Chapitre 29
""De ces silences troublants qui apaisent les cœurs naît la sagesse d'accepter notre vulnérabilité. Car reconnaître que l'on est plus faible que quelqu'un d'autre n'est pas une honte, mais une force. Dans la lumière de la Lune, chaque étoile brille différemment, et il est dans cette diversité que réside la beauté du cosmos. Être humble face à la puissance d'autrui nous enseigne que la véritable force ne réside pas dans l'illusion de la perfection, mais dans la capacité à s'ouvrir aux leçons que les autres nous offrent, à embrasser nos limites et à croître dans l'ombre des géants."
~La Lune
Dans le rayon Chrono, les ombres se matérialisèrent pour former une belle bibliothécaire aux cheveux corbeaux.
Ses talons claquaient le sol à un tempo parfaitement régulier et maîtrisé, posant ses deux yeux violacés sur les feux follets qui dansaient une valse sans fin au rythme du tic tac des secondes. Mais Dorcas avait une autre valse à leur proposer.
Si Cléa savait être aidée par les feux follets comme si c'était ses amis, Dorcas imposait son joug sur les feux, qui ne pouvaient qu'obéir.
Une jeune blonde arriva soudainement, attirée par le bruit. Elle ne pouvait en croire ses yeux.
-Non ! Laisse les !
Une ombre dévorait les feux comme dans un festin royal, dans un écœurant bruit de mastication.
Solem débarqua en même temps qu'elle et utilisa un feu follet de Torture en plein sur Dorcas. Plusieurs feux follets de mort hurlaient au drame et à la tragédie tout autour de lui, horrible chant d'âmes cherchant du réconfort.
Et pendant tout ce temps, Ombrage dévorait un par un chaque feu follet Chrono, profitant de l'absence de tout les autres Bibliothécaires, comme si tout était prévu depuis le début.
Mais Cléa s'interposa. Entourée des feux follets de vent, elle déchaîna soudainement une bourrasque qui aurait dût envoyer valser Ombrage dans le décor.
Mais Ombrage n'était qu'une ombre... Le vent le traversait, comme impalpable. Mais quand il éleva ses griffes effroyables, elles défigurèrent la jeune blonde qui tomba au sol, ensanglantée.
Dorcas ressentait la torture de plein fouet, mais elle se releva, plus stoïque que jamais. La douleur, elle la subira mille fois s'il le fallait, mais cela ne l'arrêtera pas.
Jamais.
- Regarde toi... Tu brises les règles, et tu deviens un héros. Mais quand c'est moi qui le fait, je deviens l'ennemie à abattre.
Elle éleva ses bras, et Ombrage se dédoubla en une nuée de loups entourant Solem. Dévorant les feux du bibliothécaire comme des petits pains.
- Je trouve pas ça normal.
Elle ne jouera pas à la loyale avec un être qui brisait ses propres règles. Solem ne méritait pas sa pitié.
Solem lui en balança d'autres. Les feux follets de mort se refugièrent dans les manches de leur propriétaire.
-Ta gueule, fit-il séchement. Bénédiction des Sages.
La bibliothèque tourna sur elle-même, pour devenir un vide, blanc comme des perles. Ils n'étaient plus dans la Bibliothèque, mais dans l'imaginaire même de l'endroit. Comme si celui-ci n'était pas un simple lieu, mais une personnalité pleine de vie, possédant rêves et cauchemars comme n'importe quel mortel.
-Règle numéro 1 : Les nouveaux n'utilisent pas les feux follets dans les derniers rayons.
Solem montra deux doigts à Dorcas, le pouce et l'index.
-Règle numéro 2, on n'amène pas de démon ici.
- Tu ne répliques rien d'autre ? Tu admet que tu brises tes propres règles ?
Elle eût ce regard condescendant, le regard d'une femme qui voyait un homme qui a déjà perdu.
-Démon, hein...
- Oui... un démon... mais pas n'importe lequel.
On ne connaissait pas le véritable prénom de Ombrage... Mais sa gueule, ses dents ignobles, plus le fait qu'il empestait les ténèbres les plus infernales qui puissent exister... Ce n'était pas un démon normal. Il dévorait tout : âmes, feux follet, êtres vivants, tel une bête de l'apocalypse.
