Un terrible marché.
Chapitre 30
Le vent me fouettait le visage et faisait voler mes cheveux autour de moi. Juchés sur le dos de Myaji, on regardait le paysage déferler en-dessous de nous. Des forêts, des maisons, des plaines, des lacs et des rivières, l'ensemble était magnifique. Puis on a commencé à survoler la ville. Les gens ne semblaient pas nous remarquer, bien que l'on volait plutôt près du sol.
-Ils ne nous voient pas? Ai-je demandé.
-Non, les gens normaux ne peuvent pas voir la magie, mis à part quelques exceptions. Le sang humain nous fais voir uniquement ce que l'on peut croire, et donc les humains voient un oiseau à la place d'un dragon. Le sang divin nous facilite la tâche, mais certaines personnes qui n'en ont pas peuvent également voir la magie, surtout les enfants ou certains adultes qui croient beaucoup au surnaturel. M'a expliqué Shenyou.
-Ah, d'accord. Ai-je dit.
On a dépassé la ville, puis on a commencé à survoler une montagne rocheuse. J'étais tellement fatiguée que je me suis endormie sur les écailles lisses de Myaji. Je me suis réveillée un peu plus tard alors que le soleil commençait à se coucher. On survolait maintenant des grands champs cultivés, bordés de forêts de pins. Myaji a commencé à descendre vers le sol, et j'ai senti qu'elle était fatiguée. La dragonne s'est posée dans un petit près d'herbe sèche, puis elle s'est mise à brouter.
-On reste ici pour la nuit? A proposé Maïwen.
-Oui, je pense que Myaji est assez fatiguée. Ai-je dit en caressant le flanc du dragon.
-On se fait un petit casse-croûte? A proposé Liam.
-Ouais. Il nous reste un peu de pain, du chocolat... A commencé Shenyou.
-Oui! S'est exclamée Aisha.
-...Quelques pommes et des biscuits. A-t-il terminé.
-On devra bientôt refaire le plein. A dit Maïwen. On mange?
Pour toute réponse, nous nous sommes assis par terre en déballant anxieusement la nourriture, puis on s'est mis à manger comme des loups affamés. Après un petit repas agréable, on s'est emmitouflés dans nos couvertures tandis qu'on parlait de notre prochaine étape. Alors que Maïwen se lançait dans un long discours sur le trajet qu'on devrait faire, je me suis endormie en regardant la magnifique pleine lune au-dessus de nous. Je me suis réveillée un peu plus tard en entendant un rire, et tandis que j'ouvrais les yeux, j'ai aperçu Maïwen et Shenyou qui étaient toujours réveillés. Ils étaient assis côte à côte et regardaient le ciel.
-Elle est magnifique, la lune. A dit Maïwen.
-Oui, je ne l'ai jamais vue aussi grande. A répondu Shenyou.
Après un moment de silence, mon amie s'est retournée vers l'adolescent aux cheveux noirs, une expression d'inquiétude dans le visage.
-Tu crois qu'on réussira? A demandé Maïwen. J'ai peur pour Wanda, je ne veux pas que Saouro la prenne.
-Je ne peux rien t'assurer, mais j'ai confiance en Wanda. Je pense qu'elle sera à la hauteur pour affronter son père et faire le bon choix. Lui a répondu Shenyou.
Il a prononcé ces mots avec une telle assurance que ça m'a redonné du courage, comme si la flamme d'espoir qui vivait en moi reprenait subitement de la force.
-Merci pour m'avoir sauvé la vie quand le dragon a essayé de me tuer, je croyais vraiment que ma dernière heure était venue. A dit Maïwen.
-Comme si tu n'avais pas sauvé la mienne au moins deux fois! A dit Shenyou en riant.
Maïwen a baissé la tête en souriant, et j'ai cru voir qu'elle essayait de ne pas rougir.
-Je crois que je vais aller me coucher. A-t-elle dit en baillant. Sinon demain on sera crevés.
-Moi aussi.
J'ai attendu que les deux adolescents se soient endormis, puis je me suis levée et je suis allée vers Myaji qui était allongée sur le côté, les ailes repliées. Si je n'aurais pas connu Maïwen aussi bien, j'aurais juré qu'elle était amoureuse de Shenyou. Mais ce n'était pas possible, pas après ce qui s'était passé il y a deux ans... Un jour, Will, un adolescent qui avait à peu près l'âge de Maïwen, était venu jouer avec nous. Depuis ce jour la, il avait commencé à venir chaque jour, et mon amie était tombée amoureuse de lui. Elle m'oubliait presque, seulement Will était important à ses yeux. Je le détestais, et je le traitais si méchamment que ça n'avait fait qu'empirer ma relation avec Maïwen. Pendant au moins une semaine, on ne s'était pas parlées. Puis alors que je me lamentais dans ma chambre, tapant sur les murs et hurlant des flots d'insultes qui concernaient Will, je l'avais vu passer devant chez moi, accompagné d'une fille. Mais ce n'était pas Maïwen, c'était Larissa, son ennemie jurée. Je les avais entendu parler méchamment de mon amie, et j'avais immédiatement essayé de le lui dire. Mais Maïwen m'avait ignorée, jusqu'à ce qu'elle découvre un jour la vérité. Will lui avait brisé le cœur, et elle s'était jurée de ne plus jamais tomber amoureuse.
