Chapitre 15
- Link !! Link, ouvre les yeux, je t'en supplie ! s'écria désespérément une voix sortie de nulle part.
Elle eut pour effet de le réveiller en sursaut, ou du moins de le tirer définitivement de l'emprise du sortilège sheikah. Lorsque ses iris bleus apparurent à Impa et Zelda, cette dernière poussa une faible plainte et prit brusquement son compagnon dans ses bras pour l'étreindre avec force. Elle pleurait déjà, ses sanglots ne firent que s'intensifier à cause du profond soulagement qu'elle éprouvait. Encore sous les effets du sort précédent, Link avait l'esprit embrumé et ne saisissait pas entièrement la situation. Il venait d'assister à la mise à mort de Zelda sous ses yeux. Alors comment pouvait-elle se trouver bien vivante devant lui ? De manière machinale, le jeune homme passa une main derrière le dos de Zelda puis la posa contre celui-ci comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas.
- Tu ne réagissais pas depuis cinq minutes, gémit la princesse en raffermissant sa prise sur lui. J'ai cru... J'ai cru qu'il était parvenu à te tuer...
La main de Link se mit à trembler. C'est vrai, il se trouvait maintenant dans le monde réel et n'encourait plus de danger. À son tour, le blond serra véritablement Zelda contre lui et ferma les yeux après avoir froncé les sourcils. Déesses, il avait eu si peur... Impa ne pouvait qu'assister à la scène sans pouvoir intervenir. Elle ne pensait pas que les événements avaient si mal tourné pour eux.
- Oswald, il... il t'a poignardée, prononça Link avec peine. Je t'ai vue, tu es tombée sans vie à ses pieds.
- J'ai rompu le sortilège dès l'instant où j'ai perçu sa présence derrière moi, lui apprit-elle sur le même ton. Mais je ne comprends pas... Je pensais qu'il s'arrêterait pour nous deux.
La vieille Sheikah se mit sur la gauche de Link et croisa les bras dans son dos.
- Il est possible que les diverses émotions de Link, après cette attaque, aient engendré ce retard de reprise de conscience. Je crois même que le sortilège n'a pas su résister face à ce qu'il a pu ressentir en vous voyant inanimée, Votre Altesse. N'est-ce pas ?
Elle adressa un regard interrogateur au chevalier qui était manifestement perdu. Lui-même n'en savait rien. Durant un long instant, il avait cru perdre ce à quoi il tenait le plus dans ce monde. La suite, il ne l'avait pas maîtrisée. Zelda se redressa puis essuya les larmes sur ses joues rougies par les pleurs. Maintenant, elle devait se convaincre que tout allait bien et que le danger s'était dissipé avec le sortilège.
- Je me doutais bien que vous recroiseriez ce traître d'Oswald, mais je n'imaginais pas qu'il en viendrait à vous faire du mal.
- Impa, tu nous as renvoyés à notre enfance ! lui reprocha la princesse.
Sa vive anxiété se transformait maintenant en colère, et elle la relâchait sur la première personne à qui elle pouvait parler. Zelda en voulait réellement à l'ancienne magistrate et ressentait le besoin de le lui faire savoir.
- Je suis désolée, s'empressa de lui dire sa nourrice en courbant la nuque. Si j'avais eu plus de temps pour maîtriser le sortilège, cette faute de ma part n'aurait jamais eu lieu. Je ne pouvais pas non plus prévoir qu'Oswald s'en prendrait à vous.
Les lèvres de la princesse se pincèrent, Link posa une main sur son avant-bras pour la calmer et abaisser la tension qui régnait dans la pièce.
- Nous sommes hors de danger maintenant, tenta-t-il pour l'apaiser. Tu n'as plus à te soucier de moi.
- C'est impossible, Link ! Comment peux-tu toujours faire passer ta personne au second plan ?!
Elle posa une main sur sa tête puis recula jusqu'à ce que son dos touche l'une des bibliothèques du bureau de la conseillère. Un soupir non dissimulé s'échappa de ses lèvres.
- Je suis exténuée... avoua Zelda à mi-voix. J'ai le sentiment de subir en permanence mon rang social ainsi que ma nature divine. N'y aura-t-il donc jamais un jour où on me laissera respirer ? Il y a un siècle, le clan Yiga ne désirait que ma mort car je portais le sang de la déesse Hylia. Quant au peuple, il attendait de moi que je tienne mon rôle jusqu'au bout et que je sois une princesse exemplaire digne de reprendre le royaume en main une fois mon père éteint. Et il y a quelques minutes à peine, je risquais un assassinat, tout comme l'homme dont je suis amoureuse !