- Même au bout de milliers d'années d'expériences, aucun bibliothécaire n'a voulu m'apprendre les feux majeurs. J'ai appris moi même.
Et il était sûr d'une chose, Dorcas pliait les âmes et les feux follets à sa volonté aussi bien que les plus avisés. Des feux follets de mort corrompus par les ténèbres sortirent de sa manche, comme s'ils n'obéissaient plus qu'à la magie noire.
Des feux follets impies.
- Aller, laisse-moi passer. Je ne voudrais pas endeuillé Mire inutilement.
Quand il entendut le prénom de Mire sortir de la bouche de Dorcas, l'imagination de la Bibliothèque se retourna sur elle-même dans une silencieuse agonie. Tout éclata. Comme une bulle bouillante. Plus aucun feu follet n'était présent dans la Bibliothèque lorsqu'ils revinrent.
-Te rends-tu compte de ce que tu fais ? fit Solem dans un soupir.
Puis le bibliothécaire s'écroula au sol, inconscient. Des larmes coulaient de ses yeux de verre, dévalant ses joues comme des cascades.
Le regard de Dorcas se fit soudainement plus hésitant, comme si l'éclat de ténèbres qui la dévorait avait durant une demi seconde disparu, laissant les remords revenir et la tristesse avoir sa place dans son regard.
Elle regarda le corps inerte de Solem et celui, ensanglanté, de Cléa à ses pieds.
- Non, je ne suis pas vraiment consciente. C'est comme si quelque chose me pousse à... Je regrette tellement.
Mais cela ne dura pas assez longtemps, son regard redevint vide de toute pitié.
- Ce démon est tout ce qu'il me reste d'elle.
Dernier héritage d'une famille que le monde a soignement oubliée et détruite. Sa famille, son histoire, son héritage...
- Tout ce que je fais est pour elle... Elizabeth reviendra parmi les vivants. Peu importe les sacrifices. Je ferais tout. Je détruirais et reconstruirais le monde, s'il le faut !
Prête à sacrifier un peuple entier pour une seule personne. Jamais l'amour n'a était aussi cruel. Et des larmes coulaient de ses yeux violacés. C'était là ce qui fasait de Dorcas un être aussi dangereux : L'amour.
Elle était capable de détruire le monde par amour.
Mais quand Dorcas regarda autour d'elle... Plus rien. Aucun feu follet n'était rester. Elle haussa un sourcil.
- J'aurais préféré tout prendre et vous désarmé une bonne fois pour toute. Mais ce n'était qu'un bonus. L'essentiel est qu'Ombrage ai déjà dévoré vos feux follets Chrono.
Un vieux fantôme apparu au dessus d'eux, recueillant le corps de Solem dans son imagination en une collection de rosaces mauves et roses.
Grand Sage ne jeta qu'un regard à Dorcas. Un regard de pitié pure, comme s'il comprenait un peu ce qu'elle faisait. Si les elfes n'avaient pas été si violents, à l'époque... Si les étoiles n'avaient pas soigneusement tissée cette tragédie...
Tant de regrets dans les yeux d'un fantôme qui n'avait rien fait et qui n'aurait rien pu faire.
Dorcas regarda Solem disparaître, ses yeux violacés était plongés dans ceux du fantôme, si compréhensifs... Si réconfortants. Elle avait comme envie d'être comprise, aidée, sauvée, peut-être. Mais son démon lui sussura quelque chose à l'oreille, et, aussitôt, elle retrouva la détermination de réussir ce pourquoi elle a tant sacrifié.
Dorcas détourna son regard sur la jeune Cléa, défigurée un peu plus tôt et au sol, inerte. Elle avait essayée de s'interposer en vain face à Dorcas avant que Solem n'arrive... Et la voilà défigurée par les griffes du monstre d'ombre.
Dorcas posa deux doigts sur la tempe de la jeune blonde, et elle lui sussura un maléfice à l'oreille.
- Obumbratio cordis tui non recedet.
L'ombre de Cléa ondulait et ondoyait, prenant forme et vie avant de se glisser à l'intérieur de la jeune bibliothécaire, comme pour en prendre possession et la corrompre.
