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Chapitre 29

- L'enfant naîtra dans les prochains mois, mes frères, prononça la femme chaman au centre d'une petite cavité rocheuse. Lors de la lune pleine, la prophétie se réalisera !

Ils n'avaient aucun lien de fraternité par le sang mais se considéraient tout de même comme des « frères et sœur de cœur ». Elle et ses semblables chamans se trouvaient près de la source du Courage, ils occupaient un petit espace au sein d'une immense statue de dragon où de nombreux outils de peinture et sculpture reposaient. Par endroits, des plantes séchées parsemaient le sol et créaient une forte odeur rance qui enivrait les néophytes la première fois qu'ils venaient fouler ce lieu.

- Nous devons le protéger du reste de la tribu, décréta un vieil homme adossé contre le mur pour se reposer. Orion cherchera à l'endoctriner pour en faire son allié... S'il y parvient, je crains que Ganondorf se réveille et soit inarrêtable.

- Je ne vois qu'une seule solution, reprit l'unique femme.

Comme ses semblables, des tatouages bleus et verts parcouraient les membres de son corps, recouverts parfois par des peaux de bête ou quelques petits os qui les ornaient. Ses cheveux poivre et sel retombaient de part et d'autre de son cou en formant des tresses fines. Il était temps qu'elle fasse part de son plan mûrement réfléchi depuis de longues semaines.

- Nous devrons l'envoyer immédiatement auprès du roi hylien, articula-t-elle d'une voix grave. Lui seul sera en mesure de le protéger et de l'amener à accomplir ce pour quoi il est destiné.

- Tu aurais perdu la raison, Dulia ? s'offusqua un autre chaman de l'autre côté. Le clan n'est pas dupe ! Nos semblables nous tueront.

Elle lui adressa un regard noir qui le fit frémir et le força à se taire.

- Pitoyable, grogna-t-elle avec animosité. Ta vie t'importe plus que l'avenir de ces terres ? En devenant chaman, tu as accepté de te dévouer corps et âme à la déesse Hylia. Combien de Soneaux sont encore rangés de son côté, dis-moi ! Dois-je te rappeler que l'immense majorité des nôtres a basculé dans le camp de Ganondorf et que nous sommes parmi les derniers à lutter contre lui ?

Le vieil homme souligna que d'autres Soneaux avaient préféré fuir à Delteha pour préserver leur vie car ils soutenaient toujours la déesse. En effet, au fil des siècles, le clan s'était divisé et ceux qui croyaient toujours en Hylia avaient été contraints de fuir, notamment car ils n'étaient qu'une poignée. Seuls certains Soneaux comme Dulia et ses frères chamans avaient choisi de rester dans leur tribu afin d'obtenir des informations des pro-Ganondorf. Des espions, en somme, à la solde de la déesse Hylia et qui œuvraient pour lutter contre le Mal, au péril de leur vie. Leur statut de chaman leur permettait d'être intouchables en quelque sorte, ils léguaient ce rôle à leurs descendants dans le but de préserver leur secret. Mais à tout moment, quelqu'un pouvait le découvrir. L'un de leur dessein était d'élever le prochain enfant gardien, celui qui détiendrait le sceau gardien et qui devrait le renouveler sur la momie de Ganondorf enfermée au fin fond de Delteha depuis vingt mille ans. Mais cette fois-ci, l'enjeu était de taille. En effet, ce n'était pas que l'enfant gardien qui devait naître à la prochaine pleine lune, celle-ci ayant lieu tous les trois mois dans ce monde. Non... C'était aussi le Héros qui devait se réincarner parmi le clan soneau. Dulia en avait eu la prémonition des années plus tôt. Et le futur enfant qui naîtrait n'était autre que celui de sa fille. Il n'y avait qu'elle qui pouvait accoucher à ce moment-là, sa grossesse approchait du terme.

- Les parents de l'enfant ne voudront jamais l'envoyer au roi. Ils font partie des plus grands partisans de Ganondorf, se désola le dernier chaman qui n'avait pas encore parlé.

- Nous n'aurons d'autres choix que de les tuer, déclara amèrement leur sœur.

Cela les choqua à un tel point qu'ils poussèrent des exclamations indignées.

- Dulia, il s'agit de ta fille ! rétorqua le plus âgé.

- Elle a cessé de l'être le jour où j'ai compris qu'elle ne pourrait jamais faire partie des nôtres. J'ai commis une terrible erreur... Je voulais la protéger de ma mission jusqu'à ce qu'elle devienne adulte et sage, mais Orion l'a endoctrinée sans même que je puisse m'en apercevoir. Ma fille mourra pour le bien de ces terres, il le faut.

Se dévouer corps et âme à Hylia signifiait tout sacrifier. Il n'y avait pas d'autres issues... Dans la cavité rocheuse, tous baissèrent la tête, ils prirent chacun un moment de réflexion pour peser la gravité de la situation. Il s'agissait du futur Héros, il devait être protégé coûte que coûte. Dans le reste de leur tribu, cet enfant n'était à leurs yeux que le futur enfant gardien. Personne n'imaginait qu'il pouvait être la réincarnation d'un élu des déesses. Seuls les chamans le savaient et comptaient bien le garder pour eux. Car Orion le ferait tuer aussitôt, il ne prendrait pas le risque de le laisser vivre.

- Je vais convaincre ma fille d'accoucher dans ma hutte, reprit Dulia malgré sa voix tremblante. Masoa, le grand jour, je veux que tu m'attendes près de la quatrième statue de sanglier. Tu scelleras un cheval et tu galoperas jusqu'au château sans te soucier de notre sort. Je te confie l'avenir de cet enfant... Demande au roi de rester auprès de lui. Enseigne-lui nos coutumes et notre langue, il doit savoir quels sombres desseins sont préparés ici... Il ne devra jamais adhérer à l'idéologie d'Orion, sinon, nous sommes perdus.

Le dénommé Masoa, le jeune homme qui avait rappelé que les futurs parents étaient partisans de Ganondorf, déglutit en dépit de sa gorge sèche et nouée. Cette mission qui l'incombait représentait le but même de son existence. S'en voir chargé le flattait mais l'effrayait car le moindre faux pas entraînerait la chute définitive du royaume et signerait le retour du Malin.

- Si nous mourons, il sera le dernier enfant gardien du côté du Bien, dit le vieil homme en regardant Masoa. Il est destiné à vaincre Ganondorf pour de bon aux côtés de la princesse hylienne. S'il venait à mourir, je crains que le Fléau ne devienne inarrêtable.

Masoa le savait. Depuis la prophétie qui annonçait le retour imminent du Fléau, l'enfant gardien était le plus gros enjeu de la tribu. Avant cela, il avait toujours été un être mal vu par ses semblables et rejeté. Seuls les chamans veillaient sur lui et tentaient de le soutenir en toute discrétion. Mais dorénavant, Orion le convoitait pour se servir du sceau gardien et le retourner contre la princesse au moment fatidique. Ainsi, il empêcherait la future Zelda d'utiliser ses dons divins contre Ganondorf et ce dernier pourrait revenir parmi ses serviteurs pour imposer son règne.

oOo

La nuit noire avait englobé le royaume d'Hyrule dans sa totalité. Les chouettes hululaient parmi le calme ambiant, les feuilles bruissaient sous l'effet du vent. Cependant, aux abords du grand village soneau, dans la hutte la plus à l'écart, des hurlements de souffrance avaient brisé l'accalmie de la nuit : l'enfant gardien venait de naître et Orion patientait difficilement non loin de là avec quelques-uns de ses guerriers. C'était un jeune chef âgé de plus d'une vingtaine d'années, aux cheveux noirs et aux yeux bleus. Il fixait sans relâche la hutte de Dulia, cette femme qu'il n'avait jamais appréciée car peu réceptive à ses idées. Mais elle s'avérait être l'unique accoucheuse du village alors il devait s'en remettre à elle pour la naissance du futur nouveau-né. Maintenant que les cris s'étaient estompés, il en avait déduit que tout était terminé et que Dulia sortirait bientôt pour lui montrer l'enfant. Pourtant, un détail incommodait le chef soneau. Comme un mauvais pressentiment... Plus aucun éclat de voix ne provenait de la hutte, tout semblait trop calme à son sens. Peut-être y avait-il un problème ? Il appela ses guerriers puis ils se dirigèrent ensemble vers l'habitation. Orion frappa à la porte avec puissance puis appela la chaman pour s'assurer que tout allait bien. Personne ne lui répondit. Un silence de mort planait. D'un coup de pied, le Soneau défonça la porte puis entra en trombe avant de faire face au corps inerte de la jeune mère sur sa paillasse de paille. Assis à ses côtés sur un tabouret, son compagnon n'était retenu que par le mur contre son épaule gauche. Il n'y avait pas de sang, n'importe qui pouvait supposer qu'ils dormaient. Mais bien vite, la réalité rattrapa Orion quand il comprit que ses deux semblables étaient morts. Dulia et le bébé avaient disparu, cela ne signifiait qu'une seule chose...

- Traîtresse !! vociféra-t-il en empoignant son épée de fortune.

Manifestement, elle s'était échappée par la seule ouverture de la hutte, celle de l'autre côté de la porte et qu'Orion ne pouvait voir.

- Retrouvez-la ! Elle ne doit pas s'enfuir avec l'enfant ! ordonna-t-il en bondissant dehors.

Ses guerriers ne se firent pas prier, ils quittèrent l'habitation et se lancèrent à la poursuite de la chaman. Quant à Dulia, elle courait à s'en arracher les jambes. Peu importait ce qui l'attendait si on la rattrapait. Cet enfant devait être sauvé. Elle y plaçait tous ses espoirs... En plus du bruit de ses pas, elle entendait sa respiration siffler entre ses dents et les branches craquer sous ses pieds. Lorsqu'elle arriva enfin jusqu'à Masoa, elle ne prit même pas le temps de calmer son souffle : elle plaça le nouveau-né qui pleurait entre les bras du cavalier et lui jeta un regard perdu qui serra le cœur du jeune homme. Jamais il ne l'avait vue aussi pâle et aussi apeurée.