Ses traits du visage se contractèrent tandis que Link et Impa écoutaient en silence la princesse qui dévoilait tout ce qu'elle avait sur le cœur.
- Toute cette fatigue n'est due qu'à une accumulation d'événements qui n'ont cessé de me dépasser peu à peu. J'aime mon peuple, croyez-moi... Mais je n'ai plus la force de le guider convenablement. Si... Si tout avait été différent dès le début, jamais je n'aurais été là devant vous pour vous dire une telle chose. Mais c'est un fait.
Elle ancra son regard dans celui de son fiancé dont le ventre se tordit de façon désagréable.
- Je ne peux plus continuer ainsi. Ce semblant de voyage dans le temps a été la goutte de trop.
- Zelda...
Link se leva pour la rejoindre mais la jeune femme dressa sa main devant elle pour qu'il s'immobilise.
- Non, nous en avons déjà parlé à Elimith. Je ne reviendrai pas sur ma décision.
- Puis-je en connaître la nature ? demanda soudainement Impa avec sévérité.
Les deux femmes s'échangèrent un regard dur comme jamais auparavant. Pour la première fois, Link assistait à une réelle confrontation entre elles et ne savait comment intervenir. Toutefois, peut-être valait-il mieux rester silencieux pour pouvoir réagir avec justesse par la suite.
- Ne me dites pas que vous comptez abdiquer ?
- En mon âme et conscience, appuya Zelda avec fermeté.
- C'est de la folie ! Cessez immédiatement ce caprice et reprenez vos esprits.
Les yeux de l'Hylienne s'agrandirent et son rythme cardiaque accéléra suite à l'afflux de détermination dont elle faisait preuve.
- Un caprice ? répéta-t-elle presque dans un souffle. Est-ce un caprice que d'aspirer à une vie différente ?
- Vous êtes née princesse et vous mourrez reine, tel est le destin de toutes les Zelda qui vous ont précédée ! Vous ne pouvez vous y soustraire de la sorte.
Zelda serra les poings et fit un pas en avant, les larmes aux yeux.
- Mais je n'ai jamais demandé à naître de sang royal ! De mon enfance jusqu'à présent, j'ai toujours accepté mon devoir et l'héritage qui m'attendait. Je te prie de me croire, Impa, laisser mon peuple aux mains des quatre représentants ne me laisse pas indifférente ! J'ai conscience que cela représente un abandon. Et pourtant, le royaume a su tenir debout durant cent ans sans le moindre monarque à sa tête. Penses-tu qu'il puisse en avoir de nouveau besoin à l'heure d'aujourd'hui ?
- J'en suis profondément convaincue, Princesse, rétorqua la Sheikah en plissant les yeux. Vous représentez la figure de ces terres, un exemple à suivre. Le peuple a besoin de quelqu'un pour le guider dans la voie de reconstruction et lui donner espoir en l'avenir.
Zelda souffla du nez pour se montrer indignée et elle se mit de profil vis-à-vis de sa nourrice en posant une main sur sa hanche. Ne parviendrait-elle jamais à changer l'avis d'Impa ?
- L'avenir d'Hyrule a été sauvé grâce à Link et la paix s'est installée pour les siècles à venir. Quant aux Hyruliens, ma présence n'a pas l'air d'avoir eu de réels impacts sur leur existence, se défendit la princesse sans regarder la vieille femme.
- Mais...
- Cette discussion est close. Tous les arguments du monde ne me feront pas revenir en arrière. Je suis la seule maîtresse de mon destin et je ne laisserai plus personne le définir à ma place.
Un voile attristé passa sur son visage.
- J'entends que ma décision ne soit pas simple pour toi. Je te ne demande pas de la comprendre. J'aimerais seulement... que tu l'acceptes.
Impa la dévisagea longuement, elle mesurait toutes les conséquences que ce choix engendrerait. D'une certaine manière, Zelda avait raison : ces cent ans d'absence n'avaient pas réduit à néant l'organisation du royaume bien que tout ait été chamboulé par l'ère de Ganon. Mais tout de même... Link passa à côté de la Sheikah et vint rejoindre sa fiancée.