- Lève toi et tue tout ceux qui se trouvent sur ton chemin. J'ai besoin de plus de souffrance pour mon sortilège.
Le corps de Cléa s'assombrit, sa peau devint pâle et ses yeux autrefois azurs virent au noir total : sombre vide anéanti de toute humanité. Son corps se désarticula et se releva telle une marionnette en chiffon. Et le sourire figé de Cléa, ses yeux noirs vitreux, dérangeants... La corruption lui avait dévoré son libre arbitre, et elle se mit en marche vers l'infirmerie.
-Horrible, lui murmura le mur derrière elle. Égoïste...
Grand Sage soupira, assistant à la scène avec un désintérêt total.
Le vieux fantôme fonça par la suite dans une bibliothèque. Les Bibliothècaires n'allaient pas défendre la Bibliothèque, mais l'inverse. Hors de question de laisser le vide prendre pas sur son idylle.
Dorcas balaya ses cheveux de noirceur en réponses aux dires des murs. Cela lui donna un tendre sourire sur ses lèvres parfaites.
- Je sais, merci, fit la sorcière satisfaite.
Oh oui, elle était atrocement égoïste, mais pire encore : elle s'en vantait. Ses escarpins claquèrent le sol de la bibliothèque et elle traça sa route, inarrêtable.
-Méchante. Égoïste. Mauvaise fille, crachaient les murs.
Les bibliothèques se mirent à bouger, créant un vrai labyrinthe étrangement incassable, œuvre des mains de Grand Sage le Sage.
-Bouge. Essaie. Rien. Le Vide.
En une incantation ténébreuse, Dorcas se métamorphosa en ombre et traversa les bibliothèques sans les casser.
- Grand Sage... Où es-tu ? Ne te cache pas chéri... Tes tours de passe passe sont inutiles contre moi.
Ses talons claquaient le sol d'un rythme régulier et inéluctable. Son sourire carnassier et son regard assassin s'accentuait... La sorcière avait un plan trop bien ficelé pour être si facilement détruit.
- Je sais que ton âme est toujours dans les parages. Et si je te capture, les protections de la bibliothèque ne seront plus aussi indestructibles... Plus personne ne pourra se cacher de ma dictature.
-Dans une tour balayée de Vent, le sage attend... fit un mur à côté d'elle.
-Là où les yeux des dieux regardent le plus bas... fit le plafond.
-Quelque part où les dieux veillent en silence, où l'obscurité est la plus profonde, où la lumière a ses droits, où la flamme ne subit pas l'eau, où la terre ne subit pas l'air, et là où les morts naissent et meurt, fit le plafond.
Au début, Dorcas sourit comme une gagnante. Mais l'humour de ce vieux sage n'était pas assez élaboré pour une reine, une impératrice comme elle.
- Bien. Assez joué.
La sorcière avait attendu toute sa vie pour faire cela : elle n'aurait jamais pu utiliser un sort aussi puissant, mais grâce à l'artefact récupéré dans les sous-sol du château des elfes, elle pouvait tout réaliser.
Dorcas sortit son arme ultime : le grimoire du Nécromanticon. Dont l'aura même de ce livre semblait rappeler le néant et l'apocalypse. Allégorie même des ténèbres et de la corruption.
Elle l'ouvrit, libérant des vagues de noirceur au sein même de la bibliothèque.
-Tsss... ܥܘܪܡܫܐ. ܡܘܬܐ
Encore cette langue plus ancienne que le temps, sonorités aux milles syllabes. Grand Sage pourra sans aucun doute reconnaître la langue du Chaos Primordial qui a écrit ce grimoire maudit.
Les énergies les plus atroces qui existent s'infiltrèrent dans la Bibliothèque, non pas pour les détruire, mais pour corrompre l'imaginaire de ces lieux, comme on influence un esprit, un subconscient. Lentement et avec assurance, les ténèbres corrompaient les sortilèges du Grand Sage.
Les rêves de Grand Sage tinrent bons. Le Necromanticon avait bien moins de puissance, ici. Comme si... Comme si Grand Sage le Sage l'avait banni de ce petit îlot de bonheur.
-Fillage des désespérés.
