Je vais d'abord en parler à mes parents et à mes soeurs.
- Ils essaieront de te faire changer d'avis.
- Je sais. Je suis prête. J'ai caché toutes mes créations dans une grotte, dans la forêt, à l'Ouest.
- Bien. Pourquoi me le dis-tu à moi ?
- Parce que je ne sais pas comment ça se passera. Je ne sais pas si je garderai ma mémoire.
- Je comprends. Bon courage.
- Merci.
Elles se levèrent et sortir, comme la fois précédente. Cinq battements de coeur passèrent dans le silence. La silhouette dans l'ombre ouvrit la porte, ne prit même pas le temps de la refermer. Elle déchira sa robe marron pour courir plus vite, plus vite, vite, vers une cellule aux barreaux immaculés. Elle répéta tout ce qu'elle avait entendu aussi vite qu'elle le put. Quelques ordres lui parvinrent de l'autre côté. Elle reprit sa course effrénée.
***
Ils n'essayèrent pas de l'en dissuader. Lorkem, Noraus, Ehl et Aguyne hochèrent lentement la tête. Chacun tentait d'imaginer les répercussions.
- Je suppose que ta décision est sans appel ? demanda tout de même Lorkem.
Asquine fit "oui" de la tête, la gorge nouée. Elle les serra un à un dans ses bras, les observa toustes une dernière fois... et tourna les talons sans un mot, sans un regard. Juste deux larmes, au coin de ses yeux.
***
Ses mains sont pleines de terre. Combien y en a-t-il, des comme ça ? Elle a l'impression qu'elle en a broyé des milliers et qu'il lui en reste des millions. Sa conscience gronde dans ses entrailles. Elle ne l'écoute pas. Il fait nuit. Heureusement. Comme ça, elle ne peut pas voir les traits, les postures, les cicatrices de chacune des statuettes qu'elle brise, les unes après les autres. Ce sont les ordres. "Les ordres de qui ?" murmure une part de sa conscience. Elle est déchirée. Ca lui fait du bien de détruire. Détruire juste pour détruire, suivre aveuglément les ordres sans réfléchir. Sans réfléchir. Est-ce que ce n'est pas un peu ce qu'elle fait, là, réfléchir ? Rhaaaa ! C'est sans fin. "La fin arrive toujours à qui sait l'attendre.
- Tais-toi !
- Jamais.
- Ce n'était pas une question !
- Ce n'était pas une réponse."
Ca l'énerve ! Ils ne veulent jamais la boucler ces deux là ! L'un avec sa voix plate et incisive, tranchante, véridique, et l'autre avec son timbre suave et trompeur. Elle ne sait pas lequel elle préfère. Ca dépend. Parfois, elle aime bien se perdre dans les mensonges de la seconde.
"C'est pire qu'une drogue ! Tu ne sais même plus qui tu es !
- Je ne l'ai jamais su !
- La faute à qui ?
- Est-ce que c'est une accusation ?"
Ca y est, c'est repartit... Ils sont barbants à la fin. Mais parfois, ils sont drôles aussi.
"Chut, bouclez-là !
- Pourquoi ?
- Preuve de ton manque de discipline, on te dit "la ferme" et tu causes encore.
- Par Gamalsy, est-ce que vous allez m'écouter une fois dans votre vie ?! Vous êtes dans mon cerveau, je suis censée pouvoir vous contrôler.
- NON MAIS SÉRIEUX, C'EST ENEL LA DÉESSE PRIMITIVE, TU VAS PAS T'Y METTRE TOI AUSSI ?!
- GAMALSY TRIOMPHE DES TÉNÈBRES INSOLENTES !! VICTOIRE DE LA LUMIÈRE !
- T'emballe pas si vite, t'as encore du boulot. Au passage, An' : tu ne peux pas nous contrôler. Nous sommes... tiens, d'ailleurs, qu'est ce que nous sommes ?
- Ho, c'est une excellente question ! Des alters ? Des morceaux d'esprits qui ont pris leur indépendance du corps d'origine pour venir tourmenter An' ? DES SPECTRES ! Des..."
C'est sans doute parce qu'elle était absorbée par ce débat intérieur que la-dite Annéine n'entendit pas Asquine arriver et qu'elle ne s'aperçut de sa présence que quand celle-ci poussa un cri d'effroi qui résonna, loin, très loin.
***
Asquine ne savait pas exactement comment il fallait s'y prendre pour abandonner sa divinité, mais elle avait de l'intuition et un étrange pressentiment l'opprimait, ce pourquoi elle se mit à courir vers sa grotte. Les larmes commencèrent à ruisseler sur son visage tendis qu'elle voyait le désastre provoqué par Annéine. Le même instinct que celui qui l'avait poussée ici lui dicta très clairement ce qu'elle avait à faire. Elle devait sauver les Seconds, les Humains. Qui avaient tous été brisés. Annéine tenait les poussière du dernier dans sa main. Un seau d'eau était posé sur le côté. Asquine s'en saisit et le renversa sur ses sculptures brisées. Elle ouvrit le barrage qu'elle avait soigneusement caché et une partie de la rivière se détourna de son lit pour immerger la grotte, via le canal secret creusé par la Seigneuresse. Elle se taillada les poignets et son sang ruissela dans l'eau boueuse. Il y avait comme une lueur dorée sur - dans ? - ce sang.
Asquine tomba. Elle inspira profondément et souffla, tout doucement. Une poussière dorée s'échappa de ses lèvres et n'y revint plus.
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