Chapitre 2
Sur les murs de la citadelle, de nombreuses affiches avaient été placardées durant la nuit et attiraient l'attention des habitants qui passaient devant. Elles proposaient aux femmes d'intégrer l'armée hylienne et de devenir soldates. Cependant, le titre de chevalier restait encore réservé aux hommes. Les temps ainsi que les mentalités évoluaient progressivement, accepter des femmes chevaliers demanderait sans doute quelques années de plus. Toutefois, certaines Hyliennes semblèrent intéressées à l'idée de s'engager au service de la princesse. À leurs yeux, c'était un honneur de pouvoir la protéger ainsi que de préserver Hyrule d'une quelconque menace extérieure.
Pendant que les premiers engagements avaient lieu, le capitaine de la garde royale marchait d'un pas pressé en direction de son bureau situé au nord du château. Il avait un rendez-vous de dernière minute. Link se demandait qui pouvait bien vouloir le voir avec un tel niveau d'urgence, ce qui suscitait chez lui de nombreux questionnements ainsi que de l'inquiétude. De nouveaux monstres avaient-ils été aperçus ? Une nouvelle menace se montrait-elle ? Des Hyruliens étaient en danger ? Il souhaitait de tout son cœur que Zelda ne soit pas mêlée à tout ça. Après avoir traversé toute la forteresse, le Héros atteint enfin son bureau et poussa la porte avec empressement dans l'espoir de ne pas apprendre une mauvaise nouvelle. Son regard se posa aussitôt sur Pru'ha qui fouillait impoliment les tiroirs de son étagère. Cela arracha un soupir à Link qui vint s'asseoir pendant que la Sheikah refermait tout, l'air de rien.
Ce n'était pas une très grande pièce, il n'y avait qu'une table, trois chaises en bois noir, plus une étagère servant à entreposer quelques ouvrages connus. Cette simplicité suffisait à Link, cela lui libérait de la place et lui accordait un espace aéré.
- Tous tes tiroirs sont vides, Link, fit-elle remarquer avec étonnement. Tu manges tes effets personnels ou tu ne possèdes vraiment rien ?
- Je cache les dossiers dans l'optique que les personnes comme toi ne les trouvent pas, répliqua-t-il avec fermeté. Passons, dis-moi plutôt de l'urgence que tu souhaites traiter.
Pru'ha, dont le processus de vieillissement avait repris et qui ressemblait maintenant à une jeune adolescente, esquissa un sourire narquois en prenant place devant lui.
- Une urgence ? Il n'y en a aucune.
Les yeux du jeune homme s'écarquillèrent avant de laisser transparaître son indignation. Il s'apprêtait à sermonner sévèrement la chercheuse quand celle-ci le devança délibérément :
- J'ai fait une découverte très intéressante lors de mes recherches dans la forêt de Firone, annonça-t-elle avec fierté. Nous pourrions en apprendre plus sur le précédent Héros et la précédente Princesse. Mais ce n'est pas tout.
Le visage de Pru'ha devint bien plus sérieux, son expression fermée renforça l'attention que lui portait le chevalier à ce moment-là.
- Il peut y avoir un lien avec Ganon.
La peau de Link fut parcourue par un long frisson glacial qui raviva en lui maints souvenirs liés à la tragédie un siècle auparavant, ainsi que ceux après son Réveil. Lentement, il laissa son dos basculer jusqu'à toucher le dossier de sa chaise. Lui qui pensait en avoir terminé avec le Fléau... Pendant combien de temps viendrait-il hanter sa vie ? Toutes ces nuits où il rêvait de ses derniers instants dans les bras de Zelda, où il rêvait de son combat final ou même de la mort de ses compagnons... Il avait cessé de les compter. Le blond baissa la tête tandis que ses mains empoignèrent son pantalon pour le serrer fortement.
- Cette histoire est dernière nous, je ne veux plus en entendre parler, dit-il d'une voix mal assurée. Ganon n'est plus, je me fiche bien de ce qui a pu se passer il y a des millénaires de cela.
- Mais, Link... Nous trouverons sans doute des indices concernant sa future apparition ! Imagine que nous parvenions à trouver le moyen de le sceller à tout jamais et de rompre le cycle de réincarnation. Ce que tu as vécu, tu permettrais aux futurs Héros de ne plus le vivre !
Pru'ha laissait aisément sa joie se manifester, mais l'état du Héros ne fut pas réciproque. Le visage de Link n'avait cessé de s'assombrir suite à ses propos. Pour lui, le combat contre Ganon lui avait laissé des séquelles psychologiques qu'il avait grand mal à guérir, même trois ans plus tard.
