Chapitre 18
« Il est inconsolable, soupira Namjoon, ça fait deux jours qu'il est dans cet état.
- Je comprends pas pourquoi les émotions lui infligent ça, admit Taehyung, pourquoi elles ne lui envoient pas un peu de joie ?
- Tae, Jimin s'est enfui sans un mot quand il lui a avoué aimer les hommes, souffla Hoseok. Tu croyais quoi ? Jin c'est un gars bien, mais il a toujours été émotif.
- Il ne répond vraiment plus ? s'enquit Jungkook d'un ton soucieux.
- Jin lui a laissé deux messages pour ne pas sembler trop insistant non plus, il a essayé de le voir à la sortie des cours aussi, mais Jimin l'évite comme la peste. Ça le tue. Chaque seconde il regrette un peu plus de lui avoir tout avoué.
- Et encore, ajouta Namjoon, heureusement qu'il ne lui a pas dit qu'il avait des sentiments pour lui, ça aurait été le coup de grâce.
- Vu comme il s'est enfui, répliqua Hoseok, je pense qu'il a deviné que Jin l'aimait : après tout, ils étaient en train de parler de dormir dans le même lit quand la conversation a dévié, et Jimin est son seul ami. À moins d'être vraiment débile, il a forcément tout de suite compris que Jin avait des sentiments pour lui et que c'était ça qui le gênait tant. Et Yoongi qui reste cloîtré dans sa salle... Jungkook, t'es vraiment sûr de pouvoir l'en faire sortir ?
- J'y travaille, je crois que ça avance... »
Jungkook avait un air sérieux qui finit de persuader son aîné. Ce dernier était conscient qu'il y avait eu du progrès, car le jeune rêve érotique lui avait affirmé que désormais Yoongi et lui discutaient un peu tous les jours et qu'il pensait réussir à le convaincre de revenir en salle de réunion d'ici la fin de la semaine à venir.
Tout n'était bien évidemment pas vrai : certes, Jungkook avait la sensation de bien avancer avec Yoongi, mais pas parce qu'ils parlaient.
Ça avait plutôt quelque chose à voir avec le fait que désormais, chaque fois que Jungkook toquait à la porte des archives du petit cauchemar, ce dernier ouvrait, ils échangeaient un bref regard, et Yoongi le tirait à l'intérieur pour qu'ils partagent des baisers brûlants et passionnés. C'était rude, sauvage, et Jungkook repartait toujours sans un mot. Mais aucun doute : il y avait quelque chose d'extrêmement puissant entre Yoongi et lui.
C'était quelque chose de brutal qui ne pouvait s'exprimer qu'à travers leurs lèvres, leur langue et leurs mains. C'était quelque chose qu'ils ne contrôlaient pas mais qu'ils adoraient. Jungkook ne pouvait pas ignorer à quel point il se sentait porté par le plaisir dès l'instant où Yoongi l'attirait dans sa salle, et il ne pouvait pas non plus nier les battements fous de son cœur lorsqu'ils échangeaient le premier baiser de la journée.
C'était inexplicable autant qu'inqualifiable, mais tous les deux adoraient ça. Yoongi avait le sentiment d'évacuer sa frustration à travers cette passion qu'ils exprimaient, quant à Jungkook il avait l'agréable impression que plus son aîné faisait passer sa colère et sa détresse dans ses gestes, plus il s'en délivrait. C'était fougueux, exquis, ça les liait sans qu'ils aient besoin d'échanger le moindre mot. Les langues servaient à bien autre chose qu'à la parole. Il n'était pas question de perdre du temps en dialogues inutiles.
Jungkook, érotisme incarné, ne pouvait pas rêver mieux que le froid et brutal cauchemar pour qui il bouillonnait désormais de désir. Et dire que trois semaines plus tôt, il n'envisageait même pas de lui adresser la parole...
« Je vais aller le voir, décida-t-il en se levant soudainement, pour la plus grande surprise des trois autres rêves présents.
- Bonne chance, souffla Namjoon, t'en auras besoin. »
De son côté, le rêve heureux n'avait pas à se plaindre : certes, le Jimin dont Jin était amoureux s'était révélé ne pas être celui qu'il espérait tant, mais son image, elle, n'avait pas changé pour autant. Jimin ne changeait de comportement que lorsqu'il incarnait un rôle dans les rêves de Seokjin, le reste du temps, il demeurait ce jeune acteur absolument adorable qui avait immédiatement su voler le cœur de Namjoon. C'était la seule preuve dont Namjoon avait eu besoin : les images avaient bel et bien le pouvoir de se détacher de ceux qu'elles représentaient, Jimin avait une conscience propre. Devant la caméra, il n'était qu'une poupée incapable de penser par elle-même, mais une fois le rêve achevé, il retrouvait cette personnalité qui lui était propre et que l'inconscient lui avait accordé à sa création.
De même, Namjoon était toujours aussi accro à lui, autrement dit la passion qu'il éprouvait pour lui l'avait poussé à se détacher lentement des émotions de Jin : ce n'était pas parce que le véritable Jimin l'avait déçu que Namjoon allait lui aussi ressentir pour son image adorée un quelconque sentiment négatif. Le rêve heureux d'ailleurs passait chaque jour plusieurs heures avec son amant. Ils se promenaient, discutaient, agissaient comme les couples que Jin connaissait – ceux des dramas et des dessins animés.
