Un personnage mystérieux
Chapitre 33
Je me suis réveillée en sursaut, désorientée et couverte de sueur. J'étais dans un endroit plongé dans le noir. L'image de moi sans yeux m'a traversé l'esprit, et je me suis mise à trembler. «Ce n'était qu'un rêve, ce n'était qu'un rêve...» Ai-je pensé en tentant de me convaincre. J'ai approché des mains tremblantes vers mon visage, terrifiée devant la possibilité que tout ait été réel. Caressant la peau froide de mes joues, j'ai essayé de calmer les battements affolés de mon cœur. Mon visage était normal, mais je n'arrivais pas à me résigner à toucher mes yeux. J'ai repensé aux orbites vides de mon reflet en frémissant d'horreur. Puis soudain, j'ai entendu des pas. Produisant une sphère lumineuse entre mes mains, j'ai scruté les alentours pour finalement comprendre que je me trouvais à nouveau dans ma cellule. «Si j'y vois, ça veut dire que j'ai encore des yeux !» Me suis-je réjouie intérieurement. Mais Saouro devait y voir, lui aussi... Les bruits qui se rapprochaient de plus en plus m'ont ramenée à la réalité. J'ai ensuite aperçu un individu vêtu d'une longue tunique noire, et qui avait le visage complètement caché par du tissu de cette même couleur.
- Qu'est-ce que vous voulez ? ai-je dit quand il s'est arrêté devant ma porte.
Il a sorti une main gantée de sa manche avant de me faire signe de venir. J'ai hésité. Il (ou elle) ne m'inspirait vraiment pas confiance.
- Pourquoi ? Et d'abord, qui êtes-vous ? ai-je demandé.
Au lieu de me répondre, il a sorti un petit sac en papier des plis de sa tunique et l'a passé entre les barreaux de la porte. Puisque je ne bougeais pas, l'individu vêtu de noir a laissé tomber le sachet avant de tourner les talons.
- Attends ! ai-je crié. Est-ce que j'ai des yeux ?
Ma voix s'est percutée sur les murs des cachots avant que le silence ne revienne. Piquée par la curiosité, je me suis approchée du sachet que l'étrange personnage avait laissé. En l'ouvrant, j'ai été frappée de stupeur. Le rond doré que Tayrako avait le jour où il avait emmené Myluna était là ! Brillant sous la lumière de ma sphère magique, ce simple objet m'a remplie d'espoir. Un petit bout de papier froissé se trouvait à côté, et je l'ai déplié délicatement avant de lire les mots écrits à la va-vite.
Ceci est un Ombriporteur, un objet permettant de se déplacer instantanément à travers de longues distances. Pour l'utiliser, il suffit de le tenir en pensant bien fort à l'endroit où l'on veut apparaître. Attention ! Il peut nous transporter uniquement là où on a déjà posé le pied. sers-t'en pour t'échapper et pars au plus vite. Je ne peux pas te dire qui je suis pour l'instant, mais j'espère que nous nous reverrons bientôt. Pars vite et brûle cette lettre.
Sans me poser de questions, j'ai détruit le sachet et la lettre en lançant un rayon noir. J'ai pris l'Ombriporteur entre mes mains en réfléchissant. Et si j'allais voler la pierre de lune ? La lettre me disait clairement de partir vite, mais j'avais une occasion en or de causer des ennuis à Saouro. Et puis si quelqu'un me surprenait, je n'avais qu'à disparaître rapidement. Après avoir jeté un dernier regard à cette prison qui m'avait si bien accueillie, j'ai fermé les yeux en pensant bien fort à la salle du trône de Saouro. Un tourbillon glacial m'a enveloppée.
J'ai senti mes pieds quitter la terre ferme pendant quelques secondes, puis retomber brutalement sur le sol. Je n'étais plus dans ma cellule, mais pile là où je voulais être. La grande salle était entièrement déserte, mais j'ai tout de même gardé l'Ombriporteur en main au cas où je rencontrais un Nawas. Ce que je n'avais pas pensé, c'était que trouver la pierre de lune n'allait pas être très facile. J'ai commencé ma recherche en inspectant le trône. Les rubis incrustés dans le métal noir avaient l'ai vrais, et l'énorme chaise royale me dominait de toute sa hauteur. Rien d'intéressant. J'ai jeté un bref coup d'œil autour de moi avant de quitter la salle. Je marchais dans un dédale de couloirs, tournant au hasard chaque fois que j'arrivais à une bifurcation. J'ai fini par trouver une porte qui semblait faite en or. Je l'ai poussée lentement en passant la tête par l'ouverture. Une salle remplie d'armoires, vitrines et divers objets se trouvait de l'autre côté. Des épées, boucliers, arcs, lances, pièces d'armurerie et plein d'autres armes étaient accrochées au mur, et les vitrines étaient encombrées d'objets de tous genres : diamants, pierres précieuses, bijoux, flacons, livres, crânes, dagues, poignards... Des grosses colonnes soutenaient le plafond voûté, et la salle avait des dimensions gigantesques. Je suis restée bouche-bée devant cette immense exposition. Même si la pierre de lune ne se trouvait pas ici, il y avait tout de même pas mal de choses intéressantes. Gardant l'Ombriporteur en main, j'ai commencé mon inspection. Après avoir jeté un coup d'œil aux vitrines, je me suis attaquée aux armoires.