- Peu importe la voie que tu choisis. Tu auras toujours mon soutien.
Elle lui adressa un sourire reconnaissant pendant que l'assurance la gagnait davantage. Quant à Impa, elle poussa un long soupir et se pinça l'arête du nez pour réfléchir. Maintenant que tous les deux étaient fiancés, elle ne pouvait pas tenter de raisonner Link pour atteindre Zelda d'une autre façon. Il avait juré allégeance à la princesse de toutes les manières qu'il soit.
- Soit, je vais devoir me résigner, concéda Impa en regardant sur le côté. Sachez que je n'approuve pas votre choix.
- Je le conçois. Après tout, tu as connu l'ancienne époque alors que nos contemporains sont nés sous une ère où la royauté hylienne n'existait plus.
Impa haussa les épaules puis se mit de trois quarts car tourner le dos à son souverain ou au dauphin était un affront impensable. « Les temps changent » pensa la Sheikah avec affliction. Malheureusement, à son échelle, elle n'y pouvait rien. Avec lenteur, la tension diminua dans la petite pièce et l'air devint plus respirable pour eux trois. Zelda reprit place sur un siège car leur discussion n'était pas terminée. Il fallait maintenant rapporter à Impa ce qu'ils avaient appris lors de l'illusion.
- À propos de notre enquête, reprit Link malgré son hésitation. Nous n'avons rien trouvé dans le bureau des conseillers mais nous nous sommes rendus une nouvelle fois dans le temple car Zelda a éveillé certains de ses pouvoirs divins.
Il expliqua comment cela avait été possible, ce qui sidéra Impa dans un premier temps. Puis le chevalier lui raconta comment la princesse avait montré le jour où il y avait eu les derniers occupants dans le temple.
- Nous avons découvert d'une part que la clé n'avait rien de matériel, et d'autre part qu'il n'y avait qu'un seul moyen pour ouvrir la porte.
- Ne te fais pas prier pour me le dire... Va droit au but.
- Seul un Soneau en serait capable. Cependant, comme tu le sais, ils ont disparu depuis des millénaires.
Les sourcils de la cheffe sheikah s'arquèrent aussitôt tandis qu'elle cessa de respirer sur le moment. Pourquoi précisément ce peuple ? Impa se tint le menton et fixa ses pieds durant sa réflexion. Est-ce que cela coïncidait avec... Non, c'était bien trop gros. De plus, les témoignages dataient d'il y a plusieurs millénaires, alors comment en être sûre ?
- Il y a quelque chose que je ne vous ai jamais dit, dit-elle d'une voix grave. Seul le roi, Oswald et moi le savions, cela grâce à notre statut de conseiller royal. Nous n'avons que très peu d'informations à propos des Soneaux. Mais il y a de cela dix mille ans, voire plus, ce peuple aurait été sous le joug du royaume. De ce que m'a raconté notre feu souverain, les criminels hyruliens étaient envoyés aux Soneaux pour une raison que j'ignore, et ces derniers se chargeaient de leur peine. Imaginons un instant que ce temple soit en fait une prison que seuls les membres de ce peuple pouvaient ouvrir. Cela expliquerait pourquoi nous leur envoyions nos détenus.
- Permettez-moi d'en douter, intervint Zelda en se tenant les mains. S'il s'agit réellement d'un temple, jamais ils n'auraient pu s'en servir de prison. C'est une profanation... Le seul moyen de le savoir reviendrait encore une fois à passer la porte. Hélas, c'est impossible. Il semblerait que nous soyons voués à être bloqués dans une boucle de réincarnation éternelle.
Impa afficha un air bien plus grave que précédemment. Elle était très mitigée. Rien n'était perdu, une solution se présentait toujours à elle, mais la dévoiler reviendrait à divulguer un énième secret qui ne la concernait pas directement. Impa inspira puis se dirigea vers la porte avant de s'arrêter sur le seuil.
- En vérité, tous les Soneaux n'ont pas disparu.
- Si tu fais allusion à ce meurtrier qui en est probablement un, je crains que cela ne nous mène nulle part, soupira Zelda.
La Sheikah secoua négativement la tête.
- Il y a ce garçon, reprit-elle avec embarras. Il porte un tatouage de hibou sur le bras, à l'image des statues que l'on peut trouver dans la forêt de Firone. Son énergie vitale n'est semblable à aucune autre des représentants des peuples actuels.