- Et alors ? demanda-t-il d'une voix froide. Je vais me rendre à cette soi-disant découverte, et ensuite ? Il y a des chances pour que cela ne nous apporte rien.
La bonne humeur de la Sheikah se dissipa pour être remplacée par une certaine tristesse.
- Link, j'ai découvert... Je ne sais pas trop ce que c'est exactement, mais cela ressemble à une porte au fond d'un temple. J'ai étudié les anciennes écritures et je peux t'assurer que ça doit faire un sacré nombre d'années que personne n'a foulé ce lieu dans la région de Firone. Seulement...
Son hésitation déplut à Link qui avait un mauvais pressentiment.
- Seulement ? l'incita-t-il à continuer.
- L'intérieur est en piteux état, tout semble détruit. Toutefois au fond de ce temple, il y avait d'étranges symboles sur un mur. Je n'ai pas su les décrypter. C'est pourquoi, j'aimerais que la princesse Zelda en personne s'y rende afin de trouver des réponses.
Le blond soupira en se tenant la tête d'une main. Cette histoire lui était grotesque. Envoyer la princesse sur des ruines alors qu'elle croulait sous le travail ? Hors de question. Surtout concernant un vieux temple oublié. Pru'ha constatait la réticence du capitaine de la garde royale. Mais pour elle, se rendre sur le lieu de sa découverte était primordial.
- Écoute, Link. Tu te souviens de la toile derrière Impa, chez elle ? Des dessins dessus ?
Il hocha lentement la tête.
- J'ai trouvé des motifs très similaires sur le mur de ce temple. C'est pour cela que je peux affirmer son lien avec les trois élus. Derrière... Derrière ce mur doit se cacher des explications. Crois-moi, je comprends que tu aies traversé de rudes épreuves, que celles-ci t'aient laissé une marque indélébile. Mais rien n'est terminé, le cycle du Fléau est déjà en marche. Il finira par revenir un jour ou l'autre.
- Ganon reviendra d'ici plusieurs millénaires, Pru'ha ! Avec la princesse, nous devons laisser des témoignages de notre combat et permettre aux futures générations d'obtenir des outils efficaces pour le contrer une fois de plus.
Cela fit sourire la Sheikah qui croisa les bras, satisfaite.
- Eh bien, c'est justement ce que je suis en train de te dire depuis tout à l'heure.
Elle s'avança vers le bureau noir pour s'y accouder dessus.
- Je suis persuadée que ce temple pourra vous aider. La seule chose que je vous demande, c'est de vous y rendre et d'enquêter pour obtenir des réponses. C'est tout. Si vous parvenez à accéder à l'autre partie, celle cachée, je me chargerai de prendre la relève.
Tous deux s'échangèrent un intense regard, certainement car ils tentaient de percevoir les pensées de l'autre. Finalement, Link baissa les yeux et préféra fixer le bas de l'étagère. Son air soucieux se lisait avec netteté sur son visage, ce qui alerta Pru'ha.
- Link, qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta-t-elle.
Il fronça les sourcils.
- Je le vois bien, tu es bien plus renfermé qu'à l'accoutumée. Si tu avais été dans ton état habituel, tu aurais été bien plus enclin à accepter ma demande.
Le blond ferma un court instant les yeux pendant qu'il prenait une profonde inspiration. Il n'avait pas l'habitude de se confier ainsi, mais puisqu'il était percé à jour... Autant le lui dire.
- J'ai... fait un rêve, il y a deux nuits, avoua-t-il d'une voix grave. Je ne me souviens plus où je me trouvais mais j'étais avec la princesse. Tout à coup, il y a eu une vive lumière verte et...
Link se leva d'un coup avant de se positionner devant sa fenêtre en déglutissant.
- Et je l'ai tuée. Après cela, le néant m'a absorbé puis mon esprit a été remplacé par... une chose si glaciale, si oppressante que je me suis senti mourir une deuxième fois.
À cela, la chercheuse frémit. Quand le Héros se mit de profil vis-à-vis d'elle sans pour autant la regarder, Pru'ha put voir à quel point ce cauchemar l'avait affecté.
- Pru'ha... Les rêves peuvent être prémonitoires, n'est-ce pas ?
Pour la première fois, elle entendit sa voix s'éteindre à la fin de sa phrase. La Sheikah, concernée, quitta son siège puis se plaça à côté de lui en posant une main sur son bras.
- La seule personne capable d'entrevoir le futur en rêve est la princesse Zelda en personne, lui affirma-t-elle. Cependant, les visions du Héros ne sont pas à prendre à la légère. Il se peut qu'un mauvais présage te soit parvenu. À l'heure actuelle, je suis incapable de te dire ce dont il peut s'agir.
