J15 Ninon

*

— Bonjour Madame Antoine.

— Bonjour Noëlle, il paraît que la quête avance bien ?

— Oui, nous avançons plutôt bien. Romaric n'est pas là ?

— Il est parti se promener avec les jumeaux.

— Ah…

— Tu peux l'attendre, si tu veux. Ils ne vont pas tarder. Tu va pouvoir tout me raconter devant une bonne tasse de chocolat chaud.

— D'accord, merci.

Pendant qu'Othilie s'affairait dans la cuisine, le regard de Noëlle s'arrêta sur un pan de mur rempli de photos, toutes plus surprenantes les unes que les autres.

— Ah ! Je reconnais bien là la fille à sa maman. Marie aussi aimait les photos.

— Vous avez été pilote ?

— Copilote, mais ce n'est pas moi.

— Ah bon ! Elle vous ressemble beaucoup.

— Oui, c'est ma jumelle. Elle s'appelait Ninon.

— S'appelait… oh, excusez-moi.

— Elle était merveilleuse ma Ninon, mais elle était surtout une tête brûlée. Pour elle tout risque était bon à prendre. Elle pouvait traverser le pays pour un bon spot.

— Elle est morte comment ?

— D'un cancer de la thyroïde.

— Mon père est médecin, et il dit toujours que c'est le meilleur cancer à avoir. Et qu'il suffisait d'avoir quelques doses d'iode radioactif en centre de médecine nucléaire, et que le tour était joué.

— Drôle de façon de parler du cancer.

— À la maison on parle librement des maladies.

— Ma sœur ne s'écoutait pas, et les médecins ne pouvaient rien lui proposer. Mais comme disait Marie : « Vaut mieux mourir heureux et jeune, que vieux et malheureux. »

— Maman disait ça ?

— Un truc dans le genre, en tout cas.

— Madame Antoine, sur le plan que j'ai récupéré de chez Daniel, il y a beaucoup de drapeaux posés sur le pâté de maison. Qu'en pensez-vous ?

— Ah, les wagons de la mine. Il y en a quelques uns dans le secteur. C'est pour sûr.

— Vous savez où ils sont ?

— Quelques uns, oui.

— Comment ça ?

— Peu avant de mourir, ta maman m'a nommée présidente de la confrérie des gardiens du train de Saint Nicolas.

— Ça consiste en quoi ?

— Rassembler les wagons et trouver la locomotive.

— Du coup, ce que j'ai découvert…

— Oui, je le savais déjà.

— Pourquoi m'avoir laissée partir alors ?

— Il faut bien que jeunesse se fasse. Et puis le plus important dans une quête, ce n'est pas le résultat, mais le chemin parcouru, et les rencontres faites tout au long. Ta maman a fait cette route avant toi, tu sais.

— Oui j'ai cru le comprendre. Mais elle n'a pas réussi à trouver la locomotive, et il y a un autre wagon qui manque.

Othilie eut un léger sourire.

— Quoi, j'ai loupé un épisode ?

— Je pense surtout que la carte de Daniel date un peu.

Noëlle interrogeait Othilie du regard lorsque la porte s'ouvrit sur trois garçons. Les jumeaux accueillirent Noëlle avec beaucoup d'enthousiasme, tandis que Romaric resta en observateur.

Le goûter fut aussitôt servi, et Noëlle put déguster de délicieux gâteaux aux épices.

— Romaric, tu devrais conduire notre invitée dans la réserve.

Les deux jeunes adultes se regardèrent. Le cœur de Noëlle se mit soudainement à accélérer. Romaric l'invita à le suivre, et la conduisit dans le jardin.

Il s'arrêta devant une porte, et fit demi-tour. Noëlle qui ne s'y attendait pas, lui rentra dedans. En réponse à cette collision, il referma ses bras sur elle et l'embrassa. Peu après, ils entrèrent main dans la main dans ce local préfabriqué, et se figèrent devant un wagon à l'apparente nouveauté.

— Je viens juste de finir de le repeindre.

— C'est lequel ?

— C'est le 15. Si tu veux, on peut fixer la plaque ensemble.

— Ensemble.

Les deux tourtereaux tenaient la plaque d'une main et se serraient de l'autre…

© WafaBabin