Elle tourna la tête vers Link qui n'osait même plus bouger. Il avait comme un mauvais pressentiment. Peut-être qu'au fond de lui, il connaissait déjà la réponse.
- Le jeune apprenti du nom de Thomas est un descendant des Soneaux. Il sera le seul capable de vous aider.
- C'est... C'est absurde, bégaya Link en passant une main sur sa nuque. D'où viendrait-il dans ce cas ? Thomas est originaire d'Elimith.
- Il ne t'a sans doute pas tout dit, souligna Impa qui s'approchait de lui. L'un de ses parents descend de ce peuple. Les Soneaux auraient migré il y a dix mille ans ? C'est une question qu'il est légitime de se poser. Après tout, un bon nombre d'Hyliens ont quitté le royaume lors du retour du Fléau. Et maintenant, vous le constatez bien. Ils reviennent sur les terres de leurs ancêtres.
Un silence s'installa et plana avec lourdeur. Thomas, un Soneau... Le chevalier avait bien du mal à y croire. Son apprenti n'en avait pas l'apparence. Il ressemblait à un Hylien comme les autres, rien dans son physique ou dans son attitude ne ressemblaient à ce peuple. Mais après tout, Link ne les avait jamais connus. Il ne pouvait rien avancer à ce propos. La nouvelle question qui se posait était de savoir si l'archer serait d'accord pour les aider. Peut-être même qu'au fil des siècles, ses ascendants avaient fini par perdre la capacité d'ouvrir la porte. Était-ce une faculté accordée à tous les Soneaux ? Impa sortit quelques instants du bureau et fit appeler l'apprenti pour qu'il rejoigne la princesse dans les plus brefs délais. Quant à Zelda, elle observait son compagnon afin de décrypter les divers sentiments qui l'agitaient. Thomas se présenta dans le quart d'heure. L'incompréhension et l'appréhension se lisaient sur son visage. Voir l'ancienne conseillère royale, la princesse et le capitaine de la garde royale réunis témoignait bien de l'importance de sa convocation. Ce fut Zelda qui prit la parole.
- Merci de t'être déplacé, le gratifia-t-elle sans sourire pour autant. Je vais t'épargner les détails de ta venue pour faire au plus vite.
Thomas retint son souffle. Avait-il commis une quelconque bêtise ?
- Nous devons ouvrir une porte au fond d'un temple soneau. Hélas, seul un membre de ce peuple en serait capable. Impa nous a appris que tu serais l'un de leurs descendants. C'est pourquoi je viens quérir ton aide, si tu l'acceptes.
Le brun en resta sans voix. Son regard glissa vers Impa qui semblait désolée d'avoir répété ce secret entre elle et lui. Il percevait le poids des attentes de la princesse ainsi que de son compagnon. Son aide semblait particulièrement précieuse à leurs yeux.
- Je... Je n'ai aucune raison de refuser, bredouilla-t-il avec nonchalance. Seulement, je ne suis pas certain d'être à la hauteur de vos attentes.
- Nous devons essayer pour le savoir, sourit Zelda. Merci Thomas, nous te sommes reconnaissants.
Cette bienveillance dont elle faisait preuve intimida le jeune homme qui se sentit rougir. Néanmoins, quand il vit son capitaine se mettre devant lui et le regarder de toute sa hauteur, Thomas se fit plus petit face à ses yeux froids. Vraisemblablement, Link ne partageait pas le même enthousiasme que sa fiancée.
- J'aimerais te parler. Seul à seul, ajouta le chevalier en marquant une distance notable entre eux.
Le brun déglutit.
- À vos ordres...
oOo
Les deux Hyliens quittèrent les murs du château pour se rendre dans l'un des jardins réservés à la princesse ou à ses amis les plus proches. Link invita son apprenti à s'asseoir sur un banc, ce qui accentua le malaise du brun. Il ne comprenait pas la soudaine fermeté de son supérieur ni même la raison de cette mise à l'écart.
- Bien. Maintenant que nous sommes seuls, dis-moi d'où tu viens réellement.
- J'ai toujours vécu au village d'Elimith, répondit Thomas.
Link lui montra clairement qu'il n'en était pas convaincu.
- Vois-tu, comme l'a précisé tout à l'heure Son Altesse, seul un Soneau est capable d'ouvrir la porte du temple de Firone. Or celle-ci a été ouverte récemment.