Bien que cet épisode l'avait marquée profondément, je sentais bien que Maïwen éprouvait de l'attirance pour Shenyou. Il fallait que je les tienne à l'œil. Je me suis assise à côté de Myaji, et celle-ci à ouvert les yeux, deux magnifiques sphères vertes. Puis ma vision m'est revenue à l'esprit. Je ne voulais pas en parler à mes amis, de peur qu'ils commencent à imaginer des scénarios de plus en plus farfelus pour une simple hallucination. Mais le visage de Tayrako m'inquiétait beaucoup trop pour oublier cette vision. Le dragon a regardé le ciel, et la lune s'est reflétée dans ses yeux, puis il s'est levé brusquement.
-Myaji? Qu'est-ce qui ce passe? Ai-je demandé.
La dragonne m'a regardée, puis elle s'est envolée d'une formidable poussée de pattes. Croyant qu'elle partait juste faire un tour, j'ai attendu, mais elle ne revenait pas. «Elle est peut-être partie...» ai-je pensé. Cette idée m'a attristée profondément, mais je ne pouvais pas la retenir contre son gré. Myaji était libre de faire ce qu'elle voulait. Puis j'ai regagné ma couverture, l'âme en peine. Avant de m'allonger, j'ai réveillé doucement Maïwen en lui disant:
-Myaji est partie...
Mon amie à tout d'abord été étonnée, puis elle a souri.
-Ne t'inquiète pas, c'est à cause de la pleine lune. Chaque fois que la lune est ronde, les dragons disparaissent. Personne ne sait pourquoi, mais ensuite ils reviennent.
-Les dragons sont considérés comme des monstres n'est-ce pas? Ai-je demandé.
-Oui, généralement. Mais je suis bien décidée à changer cette mauvaise influence que les livres donnent aux gens.
-OK. Et bien, bon courage. Moi je vais dormir. Ai-je dit en baillant longuement.
Je me suis endormie en quelques secondes.
Le lendemain matin, on a raconté à tout le groupe que Myaji allait revenir dans un jour, puis on a commencé à marcher. La pluie s'est mise à tomber un peu plus tard, ce qui nous a ralentis considérablement. Alors qu'on étais complètement trempés, la pluie a enfin cessé, mais le ciel restait couvert. Rien n'égayait cette journée, pas même quand Liam avait sauté dans une flaque qui l'avait éclaboussé de part en part. Ça faisait déjà longtemps qu'on marchait dans le froid et l'humidité, s'enfonçant dans la terre mouillée à chaque pas, recevant des gouttes d'eau sur la tête à chaque fois qu'on passait sous un arbre. À présent, on traversait une forêt sombre et humide qui nous faisait trembler de froid. Puis soudain, l'humain le plus bizarre que j'avais jamais vu est sorti de derrière un arbre, venant se planter devant nous. À vrai dire, il ressemblait plus à un monstre qu'à une personne. Sa peau était grise et recouverte de cicatrices et de croûtes, il faisait presque deux fois ma taille, son crâne chauve était aussi écorché que tout son corps, ses yeux étaient jaunes fendus d'une pupille verticale, et il portait une sorte de tunique courte et marron. Il tenait aussi une hache dans sa main. D'une voix rappeuse, il a prononcé ces mots:
-C'est bien eux. Emmenez-les.
-Euh... Non. A protesté Aisha.
Mais au moins six autres géants moches nous avaient encerclés.
-Dites-nous calmement ce que vous voulez, ou nous serons obligés de vous blesser. A dit Maïwen en dégainant ses deux sabres.
On a fait de même avec nos armes, tandis que les géants s'esclaffaient.
-Bon allez prenez-les, ils nous ont fait assez rire. A tranché le premier.
Ils ont avancé vers nous. J'ai fait tournoyer mon épée double, mais l'un d'eux l'a stoppée de sa hache, puis un autre m'a attrapé par derrière. Je me suis débattue, mais ces géants avaient une force incroyable. Malgré mes tentatives pour m'échapper, il m'a facilement ligoté les poignets derrière le dos. J'ai vu Shenyou lancer un rayon blanc sur l'un des monstres, mais ce dernier n'en a nullement souffert. En quelques secondes, chacun de nous s'est retrouvé sans arme et retenu par l'un des humains à la peau grise.