- Pars et ne te retourne pas... le supplia-t-elle, les larmes aux yeux. Cet enfant s'appelle Soran, il est le Héros que nous attendons depuis des millénaires...

Derrière eux, les cris de ses poursuivants leur parvinrent et les firent frissonner.

- Vite, va-t'en !

Elle donna une claque sur la croupe du cheval qui manqua de se cabrer avant de s'éloigner au galop. Dulia les observa tandis qu'une de ses mains attrapait une pointe taillée dans un morceau d'os. Celle qu'elle avait empoisonnée et qui avait emmené sa fille et son compagnon dans l'Au-delà, auprès de l'Alpha. Sans hésitation, la chaman la planta dans son cou en poussant un geignement de douleur. Sa mort serait un peu éprouvante, certes, mais rapide. Jamais elle... ne laisserait Orion la tuer. Son humiliation devait être... totale... Dulia tituba puis s'écroula dans l'herbe de la forêt de Firone. Lorsqu'il la trouva, le chef du clan entra dans une telle colère qu'il s'acharna sur le corps inanimé devant ses pieds. Sous les yeux de ses guerriers, choqués par une scène aussi sanglante et oppressante, il ne cessait d'injurier Dulia et le reste des Hyruliens. Son plan venait de s'écrouler en l'espace de quelques minutes, emportant avec lui ses espoirs de retrouver la souveraineté des terres de ses ancêtres.

- Orion, il n'est pas trop tard, intervint l'un de ses hommes qui tenta de le calmer. Nous pouvons retrouver l'enfant et le faire basculer de notre côté quand l'occasion se présentera.

- Pauvre imbécile ! hurla son chef en lui poussant violemment sur le côté.

Il lui jeta un regard si noir que le guerrier recula honteusement.

- Que va faire la famille royale, à ton avis ?! Elle va tout mettre en place pour le garder auprès d'elle et en faire un serviteur de la plus grande importance ! Si l'enfant gardien n'est pas de notre côté, Ganondorf pourrait ne plus jamais revenir. Et dans ce cas, ce serait la perte de notre peuple !!

Son interlocuteur déglutit puis s'excusa platement pour sa remarque stupide. Orion jeta un nouveau regard méprisant puis scruta l'obscurité de la forêt face à lui. Il ne les laisserait pas gagner. Il devait mettre au point un tout nouveau type d'arme qui surpasserait tout ce qui existait déjà. Pour cela, infiltrer les Sheikahs, déjà en proie à quelques tensions au sein de leur clan, semblait être une excellente idée au vu de leur technologie remarquable. Et grâce à cela, leurs chances de victoire s'accroîtraient. Ce fut l'unique consolation d'Orion ce jour-là.

oOo

Masoa réussit sa mission avec brio. Après une longue course particulièrement éreintante et effrénée, il parvint au château où il fut refusé par les gardes du château. Ses origines soneaux lui attirèrent les moqueries des soldats puisqu'il était habillé d'os et de peaux de bête. Mais loin de se désespérer face à une telle situation, il dévoila le petit bras droit du nouveau-né et affirma qu'il s'agissait du Héros réincarné, possédant le sceau gardien. Confrontés à la lueur verte que produisait la peau du bébé, les gardes prirent son cas très au sérieux car tous connaissaient l'histoire de l'enfant gardien. Ils menèrent Masoa en audience devant le roi qui prit connaissance des sombres desseins préparés par le clan soneau. Il avait déjà des doutes à leur sujet depuis bien longtemps, mais le récit du nouveau venu finit par le convaincre de garder l'enfant pour le protéger et l'aider dans son devoir futur. Il confia donc le nouveau-né à l'une de leurs nourrices les plus fidèles mais ne s'en occupa guère davantage pour le moment.

Ce fut sa femme, nommée Zelda comme toutes ses ancêtres, qui alla souvent le voir. D'abord par simple curiosité car le petit bras gris - anciennement vert - du bébé l'intriguait, puis elle se prit d'affection pour lui. Le nourrisson avait quelques mois de moins que sa propre fille, la princesse Zelda, née la même année. Et très vite fut posée la question de l'adoption. Cet enfant n'avait plus ses parents, il ne connaitrait jamais l'amour d'un vrai foyer. En réalité, si Soran avait été un enfant abandonné sans grande valeur, jamais la reine ne l'aurait adopté. Mais elle avait tout de même le Héros et l'enfant gardien au sein de son château. Et même si ses intentions furent qualifiées de honteuses et d'hypocrites par certains membres de la cour, la souveraine fit de Soran son fils adoptif. Pour Erigus Andram Hyrule, il parut bien évident qu'il ne serait jamais l'héritier du trône puisqu'il ne portait pas le sang royal en lui.

Ainsi, une douzaine d'années s'écoula, durant lesquels la petite fratrie royale s'éleva et s'épanouit pleinement. Il n'avait guère fallu de temps pour qu'une forte complicité naisse entre les deux enfants devenus alors inséparables. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Soran était, parmi les deux, le plus assidu aux études et à son devoir de prince, là où la jeune Zelda préférait consacrer ses journées à la lecture ou aux activités à l'extérieur. La reine ne manquait jamais de sermonner sa fille et de prendre son frère comme exemple, tant et si bien que la princesse s'investit enfin dans l'art de la méditation et les études. À côté de tout cela, Soran apprenait aussi de son précepteur soneau, Masoa. Ce dernier lui apprit à parler sa langue natale, les coutumes de son peuple ainsi que la division qui avait eu lieu en son sein. Il enseigna à Soran l'histoire de l'enfant gardien et du Héros puisqu'il incarnait les deux à la fois, fait absolument exceptionnel car il était le premier cas. Cependant, il se devait de savoir que Sokyn absorbait son énergie vitale tous les jours pour accroître sa puissance et permettre de la libérer face au Fléau le moment venu. C'est pourquoi tous ses prédécesseurs mouraient vers l'âge de trente ans environ, et il risquait de ne pas y échapper, hélas. Et malgré son jeune âge, Soran accepta ce destin qui lui était réservé.

Cette année-là, sa sœur et lui avaient treize ans. Le royaume, déjà en guerre, luttait contre les monstres de Ganon et repoussait leurs vagues d'attaque. Les soldats et chevaliers du royaume se battaient avec ferveur et courage, guidés par leur confiance et leur foi inconditionnelle envers leur roi. Par un jour où le ciel ensoleillé était recouvert, par endroits, de nuages, Zelda étudiait avec attention une fleur d'une toute nouvelle espèce récemment découverte. En toute humilité, elle avait demandé aux savants du château si elle pouvait la nommer « princesse de la sérénité », car c'était dans un sentiment similaire qu'elle se sentait à ses côtés. Son souhait lui fut accordé, et la jeune fille décida de mener quelques recherches à son sujet.

- En garde !! s'exclama une voix enfantine dans son dos.

La princesse sursauta avant d'afficher un grand sourire. Jusque-là accroupie devant la fleur, elle se retourna et élança un bras devant elle. Sa main, qui tenait un crayon à papier, le projeta sans la moindre once d'hésitation. Le projectile ne peut parcourir qu'une vingtaine de centimètres avant de se figer dans l'air puis de repartir en sens inverse, entre les doigts de la jeune fille. Ce pouvoir, accordé par le sceau gardien, avait toujours eu don de la stupéfier et de susciter son admiration.

- Zelda, regarde ! s'exclama son frère en bondissant vers elle. Masoa me l'a enfin tatoué !!

Soran souleva fièrement sa tunique bleue et dévoila un sanglier de couleur rouge sur son flanc.

- Grâce à mon pouvoir inné, je suis digne du sanglier, se vanta-t-il. Il prouve que je suis fort et aguerri. Mais ce n'est pas tout !

La blonde leva les yeux au ciel et esquissa un nouveau sourire.

- Je t'en prie, parle, l'incita-t-elle en se levant.

- Pour mes dix-sept ans, il m'a promis les « motifs de l'élu » ! Ils signifieront que je suis destiné à accomplir de grandes choses. Et peut-être que si je combats avec bravoure lors des batailles futures, je pourrais acquérir le tatouage du Deraïr !

- Ce... qui veut dire ?

Ne parlant pas le soneau, elle ne voyait pas du tout à quoi il pouvait faire allusion. Soran laissa le pan de sa tunique tomber dans le vide puis il posa ses mains sur ses hanches avec fierté.

- Ce qui veut dire que je pourrai devenir le chef d'une tribu ! Tu te rends compte ? Moi, Soran, prince d'Hyrule et Deraïr !

- Héros et enfant gardien, par la même occasion, ajouta-t-elle en riant avec légèreté.

Embarrassé à cause de son caractère humble, il passa une main sur sa nuque et regarda sur le côté en rougissant.

- Deux titres me suffisent amplement... De toute manière, je ne serai plus un élu quand je quitterai ce monde.

Zelda perdit son sourire et baissa les yeux.

- Profitons du temps présent, dit-elle avec détermination. Nous avons encore tant d'années devant nous, ce n'est pas le moment de penser à quelque chose aussi triste. Même si chez les Soneaux, la mort naturelle est un événement heureux.

Il lui donna raison et lui rappela qu'il s'agissait de rejoindre l'Alpha, cet ancien sage qui veillait sur les âmes et leur offrait un salut, peu importaient les faits commis durant l'existence. Cela avait de quoi offusquer Zelda car, selon elle, les assassins ou les tyrans n'y avaient pas leur place. Mais son frère, réfléchi pour son âge, lui assura qu'un homme pouvait regretter ses erreurs et changer pour devenir une personne nouvelle et meilleure. Il était persuadé que dans l'Au-delà, ceux qui avaient commis le Mal regrettaient leurs actes et tâchaient de racheter leur faute. Bien entendu, Soran ne savait comment mais un jour, il aurait bien des réponses.

- J'ai surpris une conversation entre Père et Iccioli, annonça Zelda dont le visage était balayé par une brise agréable.

Ce dernier n'était autre que le chef actuel du village de Cocorico.