Les lèvres du brun se décollèrent quand les morceaux s'assemblèrent dans son esprit. Immédiatement, il se leva mais Link le força à se rasseoir dans la seconde.
- Je vous conjure de me croire ! s'exclama-t-il avec empressement. Je ne mens pas, je suis né et j'ai vécu à Elimith jusqu'à mon entrée dans la forteresse d'Akkala il y a plus d'un mois ! Je n'ai rien à voir avec ce temple, je ne savais même pas qu'il en existait un dans cette région du royaume...
Ses dires confirmèrent les doutes de Link. Oui, il y avait forcément un deuxième Soneau quelque part. Et ses pensées dévièrent vers le meurtrier en question qu'il avait croisé une fois. Il était tellement atypique avec son tatouage et ses iris luminescents qu'il avait un profil vaguement similaire à celui de Thomas. Cependant, les yeux de l'archer n'avaient jamais émis la moindre lueur dans la pénombre.
- Le motif sur ton bras, commença Link en fronçant les sourcils. A-t-il déjà brillé la nuit ?
Le brun détourna la tête pour cacher sa gêne.
- Oui... avoua-t-il simplement.
Un frisson parcourut le dos du chevalier. Maintenant, il en avait le cœur net. Pourquoi un Soneau cherchait tant à le nuire ? Jamais Link n'avait vu cet homme. Jamais. Et il venait du temple. Décidément, un élément échappait au Héros. Il y avait quelque chose derrière cette porte. Pas une simple pièce, non. Peu de suppositions s'envisageaient mais elles semblaient presque impensables. Le temple était peut-être l'entrée de souterrains, ce qui expliquerait où auraient été gardés les criminels hyruliens dix mille ans plus tôt. Il devait y avoir autre chose. Ces fresques sur les murs... Ne témoignaient-elles pas d'événements passés ? Elles relataient une histoire qui concernait certes le peuple soneau mais aussi la famille royale d'Hyrule. Et si les hypothèses de Pru'ha s'avéraient justes, alors il y aurait aussi des informations sur le cycle des réincarnations. Les Soneaux étaient un peuple gardien, pensa Link à la fin de sa réflexion. Sous différentes formes.
- Pardonne-moi si je t'ai brusqué, s'excusa le chevalier qui reporta son attention sur Thomas. Avec la princesse, nous avons été très chamboulés aujourd'hui. Merci pour ton aide. Nous ferons de nouveau appel à toi avant de partir pour la région de Firone.
- Je me tiens à votre disposition... Quand partirions-nous ?
Le blond regarda l'une des tours du château.
- Connaissant la princesse, elle voudra se mettre en route dès demain. Voire après-demain. Surtout, n'en parle ni à Iris ni à Léon. Je ne veux pas impliquer tout le monde dans cette affaire.
Cette dernière phrase inquiéta d'autant plus l'archer.
- Serait-ce une mission dangereuse ?
- Je ne pense pas. Du moins, je ne l'espère pas. Je ne dois pas oublier qu'un assassin est à ma poursuite pour une raison que j'ignore. Je vais me renseigner pour savoir s'il y a de nouvelles informations à son sujet. Donc prends ton arc et tes flèches en conséquence.
Sur ce, Link le salua puis prit congé pour rejoindre Zelda. Un domestique lui annonça que la princesse n'était plus en présence d'Impa mais se trouvait actuellement dans ses appartements. Le chevalier s'y rendit sans tarder, il devinait que le moral de sa compagne ne serait pas aussi haut qu'à l'accoutumé. Surtout après tous les aveux faits à Impa. Lorsqu'il fut devant la porte de la chambre princière, il frappa avec douceur et dut patienter un long instant avant que la princesse ne se décide à lui ouvrir. Le visage de sa fiancée avait perdu ses couleurs habituelles pour laisser place à un teint pâle et inquiétant.
- Nous devrions parler, commença à dire Link afin d'observer la réaction de Zelda.
Celle-ci demeura mutique et l'invita à s'asseoir sur l'un des sofas de la pièce. Elle prit ses distances et se mit à quelques mètres du prodige, ce qui interpela ce dernier.
- Tu aurais dû me dire que ton rôle te pesait. Je serais venu t'épauler pour t'en alléger le poids.
Zelda fit non de la tête, le regard rivé au sol. Ses mains tremblaient nettement bien qu'elle tâchait de le cacher.