Autrement dit, ils étaient niais mais heureux, contrairement à Jin qui était loin d'être au top de sa forme. C'était justement quelque chose qui inquiétait tout le monde dans le département des rêves, aussi bien scénaristes qu'acteurs et réalisateurs. L'inconscient continuait d'effacer les rêves, qu'ils jugeaient non propices à l'état d'esprit de Jin, et chacun savait qui connaissait la solution à ce problème : Yoongi.
Mais ce dernier restait dans son coin, refusant de sortir. Hoseok et Namjoon avaient fini par lui demander de revenir, or la tentative avait été couronnée d'un refus magistral de la part de Yoongi qui leur avait demandé de « foutre le camp illico ». Ni l'un ni l'autre n'aurait jamais cru que leur ami se sentait à ce point abandonné. Bien sûr, Yoongi avait souvent réclamé le droit d'écrire un rêve, mais les trois autres scénaristes de l'époque avaient pensé bien faire en lui refusant ça, ils ne voulaient simplement pas que Seokjin se sente mal.
Pourtant, depuis le début, c'était Yoongi qui avait raison : peut-être qu'un bon cauchemar aurait pu tempérer les sentiments de Seokjin, le pousser à réfléchir au sujet de ce qu'il ressentait plutôt que de l'avouer. Ils avaient été aveugles, et croyant bien faire ils s'étaient perdus.
Jungkook fila à travers les couloirs pour rejoindre le lieu dans lequel son amant s'était retiré plusieurs semaines plus tôt. Dès qu'il fut arrivé devant la haute porte, il toqua et s'annonça. Alors le battant fut tiré, tout comme Jungkook que Yoongi saisit par le col pour l'attirer dans ses bras et le serrer contre lui, reposant simplement la tête dans son cou. Le jeune rêve érotique l'enlaça à son tour, une expression sereine sur le visage. Il passa la main dans ses cheveux d'un noir de jais et finit par lui caresser la joue. C'était rare qu'ils ne se jettent pas immédiatement dessus, mais parfois entre deux brûlants échanges, tout ce dont Yoongi avait besoin, c'était d'une étreinte réconfortante.
Jungkook inspira profondément et se décida à parler :
« Yoongi, il faut que tu reviennes.
- Tais-toi, c'est pas pour que tu parles que je te fais entrer, grommela l'autre contre son cou.
- Tant pis, je dois te le dire quand même : Seokjin va de plus en plus mal, il met des heures avant de s'endormir, et l'inconscient nous censure littéralement. On ne peut pas écrire de cauchemars, c'est toi qui dois le faire, c'est pour ça que tu existes. Alors s'il te plaît, fais ton boulot, fais ce que tu sais faire, fais ce pour quoi tu es ici : écris.
- Je peux pas, je...
- Bien sûr que si, répliqua Jungkook en le coupant immédiatement. On a tous reconnu qu'on avait eu tort, on est désolés de t'avoir mis de côté et ignoré. Promis, ça va changer. Regarde... moi j'ai déjà changé pour toi. »
Et tandis qu'il disait ces mots, Jungkook laissa glisser la main qu'il avait sur sa joue dans sa nuque, afin d'attirer Yoongi à lui pour lui voler un tendre baiser. Le petit cauchemar ne fit rien, ne dit rien, se laissant simplement porter par la douceur de ce moment. Il ne chercha pas à effectuer la moindre pression sur les lèvres de Jungkook, il préférait simplement goûter à ce chaste baiser que lui offrait celui qui désormais faisait battre son cœur.
« Je sais qu'on n'en a pas vraiment parlé, souffla Jungkook en s'écartant de lui, mais je voulais te le dire : je t'aime. J'ai bien conscience que ça peut sembler stupide d'avoir changé si vite d'avis à ton sujet, mais j'ai fini par te comprendre et par voir qui tu étais réellement. Tu avais beau me repousser, moi j'avais l'impression que ça nous rapprochait, simplement parce que tu ne te cachais plus et parce que ça m'obligeait à rester auprès de toi. Cette porte qui nous séparait, elle me laissait malgré tout percevoir qui tu étais, et les heures que j'ai passées devant, c'est comme si je les avais passées avec toi. S'il te plaît...
- Jungkook-ah, je veux pas écrire...
- Pourquoi ?
- Personne n'aime jamais ce que je fais, même quand je le fais dans un but louable. On ne me voit que comme un être ténébreux et écœurant qu'il faut haïr.
- Je sais, admit Jungkook, c'est comme ça que je t'ai vu à mon arrivée. Alors montre aux autres que c'est faux, parce que moi je le sais déjà. Je n'embrasse pas un être ténébreux et dégoûtant, j'embrasse un être qui se terre dans l'obscurité car c'est là et seulement là que peut se développer toute sa magnificence. Tu es un cauchemar, Yoongi, et pourtant si je pouvais rêver je ne rêverais que de toi.
- L'érotisme est beaucoup trop doué avec les mots...
- Alors tu reviens ?
- Je sais pas, tu verras bien ce soir.
- D'accord... »
L'espoir au cœur, Jungkook s'écarta de son amant pour lui adresser un sourire, après quoi il fit demi-tour pour quitter la pièce. Une grande main osseuse saisit cependant son poignet, et sans se retourner il s'immobilisa.
« Tu sais, hésita Yoongi, moi aussi je... enfin... moi aussi je t'aime. »
Jungkook baissa la tête et sourit avec tendresse avant de tourner légèrement le visage.
« Je sais, » dit-il d'un ton joyeux avant de s'en aller et de refermer derrière lui.
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