- Ils mentionnaient les quatre Créatures Divines et les Gardiens en cours de construction. Aux dernières nouvelles, ces derniers seraient opérationnels d'ici un ou deux ans ! Les prototypes n'ont pas encore fait leurs preuves mais ils donnent de bon espoir pour l'avenir.

- Et les Créatures Divines ?

- Il faudra bien plus de temps... Elles sont si grandes qu'il faudra bien cinq ou six ans pour les achever.

Quinze ans plus tôt, la reine avait eu en vision Ganon. Il aurait manifesté une puissance inconnue et dévastatrice encore jamais vu. D'après elle, il ferait la taille d'une montagne tant il était grand. Ce fut pourquoi les Sheikahs avaient mis au point les Créatures Divines et les Gardiens pour lutter contre lui. Imaginer des machines aussi impressionnantes ne fut guère facile car il fallait compenser leur taille et leur poids et trouver tous les mécanismes leur permettant de se mouvoir. Voilà en quoi leur technologie était révolutionnaire : ils voulaient qu'elles soient capables de bouger sans intervention directe humaine. Leurs ordres seraient transmis via la tablette sheikah, instrument créé une cinquantaine d'années plus tôt pour d'autres travaux.

- Tu sais, j'ai eu un étrange rêve cette nuit, poursuivit la princesse dévisagée par son frère. Je pense qu'il s'agissait d'une prémonition.

Cela captiva Soran qui lui accorda une attention encore plus poussée.

- Je crois que tu étais le protagoniste de l'histoire, sourit-elle avec amusement. Je me souviens de cette scène impressionnante qui m'a laissée sans voix dans mon songe... Tu chevauchais l'Alpha, les cheveux au vent, et tu menais les quatre Créatures Divines à la bataille.

Le visage de son frère avait été flou, tout comme toutes les personnes qu'elle voyait en songe chaque nuit. Mais elle l'aurait reconnu entre mille, il n'y avait que lui pour avoir une telle prestance ! Zelda avait découvert un guerrier sans pareil, ne craignant pas de se lancer corps et âme dans une bataille. L'admiration qu'elle avait éprouvée n'avait été que décuplée.

- Tu verras, quand je brandirai la Lame Purificatrice, je serai encore plus impressionnant, lui affirma-t-il en souriant avec aisance. L'oracle a prédit que ce jour aurait lieu lors de mes vingt ans.

- C'est... une bien heureuse nouvelle, Soran. Mais cela signifie que Ganondorf se libèrera du sceau peu après. Il n'y a que toi qui puisses le réitérer ! Mais cette fois, ce sera définitif.

Il haussa les sourcils, surpris qu'elle puisse dire cela. Définitif ? Soran pensait que Sokyn permettrait uniquement de compenser le sceau divin afin de retarder la future apparition du Fléau. Vingt mille ans plus tôt, l'enfant gardien de cette époque avait apposé Sokyn pour la première fois. Cependant, il n'était pas encore mature et Ganondorf fut mal scellé. Son corps avait été écroué dans la prison du temps pour une durée indéterminée. L'esprit du seigneur du Malin n'avait, certes, pu se réincarner depuis, mais il constituait toujours une menace à l'heure actuelle. Car ce Ganondorf, fils d'une Gerudo et d'un Soneau, avait hérité d'un pouvoir lié aux âmes. Un pouvoir particulièrement dangereux et dévastateur s'il était correctement utilisé... Ce Fléau-là avait été le plus puissant de toutes ses réincarnations grâce à son armée qualifiée d'immortelle par les contemporains de son temps. Une fois que la princesse, le Héros et l'enfant gardien des anciens temps parvinrent à le sceller, lui et sa corruption, ses soldats du néant disparurent avec lui dans les tréfonds de la terre.

- Zelda, qu'est-ce que tu as en tête ? s'inquiéta son frère d'une petite voix.

Pour une enfant de son âge, le visage de l'Hylienne devint inhabituellement sombre et afficha un air grave. Elle fronça les sourcils et préféra regarder la princesse de la sérénité à ses pieds.

- Je veux mettre un terme à Ganondorf. Si le cycle des réincarnations continue ainsi, même Sokyn ne pourra plus rien contre lui. Je crois... Je crois que nous sommes les derniers à pouvoir lutter contre lui. Nos successeurs auront bien du mal à le combattre, surtout si vingt millénaires s'écoulent encore. Le sceau d'Hylia aura encore plus perdu de sa puissance et Sokyn ne pourra plus jamais le compenser.

- Pourquoi ?

- Tout simplement car leur rôle est différent, voyons, lui rappela-t-elle en ancrant son regard dans le sien. Sokyn scelle physiquement Ganondorf. Mais mon pouvoir scelle son âme et le Mal en lui-même. Si mon sceau devient trop faible, il sera impossible de contenir l'âme de Ganondorf et il ne cessera de se réincarner pour asseoir son règne de terreur. Et je ne peux accepter cela.

Soran lui attrapa soudainement les épaules, davantage inquiet après ces nouvelles révélations de sa part.

- Zelda, tu n'as que treize ans ! Et tu penses comme un adulte... Nous sommes trop jeunes pour réfléchir à un tel plan. Et même s'il me plaît bien, beaucoup même, il me paraît hors de portée... Tu n'es sans doute pas la première à souhaiter la disparition complète du Fléau. Mais... Mais tu ne crois pas que si une telle solution existait, nous ne craindrions plus la venue du Fléau à l'heure actuelle ?

- Je serai la première à la trouver, décréta-t-elle avec assurance. Si je dois y consacrer dix ans de ma vie, soit ! Au moins, j'offrirai le salut à tous les peuples du royaume.

- Et si tu n'y arrivais pas ?

Ce n'était pas une option aux yeux de la jeune fille. Elle qui avait perdu sa mère, trois ans plus tôt, et qui avait été dévastée durant de longues semaines. La perte de la reine avait créé une fracture chez les deux enfants qui prirent conscience de la valeur de la vie et de sa préciosité. Zelda ne voulait pas que sa propre fille connaisse le même désespoir, la même peine, ni même ses descendantes. Il fallait à tout prix mettre un terme à ces millénaires de peur, à ces périodes répétées de destruction et de reconstruction. Le monde ne pouvait rester dans une telle instabilité. Le clocher de la cathédrale de la citadelle résonna et combla le silence qui pesait entre eux. La blonde leva la tête vers le ciel dont ses iris partageaient la même couleur. Elle s'excusa auprès de son frère et annonça que l'heure de la méditation quotidienne était arrivée. Soran l'observa s'éloigner puis il fixa son propre bras droit. Il avait perdu sa bonne humeur suite à cette discussion sérieuse au sujet de leur avenir. Que Sokyn lui prenne autant d'énergie vitale qu'il le souhaite ! Que cela le fasse mourir, même avant trente ans, Soran ne s'en souciait guère tant que cela permettait d'aider Zelda dans son nouveau dessein. Même s'il aurait aimé voir le royaume après la réussite de cette quête, assister à la naissance d'un nouveau monde où l'incarnation même du Mal ne serait plus.

oOo

L'hiver prenait fin en ce début d'année. Une bataille majeure avait déjà eu lieu contre les monstres de Ganondorf et contre les Soneaux, ce peuple qui avait trahi la déesse qu'il vénérait tant par le passé. Avec l'aide des Gardiens, repousser leur assaut n'était qu'une simple formalité. Cependant, le nombre de ces machines s'avérait être encore restreint : une quinzaine, tout au plus. Leur durée de vie n'excédait pas deux mois. Les Sheikahs œuvraient sans relâche pour y pallier et accroître leur longévité. Ils mettaient d'ailleurs au point un nouveau cœur antique bien plus performant sur la durée et sur les capacités « intellectuelles » de ces robots. Il serait presque inutile d'ajouter que les Gardiens n'étaient utilisés que contre les monstres et non les humains.

Du haut de ses vingt ans, Zelda marchait d'un pas soutenu en direction du grand hall, elle soulevait légèrement sa robe bleue au niveau de ses hanches afin que ses pans ne la gênent pas. Ses cheveux, tombant en-dessous de ses épaules, avaient été attachés en une tresse épaisse. Elle descendit rapidement les marches qui menaient au premier niveau puis se dirigea vers un petit attroupement de chevaliers prêts à quitter la forteresse. Au milieu se tenait son frère, lui aussi en équipement de chevalier, à l'exception de quelques pièces. Il discutait de vive voix avec ses compagnons d'armes qu'il côtoyait depuis des années maintenant.

- Soran ! l'appela-t-elle en esquissant un sourire réservé.

En la voyant arriver, les chevaliers posèrent un genou à terre et prononcèrent tous un « princesse » formel, la tête baissée. Zelda les pria de se relever puis elle s'adressa à son frère qui ne cachait pas son humeur rayonnante.

- J'ai bien cru ne pas pouvoir assister à ton départ... soupira-t-elle en se prenant les mains. Pour un jour aussi important, que la honte me couvre si je n'étais pas venue.

- Tes obligations te prennent tant de temps que je ne t'en aurais pas voulu, la rassura-t-il en perdant son sourire.

Zelda l'observa de la tête aux pieds et replaça même le médaillon de la famille royale qu'il portait au-dessus de son cœur. Il s'agissait d'un oiseau aux ailes écartées, composé d'or.

- Tu es splendide, le complimenta-t-elle sincèrement. Tu as la prestance d'un Héros, cela ne fait aucun doute.

- Ma sœur, tes mots me comblent de joie, sourit Soran gagné par l'allégresse. Je ne saurais tarder pour revenir au château et te montrer la Lame Purificatrice. Elle ravivera l'espoir au sein des peuples d'Hyrule et montrera à nos ennemis que nous sommes prêts pour le combat final.

