J22 Françoise-Xavière

Le 20 août 1955 naquit une belle demoiselle aux joues roses et potelées. On lui donna le nom de Françoise-Xavière.

Sa mère mourut en couche. L'accoucheuse, une dame kabyle très expérimentée, en avait pleuré de longs mois. Cette jeune accouchée qu'elle avait dû laisser partir n'était autre que son unique fille, Katia. Elle la banda au mieux pour pouvoir l'habiller avant que le corps ne se rigidifie. Elle confia ensuite la petite à une nourrice expérimentée.

Son père François-Xavier de Buisson, jeune diplomate, fut arrêté par un groupuscule terroriste sur le chemin du retour. À Constantine, comme ailleurs cette année-là, des émeutes, des attentats et des massacres étaient perpétrés en nombre. François-Xavier mourut égorgé à la minute où son épouse adorée donnait naissance à leur bébé.

Francia, comme la surnommait sa nourrice grandit au milieu d'une grande famille Kabyle. Blonde, aux yeux bleus, elle avait ce quelque chose de plus qui pétillait dans le regard. Toute petite déjà elle avait conscience de l'importance de son rang : fille d'un noble français et petite fille d'un chef kabyle. Elle était heureuse.

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En 1962, le général De Gaulle accorda l'indépendance à l'Algérie, et le monde de Francia s'écroula. Elle retourna en France comme pupille de l'État, et fut accueillie dans un orphelinat de la région lyonnaise. Dans cette maison, sa route croisa celle d'une certaine demoiselle Lucie.

Demoiselle Lucie avait quelques années de plus que sa nouvelle amie, qu'elle voulait protéger de tout. Lucie jouissait d'une intelligence hors norme et avait planifié toutes leurs vies d'adultes.

En 1968, la mode hippie arriva jusqu'au sein de l'orphelinat. Lucie attrapa le virus "peace and love", et s'en alla découvrir le monde. Un ancien pensionnaire lui fournit un tuyau qui semblait excellent, en lui proposant une colocation d'un genre nouveau. Lucie partit en promettant d'écrire souvent et surtout de revenir chercher Francine à l'âge de son émancipation.

Francine attendit patiemment jusqu'au jour où on la demanda dans le bureau de la mère supérieure. Elle était certaine d'y trouver Lucie, mais ce n'était point elle : un certain Henri Berger l'attendait. Elle eut beaucoup de mal à cacher sa déception, mais ses origines aristocratiques reprirent le dessus devant cet homme si distingué.

Maître Henri Berger se présenta comme l'ami intime de son grand-père. Ce dernier avant sa mort lui avait confié ses regrets de ne pas avoir retrouvé la trace de son unique petite fille, et demanda à Henri de continuer sa quête. Il a fallu à Henri plusieurs années pour y arriver.

Francine redevint ce jour-là Françoise-Xavière pour ne plus jamais changer. Henri devint son ami et conseiller en affaires. C'est aussi par son intermédiaire qu'elle rencontra son futur époux, monsieur d'Estaing. Leur mariage fut célébré en grande pompe, avec des invités du monde entier. À cette occasion, Henri lui confia une charge toute particulière : celle de gardien du wagon numéroté 22, confiée auparavant à son grand-père.

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Après plusieurs fausses couches, Françoise-Xavière put enfin donner naissance en 1990 à une petite fille qu'elle appela Alice en souvenir des contes que lui lisait Lucie.

D'ailleurs Lucie lui manquait, et Françoise-Xavière fit tout ce qui était en son pouvoir pour la retrouver. Elle alla même jusqu'à demander l'aide de la famille Berger avec qui elle était restée en excellent terme.

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Une nuit, Marie frappa à la porte de la maison d'Estaing. Elle n'était pas seule. Francine reconnut aussitôt celle qui avait partagé ses années de galère, et ne la laissa plus repartir. Lucie demeura avec Alice plusieurs années après le décès de sa meilleure amie, qu'elle pleure encore aujourd'hui.

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