- J'avais honte, lui confia-t-elle sur la réserve. J'ai toujours pris très à cœur mon devoir d'héritière royale, tu le sais mieux que quiconque. Mais jusqu'à maintenant, mes pires souvenirs sont uniquement dus à ma condition de princesse et de descendante de la déesse Hylia. Et cela, je ne peux le supporter plus longtemps...
Elle regarda le chevalier qui eut un pincement au cœur. La voir éprouver de la peine ne lui avait jamais plu, Link se sentait toujours impuissant face à ce sentiment.
- Suis-je une lâche si je renonce à mon titre ? demanda-t-elle d'une voix tremblante. Déesses, mon père n'aurait jamais approuvé mon choix...
Zelda se tint les bras et se recroquevilla sur elle-même. Le jeune homme décida de briser la distance qu'elle imposait, s'approcha d'elle, posa un genou à terre puis lui prit la main qui possédait l'alliance.
- L'amour que te portait ton père n'avait pas de limite, la rassura Link en affichant un air affecté. Il désirait que les peuples d'Hyrule ainsi que toi puissent bénéficier d'un avenir où vous pourriez vous épanouir.
- Mais il en a été autrement... Le vœu de mon feu père ne s'est jamais réalisé.
Link esquissa un sourire discret qui se voulait bienveillant.
- Détrompe-toi. Nous avons accompli ensemble ce qu'il souhaitait pour Hyrule. Zelda, il faut que tu m'écoutes et que tu comprennes ce que je vais te dire.
Il adopta une nouvelle expression sérieuse tandis que les sourcils de la damoiselle se haussèrent légèrement.
- Nous ne pouvons pas vivre selon les désirs qu'ont eus les défunts lors de leur existence. Tu n'as pas à culpabiliser, tu entends ? Je serais certainement maladroit en te disant cela mais hélas, ton père ne connaîtra jamais ton choix d'abdiquer.
Ce fut trop pour Zelda qui éclata véritablement en sanglots en repensant au roi. Elle ne pouvait plus se retenir, trop d'émotions l'animaient et lui compressaient la poitrine. Une fois de plus, la princesse serra Link contre elle pour y déceler ce réconfort dont elle manquait terriblement. Zelda savait qu'elle devait passer par cette étape de détresse avant celle de l'acceptation totale de sa décision. Par la suite, elle aurait enfin l'esprit tranquille et le cœur léger. Mais pour cela, elle devait bien mener un combat contre elle-même et tous les fantômes du passé.
- Bientôt, tout sera fini, lui promit Link dans un souffle car il sentait que sa voix normale ne suivrait pas. Mais tu devras rester forte jusque-là. Est-ce que tu t'en sens capable ?
Elle acquiesça faiblement en guise de réponse silencieuse. Zelda se devait de rester digne et à l'écoute de son peuple jusqu'à la dernière seconde où elle porterait la couronne sur sa tête. L'Hylien prit une mèche de cheveux de sa compagne puis la replaça derrière son oreille. En quelques mouvements, il prit Zelda puis la porta sur son dos, ce qui arracha un hoquet de surprise à cette dernière.
- Link, qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle en dépit de sa voix enrouée. Repose-moi...
- Je ne peux pas accepter de te voir pleurer plus longtemps. Allons commencer les préparatifs.
Au moins, cela devrait lui réussir à lui changer les idées. Zelda lui tapota les épaules tandis qu'il se dirigeait lentement vers les escaliers en colimaçon au fond de la chambre.
- Voyons, c'est indécent ! s'indigna la princesse dont les pleurs s'estompèrent peu à peu.
Sa remarque fit rire Link qui se mit à trottiner vers les marches tandis que sa fiancée se tenait tant bien que mal à ses épaules pour ne pas tomber. Finalement, elle rit à son tour avec maladresse, reniflant avec discrétion par moments, jusqu'à ce que son compagnon arrive sur le petit pont menant à l'étude. Arrivés dehors, ils furent accueillis par la chaleur des rayons de soleil qui leur réchauffa la poitrine et le cœur par la même occasion. Zelda se fit plus petite pour ne pas être vu par les gardes en contrebas, mais Link ne semblait même pas s'en soucier. Une fois dans la pièce ronde, il se mit dos au bureau puis y déposa Zelda dessus avant de se retourner. Il lui embrassa le front avec hâte puis se rendit devant l'un des coffres où se trouvaient les carnets de recherche de la princesse. Suivi par ses deux iris verts, il revint vers Zelda puis chercha une page vierge afin d'y noter les premières informations.