Elle ne manqua pas de rappeler que les Créatures Divines seraient bientôt achevées et, que de ce fait, ils avaient presque toutes les cartes en main pour remporter la victoire. Malheureusement, après toutes ces années, la princesse n'avait pas encore trouvé de solution pour tuer Ganondorf une bonne fois pour toutes. Il lui manquait un élément crucial pour y parvenir, et il restait un véritable mystère pour le moment. Depuis peu, Zelda s'était penchée sur la question de l'Alpha et de la thématique concernant la vie et la mort. La réponse se trouvait là, quelque part. Si elle parvenait à percer le secret des âmes, alors... alors peut-être qu'elle tiendrait enfin le moyen pour vaincre le seigneur du Mal de manière définitive. La princesse salua une dernière fois son frère qu'elle observa partir avec ses hommes. Sa fierté à son égard n'avait pas de limite. Soran était un combattant aguerri, fort de ses capacités individuelles et du pouvoir octroyé par Sokyn. En combat singulier, il n'avait pas de pair et cela confortait tout le monde dans l'idée qu'il était bien le Héros attendu.

Le cortège rentra tard dans la nuit, la princesse veillait dans l'unique but d'accueillir son frère. Pour l'occasion, elle avait accroché une princesse de la sérénité devant son oreille et se tenait prête à courir à l'extérieur au moindre son de clairon. Quand celui-ci retentit enfin entre les remparts, elle quitta son fauteuil d'un bond puis s'élança dans le couloir, le cœur battant à tout rompre. Zelda descendit les escaliers en courant puis tomba nez-à-nez avec les chevaliers qui accompagnaient son frère. Ceux-ci affichaient une expression sombre, comme s'il s'était passé un événement gravissime. Le fait même que Soran ne soit pas parmi eux alerta la princesse dont une panique manifeste naquit en son sein.

- Où est mon frère ? s'enquit-elle de demander à l'un des preux.

Sorti de sa torpeur, l'homme cligna plusieurs fois des yeux et eut du mal à conserver le contact visuel avec la princesse tant il était embarrassé.

- Le... prince Soran a demandé une audience exceptionnelle auprès de votre père, Votre Altesse. Dans la salle du trône.

- Que s'est-il passé ? A-t-il été attaqué ou blessé en cours de route ? Ou bien n'a-t-il pas réussi à pénétrer la forêt Korogu ?

Elle vit que le chevalier aurait aimé lui en dire plus, seulement les mots ne parvenaient pas à sortir. Plusieurs fois, il entrouvrit la bouche, mais il la refermait aussitôt. Finalement, l'Hylien s'excusa auprès de la dauphine et la pria de se rendre auprès du roi pour avoir toutes les réponses à ses questions. Zelda s'imagina le pire, comme quoi la Lame Purificatrice aurait été détruite par un quelconque maléfice. Très soucieuse, elle s'empressa de rejoindre la salle du trône. Dans quel état d'esprit était son frère ? Par les saintes déesses, elle craignait vraiment le pire. Lorsqu'elle arriva dans le dernier couloir, Zelda cessa de courir pour adopter une allure soutenue puis elle poussa délicatement les deux portes battantes gardées par une dizaine de soldats. Ceux-ci la laissèrent passer sans broncher puisqu'il s'agissait de la princesse. Le roi ne remarqua pas son arrivée. Il semblait être dans une colère noire.

- C'est impossible ! hurla-t-il à l'adresse de son fils adoptif.

Soran se crispa. Il se tenait au milieu de l'immense salle, un genou à terre et la tête baissée en signe de soumission. Face à un monarque aussi impressionnant qu'Erigus Andram Hyrule, il n'avait pas le courage de soutenir son regard lourd de reproches. Le roi actuel était un homme aux cheveux châtain foncé et aux yeux bleus, pareils à ceux de sa fille. Âgé de quarante-six ans, il possédait toujours le physique d'un guerrier, n'hésitant pas à aller se battre avec ses troupes lors des batailles majeures. Son regard, devenu perçant à cause de ses yeux cernés et creusés dans son visage, paraissait ne retransmettre aucune émotion depuis la mort de sa femme. Cette dernière avait emporté sa flamme de vie dans sa tombe.

- Père, c'est la vérité, osa répéter Soran d'une voix tremblante. L'épée n'était pas dans son socle...

Le roi frappa puissamment sur les accoudoirs de son trône, il le quitta d'un coup avant de plaquer ses mains sur le balustre puis de fixer le Soneau en contrebas.

- Seul le Héros est capable de la retirer du Piédestal ! s'écria-t-il avec force. Personne à part toi ne peut la toucher ! Des ennemis sont peut-être parvenus à la corrompre et l'ont volée !

L'unique conseiller autorisé à assister à l'entrevue s'avança vers son souverain et s'inclina légèrement afin de prendre la parole. Il s'agissait d'un homme du même âge, un ami de longue date, aux cheveux poivre et sel.

- Mon roi, il se peut que le prince Soran ne soit pas la réincarnation du Héros, supposa-t-il justement. Le véritable élu est sans doute...

- La prophétie a annoncé la venue du Héros le même jour que l'enfant gardien, le coupa sèchement Erigus Andram. Masoa a été formel, un seul enfant est né ce jour-là.

- Peut-être, mais...

- Il suffit ! Que l'on retrouve cette épée au plus vite. Je veux que tous les chefs alliés mettent des soldats de confiance à contribution pour la retrouver sans délai !

Le monarque agrippa fermement la pierre glacée sous ses doigts tandis qu'il serrait les dents.

- Si le peuple apprend que l'épée n'est pas entre nos mains, ce sera un affolement chaotique. Nous devons lui cacher la vérité. Faîtes exécuter les chevaliers qui accompagnaient Soran si cela peut les réduire au silence. Seul un groupe de guerriers fidèles aura vent de cette histoire. Annoncez aux Hyruliens que mon fils ira chercher la Lame Purificatrice quand il sera réellement prêt.

Ses paroles choquèrent le conseiller et le prince qui eut enfin le courage de se relever et de regarder son père adoptif dans les yeux.

- Père ! Je crains que cette mesure soit disproportionnée ! Ces hommes ne diront rien si je le leur demande. Les... Les tuer serait une perte pour notre armée en ces temps de guerre.

- Mon fils, tonna-t-il pour le faire taire. Tu apprendras à tes dépends que certains sacrifices sont nécessaires pour l'avenir du royaume. Je ne peux permettre aux Soneaux de profiter du chaos général pour parvenir à leurs desseins.

Soran déglutit puis fixa de nouveau le sol.

- N'oublie pas d'où tu viens, articula distinctement Erigus Andram en le regardant froidement.

Il y avait tant de mépris dans ses mots que cela blessa le jeune homme. Ce n'était pas la première fois que le roi montrait son aversion pour le peuple soneau, notamment en parlant à Soran. Certes, il aimait son fils adoptif mais ses origines constituaient parfois un frein à leur relation. En particulier à cause des différends entre Hyliens et Soneaux. Ces derniers, depuis peu, s'en prenaient aux villages les plus éloignés de la citadelle d'Hyrule, ils les pillaient et les ravageaient dans l'unique but d'installer un climat de tension. Par la même occasion, ils imposaient une pression sur la famille royale qui devait faire des choix stratégiques en plaçant ses troupes dans le royaume. De plus, la princesse elle-même avait été victime de deux tentatives d'assassinat de leur part, ces dernières années. Soran s'excusa une dernière fois auprès du souverain puis quitta la salle du trône. Il passa devant Zelda sans lui accorder le moindre regard, trop troublé par ce qu'il venait de vivre. Quelqu'un avait retiré l'épée de légende à sa place... Impossible, ce ne pouvait être qu'un mauvais coup des monstres de Ganondorf. Et pourtant, même si cette explication improbable paraissait une douce consolation, Soran avait déjà un mauvais pressentiment au fond de lui-même. Il jeta un coup d'œil à son avant-bras droit, les sourcils froncés à cause de la frustration. Ce sceau n'était-il pas la preuve qu'il était l'élu annoncé ?! Masoa n'avait cessé de lui répéter la même prophétie depuis sa petite enfance, il n'y avait aucun doute. Aucun.

- Soran ! l'appela désespérément Zelda une fois de plus.

Cette fois-ci, il s'arrêta au beau milieu du couloir où l'air ambiant s'était rafraîchi mais il ne tourna pas la tête vers sa sœur, honteux. La blonde s'approcha lentement de lui, peu sûre de la manière dont elle devait aborder le sujet.

- Ne me regarde pas ainsi, ma sœur... Je suis humilié par ce qu'il vient de m'arriver. J'en perds mes mots...

- Tu n'as aucune honte à souffrir en ma présence, lui assura-t-elle doucement.

- Si, hélas. L'épée a été dérobée, je ne sais plus quoi faire. Je... Je suis perdu...

Il posa une main sur sa bouche quand ses yeux se mirent à le piquer puis il laissa son épaule s'adosser contre le mur tapissé à l'effigie de la famille royale. Il tâchait au mieux de contrôler ses émotions en public car il ne pouvait supporter de se montrer dans un tel état de faiblesse. Pour la première fois, il était confronté à un véritable échec.

- Nous allons tout mettre en œuvre pour la retrouver, j'ai foi en nos alliés, dit-elle en venant poser une main sur son épaule. Tu brandiras cette épée tôt ou tard, Soran.

Il la repoussa sans brusquerie un fermant les yeux un instant puis lui tourna définitivement le dos ce soir-là.

- Tu ne peux comprendre, Zelda.

Sur ce, il la quitta et resta dans sa chambre les deux jours qui suivirent. Personne ne sut exactement ce qu'il se passait, mais la princesse supposa que son frère, inconsolable, se laissait par moments aller aux larmes.

oOo

Huit longs mois s'écoulèrent depuis. Les chevaliers ayant accompagné Soran à la forêt Korogu disparurent dans des conditions étranges, l'enquête à leur sujet n'aboutit jamais. Quant aux recherches sur l'épée, seuls les soldats les plus discrets et fidèles d'Hyrule furent mobilisés afin que l'affaire ne s'ébruite pas au sein des peuples hyruliens. Les meilleurs espions sheikahs furent aussi mis à contribution et se démarquèrent dans l'enquête. Quant à Soran, son regard se ternissait peu à peu et perdait de sa flamme. Cette même flamme qui illustrait tout son enthousiasme quotidien et sa disponibilité auprès des autres. Dorénavant, il ne restait plus qu'un brin de bienveillance lorsque les nouvelles de la journée n'étaient pas trop mauvaises. Zelda assista au renfermement de son frère sur lui-même, impuissante. Elle savait que, tant que cette épée ne serait pas entre ses mains, Soran resterait bloqué indéfiniment ce jour-là. Ce jour où il avait vu le socle vide.