Plus aucune ombre ne rentra dans la Bibliothèque. Plus aucune. Grand Sage tua toutes les autres avec ses propres mains, honneur qu'il ne réservait d'habitude que pour les grands de ce monde.
-N'espère pas gagné ici. Rien ne peut nous battre, nous. Va voir ailleurs, pour tes malheurs et laisse nous tranquille, firent les murs.
- Non.
Toutes les âmes sacrifiées, toutes les souffrances du génocide... Toutes ces ténèbres pouvaient nourrir le Necromanticon, plus qu'avant. Même les idylles d'un vieux sage devaient avoir une fin.
Dorcas apportait la fin.
L'enfer frappa violemment sur les protections de la bibliothèque. Sa propre souffrance se déversa dans sa magie noire. Dorcas aurait voulu crier. Elle refusait de perdre, et cette hargne, cette douleur, ce cœur détruit... Tout ça nourrissait son familier.
Ombrage devenait plus fort à mesure qu'il dévorait l'âme de Dorcas, jusqu'à égaler les Dieux. Il allait dévorer les rêves et les idylles du Grand Sage... Il le fallait... Même les bibliothècaires n'échapperaient pas à la réalité de ce monde !
- VOUS NE SEREZ PAS EPARGNÉ ! ARRÊTEZ DE VOUS CACHEZ DANS VOTRE BONHEUR ILLUSOIRE !
Les ombres tuées finirent par exploser dans leur propre putréfaction de ténèbres et de corruption, ravageant les environs de vide.
Ne laissant autour de Dorcas que du noir. Mais la bibliothèque restait instacte. Comme si Grand Sage était assez têtu pour ne pas voir la vérité en face. La jeune elfe au milieu de son cercle noir n'avait réussi avec toute sa souffrance qu'à faire un trou... Un vide.
Un manque.
Une partie d'elle-même.
Grand Sage avait mit Dorcas dans quelque chose de nouveau... Pire encore que le pragmatisme qui, jusque là, l'avait fait gagner : le sage l'avait poussé dans sa rage la plus sombre... Et plus que tout, l'envie de tout détruire.
Ombrage, le démon, sourit. Il fallait à Dorcas une défaite pour la faire sombrer.
Grand Sage ne se défit pas. Son papy a dit : Protège les feux follets et les Bibliothécaires. C'était sa raison de vivre. Il était né pour ça. Les dieux l'avaient reconnu. Hors de question.
Les rêves de la Bibliothèque firent un gros bloc, faisant imploser le vide autour de Dorcas à l'aide d'un cadeau des dieux : une orchidée précieuse. Ravageant le noir en d'autres fleurs déclicates d'innocence.
-Aucun vide ne passera.
-Le Sage gagnera.
-Le feu survivra ! hurlèrent les murs.
Dorcas et Ombrage se firent expulsés de la Bibliothèque des Âmes par la force de Grand Sage. Dorcas n'avait pas compris l'une des leçons de sa mère :
On ne se battait pas contre l'Imaginaire dans un lieu crée à partir d'Êtres Supérieurs.
C'était une évidence.
~~~~~
Dorcas ouvrit les yeux en sortant de sa méditation. Ombrage, dans son ombre, sourit alors que l'impératrice frappait du poing sur l'accoudoir de son trône.
Diorcas... Dorcas... je suis là.
Dorcas... Dorcas... nous avons ce qu'il nous faut.
Dans le ventre du démon, stockés à même son corps, intouchables, les feux follets chrono suffoquaient dans la noirceur.
Dorcas... Dorcas... Je te rendrais ta famille.
Dorcas.... Dorcas... Laisse moi te rendre tout ce qui t'as été voler.
Ses mots résonnaient dans sa tête comme une sussure. Le Démon dans son ombre était d'un silence atroce. Sans bouche ni lèvres, il sussurait ses mots manipulateurs à même l'esprit de Dorcas. Et l'impératrice si détruite par sa toute première défaite, ne prit le temps de remettre en cause les paroles de son ombre.
-Où sont les refugiés ?
...Ils sont au Jardin des Artistes mon impératrice...
Dorcas avait besoin d'une vengeance. Et de plus de souffrance pour son sortilège. Ombrage était si proche du but.
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