J6 Nicolas

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- Milou, au pied mon chien !

- Ouaf... ouaf... la réponse du chien de Nicolas se faisait lointaine.

- Milou !

Nicolas appelait son chien tout en s'enfonçant dans la mine. La lampe torche de son téléphone ne suffisait pas à rassurer ce grand bonhomme d'un mètre quatre-vingt-dix. La grotte était sombre, et Nicolas avançait au ralenti : malgré ses vingt années bien tassées, il gardait en mémoire les araignées de Harry Potter ou du Seigneur des Anneaux. Ces petites bêtes, il les avait en horreur. Jeanne et Louis, de cinq ans ses cadets s'en amusaient d'ailleurs beaucoup.

Ces derniers n'avaient pas oublié les Contes de la Crypte que Nicolas s'amusait à leur raconter, et avaient trouvé dans ces petites choses à huit pattes des alliées de valeur dans la vengeance qu'ils concoctaient à chaque retour à la maison du grand frère.

La voix de Milou se renforçait à chaque nouveau pas de son maître : il était sur la bonne voie.

- Wow wow wow !!! Répéta Nicolas en approchant de son chien.

Devant lui se dressait majestueuse, une locomotive verte et rouge.

- Quel genre es-tu ?

Pour seule réponse Nicolas entendit un faible écho, mais il n'abdiqua pas pour autant. Armé de son nouveau téléphone Nokia à clapet, doté d'un appareil photo 2 Mo et d'un flash, il mitrailla la bête de métal, se promettant qu'il ferait tout pour que la locomotive soit visible au grand jour.

*

À 30 ans, Nicolas avait déjà installé de la lumière dans les souterrains. La locomotive avait été nettoyée et repeinte aux couleurs d'origine. Elle portait le numéro 1.

Jeanne et Louis n'étaient jamais bien loin. À vingt-cinq ans, les jumeaux avaient mis de côté leurs vieilles rancunes, et aidaient Nicolas selon leurs possibilités, et surtout leurs disponibilités. Leur grand frère voyait les choses en très grand : il espérait remettre la mine en marche.

Nicolas, l'architecte, dessinait les plans. Louis, l'artiste créait les figurines et les peintures murales pour raconter l'extraction minière du charbon, et Jeanne l'intrépide géologue, et spéléologue, s'assurait que les profondeurs n'allaient pas les enterrer si vite.

Elle passait son temps à explorer toutes les galeries espérant sans doute trouver d'autres trésors, mais elle revenait systématiquement bredouille jusqu'à ce jour béni du vingt-cinq décembre 2015. Ce jour-là, elle découvrit une plaque portant le numéro 6. Mais Jeanne ne s'arrêta pas là : en poursuivant, elle trouva le wagon orphelin, sens dessus dessous.

Un an plus tard, grâce à un système ingénieux de poulies, de cordes et d'hélices, la fratrie réussit à extirper le wagon de sa cavité. Il fut nettoyé et remis à neuf, avant d'être placé derrière la locomotive.

Jeanne et ses deux frères étaient fiers de ce qu'ils avaient réussi à accomplir, et se donnèrent RDV aux prochaines vacances pour trouver d'autres wagons. Ils s'imaginaient pouvoir trouver les numéros 2, 3, 4 et 5 renversés dans d'autres cavités.

L'histoire ne se poursuivit pas comme ils l'espéraient : après avoir fini l'examen de toutes les cavités, la fratrie dû abandonner son projet.

C'est à contre-cœur que les trois levèrent leurs verres à la santé de la mine cette nuit de la Saint Sylvestre, passage obligé pour 2018.

Par la suite, les rassemblements familiaux se raréfiaient. Pendant que Louis faisait le tour du monde des arts, Jeanne conquérait les souterrains de la planète. Nicolas, quant à lui, poursuivait tranquillement son projet minier, tout en modernisant et sécurisant le domaine familial.

C'est dans cet état d'esprit que les routes de Nicolas et de Gégé se croisèrent. Leur communion était telle que la rumeur d'une relation plus qu'amicale fit grand bruit dans la campagne Vosgienne. Nicolas n'y attachait pas d'importance, et le Jay de l'époque aurait pu en jouer, mais ce dernier se sentait plus qu'irrité à chaque fois que Jeanne en plaisantait.

La petite sœur de Nicolas profitait à nouveau de ses vacances pour les passer aux côtés des deux hommes. Sans vraiment comprendre pourquoi, elle était à nouveau attirée par la mine.

© Wafa Babin