Pru'ha retira sa main de son bras, l'air grave.
- Inutile de te rappeler ton devoir, tu as déjà eu maintes occasions de le mettre en œuvre. Sache toutefois que ce rêve peut n'être qu'une simple illusion. Rien ne nous dit qu'une mauvaise chose vous arrivera.
Le chevalier soupira une énième fois.
- Voilà la raison pour laquelle toute mission en liaison avec Ganon me déplait. Je refuse de mettre la princesse en danger une fois de plus.
- Ce n'est pas à toi d'en décider. Elle seule est en droit de choisir. Si Son Altesse Zelda souhaite mener à bien cette quête, tu devras t'y plier, le prévint Pru'ha d'une voix ferme.
Link tiqua mais fut contraint de donner raison à la Sheikah. Zelda n'aimait pas que l'on s'immisce dans ses choix personnels, et elle le faisait clairement savoir si c'était le cas. Son chevalier servant avait eu l'occasion de le constater plusieurs fois ces derniers mois.
- Je parlerai ce soir à la princesse, annonça Pru'ha qui s'avançait vers la porte. Je t'invite à bien réfléchir à propos de tout ce que je t'ai dit.
Elle abaissa la poignée puis se plaça sur le seuil avant de se tourner vers lui, un sourire amusé dessiné sur les lèvres.
- Mais je comprends que tu réagisses de la sorte pour la protéger. Après tout, si tu l'aimes, on ne peut pas te le reprocher, non ?
Les yeux de Link s'écarquillèrent pendant qu'elle ricanait en refermant la porte, satisfaite par l'effet de sa question. Le jeune homme posa une main sur son front tandis qu'il grimaçait pour montrer son embarras. Cela se voyait-il tant que ça ? Lui qui pensait bien dissimuler ses sentiments pour préserver Zelda des rumeurs... À moins que Pru'ha ne le fasse marcher ? Et dans le cas où elle aurait vraiment percé à jour Link, qu'est-ce que cela changerait si elle gardait le secret pour elle ? Strictement rien, en soi. En parlant de la princesse, il ne l'avait pas vue de la matinée, ce qui était étonnant puisqu'ils se côtoyaient normalement lors de tous les petits-déjeuners. Le Héros quitta à son tour la pièce pour se rendre directement à la salle du trône, lieu où se trouvait Zelda.
Sur le chemin, Link réfléchissait sérieusement à cette fameuse découverte ainsi qu'à ses bénéfices. Connaître l'histoire des précédents élus, à quoi bon ? Qu'est-ce que cela leur apporterait ? Et obtenir des indices sur le déroulement de leur combat final, c'était maintenant bien inutile. Link sentait que cette mission potentielle ne leur provoquerait rien de bon. Parfois, mieux valait laisser le passé derrière pour ne pas refaire rejaillir tous ses problèmes. Inconsciemment, ses poings se serraient durant sa marche. D'un pas lourd, Link gravit les escaliers qui menaient jusqu'à la salle du trône située tout en haut de la forteresse. Derrière lui flottait sa demi-cape hylienne au gré de ses pas. Il avait le sentiment que cela lui donnait plus de prestance bien que ce ne soit qu'un morceau de tissu.
Quand les gardes le virent approcher, ils s'inclinèrent légèrement avant de pousser les lourds battants de la porte ; aussitôt, une voix l'annonça auprès de la future souveraine et Link entra dans la grande salle baignée de lumière. Quand il aperçut Zelda, il en resta estomaqué : ses longs cheveux avaient disparu pour laisser place à une coupe au carré bien plus agréable et pratique au quotidien. Sur le moment, le jeune homme demeura immobile, incapable de décrocher le moindre mot. La princesse ne lui avait pas parlé d'une quelconque nouvelle coupe, pourtant.
- Bonjour Link, le salua chaleureusement Zelda tout en gardant un certain sérieux. Que me vaut l'honneur de ta visite ?
Le regard du blond scruta les moindres recoins afin de déterminer le nombre de soldats présents. Ici, il se devait d'agir en tant que chevalier et non ami. Les codes, par Hylia, il fallait les respecter encore...
- Bonjour, Votre Altesse, répondit-il humblement après avoir baissé les yeux. Je venais m'assurer que tout allait bien. Je n'ai eu aucune nouvelle depuis hier soir.
La jeune femme se retint de sourire. Elle aurait aimé avertir Link pour lui dire qu'elle déjeunerait plus tôt le matin, mais Zelda n'en avait pas eu l'occasion à cause de toutes les tâches qui la dépassaient.
