J14 Odile

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Odile mettait sa quiche lorraine dans le four, au moment où on ouvrit la porte. Pierre, Marie, François-Xavier et Lili arrivaient directement de la région lyonnaise.

Odile les accueillit toute sourire, soulagée de voir que Pierre supportait cette surcharge cognitive. Elle avait connu ses hauts et surtout ses bas, et vivait encore avec l'angoisse de le voir à nouveau au plus profond.

Pierre lui présenta les invités avant de l'aider à préparer la table.

À bientôt 70 ans, Odile n'avait plus la force qu'elle montrait plus jeune, mais elle gardait la détermination des jusqu'au-boutistes. Elle, qui avait tant d'amour à offrir, ne regrettait rien des sacrifices consentis...

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Odile avait 20 ans quand elle rencontra Éric. Ils fréquentaient la faculté des sciences : il étudiait la maïeutique, pendant qu'elle faisait sa pharmacie. Ils étaient très amoureux. Un amour fou, voire fusionnel. On les croyait finir leurs vies ensemble.

Avec ses premiers salaires, Éric invita sa bien-aimée à faire de la plongée au Pérou. Un soir, devant une bonne bouteille, il sortit le grand jeu : un beau saphir pour aller avec les yeux bleus de sa belle en mini-jupe turquoise. Ils étaient alors au bord du lac Titicaca, et passaient leur plus belle soirée ensemble. La nuit qui suivit fut tellement parfaite, qu'Odile se la remémorait à chaque fois que ça n'allait pas.

Odile avait 25 ans quand Pierre était venu au monde. Il avait des goûts alimentaires particuliers puisqu'il n'aimait pas le lait. Après l'arrêt de l'allaitement, Odile lui introduisit rapidement les petits pots, mais il refusait la diversification. Vers 3 ans, Pierre ne mangeait que deux aliments : le saucisson sec, mais d'une marque en particulier, et la pomme de terre, vapeur ou frite.

Il était tellement difficile qu'aucune garde d'enfants ne voulait de lui. Elle avait donc dû prendre un long congé maternité, mais espérait qu'avec l'école, elle pourrait retravailler.

L'entrée à l'école s'était passée sans larmes, mais rapidement Pierre fut renvoyé pour violences. Il n'était plus admis qu'à temps partiel. Ce même cirque se produisit pendant toute la maternelle : partout Pierre était montré comme un monstre, et partout il répondait avec les poings.

En primaire, le centre scolaire fit intervenir les services sociaux. Ces derniers enlevèrent l'enfant pour le faire examiner. Un premier diagnostic fut posé sur un trouble envahissant du développement. La garde ne fut pas retirée aux parents, mais on demanda à la mère d'être moins omniprésente, car selon Freud et Jung, la mère était responsable de tous les troubles de l'enfant.

Pendant ce temps, le couple allait mal : tout l'amour qu'Odile pensait partager avec son époux s'effritait tel une "peau de chagrin." Un jour Éric plia bagage, et partit sans dire au revoir. Odile gardait secrètement l'espoir de son retour, mais il ne rentra pas. Quelques années plus tard, elle reçut une demande de divorce, qu'elle renvoya en mille morceaux.

Pierre grandissait, mais ses troubles ne s'amenuisaient pas pour autant. Après plusieurs séjours en psychiatrie, Odile entendit parler par sa sœur d'une clinique qui accueillait les enfants en errance diagnostique. C'est ainsi que Pierre put intégrer la Clinique Notre Dame. C'est aussi là-bas que leur route croisa celle de Marie.

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Odile avait beaucoup de choses à dire, et Marie avait besoin de compagnie. Très rapidement leur amitié vit le jour. Marie parlait de tout avec celle qui avait presque l'âge de sa mère. Elle lui raconta notamment son expérience de mort imminente à 12 ans, et la demande de Saint Nicolas de reconstituer son train. Elle lui confia aussi comment les anges lui parlaient et lui expliquaient où trouver les wagons manquants.

Odile ne savait pas trop quoi croire, mais elle jouait le jeu. Un jour Marie lui demanda d'acheter le wagon 14 chez un ferrailleur. Odile était perplexe, mais tout se passa comme Marie l'avait expliqué.

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