Cependant, lors d'un après-midi d'automne, un groupe d'espions sheikahs demanda audience au roi. Dans un cadre privé, ils annoncèrent qu'ils auraient trouvé une piste. Un voleur, du nom d'Orazio de Lanelle, aurait été aperçu de rares fois avec une épée étrange lors de combat contre des monstres. Selon leurs dires, il les combattrait seul mais ferait preuve d'une combativité et d'une adresse remarquables pour un roturier. Le roi fut hébété d'apprendre qu'un homme et non un monstre soit certainement en possession de la Lame Purificatrice, et qu'il puisse la manier. Mais avant tout, il fallait en avoir le cœur net car il s'agissait peut-être d'un usurpateur ayant le pouvoir d'utiliser l'épée de légende. Personne, ici, ne remettait en doute la naissance de Soran. Tous étaient persuadés qu'il était le Héros, et cela allait de soi. Le roi demanda quelques renseignements sur cet Orazio. La petite assemblée ne comprenait que lui-même, son conseiller et les Sheikahs. Le prince était tenu à l'écart pour le moment. Orazio serait un voleur connu dans la région de Lanelle. Il aurait déjà dérobé des biens aux marchands itinérants et se cacherait dans une des forêts de la région. Malheureusement, il demeurait dur de mettre la main sur lui, c'est pourquoi il ne croupissait toujours pas dans les geôles du château.

Le roi décida donc d'envoyer des chevaliers et Soran afin d'arrêter ce voleur et de le mener à lui. Le conseiller lui suggéra d'envoyer aussi la princesse puisqu'elle était la seule à pouvoir déterminer si un élu se tenait bien devant elle. Malgré sa réticence, le souverain accepta. Il serait totalement inconscient de sa part de passer à côté d'un des potentiels élus. Et pour la première fois, il se demanda s'il pouvait exister deux Héros à la fois.

La fratrie royale alla dans la région de Lanelle, entourée par une garde renforcée et épaulée par quelques guerriers Sheikahs. Grâce aux indications de ces derniers, la petite troupe se rendit vers un nouveau camp de moblins qui terrorisait les voyageurs depuis plusieurs jours. En suivant la logique du dénommé Orazio, il devrait venir s'occuper de leur cas bientôt puisqu'il semblait se plaire à accomplir le travail habituel des soldats hyliens. Mais une fois au camp, ils ne trouvèrent que des monstres vaincus depuis peu, ce qui laissa supposer que le voleur se trouvait toujours dans les parages. Voleur que Soran détestait déjà à cause de toutes les incertitudes, toute la frustration qu'il vivait depuis des mois. Masoa lui ayant enseigné les techniques de traque de son clan natal, le prince s'en servit pour pister Orazio. Il mena cette chasse à l'homme de son côté, les traces le menant dans une forêt très dense qui, dix mille ans plus tard, n'existerait plus. Et Zelda, qui refusait de le laisser partir seul, choisit de le suivre de loin, de peur que son frère sorte du droit chemin à cause de sa colère.

Au milieu des arbres denses et touffus, le prince avait fini par s'accroupir devant une empreinte, la dernière qu'il pouvait discerner. La conclusion était bien aisée à comprendre : pour se volatiliser de la sorte, sa proie avait opté pour un déplacement en hauteur. Autrement dit, il était grimpé sur un tronc afin de rejoindre les branches hautes et dissimulées par les feuilles de couleur orange. Soran tiqua puis leva la tête vers le ciel, l'air fermé. Il n'avait aucune espèce d'envie de monter aux arbres. Le plus simple restait de le localiser à l'aide de la deuxième « capacité » de Sokyn, celle-ci permettant de détecter la présence d'une aura divine dans les environs. Si ce voleur était bien en possession de la Lame Purificatrice, alors le chemin jusqu'à lui serait tout tracé. Soran plaça sa main devant lui, doigts tendus, et activa le pouvoir du sceau qui rendit sa peau d'un vert lumineux. Comme toutes les fois où il procédait ainsi, la volonté de Sokyn s'exerça sur son propre membre et son avant-bras pointa tout seul une direction sur sa droite. Ce n'était pas l'aura habituelle que dégageait Zelda, le prince s'élança à travers les buissons et les racines imposantes qui sortaient du sol.

Il n'eut guère le temps de chercher plus loin car l'épée elle-même se présenta à lui. Ou du moins, elle avait été posée contre un vieux chêne. La Lame Purificatrice reposait dans un fourreau de fortune taillé dans une peau de cerf. Sidéré par sa beauté et par ce qui en émanait, Soran ralentit son allure puis s'arrêta à quelques mètres d'elle. Il ne se posa aucune question, trop subjugué par cette arme légendaire qui devait lui revenir de droit. Il entendit alors comme un léger crissement qui le tira de sa contemplation. Par réflexe, il positionna sa main vers la cime du chêne au moment où un couteau fusait vers lui. L'arme blanche s'arrêta en plein milieu de sa course, comme si le temps s'était suspendu pour elle, puis elle repartit dans le sens inverse vers son propriétaire. Ce dernier, caché dans les hauts branchages, se laissa tomber en arrière pour l'éviter, surpris par une telle magie, avant de se rattraper à la branche inférieure. Dans une suite de gestes relativement acrobatiques, l'individu finit par se réceptionner au sol puis se précipita vers l'épée qu'il dégaina.

Soran découvrit un jeune homme de son âge, aux longs cheveux blonds tirant presque sur le roux et aux yeux bleus. Il arborait le tatouage d'un dragon au niveau du côté de son cou et portait des habits de chasseur hylien malgré ses origines soneaux apparentes. Le prince ne se laissa guère impressionner, il dégaina à son tour son épée et se mit en position de combat, les yeux plissés à cause de la tension palpable.

- Comment oses-tu brandir cette épée devant moi, ordure ? cracha-t-il avec mépris. Je suis le seul légitime de la porter !

Aucunement amusé par la situation, Orazio resta imperturbable et maître de son sang-froid. Il savait bien que cette épée lui attirerait des ennuis un jour ou l'autre, mais il ne pensait pas qu'un membre de la famille royale en personne viendrait le trouver pour la récupérer.

- Cette épée me sert à protéger les habitants de Lanelle, répliqua le blond qui restait sur ses positions.

- Tu n'es qu'un sale petit voleur, siffla Soran qui sentait son aversion pour lui accroître. Tu n'es ni un soldat ni un chevalier, tu n'es pas en droit de posséder une épée !

Ses mots déplurent fortement au blond qui ne cacha pas son indignation :

- Vous, les nobles, êtes les premiers à clamer haut et fort que vous mettrez tout en œuvre pour protéger les petites gens. Pourtant, la région de Lanelle est sacrifiée, aucune troupe n'est là pour elle. Il n'y a que ses habitants pour protéger ces terres. J'ai volé cette épée car j'avais besoin d'une arme.

- Donne-la-moi et tu auras la vie sauve. Dans le cas contraire, tu mourras de ma main.

Orazio ne se laissa pas intimider ; pour seule réponse, il porta un coup droit en se fendant sur Soran pris de court. Le brun eut à peine le temps de bondir en arrière pour éviter l'attaque mais il ne put esquiver le revers de son adversaire. La Lame Purificatrice vint s'abattre sur la cotte de mailles du prince qui eut son surcot ainsi que sa respiration coupés. Fort heureusement, sa protection métallique tint facilement le coup bien qu'elle n'empêcha pas une vive douleur de se propager dans son ventre. Soran retint un hoquet mais il se reprit rapidement. Ce voleur était doué, il devait se l'avouer... Rapide et précis, voilà un épéiste qui sortait de l'ordinaire.

- Rends-moi... cette épée ! s'écria Soran en se précipitant vers le blond.

Il élança son bras armé dans le but de toucher non pas le flanc d'Orazio mais le poignet qui tenait la Lame Purificatrice. Le blond ne le comprit que trop tard et fut contraint de parer avec l'épée légendaire elle-même pour se protéger. Alors que les lames crissaient, il donna un à-coup vers l'avant qui déstabilisa Soran un court instant : une fraction de seconde qui permit à Orazio de lui asséner un coup de pied dans le ventre, ce qui le projeta au sol. Le brun poussa une exclamation étouffée quand son dos percuta la terre souple. D'un coup, il roula sur le côté pour éviter l'épée de légende qui fondait sur lui. Pour la première fois, Soran n'était pas maître du combat qu'il menait, il n'avait pas le temps de mettre en place une quelconque stratégie car ce voleur avait pris l'avantage dès le début.

- Soran !! s'exclama Zelda avec effroi lorsqu'elle l'eut enfin retrouvé.

Alerté, il tourna la tête vers elle, toujours au sol, et s'écria :

- Zelda, fuis ! C'est dangereux !

Très inquiète, elle s'arrêta entre deux arbres, spectatrice de la scène qui s'offrait à elle : un inconnu menaçait clairement la vie de son frère. Épée légendaire ou non en main, elle ne pouvait le laisser s'en prendre à Soran. Pour obliger le blond à reculer, elle invoqua le feu de Din et le dirigea contre Orazio.

- Ne le touchez pas ! l'avertit-elle avec gravité. Ne me contraignez pas à vous blesser pour vous maîtriser !