- Je veillerai à ce que tu sois mieux renseigné à l'avenir, promit-elle. Puisque tu es là, je vais pouvoir te demander un service.
Intrigué, le capitaine la regarda d'un air interrogateur pour l'inciter à poursuivre.
- Avec Pahya, j'aimerais que vous partiez pour la forteresse d'Akkala le plus tôt possible. J'ai reçu un courrier, il y a moins d'une heure, d'un lieutenant sur place qui semblait fort inquiet. Il souhaite s'entretenir en face à face avec moi mais je ne peux pas me déplacer pour le moment. Acceptes-tu de prendre ma place cette fois-ci ?
Link hocha la tête puis courba la nuque en posant son poing fermé au-dessus de son cœur.
- Vous pouvez compter sur moi. Je pars sur-le-champ.
Il tourna les talons puis sortit de la salle du trône dans un silence témoignant de sa détermination vis-à-vis de cette requête. Que se passait-il à la forteresse pour qu'un des lieutenants demande à la princesse en personne de venir ? Le niveau de gravité devait être élevé pour une telle demande. Après tout, pourquoi ne pas demander directement de l'aide à Link ? C'est lui qui avait défait Ganon, non ? Le peuple comme l'armée pouvaient toujours compter sur lui. Tout ne reposait pas sur les épaules de Zelda. Elle qui se démenait pour son royaume... Inutile de l'accabler encore plus.
- Link, attends ! le héla Pahya qui courait le rattraper.
Surpris, il s'arrêta immédiatement et se tourna vers elle, les sourcils haussés. La Sheikah arriva à sa hauteur, fort embarrassée.
- Tu ne m'as pas entendue...
Elle se frotta l'épaule, peu à son aise.
- J'étais à côté de Son Altesse mais tu ne semblais pas m'avoir vue.
Malgré son air imperturbable, Link se mordait la joue : encore une fois, il n'avait vu que Zelda, surtout avec sa nouvelle coiffure. Il allait devoir se montrer plus concentré sur son environnement. Ce n'était pas dans ses habitudes d'être aussi distrait.
- Je m'excuse, dit-il en fixant un tableau accroché au mur. Je me dirigeais justement vers ton bureau pour partir en mission.
- Effectivement, je dois m'y rendre pour prendre mes affaires. Partir les mains vides, ce serait indigne d'un conseiller royal !
Une flamme de motivation brillait dans son regard. Depuis le départ d'Impa, la jeune femme avait hérité de son poste et tâchait de le mener au mieux. Pahya s'efforçait d'aider la princesse et de lui alléger la charge de travail, même si certains jours, toutes deux semblaient écrasées par celui-ci. Avec Link, ils se dirigèrent vers son bureau dans l'aile Est du château. Sur le chemin, aucun ne parlait, ils préféraient écouter les bruits environnants ou les quelques conversations qui leur parvenaient. Pahya rassembla ce dont elle avait besoin puis ils purent quitter la forteresse en direction d'Akkala, l'une des plus belles régions d'Hyrule, notamment en automne. À cheval, le duo se dirigeait pour le moment au galop afin de ne pas perdre de temps et d'agir vite si cela était nécessaire. Durant le trajet, ils profitaient de la nature et de l'immense espace des plaines, ce dont ils ne pouvaient bénéficier à l'intérieur du château.
Link ne se lasserait jamais de ce sentiment de liberté auquel il aspirait tant depuis son plus jeune âge. Une fois son devoir terminé à la citadelle, une fois son devoir d'enseignant terminé, il pourrait revenir pour de bon à Elimith, et peut-être emmener Zelda avec lui si l'avenir le leur permettait. Cependant, il savait que les chances de vivre ainsi avec elle étaient minimes. Une réalité supplémentaire à accepter...
Sur le chemin, les deux cavaliers croisèrent Terry, le marchand ambulant qui sillonnait le royaume en quête de nouvelles marchandises et de scarabées. Le duo ralentit le pas jusqu'à s'arrêter près de lui pour le saluer.
- Bien le bonjour, cher client ! s'exclama-t-il en reconnaissant le Héros. Vous désirez quelque chose ?
Un discret sourire se dessina sur le visage de Link qui hocha négativement la tête. Terry avait été l'une des personnes qu'il avait le plus côtoyées après son Réveil et qui avaient été présentes pour l'aider dans sa quête. En quelque sorte, ils étaient de bons amis.
- Vous savez, j'entretiens un petit commerce avec un peuple par-delà le mont Hébra et j'ai pu obtenir des accessoires forts intéressants, croyez-moi ! Ils font fureur auprès des jeunes d'aujourd'hui.