-Allez, on y va. A dit l'un deux.
Le géant qui m'avait ligotée m'a pris par le bras et a commencé à tirer. J'ai résisté, clouée sur place.
-Allez viens! A-t-il hurlé.
-Lâchez-nous bande de monstres! Ai-je riposté.
Mais au lieu de ça, il m'a traînée par terre tandis que je hurlais des insultes à tue tête. Aisha et Liam faisaient à peu-près la même chose que moi, tandis que Djenn, Maïwen et Shenyou adoptaient une autre stratégie. Ils se laissaient faire, mais semblaient préparer un plan dans leur tête. J'essayais toujours de m'échapper, tirant de toutes mes forces sur mon bras. Échappant à son agresseur, Maïwen a bondi vers la forêt. Mais celui-ci l'a assommée du manche de sa hache, puis il l'a chargée sur son épaule. Voyant ce qu'ils avaient fait a mon amie, on s'est laissés faire, de peur de subir le même sort. Mais à un moment donné, j'ai entrevu ma seule chance: le géant qui me tenait avait desserré son emprise, et j'ai foncé soudainement vers la forêt. Avant d'avoir eu le temps de me réjouir, j'ai reçu un coup sur la tête si violent que je me suis écroulée par terre. Puis ce fut le noir.
J'ai ouvert lentement les yeux, ressentant une vive douleur derrière la tête. Un géant à la peau grise me portait sur son épaule tel un sac de patates. Sachant qu'on ne pouvait pas leur échapper, j'ai fait semblant de dormir. On a descendu dans un canyon entre deux rochers, jusqu'à rencontrer une porte en fer. Les monstres nous ont obligés à pénétrer à l'intérieur, puis ils ont refermé l'ouverture. Après avoir marché dans un dédale de galeries souterraines, ils nous ont emmenés dans une alcôve ronde et humide. Une porte en bois vieux et un peu pourri la séparait du couloir. Arrivés au fond de la grotte, le géant qui me portait sur son épaule m'a laissée tomber brusquement par terre, puis j'ai senti les anneaux en métal qu'il refermait autour de mes poignets. Sans prononcer un seul mot, pas même un petit: «À plus les potes, j'espère que vous allez bien vous amuser!», les humains à la peau grise ont quitté l'alcôve et refermé la vieille porte, nous plongeant dans le noir total.
Mon esprit qui avait été un peu endormi jusqu'à maintenant s'est réveillé subitement. Je me suis mise à tirer sur les chaînes qui me retenaient les bras de toutes mes forces, puis j'ai essayé de décrocher les anneaux du mur. Mais ils étaient profondément enfoncés dans la pierre. Mes amis tentaient eux aussi de se libérer, utilisant surtout leurs pouvoirs: Liam et Aisha essayaient de faire fondre le fer, Shenyou creusait la paroi grâce à son esprit, tandis que Maïwen et Djenn projetaient des rayons blancs sur les anneaux rouillés.
-C'est impossible, la roche est trop dure. S'est désespéré Shenyou.
-Et notre feu n'est pas assez puissant pour faire fondre le fer... A soupiré Aisha.
Exténués, on s'est laissés retomber contre le mur froid et humide.
-À votre avis, que nous veulent-ils? A demandé Djenn.
-C'est évident. A soupiré Shenyou. Ils vont nous livrer à Saouro.
Le silence retomba sur notre groupe, flottant dans les ténèbres de la prison. J'avais tout essayé sur les chaînes qui me retenaient, mais elle étaient incassables. Plongeant lentement dans le désespoir à mesure que les minutes passaient, j'ai fini par m'endormir. Ce fut à nouveau le même rêve qui gâcha mon sommeil. Le couloir aux colonnes de pierre, la porte qui s'ouvrait seule, la salle ou se tenaient mes amis et les quatre figures encapuchonnées, l'homme vêtu de noir... Mais cette fois, j'ai légèrement compris le sens de ses paroles: il voulait que je fasse quelque chose, mais quoi? Il me disait aussi que si je ne le faisais pas... Ce fut à ce moment que mes amis s'écroulèrent au sol, sans vie.
Je me suis réveillée quand j'ai senti quelque chose me frapper les côtes. J'ai alors vu un de nos geôliers qui me donnait des coups de pied.
-Debout! A-t-il crié.
Tandis que je me relevais lentement, le géant m'a mise sur pied en me soulevant par le bras.
-On ne prend que les filles? A demandé une voix rappeuse.
-Prenez aussi les garçons, ils pourraient nous servir. A répondu un autre.