Le voleur sauta en arrière afin d'esquiver la boule de feu qui finit par se dissiper avant de pouvoir toucher un arbre et l'embraser. Zelda courut de nouveau et se plaça entre les deux jeunes hommes. Craignant pour la vie de sa sœur, le prince se releva en grimaçant à cause de son ventre endolori puis, à ses côtés, il pointa son épée vers Orazio. Ce dernier, grâce aux médaillons royaux qu'il voyait, comprit qu'il se confrontait dorénavant à deux membres de la famille royale. Face à une telle magicienne, il valait mieux fuir sous peine d'être capturé voire tué. Cependant... Il n'arrivait pas à détacher son regard de cette Hylienne qui le troubla trop à son goût. Malgré son regard dur, elle dégageait une sérénité presque familière à ses yeux, sans qu'il ne sache expliquer ce phénomène. Trop perturbé par Zelda, le voleur ne vit pas les Sheikahs approcher puis lancer un lasso dans sa direction. La corde en cuir s'enroula autour de ses jambes, lui fit perdre l'équilibre puis chuter. Immédiatement, Soran se précipita vers lui et l'assomma avec le pommeau de son épée. Mais quand il voulut enfin prendre en main la Lame Purificatrice, il se vit devancé par Zelda qui s'en empara la première et lui adressa un regard inquiet.

- Je... Je préfère la tenir pour le moment, Soran. Je te la donnerai une fois que cet homme sera paru devant Père.

- De quoi as-tu peur ? se vexa-t-il en fronçant les sourcils. Tu penses que je ne suis pas apte à la porter ?

- Non, ce n'est pas cela ! mentit-elle aussitôt. Je connais ton impatience, mais je t'en prie... Attends que nous soyons de retour au château.

Il la dévisagea avec froideur, ce qui entraîna un pincement au cœur de la jeune femme car elle voyait son frère changer sans qu'elle puisse faire quoi que ce soit. Et Zelda ne voulait pas que Soran s'écarte du droit chemin suite à ce qu'elle venait de comprendre. En regardant cet Orazio de Lanelle, la princesse avait ressenti l'écho d'un autre élu. Elle avait bien du mal à y croire car depuis son enfance, on répétait sans cesse que son frère était à la fois le Héros et l'enfant gardien. Les deux se tenaient face à elle, et ils ne s'étaient pas incarnés dans une même personne.

Orazio fut mené de force au château où il parut devant le roi lui-même. Bien que cela s'avéra particulièrement difficile, Zelda apprit à son père le ressenti qu'elle avait eu en le voyant. De plus, il s'agissait d'un Hyrulien tout à fait sain, non corrompu par Ganondorf, qui maniait bien la Lame Purificatrice. Et bientôt, il fut reconnu comme le véritable Héros, au grand malheur de Soran qui vit sa vie basculer ce jour-là. En effet, peu après, des nouvelles circulèrent à son sujet. « Le prince menteur », « l'usurpateur », « l'espion soneau », et bien d'autres qui furent des coups de poignards dans son dos. Nombreux furent les regards dont l'admiration s'éteignit face à lui, comme si les membres du château et de la citadelle s'étaient sentis dupés toutes ces années. Ce fut à ce moment-là que l'état mental de Soran commença à se détériorer drastiquement. En plus de subir des remarques dans son dos, du poids de ses échecs et de ses origines, il voyait Orazio, ou plutôt Link, se rapprocher de sa sœur. À ses yeux, il n'était qu'un sale voleur et un menteur. Le nouveau Héros aurait expliqué à Zelda qu'il cachait son véritable nom afin de préserver son identité.

Selon ses dires, il n'aurait volé durant toutes ces années que dans le but de revendre des biens et d'en tirer un bon prix. Tout cela pour venir en aide à sa mère, une Soneau bannie bien avant sa naissance car elle refusait l'idéologie des siens et qu'elle s'était promise à un Hylien. Et par la même occasion, une vérité tomba :

Soran et Link étaient venus au monde le même jour.

La prophétie était bien exacte, seulement mal interprétée par les chamans soneaux. Ils n'auraient jamais imaginé que deux enfants puissent naître la même nuit, puisque seule une femme enceinte allait accoucher dans leur village. Ils ne connaissaient pas la situation de la mère bannie de Link. Ce dernier n'obtint aucun grade dans l'armée hylienne mais acquit le titre de Héros d'Hyrule, lui permettant de se hisser au même niveau que les généraux quand il fallait faire valoir ses choix. Pendant que son importance grandissait au fil des mois, celle de l'enfant gardien s'amenuisait pour ne devenir que son ombre. De nombreuses disputes éclatèrent au sein de la fratrie royale, Soran demandait sans cesse à tenir la Lame Purificatrice pour prouver qu'il était le Héros véritable, mais sa sœur s'y opposait sans cesse pour le protéger. Si bien que le brun développa une psychose à ce sujet. Sa rancœur envers Link - qu'il s'évertuait à appeler Orazio - laissa place à un mépris et à une haine des plus maladives. Zelda, avec qui il passait le plus clair de son temps avant, finissait par le dédier au Héros. Et Soran vit cela comme un rejet. Un rejet qui se répéta maintes fois et qui l'amena à penser que la valeur même de sa personne n'avait plus lieu d'être si sa propre sœur se détournait de lui.

Bien entendu, ce n'était guère la réalité. Il se trouvait que la princesse s'amourachait de Link malgré la non réciprocité de ses sentiments. Mais cela, Soran ne pouvait le savoir à cause de son aveuglement. Il devint si fermé et désagréable que le roi en personne le disputa fréquemment, jusqu'à lui dire, dans un excès de colère, qu'il l'aurait déjà répudié du cercle royal si Zelda ne tenait pas tant à lui. Ce fut la goutte de trop. Humilié et profondément blessé, Soran se retira dans ses appartements et y resta enfermé des jours durant. Il manqua même une bataille majeure contre les Soneaux et les monstres du néant. Une rumeur circula parmi les domestiques, affirmant qu'il pleurerait à en mourir de déshydratation. En vérité, ce n'était pas le cas. Le prince préparait son départ. Sa place n'était plus au château depuis longtemps, mais elle n'était pas vraiment parmi son ancien peuple non plus. Soran se trouvait véritablement seul, perdu entre deux camps chez qui il jouait une importance capitale.

Si plus rien ne le rattachait à la famille royale, alors il n'avait plus aucune raison de rester. L'enfant gardien n'était qu'un outil servant la descendante d'Hylia et personne d'autre. Un être voué à donner sa vie au détriment de son propre épanouissement. Pour autant, Soran gardait la tête sur les épaules : le paroxysme de la guerre arriverait bientôt, le dénouement aurait lieu et nécessiterait sa présence. Zelda nécessitait sa présence. Le souhait de sa sœur était sans doute l'unique véritable but qu'il lui restait. Mettre un terme définitif à l'existence de Ganondorf.

Plus d'un an après sa rencontre avec Orazio, par une nuit étoilée de juin, Soran quitta ses appartements. Dans l'écurie, il sella sa monture après avoir intimé l'ordre aux soldats de garde de ne prévenir personne. Il tira son cheval jusqu'à la plus grande cour qui menait à la sortie du château, et donc à l'entrée dans la citadelle.

- Soran, attends ! le supplia-t-on avec désespoir.

La voix tremblante de sa sœur lui serra le cœur et l'obligea à s'arrêter. Affecté de la savoir dehors, venue à lui, il se retourna, la regarda avec tristesse puis fixa ensuite les remparts.

- Ne... Ne me dis pas que tu pars...

Son ton plaintif ne fit qu'accentuer la douleur du jeune homme qui ferma fortement les yeux pour la chasser de sa poitrine. Mais cela ne fonctionna guère.

- Si, il le faut. Je ne peux rester dans un lieu où je suis perçu comme un intrus.

Elle secoua la tête, les larmes aux yeux, puis vint lui prendre les mains.

- Je t'en conjure, reste avec moi, le supplia Zelda avec affliction. Ta place et ta famille sont ici !

- Mes vrais parents ont été assassinés. Je n'ai plus de famille, rétorqua-t-il sèchement en retirant ses mains des siennes.

Zelda hoqueta, heurtée par ses mots et par son geste de renvoi. Le visage pâle et, dans un premier temps, figée, elle finit par éclater en sanglots en dissimulant la partie basse de son visage avec une main. Entendre ses pleurs assécha la gorge du brun qui se mit aussitôt à culpabiliser.

- Comment... peux-tu dire cela alors que tu as toujours été mon frère à mes yeux ? bredouilla-t-elle d'une voix cassée. Qu'ai-je été pour toi durant toutes ces années ?

Les lèvres de Soran se pincèrent quand ses yeux se mirent à leur tour à piquer. Il laissa aller ses sentiments puis prit brusquement son aînée dans ses bras en lui maintenant la tête contre son épaule.

- Excuse-moi, je ne suis qu'un abruti... Tu es tout pour moi, la seule personne indispensable à ma vie. Mais je ne peux rester au château.

- Non, ne pars pas ! J'ai tant besoin de toi...

Il déglutit et raffermit son étreinte.

- Je vais rejoindre mon village natal, annonça-t-il soudainement.

- Comment ? Non, c'est de la folie ! Ils te tueront !

- C'est le seul moyen pour te protéger des autres Soneaux. Tu sais parfaitement que tu es leur cible et je ne peux accepter qu'ils s'en prennent à toi.

Pour cela, il devait trahir la famille royale et se faire une place au sein de son peuple d'origine. Leur faire croire que l'enfant gardien était de leur côté, pour obtenir leur confiance et donc des informations. En somme, devenir un espion et un traître. Il ne savait combien de temps lui serait nécessaire pour devenir un « véritable » Soneau à la solde de Ganondorf, mais il sacrifierait tout pour y parvenir.

- Je veillerai à te tenir informée dès que la situation deviendra risquée pour toi, affirma-t-il en regardant devant lui avec détermination. Et... Et s'il faut passer par ce damné voleur, qu'il en soit ainsi. Vous serez les deux seuls au courant de ma trahison.

- Mais... Si tu changeais de camp en les côtoyant...

- Cela n'arrivera pas. Je suis conscient de la dangerosité de ma mission, mais elle me prouvera que j'aurais encore une place en ce monde.

- Soran...

Un voile de tristesse passa sur le visage du jeune homme dont les mains se mirent à trembler.

- Je te protègerai d'eux, je t'en fais la promesse, prononça-t-il d'une voix étranglée. Je n'accepterai jamais qu'ils lèvent la main sur toi. Mais en retour, je voudrais que tu me promettes quelque chose.