- Qu'est-ce donc ? demanda le blond, intrigué.
Satisfait par cette question, le marchand tira de son lourd sac plusieurs petits bracelets de couleurs différentes et à l'aspect simple. Ce n'était que des ficelles qui retenaient en leur centre une pierre de couleur.
- Leurs fabricants ne leur ont pas encore donné de nom, mais leur fonction est bien simple, expliqua Terry en soulevant l'un des bijoux. Il vous suffit de donner l'un de ces bracelets à un être cher, membre de votre famille ou autre, et vous connaîtrez leurs plus fortes émotions, quelle que soit la distance qui vous sépare !
Sa réponse laissa Link dubitatif, il pressentait une quelconque arnaque.
- Et ça fonctionne vraiment ? le questionna Pahya avec curiosité.
- Bien sûr ! Je n'oserai jamais vendre un objet défectueux à un client.
Link tira sur la ficelle de sa bourse accrochée à sa ceinture puis il en tira des rubis.
- Je vous en achète un.
Les yeux de Terry s'agrandirent avant qu'il émette un vif éclat de rire, ce qui déstabilisa les deux cavaliers.
- Seulement un seul ? s'étonna Terry, amusé. Vous savez, cher client, vous pouvez m'en acheter un, mais je doute que vous ayez envie de connaître ce que je ressente !
- Comment ça ?
- Les bracelets se vendent par deux car une magie les relie. Si vous n'en prenez qu'un seul, je garderai sa paire et par conséquent, vous connaîtrez mes émotions. Loin de moi l'idée que je ne veuille pas connaître les vôtres mais je doute que vous souhaitez cela.
- En effet.
Terry hocha la tête puis lui présenta les différentes paires de bracelets. Le jeune homme opta pour ceux ayant respectivement une pierre bleue et une pierre verte, à l'effigie de leurs yeux avec Zelda. Pahya se demanda à qui l'Hylien comptait offrir ce bijou même si, au fond, elle ne voulait pas connaître la réponse. Ils saluèrent le marchand puis reprirent leur route sans un mot. Silencieusement, Link observait les bracelets en arborant un discret sourire qui témoignait d'une tendresse réservée. Voilà un présent qui saurait plaire à Zelda et lui donnerait du baume au cœur.
Après de longues heures de trajet, tandis que le soleil se couchait à l'horizon, les deux cavaliers arrivèrent à la forteresse d'Akkala dont les multiples lanternes éclairaient les hauts murs ainsi que les remparts. L'air en cette fin de journée était tiède, une légère brise rendait l'atmosphère agréable et offrait de courts moments de fraîcheur. Sur le chemin de dalles, Pahya et le prodige descendirent de leur monture et firent le reste du trajet à pied, salués au passage par les gardes qui effectuaient leur ronde quotidienne. Ils étaient contents de revoir celui qui formait les futurs chevaliers ainsi que la conseillère royale. Quand ils furent devant la grande porte en bois massif, des écuyers vinrent prendre les chevaux pour les mener à l'écurie pendant que les deux voyageurs se rendaient directement au bureau du lieutenant.
Dans les couloirs, rien ne semblait anormal. Tous les Hyliens présents se montraient sereins et décontractés comme si rien ne s'était produit ici. Leur comportement étonna Link au vu de la lettre envoyée à Zelda, ce qui suscita chez lui quelques questions supplémentaires. L'affaire était-elle tenue secrète ? Si oui, pour quelle raison ? Et surtout, de quelle ampleur était-elle ? Il guida Pahya jusqu'au bureau souhaité puis frappa avec énergie pour s'annoncer. Dedans, le lieutenant les pria d'entrer puis fut étonné de ne pas trouver la princesse. Rapidement, il présenta deux sièges à ses hôtes et les invita à s'asseoir. C'était un grand homme d'une trentaine d'années aux yeux marron, tout comme ses cheveux qui étaient très courts. Il faisait partie des premières personnes formées par Link pour reprendre en main l'armée d'Hyrule.
- Lieutenant, je souhaite connaître la raison pour laquelle vous avez envoyé une lettre à Son Altesse, dit Link avec fermeté.
Son interlocuteur hocha la tête avec docilité.
- Nous avons eu un cas de disparition, il y a une semaine. Il s'agissait d'un garde.
- Un déserteur ?
Le lieutenant hocha négativement la tête.
- Non, Capitaine. C'est pourtant ce que nous avons pensé au début, j'ai par la suite envoyé un petit groupe à sa recherche. Trois jours après sa prétendue fugue, son corps a été retrouvé dans la forêt. Et...
