Rdv de l'Avent - J24 Adèle
J24 Adèle
Ce matin de novembre, Adèle reçut un courrier recommandé. Elle l'ouvrit et tomba littéralement sur sa chaise. Elle venait de fêter ses vingt printemps, et le contenu du courrier la bouleversa.
En quelques mots, elle apprit qu'elle avait un père, qu'il venait de décéder, et que sa demi-sœur lui demandait de la rejoindre en Alsace pour prendre la direction des affaires familiales.
Sa première réaction était de penser à une mauvaise plaisanterie, mais la présence d'un faire-part de décès, et d'un chauffeur prêt à la conduire aux funérailles lui avait permis d'orienter autrement son regard.
*
Adèle se remémora la première fois qu'elle avait demandé à sa mère qui était son père. Cette dernière disait simplement qu'elle ne pouvait pas en parler, et qu'elle avait promis le secret, mais que son père continuerait à veiller sur leur bien-être.
Mais Adèle n'aimait pas l'idée de disposer de tout sans en connaître l'origine, et s'imaginait régulièrement être la fille illégitime d'un mafieux ou d'un politicien, peut-être même de monsieur François Mitterrand en personne.
À 16 ans, elle trouva un petit poste d'apprentie coiffeuse. À 18 ans, elle partit de la maison et ne vécut plus que sur ses propres deniers. Elle connut des fins de mois difficiles, et surtout la faim. Elle fréquenta par moments les Restos du Cœur, et quand elle trouva son premier poste, elle continua à fréquenter les Restos mais en tant que bénévole.
*
Adèle regardait silencieusement par la vitre. Elle était confortablement assise à l'arrière d'une limousine et se disait en elle-même qu'elle aurait pu prendre le train et donner cet argent à ceux qui en avaient le plus besoin.
À son arrivée, elle fut accueillie par une gouvernante. Elle lui indiqua la chambre rouge. À l'intérieur, une penderie portait plusieurs tenues adaptées au deuil. Avant de se changer, Adèle prit du temps pour observer la pièce. Les murs de la chambre étaient tapissés de volcans en éruption qui donnaient cette ambiance rouge métal à la chambre.
Perdue au sommet du Vésuve, Adèle fut surprise par un coup sourd. Il ne venait pas de la porte, mais d'une tapisserie à l'opposé de la pièce. Son regard fixa l'endroit, et elle fut surprise par l'entrée fantomatique d'une jeune femme frêle.
— Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous effrayer.
— Vous plaisantez ! Je n'ai jamais eu peur des fantômes.
Marie sourit à cette évocation, mais il est vrai que sa robe en mousseline blanche sur un corps squelettique lui donnait l'apparence d'un spectre.
— Je m'appelle Marie Berger. J'aimerais vous prendre dans les bras, et vous embrasser, mais je n'y ai pas le droit.
— Vous avez peur que je vous contamine avec ma pauvreté !
— Votre pauvreté n'est que financière, ça se soigne. La mienne malheureusement ne guérira jamais.
Devant la perplexité de sa demi-sœur, Marie ajouta : « je souffre d'une maladie congénitale qui me prive de liberté. Alors, voyez-vous, vous n'avez pas grand chose à m'envier. »
*
Adèle avait à nouveau le visage collé à la vitre de la limousine. En partant, elle promit à Marie de réfléchir à son offre : un poste de direction dans les entreprises familiales, et le financement des études pour à terme prendre le relais de leur père à la tête de l'association des cinq familles amies.
Quelques larmes coulèrent sur ses vêtements neufs. En quelques heures elle découvrait une sœur – avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête –, et des nouvelles responsabilités qu'elle était libre de ne pas accepter. À sa gauche, sa mère lui caressait la main. Elle aussi avait été conviée dans la famille. Les deux femmes trouvèrent en Marie une amie solide.
*
Ce matin de décembre, veille de ses cinquante ans, Adèle ouvrit une lettre de mission écrite il y a cinq ans par sa sœur : elle l'adoubait gardienne du wagon 24. Elle comprit alors que la confrérie avait trouvé sa nouvelle protectrice en Noëlle, sa nièce et filleule.
Ce courrier sonnait l'heure du rendez-vous ultime.
© WafaBabin
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro