Jusqu'à la Mort
Asquine continua de lui apprendre à se personnaliser, petit à petit, tout en gardant son existence secrète. Elle songea ensuite à faire d'autres créatures. Et elle leur donna vie. Certains restaient tout petits, d'autres grossissaient. Elle n'avait aucune emprise sur leur taille. Mais elle inventait toujours plus, toujours de nouvelles choses, avec son compagnon. Mais toujours en respectant la règle de base : pas plus de deux bras, pour ne pas tenir plus de deux armes.
Sauf un. Elle décida de créé une seule créature qui serait son égale. Et qui aurait plus de deux bras. Le poulpe. Elle lui offrit l'intelligence, l'habileté, la capacité à changer de couleur, à se défendre. A électriser. A envoyer de l'encre. Mais tendis qu'elle l'améliorait encore et encore, elle faillit se faire surprendre. Elle prit une résolution. Il vivrait dans la mer et c'est la qu'il se cacherait. Il devint son symbole.
Hors, les Seigneurs finirent par remarquer l'arrivée des animaux. Ceux-ci se croisaient les uns les autres. Ils étaient Immortels. Il y avait toutes les créatures que nous qualifions aujourd'hui de "mythiques". Hors, en se croisant, ils donnèrent naissance à des animaux mortels, et une hiérarchie s'installa. Ces animaux sont ceux que nous connaissons aujourd'hui. Lorkem et Noraus interrogèrent leur fille, qui s'installa par terre et leur expliqua. Elle parlait avec tant d'ardeur et de conviction, les histoires s'enchaînaient, s'entremêlaient de tel sorte qu'elle inventait un monde, une mythologie, un univers entier qu'elle faisait un peu vivre dans ce monde. Et il y avait dans son regard cette lueur... cette lueur que Lorkem et Noraus connaissaient si bien, cette lueur qu'eux aussi portaient et qu'ils lui avaient transmise.
Et puis Asquine était tant. Sa mythologie parlait de guerre et d'amour, de larmes et de silences, de rires et de secrets, de contraires et d'âmes qui s'entremêlaient avec bonheur et désespoir, violence et douceur, désir et passion, calme et terreur, tristesse et joie.
Les parents comprirent enfin où l'âme de leur fille s'échappait si souvent, lui donnant son air rêveur et perdu.
Ils ne purent se résoudre à détruire ces créations et les Seigneurs dans leur grande majorité approuvèrent le fait d'avoir de la viande et des êtres vivants autres que les plantes silencieuses et leurs congénères imbuvables. Ainsi, les animaux commencèrent à peupler Naharo et Aladriel, qui avait grandi, eut sa conversation avec le léopard. Iel résolut de faire parler son père.
Le soleil baissait lentement lorsque Lorsae lâcha :
- Lorsque la tension crépitera dans l'air,
Viendra une nouvelle ère.
Le fils maudit répondra enfin à l'appel,
Les échos passés seront remplacés par les battements d'aile.
Paix brisée, alliances mélangées,
L'amour parcourt nos rangs en riant
De sa discorde provoquée.
Du jaune et du bleu vient le vert,
Du sang et des larmes viennent amères
Les cris, les déchirures et les déserts.
Ombre contre lumière,
Feu et métal doivent s'accorder,
Pour créer des armes, se venger
Mais ils ont choisi leur camp
Il y a longtemps
Fratries éclatées,
Familles bouleversées,
Brisées, trompées,
Réduite à néant par les désaccords,
La guerre n'en finira jamais
Si aucun ne veut améliorer les rapports.
Nous avons tord.
Nous avons tord.
Personne ne devrait avoir à choisir entre son amant et son frère
Entre son fils et sa mère,
Entre vie et mort,
Entre espoir et désespoir, et alors ?
Rien.
Nous avons tord et rien.
La guerre continue,
Gamalsy resurgit,
Le savoir d'Enel est transmit.
Mais qu'avons nous fait de notre vie ?
Avec deux bras on tient deux épées,
Avec deux doigts on pèse la balance entre justice et intérêt,
Avec deux mains on lance les flèches de la vérité.
On a oublié de les enduire de miel avant de les jeter.
Alors avec quatre qu'est ce qu'on ferait ?
On tiendrait tout ça à la fois ?
Pour en faire quoi ?
Abandonner l'égalité, la justice pour "le bien de la société" ?
Il n'y a pas de société.
Juste le chaos dans la dignité.
Nous avons tord.
Et l'air justement se mit à crépiter tendis qu'il continuait sa musique libérée et le vent gronda dans le feuillage des saules. Aladriel avait posé la question fatale à son père.
- Qui suis-je ?
Norl, furieux, gonfla le vent de colère et le ciel se voila de fureur tendis qu'il se levait.
- Tu n'es que ce que tu es, Aladriel. Que ce que tu veux être.
- Alors qui est ma mère ? Pour savoir qui je suis je veux savoir d'où je viens.
- Tu viens de moi.
- Tu viens du sang et de l'ivresse.
Les Seigneurs s'étaient regroupés en cercle autour des deux parents. Ils avaient compris qu'il était désormais de leur devoir d'expliquer son passé à Aladriel, ce que Norl ne ferait jamais, et ce qu'il essaierait de les empêcher de faire. C'était Lorkem qui avait parlé.
- Tu viens de la Source, ajouta Noraus, mais ta source s'est teintée de rouge.
- Fuir le passé ne le fait pas disparaitre, approuva Shamara.
- Oublier n'aide jamais, continua Ehl.
- Mais lorsque tu lances la flèche de la vérité, enduit la toujours de miel, murmura Lorsae, serrant la main de Lysinos dans la sienne.
Les Seigneurs s'écartèrent, laissant apparaitre Margan, le regard sombre et l'attitude menaçante. Aladriel eut un mouvement instinctif de recul. La Seigneure des abysses porta sa main en face de ses yeux et l'examina. Elle gardait une tâche plus foncée que le reste de sa peau.
- Tu n'aurais jamais du exister, cracha-t-elle.
- Sauf que ce n'est pas à toi d'en décider, rétorqua une voix.
Il s'avéra que cette voix appartenait à Nyphau, Seigneuresse de l'amour.
- C'est la Source qui le décide, et le Néant et personne d'autre.
- Maintenant, si.
Une nouvelle personne était intervenue et à partir de cette intervention, tout bascula. Les visages se tournèrent vers Gamalsy aux côtés duquel se trouvait Wenam. Norl gémit. Il ne voyait rien.
- Pliez-vous à ma volonté et il n'y aura pas plus de combats, déclara-t-il posément.
La tension atteint un point proche de son apogée, et dépassa la-dite apogée quand Lorkem, Noraus, Shamara, Margan, Annéine, Asquine et Ehl murmurèrent d'une seule voix la réponse la plus claire et la plus menaçante qu'on puisse imaginer.
- Jusqu'à la Mort.
Les épées jaillirent de leur fourreau, la lune naissante se refléta sur les lames étincelantes. Ils se jetèrent les uns contre les autres, sans un cri, sans un murmure, silencieux comme pour respecter ce qui se passerait sur ce tombeau.
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