Il déglutit, son teint pâlit inexorablement en repensant à ce qu'on lui avait raconté. Quant à Link, il fronça les sourcils le temps d'apprendre la suite du récit.
- Tout son équipement lui a été retiré, lui apprit le gradé avec nonchalance. Le malheureux a été sauvagement assassiné, des soldats ont vu son corps lacéré... Ce n'était pas une simple attaque de voleur, Capitaine.
Les deux hommes s'échangèrent un regard lourd de sens, entourés par un silence devenu oppressant pour tous.
- La personne qui a tué ce pauvre apprenti...
- Avait pour but d'infiltrer la garde, compléta Link en quitta aussitôt sa chaise.
- Mais était-ce une raison pour charcuter ce pauvre homme ? s'indigna Pahya, mal à l'aise.
Le blond tourna la tête vers elle, le visage grave.
- Le meurtrier est sans doute fou, nous ne pouvons pas le laisser dans la nature s'il est capable de tuer avec autant de barbarie. Et si son objectif est d'infiltrer la garde, je ne peux écarter l'idée qu'il veuille s'en prendre à la princesse Zelda.
- Sauf votre respect, Capitaine, l'uniforme de la garde à Akkala n'est pas le même que celui du château. Je ne pense pas qu'il passe inaperçu là-bas.
Link laissa échapper un soupir : tout cela, il l'avait déjà compris. Mais ce meurtrier paraissait tout autant capable de tuer un autre homme à la citadelle pour lui voler son équipement. Le prodige ordonna que l'on inspecte tous les gardes de la forteresse afin de démasquer l'intrus, si toutefois il était toujours là. Une fois cela fait, il voulait avoir un rapport complet sur la situation et obtenir des témoignages à propos de comportements suspects. Le lieutenant s'inclina humblement et affirma que cela serait fait sans délai.
- Capitaine, vous m'aviez dit la dernière fois que vous vouliez prendre sous votre aile de jeunes apprentis.
Link s'apprêtait à sortir quand son interlocuteur lui dit cela.
- C'est exact. Avez-vous la possibilité de réunir tout le monde aujourd'hui ?
- Oui, je voulais vous le proposer avant votre départ. Nous avons même accueilli quelques jeunes femmes qui désiraient entrer dans l'armée. Elles n'ont pas d'expérience, mais peut-être devriez-vous les rencontrer aussi.
Le blond hocha la tête.
- Faisons cela. Réunissez tous les apprentis en fonction de leur classe d'arme.
Tous trois quittèrent la pièce puis se dirigèrent vers la cour principale au centre de la forteresse. Pourquoi Link désirait-il former de plus près certains apprentis ? Il voulait monter une garde rapprochée pour la princesse, des soldats ou chevaliers d'élite qui seraient là pour la protéger si lui-même n'était pas au château. Après son cauchemar, cette envie s'était d'autant plus renforcée. Ils descendirent plusieurs escaliers avant d'atteindre l'extérieur, le lieutenant fit sonner une cloche pour le ralliement de tous les apprentis. La cour en question était entourée par les hauts murs de la forteresse, ce qui rendait cet endroit très impressionnant car les rayons de lumière avaient du mal à atteindre le sol quand le soleil n'était pas à son zénith. Il n'y avait pas d'arbres, seulement des dalles en pierre qui formaient des spirales.
Une dizaine de minutes plus tard, tout le monde fut réuni et classé en fonction de leurs aptitudes. Seules les jeunes filles et femmes restaient regroupées entre elles car leur formation avait tout juste commencé. À voix haute, le lieutenant leur expliqua la raison de cette réunion et leur présenta le capitaine ainsi que la conseillère royale. Tous se montraient impressionnés par leur présence.
- Capitaine, je vous laisse choisir, lui dit le gradé dont les mains se croisaient dans le dos.
Derrière son masque impassible, Link s'avança vers les rangs pour dévisager chaque apprenti qu'il voyait. Il commença par les garçons puisqu'ils étaient les plus proches. Certains étaient bien trop jeunes pour être choisis, d'autres paraissaient trop prétentieux aux yeux du chevalier. Quand il eut examiné les premières rangées, il se concentra sur celles du fond. Le bloc qu'il observait était celui des archers, celui-ci comprenait une quarantaine d'apprentis. Finalement, le regard de Link se posa sur un garçon plus petit que lui et dont le regard persistait à fixer le sol. Intrigué, le blond s'approcha.
C'était un Hylien plus jeune que lui, ses cheveux noirs mi-longs étaient ébouriffés et témoignaient d'un cruel manque de confiance en soi. Quant à ses yeux, ils étaient d'un bleu presque gris. Link mesurait certes une tête de plus mais étrangement, il sentait qu'il devait le choisir. Son intuition était souvent bonne alors le chevalier décida de la suivre.