Link y inscrivit ce qu'il avait appris avec Impa, à savoir que les Soneaux formaient un peuple gardien et qu'ils auraient servi la famille royale d'Hyrule pour des transferts de prisonniers. De plus, ils avaient tous l'air de posséder des tatouages sur la peau. Les motifs brillaient la nuit, tout comme les gemmes nox. Ce détail intrigua tout particulièrement Link. Pourquoi luisaient-ils dans la pénombre ? S'il se souvenait bien ce qu'une bijoutière gerudo lui avait dit, les gemmes nox aurait une relation avec les âmes défuntes. Un peuple gardien, des âmes défuntes... Qu'est-ce que tout cela signifiait ? À côté de lui, Zelda reprenait petit à petit son calme et observait son compagnon qui s'était figé.
- Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle pour rompre le silence.
Link leva les yeux vers elle, l'embarras se lut sur son visage.
- Nous en savons si peu sur les Soneaux. Toute cette histoire a éveillé chez moi l'envie d'en apprendre plus sur eux et sur le rôle qu'ils ont eu lors de la dernière apparition du Fléau. Si on en croit Pru'ha, ils sont liés d'une quelconque manière au cycle des réincarnations. C'est ce qu'elle m'a dit la première fois où elle a évoqué le temple de Firone. J'en viens à me demander s'ils n'ont pas un lien avec les déesses.
- C'est un peu difficile à croire mais c'est une hypothèse comme une autre. Nous en saurons plus demain.
Le chevalier se montra un peu surpris dans un premier temps. Eh bien... Zelda voulait vraiment terminer ces recherches le plus vite possible.
- Dans ce cas, je préviendrai les quatre représentants de notre départ prochain, annonça Link en refermant le carnet. Nous ne pouvons pas quitter le château sans leur donner quelques directives.
- Tu as tout à fait raison. Il serait intolérable de ma part de laisser les affaires du royaume entre leurs mains dans de telles conditions.
Il fut donc convenu que Link irait transmettre les instructions de la princesse aux quatre représentants pendant que celle-ci préparerait toutes les affaires nécessaires pour le voyage.
oOo
Le jour du départ, la princesse vint au chevet de Pahya afin de vérifier que son état s'améliorait, au moins doucement. D'après l'un des membres de son clan qui participait à ses soins, sa vie n'était plus en danger mais il valait mieux pour elle de reprendre connaissance le plus tôt possible car pour le moment, Pahya ne se nourrissait et ne buvait plus. Quant à Pru'ha, elle se hâtait de trouver une alternative au Sanctuaire de la Renaissance. En effet, elle cherchait un moyen pour que la cure n'altère plus la mémoire du sujet et permette un rétablissement plus rapide. Si elle découvrait une solution pareille, alors Pahya pourrait être soignée sans encombre. Dans la chambre de la blessée, Zelda arrosait la fleur déposée par sa grand-mère puis elle pria un long moment pour son rétablissement. Lorsqu'elle eut terminé, la prêtresse royale sortit et se dirigea vers ses appartements afin d'y prendre ses dernières affaires puis rejoindre Link.
Alors qu'elle marchait dans un couloir jusqu'alors désert, elle croisa le chemin d'Impa qui venait voir sa petite-fille. Elles se saluèrent d'un hochement de tête et s'éloignèrent l'une de l'autre. Mais presque dans la foulée, Zelda se retourna et attrapa un pan de son chemisier, visiblement peu à l'aise.
- Impa ? Puis-je te parler ?
- Si c'est à propos votre abdication, vous avez clôturé la discussion.
Le cœur de Zelda rata un battement puis accéléra soudainement. Ce n'était pas de cela dont elle voulait parler. Avec timidité, elle regarda sur le côté puis prit son courage à deux mains.
- En fait, depuis quelques temps, j'ai remarqué une amé...
Elle s'arrêta pour observer la réaction de sa nourrice. Quand elle la vit hausser les sourcils en signe de stupéfaction, Zelda préféra se taire et achever la discussion.
- Non, oublie ce que je viens de te dire. Je me fais des idées.
La jeune femme tourna les talons et s'en alla rapidement, laissant derrière elle Impa qui restait sans voix.
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