Les géants, qui devaient être une dizaine, nous ont détachés les poignets à l'aide d'une clé rouillée, puis ils nous ont fait sortir en nous criant sans cesse d'avancer et en nous poussant vers l'avant avec des coups du manche de leur hache. Aisha trébucha et tomba a plat ventre, et un humain à la peau grise la souleva brutalement du sol. On a traversé une passerelle en bois qui surplombait un grand gouffre où circulait un courant d'air froid. Un peu plus tard, on a débouché dans une grande salle excavée dans la pierre. Au fond se trouvait un énorme trône taillé dans le roc, et un géant semblable aux autres couronné d'un cercle en métal était assis dessus. Nos geôliers nous ont emmenés devant lui, moi, Maïwen et Aisha, laissant les trois garçons un peu en arrière.
-À genoux. A ordonné celui qui semblait être le roi.
-Eh bien non. NON! Tu sais ce que ça veut dire? On ne fera pas ce que vous nous demandez jusqu'à ce que vous nous libériez! Ai-je crié.
J'ai senti le géant qui se trouvait derrière moi m'appuyer sur les épaules, et je suis tombée à genoux. Alors que j'allais me relever, il a maintenu la pression pour m'en empêcher. Mes amis avaient subi la même chose, et on était maintenant tous agenouillés devant le roi.
-Bien. Je me présente: Galanor, roi des Gerrioks. A dit celui-ci. Maintenant, vous allez répondre à toutes mes questions. Premièrement, laquelle de vous trois est la fille de Saouro?
-Nous sommes tous des Lumius. A répondu Maïwen.
Galanor a soupiré avant de dire:
-Nous allons procéder d'une autre façon. Tork?
Un des Gerrioks qui se trouvaient derrière nous s'est approché de Liam, puis il l'a soulevé du sol avant de placer un couteau sous son cou. J'ai été paralysée pendant une seconde avant de crier:
-C'est moi! C'est moi! Ne lui faîtes pas de mal et je ferais tout ce que vous voudrez.
Galanor a souri, révélant une série de dents pointues, puis il a fait un signe de la main au prétendu Tork. Celui-ci a lâché Liam avant de reculer.
-Vous deux! A dit le roi en signalant Aisha et Maïwen. Prouvez moi que vous êtes bien des Lumius.
Mes deux amies ont formé une boule de lumière au creux de leur main.
-Et toi, fille de Saouro, sais-tu utiliser tes pouvoirs? A continué Galanor.
-Non. Ai-je menti.
-C'est bien dommage, nous devrons donc tuer tes amis.
-Non! Je sais les utiliser! Me suis-je empressée de dire.
-Si c'est vrai, tu devras me le prouver en nous rendant un petit service: ce soir, nous t'emmènerons chercher la pierre des enfers. Tu ne réussiras qu'en utilisant tes pouvoirs, et si tu échoues, nous tuerons tes amis.
-Et si je réussis? Ai-je demandé.
-De toute façon, s'en est fini pour eux. A dit Galanor avec un sourire cruel.
-Eh bien je n'y irais pas! Et vous ne toucherez pas un cheveu de mes amis! Ai-je hurlé.
Alors que Galanor allait me répondre, Djenn a intervenu.
-Attendez, je vous propose un marché: vous ne pourrez jamais obliger Wanda à aller chercher la pierre des enfers, mais elle le fera si vous lui promettez de nous libérer tous une fois vous l'aurez.
-Saouro nous payera pour sa fille. A protesté Galanor.
-Non, il vous tuera tous une fois qu'il prendra Wanda. Vous n'aurez jamais la pierre si vous n'acceptez pas ce marché.
Le roi des Gerrioks semblait hésiter, penchant la tête d'un côté et de l'autre.
-D'accord. Vous me ramenez la pierre, toi et elle, et vous êtes tous libres.
J'ai souri, soulagée, mais la partie n'était pas encore gagnée.
-Où est cette pierre? On y va tout de suite. Ai-je dit.
-Tork va vous y emmener. Remmenez la pierre des enfers ici même, et je vous laisse la vie ainsi que la liberté. A répondu Galanor.
-Voulez-vous que l'on remmène les autres dans la cellule? A demandé un des Gerrioks.
-Faîtes-en ce que vous voulez, mais ne les tuez pas. A répondu le roi.
-Eh! Vous deux. On y va. A dit Tork en nous faisant signe de venir.
Les Gerrioks ont pris Maïwen, Shenyou, Liam et Aisha par le bras, tandis que Tork marchait à l'avant, suivi par moi et Djenn. J'entendais les hurlements des géants derrière nous, obligeant mes amis à avancer plus vite en les poussant ou en leur donnant des coups du manche de leur hache dans le dos. J'essayais de ne pas réagir, de calmer ma colère, mais l'envie de bourrer les Gerrioks de coups de poing persistait. Finalement, Djenn a posé sa main sur mon bras en me murmurant:
-On y arrivera.
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