- Comment est-ce que tu t'appelles ? demanda-t-il à l'apprenti.
Celui-ci ferma les yeux comme s'il craignait d'être choisi. En effet, il avait préféré se mettre au fond pour passer inaperçu, mais son plan n'avait visiblement pas fonctionné comme il le souhaitait.
- Thomas, Capitaine, répondit-il d'une voix tremblante.
Nul doute qu'il était impressionné par Link.
- Bien. Réunis toutes tes affaires et va rejoindre le lieutenant.
La bouche du brun s'entrouvrit mais elle se referma aussitôt tandis que ses lèvres se pinçaient. La tête toujours baissée, le dénommé Thomas s'exécuta sans broncher puis sortit des rangs d'un pas rapide. Quant aux autres apprentis archers, ils avaient l'air indignés de ne pas avoir été choisis pour certains. Pour d'autres, l'incompréhension se lisait sur leur visage. Link continua ses recherches et se dirigea maintenant vers le groupe des lanciers. Seulement il ne trouva aucune recrue qui lui aille vraiment, à leur plus grande déception. Il poursuivit vers les futurs épéistes parmi lesquels son regard se posa sur un grand jeune homme à la morphologie relativement massive. Ses cheveux blonds, coupés ras le crâne, rendaient ses traits d'autant plus durs malgré son regard qui se voulait bienveillant. Ses yeux marron avaient pourtant la même couleur que ceux de Conrad, l'un de ses plus grands amis cent ans auparavant. Cela avait sans doute influencé son choix.
- Quel est ton nom ? le questionna Link qui était plus petit en taille.
- Léon, Capitaine.
Link hocha la tête avec calme.
- Tu peux aussi aller chercher tes affaires et rejoindre le lieutenant.
Les yeux de l'apprenti se mirent à pétiller de joie. Il posa son poing fermé sur sa poitrine et inclina la tête.
- Merci mon Capitaine !
Il ne lui fallut que quelques instants pour disparaître au sein de la grande forteresse. Finalement, Link se dirigea vers le groupe des futures soldates car il savait à quel point elles pouvaient s'avérer puissantes en combat ; il fallait bien le reconnaître avec les Gerudos. Le jeune homme passa devant la première rangée mais aucune n'attira particulièrement son attention. Elles n'étaient pas très nombreuses, peut-être une vingtaine tout au plus. En passant à la deuxième et dernière rangée, le chevalier remarqua une demoiselle qui souriait jusqu'aux oreilles, ce qui le déstabilisa.
- Ai-je quelque chose sur le visage ? s'enquit-il de savoir, embarrassé.
Elle hocha négativement la tête sans cesser de sourire.
- Non, Capitaine.
- Alors pourquoi ce sourire ?
- Car je sais que je vais être choisie.
Les sourcils de Link s'arquèrent tandis que ses yeux papillonnèrent en signe manifeste d'incompréhension. Comment pouvait-elle être aussi sûre d'elle ? C'était une jeune fille châtaine aux yeux bleus qui semblait pourtant banale au premier abord. Et très certainement l'était-elle. Elle devait être originaire d'Elimith au vu de son accent un peu chantant. Cependant, cette assurance dont elle faisait preuve ne laissa pas Link indifférent ni même le mit en colère.
- Et pourquoi toi et pas une des autres recrues ?
- Je ne sais pas, mais j'ai le pressentiment que ce sera moi.
- Quelle effrontée ! chuchota une femme au premier rang.
D'autres l'approuvèrent car elles n'acceptaient pas du tout le comportement de la châtaine. Link la dévisagea une nouvelle fois puis regarda la fille qui se trouvait juste à côté et dont il n'était pas encore passé devant.
- Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il à son interlocutrice qui souriait toujours.
- Taïla, Capitaine.
Il lui offrit à son tour un sourire qui avait pourtant un côté amer.
- Eh bien Taïla, je pense que ton intuition était la bonne. Tu as une morphologie excellente pour manier la lance.
- Merci, Capi...
- Je vais donc choisir ta sœur jumelle puisque vous vous ressemblez comme deux gouttes d'eau.
Les yeux de la sœur en question s'écarquillèrent de surprise, elle ne s'attendait pas du tout à être choisie. Sur le moment, Taïla pensait que le chevalier se moquait d'elle et la testait. Mais quand elle le vit s'approcher de sa jumelle, la réalité la rattrapa vite. Link demanda le nom de sa nouvelle recrue.