Zelda papillonna des yeux, ses joues humides laissaient ses larmes s'écouler sur le haut de son uniforme princier de couleur bleu nuit.

- Si je venais à m'égarer, je veux que tu sois celle qui m'enverra à l'Alpha.

Sa demande coupa le souffle à la jeune femme. Ses pleurs redoublèrent, incontrôlables, et il lui fallut de longues minutes avant de pouvoir lui donner sa réponse. Ils échangèrent des mots d'adieux poignants puis se quittèrent en cette nuit à la chaleur douloureusement douce.

oOo

Deux longues années s'écoulèrent par la suite. Soran, âgé de vingt-trois ans, faisait entièrement partie du plus gros clan soneau habitant Firone, le deuxième se trouvant en bord de mer. Soran eut d'abord grand mal à s'intégrer. Soupçonné d'espionnage, il fut séquestré plusieurs semaines, maltraité par moments mais jamais torturé car Orion, le chef, craignait que l'enfant gardien lui échappe une fois de plus s'il se montrait trop cruel à son égard. Après des centaines d'interrogatoires, de demandes d'informations au sujet de la famille royale, des troupes hyruliennes et de la technologie sheikah, les Soneaux jugèrent qu'ils pouvaient lui faire confiance. En effet, ils avaient vérifié tous ses dires, et ils s'avéraient corrects, sans exception. Le roi finit par apprendre cette trahison de la part de son ancien fils. Humilié, déshonoré, il ordonna qu'il soit exécuté sur-le-champ. Cette injonction convainquit définitivement les Soneaux. Mais pour prouver sa fidélité, il dut participer à un combat mineur contre une troupe de chevaliers venant dans la forêt de Firone pour repousser les forces du peuple ennemi. C'est ainsi que Soran tua d'anciens compagnons d'armes, sans le moindre état d'âme. Du moins en apparence.

Il était devenu un traître, un ennemi redoutable qui s'était servi de la famille royale pour apprendre à combattre et soutirer le plus d'informations possibles. Masoa, son précepteur, connut la peine de mort, accusé de complicité et d'avoir volontairement trompé le roi et la reine avec ses mensonges pour mieux mener à bien le plan des Soneaux. Zelda ne put jamais le sauver. Elle apprit tous les crimes commis par son frère, à chaque fois dévastée un peu plus par la cruauté dont il faisait preuve. La souffrance qu'elle ressentait s'agrandissait à chaque fois car elle savait la douleur psychologique de Soran, et elle ne pouvait rien faire. Sa seule consolation était de recevoir un phauce, ce volatile vivant habituellement dans le temple de Firone. L'animal venait parfois lui apporter le message de son frère pour l'avertir d'une offensive dangereuse, ce qui permettait de détourner les plans des Soneaux. Ces derniers, toujours mis en déroute, n'en tirèrent que davantage de haine contre les Hyruliens qui semblaient toujours avoir un coup d'avance sur eux. Jusqu'au jour où un guerrier barbare découvrit le secret de Soran. L'enfant gardien n'hésita pas un instant et le tua à l'abri des regards. Il cacha le corps et affirma, par la suite, à Orion que des Sheikahs l'auraient capturé et que lui, l'enfant gardien, n'aurait jamais pu le sauver car il aurait aussi été leur otage. Le chef du village entra dans une colère noire et maudit ces « chiens dociles d'Erigus ». Il déclara qu'il se vengerait et qu'il le leur ferait payer par le prix fort.

Un jour, deux ans après avoir quitté le château donc, Soran circulait au sein du village soneau. Il se préparait à la future offensive qui visait le village d'Elimith, lieu qu'il avait maintes fois visité avec sa sœur et dont il connaissait les habitants. Un sacrifice en plus pour aider Zelda dans sa quête... Maintenant vêtu comme ses semblables, il dévoilait ses divers tatouages : celui du sanglier, celui de l'élu et celui du futur chef, tous les trois inscrits par Masoa. Ce n'était qu'un détail, mais posséder l'animal totem de la force, et donc de Ganondorf, représentait un énième succès et une fierté sans pareille pour Orion. Au final, cet homme d'une quarantaine d'années avait réussi à remettre la main sur l'enfant gardien, la seule personne capable de mettre la descendante d'Hylia hors d'état de nuire durant le réveil de leur maître. Il prévoyait d'offrir l'essence divine à son seigneur en guise de cadeau et de gage de fidélité. Ainsi, en tuant Zelda, elle n'aurait pas de progéniture et ne pourrait plus entraver la route de Ganondorf.

- Il faut la retrouver ! vociféra justement Orion quand le brun passa à côté de sa hutte. Un prototype aussi réussi nous a échappé, comment est-ce que tu peux rester calme ?!

Soran s'arrêta, regarda autour de lui afin de vérifier que personne ne le surveillait puis il s'approcha de la hutte.

- Orion, nous ne pouvions pas prévoir qu'elle surmonterait le programme aussi facilement, répondit le Sorcier nommé Gut'rah. La force de son âme l'a surpassée.

C'était un Soneau de vingt ans son aîné et qui survivait grâce à son pouvoir d'alchimie. Car les Soneaux ne vivaient guère plus de cinquante ans en temps normal à cause de leur qualité de vie.

- Peu importe ! Il me la faut de suite. Cette femme a la capacité de décimer un groupe de chevaliers expérimentés ou de Gardiens à elle toute seule, je ne veux pas prendre le risque qu'elle rejoigne l'armée ennemie !

- Mais Altéis pourrait...

Quelqu'un jeta une jarre en terre cuite au sol, ce qui la brisa en plusieurs morceaux au vu du bruit assourdissant que cela produisit.

- Elle n'est pas prête ! aboya Orion, furieux. Dans son état actuel, elle serait inutile et tomberait aussi entre les mains de cet enfoiré d'Erigus.

- Je crains qu'il n'en tire rien...

Orion attrapa la peau de bête qui recouvrait le torse du Sorcier puis il le plaqua contre le mur composé de bois.

- Tu as intérêt à terminer ta mission, Gut'rah, le menaça-t-il d'une voix sifflante. Il me faut une autre femme, tu entends ? Et cette fois-ci, il vaudrait mieux pour toi qu'elle ne résiste pas au programme. Je me fiche qu'elle soit une guerrière de son vivant, tant que son esprit est influençable.

Gut'rah déglutit.

- Une... Une adolescente ferait l'affaire ?

- Non, je veux une femme ayant un minimum de jugeote. Caï était l'exemple parfait mais elle nous a glissé entre les doigts. Maintenant, ce n'est plus seulement une arme anti-Gardien que nous devons créer. Il s'agit aussi d'une arme capable de détruire un androïde de combat.

Les sourcils de Soran se haussèrent. Un... androïde de combat ? Il ne comprenait pas tous les mots car il connaissait trop peu la technologie sheikah pour en saisir tous les termes. Mais s'il s'agissait d'une arme anti-Gardien, il se devait de la détourner et de la détruire sans délais. Zelda devait en être informée au plus vite... Mais malheureusement, il n'avait aucun moyen de la contacter pour le moment sans se faire démasquer. Il devait attendre l'assaut d'Elimith qui aurait lieu une semaine plus tard.

Cette offensive fut un véritable carnage. Même si la plupart des villageois avaient pressenti le danger et avaient fui en avance, nombreux avaient décidé de protéger leurs terres et leurs champs. Avant d'être achevés, ils purent entrapercevoir le traître et son indifférence totale à leur égard. Plusieurs villageois le maudirent et ne souhaitèrent que le pire pour Soran, une punition divine à la hauteur de tous ses crimes et qui n'accepterait aucune rédemption de sa part. À son retour au village, avec les autres guerriers, il découvrit le corps d'un Hylien aux cheveux roux entreposé dans la hutte du guerrier. Apparemment, il aurait fait partie des Hyliens qui auraient fui avant l'attaque. Le regard de Soran s'éteignit encore un peu plus en le voyant. Ce garçon serait sans doute envoyé au roi, ou du moins sa tête uniquement, afin de lui mettre un « coup de pression », comme disait parfois Orion. Quel acte abject... Et dire qu'il en était indirectement complice, même s'il ne cautionnait absolument pas cette pratique.

Ce fut ce même mois qu'il rencontra Altaïr. Comme tous ses autres semblables, il possédait des cheveux noirs et des yeux clairs. Ses iris bleus marquèrent pourtant Soran, car le regard de ce guerrier était vide de toute chose. Il ne reflétait plus rien, mise à part, peut-être, une résignation vertigineuse. Il combattait à la lance et l'utilisait d'une manière exceptionnelle, unique à lui-même. En effet, Altaïr usait de la télékinésie pour la manier, faisant de lui un combattant à distance particulièrement efficace. Après plusieurs combats auxquels il aurait pris part, certains Soneaux sur place commencèrent à parler de plus en plus de ce nouvel arrivant. Ceux l'ayant vu à l'œuvre étaient formels : il serait capable d'utiliser les Gardiens et de les retourner contre les Sheikahs. D'autres affirmaient qu'il parvenait à provoquer leur autodestruction.

Altaïr, le guerrier de la désolation, se forgea un nom auprès des autres peuples et installa un vent de terreur.

Même le Héros lui-même ne fut pas en mesure de le tuer, et cela constitua une vraie victoire pour Orion qui voyait là son salut. Sous ses ordres, Altaïr détruirait l'armée de Gardiens et offrirait une ouverture aux Soneaux qui, le jour du grand final, accèderait à la princesse et la livrerait à leur seigneur. Conscient de cette menace, Soran se devait de le détruire. Il masqua ses tentatives d'assassinat par des propositions d'entraînement à l'écart de tous. Toutes les fois, il chercha les failles d'Altaïr mais jamais il parvint à le vaincre et à le tuer. De multiples échecs dus au fait qu'il n'arrivait même pas à l'approcher. Sa lance le maintenait toujours à distance et l'empêchait d'approcher. L'ancien prince avait conscience qu'elle pouvait lui prendre la vie, même sans blessure. Il ne savait comment c'était possible, mais les faits étaient là : de ses propres yeux, il avait vu Altaïr prendre la vie d'innocents emmenés au village pour cette démonstration de pouvoir. Cela ajouta un obstacle supplémentaire à Soran qui comptait tuer Orion dès que l'occasion se présentait. Depuis ses premiers jours chez les Soneaux, il n'avait jamais trouvé le moyen de l'éliminer. Mais avec Altaïr qui le protégeait constamment, cela devenait littéralement impossible de l'approcher pour tenter quoi que ce soit. Même utiliser un arc serait inutile car les flèches ne le toucheraient jamais.

