J9 Pierre Fourier

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Pierre était un jardinier hors pair. Entre ses mains n'importe quelle friche se transformait en un jardin de maître.

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Au fil des années, Pierre aux mains d'or, comme le surnommait Marie, était devenu l'ami et le confident de celle qui veillait à ce qu'il ne manquât de rien.

Les chemins de Marie et de Pierre se croisèrent dans une clinique de la banlieue Strasbourgeoise : la clinique Notre Dame.

Adolescent, Pierre avait été diagnostiqué schizophrène, et sa mère qui n'y croyait vraiment pas, avait cherché d'autres médecins qui accepteraient de l'écouter. Elle les trouva à la clinique où Marie logeait à l'année.

Ce centre médical était financé par le patronat catholique strasbourgeois, et le président du conseil d'administration n'était autre que le père de Marie. La clinique, pour ainsi dire, s'était montée pour cette dernière. Née avec une malformation de l'artère carotide, Marie risquait sa vie à chaque choc. Ses parents avaient alors décidé de lui créer un cocon paradisiaque, qu'elle ne voudrait jamais quitter.

L'hôtel particulier devint au fil des années le terrain des jeux calmes de la fille. Mais Marie s'ennuyait. Son père eut alors l'idée de faire venir d'autres enfants. C'est ainsi que le premier service de pédopsychiatrie moderne voyait le jour. Dans la nouvelle aile, Freud et sa psychanalyse étaient proscrits. Les mères n'étaient plus pointées du doigt pour expliquer les désordres psychologiques de leurs enfants.

C'est dans ce contexte que Pierre intégra la clinique. À 13 ans, ce jeune garçon avait déjà été renvoyé de plusieurs écoles. « Votre fils est un vrai psychopathe », « Sa place est chez les fous » étaient les paroles qu'entendait Odile Fourier à longueur d'année.

À la clinique, Odile pleura toutes les larmes que son petit corps avait emmagasinées. À la clinique, Odile put enfin confier son fils, et pour la première fois de sa vie de maman, elle s'octroya des vacances.

Pierre fut accueilli dans la nouvelle aile de pédopsychiatrie. Il y suivit des cours de remise à niveau en français, en histoire et en mathématiques. Il y apprit à dessiner et apprit à jouer de la musique sur un piano crapaud. Il y découvrit aussi les premiers émois pour une jeune fille qu'il voyait régulièrement dans les jardins intérieurs. Elle était belle et toujours souriante, mais elle avait déjà 20 ans, et voyait en Pierre un petit garçon. À l'époque, Marie lisait beaucoup et aimait partager ses lectures. Tous les pensionnaires aimaient l'écouter. Pierre disait que grâce à elle, il voyageait partout où les histoires le conduisaient.

Peu de temps après, les parents de Marie moururent dans un accident. Pour la première fois de sa vie, elle était libre. Sans réfléchir, elle quitta tout ce qui faisait son monde, et abandonna sa clinique.

Pierre se sentait vidé, et connut une grave dépression. Il n'avait que quinze ans à l'époque. Peu de temps après, son diagnostic d'autisme tomba. On lui expliqua que les émotions étaient démultipliées dans son cas. Comme un flash, ces informations lui permirent de remonter la pente, et d'accepter l'aide des soignants.

Rapidement, il gagna en autonomie, et apprit le métier de jardinier paysagiste. Il avait beaucoup de talent, et collabora à la construction d'un grand jardin paysager autour de la clinique. Le jardin avait été commandé par Marie à un certain Ambroise de Seze. Comme exigence, elle avait demandé trois choses : des wagons, des nains et Pierre comme collaborateur.

Pour les wagons, Marie en avait acheté plusieurs aux enchères. Le numéro 9 fut offert à la clinique, et installé dans le jardin intérieur où Marie faisait ses lectures. Ambroise avait offert son jumeau portant le numéro 7 pour le jardin extérieur. Et celui portant le numéro 8 avait été posé dans les jardins du château familial, où Marie avait créé un mémorial pour ses parents.

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Pierre s'approcha doucement de Noëlle. Il lui tendit la rose blanche ainsi qu'une lettre écrite de la main de Marie.

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