- Iris, répondit-elle malgré son étonnement.
Elle avait vraiment été prise de court.
- Tu pars avec moi. Va préparer tes affaires.
- Je... À vos ordres.
La châtaine ne se fit pas prier puis s'en alla à son tour après avoir adressé un regard désolé à sa sœur dégoutée. Link revint vers Pahya qui s'empressa de lui demander les raisons de ses choix.
- J'ai suivi mon instinct.
- Mais... Tu aurais pu choisir plus de recrues !
Il hocha négativement la tête.
- Je pense que trois est le nombre idéal pour une formation de qualité et une garde rapprochée. N'oublie pas que les autres chevaliers du château sont aussi présents. De plus, la princesse n'accepterait jamais d'avoir une troupe autour d'elle en permanence.
- Dans ce cas, je prie les déesses pour que tout se passe au mieux avec eux. Je te fais confiance.
Link lui accorda un sourire reconnaissant qui fit rougir la Sheikah. Elle détourna de suite le regard afin de cacher son trouble. Le jeune homme se dirigea vers le lieutenant dans le but d'obtenir quelques informations supplémentaires sur ses apprentis personnels. S'il voulait les guider au mieux, il devait en savoir un peu plus sur eux. Suite à sa demande, le lieutenant lui fournit quelques informations, du moins le peu qu'il savait après avoir lu leur dossier d'inscription. Thomas était un jeune homme de seize ans, apprenti archer depuis peu. C'était un garçon assez fermé qui n'aimait pas parler aux autres mais qui faisait toujours tout ce qu'on lui demandait. Il semblait à l'aise à l'archerie mais cela restait une impression. Quant à Léon, c'était un gaillard d'une vingtaine d'années qui maniait l'espadon car avant, il pratiquait le métier de bûcheron. Grâce à cela, il avait développé une musculature adéquate et suffisante pour son boulot, lui permettant d'utiliser des armes lourdes.
Link fut étonné d'apprendre qu'il avait été placé dans le groupe des épéistes malgré tout, mais le gradé lui expliqua qu'il n'entrait nulle part ailleurs et que les épées restaient des armes relativement plus proches de l'espadon que de l'arc ou de la lance. Et enfin, les informations sur Iris restaient très minimes : elle avait dix-sept ans et venait d'Écaraille. D'après son dossier, elle s'inscrivait en tant que future soldate puisque seul ce poste pouvait être accordé à une femme pour le moment. Et elle avait toujours vécu avec sa grand-mère. Voilà tout ce qu'il savait.
- Merci, ces informations me seront utiles, affirma Link qui réfléchissait déjà à la manière de les former.
Peu à peu, les trois apprentis le rejoignirent aux côtés du lieutenant qui leur souhaita bonne chance et qui congédia tous les autres. En regardant ses élèves, Link éprouva une certaine fierté inhabituelle à son titre de maître chevalier. Il avait déjà formé une première génération de chevaliers - toujours en apprentissage, soit dit en passant - mais jamais encore il n'avait ressenti une telle émotion. Certes, il était satisfait de ce qu'il avait fait pour tous les autres, mais là, c'était bien différent.
- Je pense que vous me connaissez déjà mais je vais quand même me présenter comme il se doit. Je m'appelle Link, et avant d'être Prodige et Capitaine de la garde royale, je ne suis qu'un simple roturier originaire d'Elimith. Alors traitez-moi comme tel et non comme une personne inaccessible. C'est compris ?
Tous trois hochèrent silencieusement la tête.
- Bien. Pour le moment, vous m'appellerez Capitaine. Je suis là pour vous aider à atteindre votre but. Mais en échange, je veux de la discipline de votre part et de l'obéissance. Vous ne devez pas discuter mes ordres, à part si vous le jugez vital. Je vais faire de mon mieux pour apprendre à vous connaître rapidement et vous guider.
La jeune Iris leva sa main avec timidité, ce qui fit sourire Pahya derrière le chevalier. Elle se revoyait trois ans plus tôt, tout aussi timide et mal assurée.
- Capitaine, où serons-nous logés ? Si j'ai bien compris, nous allons devoir vous suivre au château...
- Il y a des dortoirs là-bas, n'aie crainte. J'ai été dans la même situation que vous et j'ai très bien vécu mon apprentissage à la citadelle.
Apprendre cela soulagea les trois recrues : ils avaient tous tendance à oublier que Link n'avait pas un talent inné tombé du ciel. Lui aussi s'était durement entraîné pour atteindre son niveau actuel et sauver le royaume tout entier. Ce fut ainsi que le petit groupe rentra à la citadelle malgré la nuit qui enveloppait le ciel.
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