Puis vint le jour où la Calamité fit son apparition. Un monstre immense, un animal de forme bovine et composé de corruption à l'état pur. Ganon, l'incarnation de la rancœur de Ganondorf. Une rancœur que le sceau gardien avait laissé échapper avant l'heure. Pour lui faire face, le roi d'Hyrule envoya les quatre Créatures Divines ainsi que ses Gardiens. Cependant, comme il se l'attendait, les Soneaux et les monstres du néant se joignirent à Ganon pour faire face à leur ennemi. Altaïr fut parmi eux, il parvint à former une petite armée de machines sous son commandement qu'il lança contre les forces hyruliennes. Erigus Andram Hyrule, bien qu'au courant de son existence, n'avait pu prévoir qu'il use autant de Gardiens pour les retourner contre lui. Et cela le fit entrer dans une rage sans précédent. Le combat battait son plein, et lorsque Ganon fut vaincu grâce aux quatre pilotes des Créatures Divines et au sceau divin de Zelda, le monarque fut pris d'une folie meurtrière et ordonna aux Gardiens de décimer les Soneaux une bonne fois pour toutes. Peu lui importait que cela soit éthique ou non, que cela soit moral ou inacceptable aux yeux des déesses. Le peuple de Firone fut contraint de fuir, poursuivi par ces machines infernales que même Altaïr ne pouvait pas contenir tant leur surnombre le dépassait.

Ce fut dans ce chaos général que Soran put contacter la princesse grâce à un énième phauce. Ganon faisant dispersion à ce moment-là, il emmena Zelda ainsi que Link au temple de Firone, gardé par deux guerriers. Ces derniers n'eurent guère le temps de se confronter au traître pour le tuer car ils furent occis. Aussitôt, l'enfant gardien mena les deux élus au sein de Delteha et les guida dans ce lieu qu'il avait arpenté de nombreuses fois depuis qu'il vivait dans cette région. Il les prévint que des fidèles de Ganondorf seraient présents autour du corps de leur maître. En effet, ils étaient une vingtaine à attendre impatiemment son retour. À la vue de Soran et de la princesse, ils pensèrent que leur semblable leur livrait la descendante de la déesse, à leur plus grande joie, mais bien vite celle-ci se transforma en horreur face au Héros en personne. Ce fut Soran qui s'occupa personnellement de leur cas, continuant dans sa voie criminelle. Son adiaphorie effraya Zelda qui peinait à reconnaître celui qu'elle avait côtoyé depuis sa plus petite enfance. Il jeta les corps dans la rivière qui s'écoulait non loin, puis il se tourna vers les deux élus, l'air fermé et le regard vide.

- Il est l'heure, annonça-t-il d'une voix grave. Je vais apposer le sceau. À ce moment-là, tu traverseras ce déchet à l'aide de l'épée.

Link ne dit rien et ne fit pas attention au ton méprisant de l'ancien prince à son adresse.

- Quant à toi, ma sœur, prouve-moi que tous mes sacrifices n'auront pas été vains.

Une peine profonde marqua le visage de la princesse. Elle n'avait toujours pas trouvé le moyen pour défaire Ganondorf à tout jamais, mais elle ne pouvait lui dire maintenant. En vérité, avec l'aide de Link, elle comptait tuer Soran pour le libérer de son fardeau à jamais. Zelda savait qu'il vivrait dans le remord et la honte pour les restants de ses jours, lui qui avait commis des actes cruels et impardonnables afin s'éloigner sciemment du droit chemin. Tout cela dans l'unique but que sa sœur puisse avoir le temps de comprendre comment briser le cercle des réincarnations.

Les trois élus se placèrent autour de la momie qui dégageait une odeur rance et prenante. Soran attrapa son avant-bras droit puis activa le pouvoir du sceau. La lueur qu'il produisit fut bien plus aveuglante que d'habitude mais ne le déstabilisa guère. Bientôt, il offrirait le salut au monde et pourrait enfin retrouver sa vie d'avant. Il tenterait de se racheter aux yeux de son père, de tout lui expliquer. Peut-être... Peut-être qu'il daignerait l'écouter et le comprendre. Face à la deuxième partie du sceau gardien, déjà ancrée dans la poitrine de Ganondorf, Soran n'hésita qu'un court instant. Il plongea à son tour sa main dedans en serrant les dents.

- Je t'attendais, enfant gardien, prononça la voix rauque de Ganondorf dans sa tête. C'est un futur de désespoir qui t'attend, toi et tous ceux que tu souhaites protéger. Admire le fruit de ton imprudence et de ta naïveté, deviens l'outil qui me permettra de renaître un jour...

Une chaleur insupportable se propagea dans son bras portant toujours le sceau puis atteignit sa poitrine, ce qui lui arracha un cri de douleur.

- Soran ! s'écria Zelda en voyant son visage se contracter sous la souffrance. Que se passe-t-il ?!

Il poussa un gémissement plaintif et serra les dents afin de résister à Ganondorf. Non, il ne se laisserait... pas l'utiliser... Son instabilité offrit une ouverture au seigneur du malin qui parvint, par un maléfice surpassant Soran, à retourner Sokyn contre lui. De la même manière, et pendant que le corps du brun commençait à se pétrifier sous son regard effaré, une part du sceau gardien s'éleva vers la voûte au-dessus de la momie, puis elle plongea vers le Héros. Au contact de Sokyn, il se courba vers l'arrière en écarquillant les yeux et il poussa un hurlement à cause du mal dont il était victime. Toute la perversion, toute la partie néfaste du sceau, aussi infime soit-elle, se répandit dans son corps et lui fit perdre la raison. Son avant-bras devint à son tour d'un vert lumineux qui sidéra d'autant plus Zelda, cette dernière ne comprenant pas ce qu'il se produisait. Elle voyait deux êtres chers souffrir le martyr devant elle pour une raison qui lui échappait.

- Zel... Zelda, fuis... la supplia Soran en dépit de sa faiblesse.

- Je ne peux pas abandonner ma mission !

Tout à coup, elle vit le Héros qui la regardait d'un air si singulier, si lugubre qu'elle en eut des frissons. Ses yeux bleus luisaient d'autant plus dans le noir et dégageaient une froideur malsaine. Jamais encore elle ne l'avait vu ainsi, jamais elle n'avait vu une telle envie meurtrière à travers un regard. Et lorsqu'elle comprit... il était trop tard.

- SORAN ! s'époumona-t-elle avec épouvante au moment où le Héros se jetait sur elle.

Link, dans un rugissement presque bestial, plongea barbarement sa main dans la poitrine de la princesse qui hoqueta puis poussa un hurlement de douleur intense. Un hurlement qui résonna dans toute la cavité, insoutenable et effroyable. Horrifié par cette vision de cauchemar, Soran sentit ses cheveux se hérisser sur sa tête et son cœur rater un battement dans sa poitrine. Il cria le prénom de sa sœur, les larmes aux yeux, et tenta de se débattre avec fureur pour s'arracher à l'emprise de ce damné sceau qui le liait à Ganondorf. La dernière vision qu'il vit fut Zelda qui s'écroulait dans les bras de Link, inanimée, et le Héros qui l'observait avec indifférence à cause du sceau corrompu. Une haine viscérale, plus forte, plus intense que n'importe qui sur terre, naquit dans une explosion de son cœur dont la noirceur occupait déjà une place proéminente. La folie s'empara véritablement de l'enfant gardien et lui fit perdre à son tour la raison. Avant d'être englobé par le néant total, un seul nom hanta son esprit. Orazio. Orazio avait tué Zelda... Sous ses yeux, sans état d'âme... Orazio devait mourir dans d'atroces souffrances. Orazio devait être annihilé. Orazio était celui qui lui avait tout volé, celui qui était le responsable de la destruction de sa vie.

- Par ta faute, plus aucun enfant gardien ne verra le jour tant que tu vivras. Le sceau ne pourra se renouveler. Ton existence même n'est que le reflet de l'incompétence de la déesse. Tu ne dois tous tes malheurs qu'à elle... Mais grâce à toi, je sortirai un jour de la prison du temps. Tu as une dernière mission, pourriture d'Hylia. Nourris-toi de cette haine et accomplis ta vengeance à ton réveil... Tue le Héros pour moi.

oOo

Soran ne put jamais savoir ce qu'il se passa réellement par la suite. Link fut enfin libéré de Sokyn qui rejoignit par lui-même le reste du sceau. Le Héros découvrit avec effroi le spectacle cauchemardesque autour de lui : Soran, pétrifié avec Ganondorf dans le temps, et Zelda, morte à ses pieds par sa faute. Il poussa un hurlement d'horreur et tomba à genoux avant d'appeler en vain la princesse. Elle ne pouvait pas mourir... Pour l'avenir d'Hyrule, elle devait vivre, peu importait le prix. Les élus n'avaient pas pu accomplir leur devoir. Un échec total... Certes, ils avaient vaincu Ganon. Mais Ganondorf restait une menace bien trop grande pour le royaume. Link, après de très lourds efforts qui l'usèrent psychologiquement, parvint à mener Zelda aux Sheikahs, les seuls qui pourraient l'aider. En toute urgence, ils la menèrent au plateau du Prélude, là où ils tenaient un laboratoire depuis plusieurs années. Il y avait mis au point une « cuve guérisseuse » qui devait permettre à tous les grands blessés de retrouver leur mobilité ou bien leurs membres perdus dans la guerre. Pour la première fois, elle fut utilisée à des fins de résurrection.

Et ainsi naquit le sanctuaire de la Renaissance.

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