La première que j'ai ouverte était remplie de figurines en argile pour la plupart, ou sculptées dans du bois ou de la pierre. J'ai refermé le placard et j'ai poursuivi ma recherche. Maintenant que j'étais ici, il valait mieux en profiter pour prendre quelques trucs utiles. J'ai donc pris une épée double qui fonctionnait comme la mienne, et un petit poignard tranchant. Les Gerrioks nous avaient pris toutes nos armes, et je me suis dit de voler aussi deux sabres que j'ai accrochés à mon dos à l'aide de lanières en cuir, ainsi que quelques poignards que j'ai attachés autour de ma taille. Qui te dit que tu as toujours des yeux ? Ai-je pensé tout à coup. Il me fallait juste un miroir, ou une lame.
- Alors comme ça, tu viens voler les affaires du roi ? a dit une voix derrière moi.
Je n'ai pas eu le temps de faire volte-face que je recevais un grand coup dans le dos. J'ai fait un vol plané avant d'atterrir sur le sol, tandis que l'Ombriporteur tombait de mes doigts et glissait sous une armoire. Génial. Ai-je pensé. Je me suis retournée sur le dos et j'ai vu mon agresseur. C'était... Myluna. Elle était debout devant la porte, le sourire aux lèvres et les doigts refermés sur deux poignards.
- Myluna ! me suis-je écriée.
- Salut, Wanda. J'espère que tu as une bonne raison d'être là, a-t-elle dit d'une voix glaciale.
- Tu te moques de moi ?
- Malheureusement pour toi, non.
Elle a prononcé ces mots en m'envoyant un éclair noir. J'ai roulé sur le côté pour l'éviter avant de me relever d'un bond.
- Mais tu as perdu la tête ou quoi ? ai-je crié.
- Je l'ai retrouvée, m'a corrigée Myluna. Et tu ne devrais pas tarder à la retrouver toi aussi.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
La princesse a secoué la tête, du genre : «Elle comprend rien cette imbécile !»
- Ils nous ont menties, tous. Notre vie n'est qu'un mensonge. Ils pensaient pouvoir nous avoir jusqu'au moment où ils nous poignarderaient dans le dos. Ce ne sont que des traîtres. Tu comprends ?
- Qui ça, ils ?
- Les dieux, Andanaël, les dirigeants des sept camps, les Lumius... nous sommes des filles de Saouro, leurs ennemies, les méchantes. Ils nous mentent pour qu'on s'allie à eux puis ils nous massacrent par derrière. C'est ça ce que tu veux ?
Je n'en croyais pas mes oreilles. Myluna avait changé de camp ?
- Tu n'es pas sérieuse, n'est-ce pas ?
- As-tu vraiment besoin d'une preuve ? a-t-elle dit en levant ses poignards.
J'ai reculé d'un pas, le regard fixé sur les lames qui reflétaient la faible lumière de la salle.
- Non ! Myluna, tu ne dois pas le croire, c'est lui qui te ment !
- Je vois bien qu'avec toi il n'y a pas de solution.
Elle a lancé son poignard. L'objet se serait planté dans mon ventre si je n'avais pas bondi sur le côté. Changeant de tactique, ma demi-sœur a formé un rayon destructeur avant de l'envoyer vers moi. J'ai levé instinctivement un bouclier magique devant moi. La décharge de Myluna s'est brisée sur sa surface transparente. Son sourire a disparu, et elle a lancé un rayon qui avait l'air bien plus puissant. Ma bulle de protection a volé en éclats tandis que je me jetais sur le côté. Une vitrine a explosé sous l'impact, et des objets de toutes sortes ont voltigé dans les airs. J'ai reçu un truc plutôt lourd sur la tête, et des étincelles sont tombées sur mes vêtements. L'étagère en bois prenait feu.
- Myluna arrête ! ai-je hurlé.
- Range-toi de notre côté, Wanda. Montre à ces imbéciles que tu n'es pas idiote, donnes-leur une leçon ! a-t-elle dit d'une voix forte.
- Non ! Pense à Aisha, à tous ceux qui se battent pour empêcher Saouro de dominer ce monde.
Myluna s'est figée en entendant le nom de son amie. À cet instant là, j'ai revu en elle la petite fille qui pleurait sur les genoux d'Aisha. Son regard était perdu dans le vide, et son visage exprimait la tristesse. Mais elle reprit rapidement ses esprits et ses yeux se remplirent de haine. Elle sourit cruellement et me regarda fixement.
- Ces microbes ? Tu crois vraiment que je vais les aider ?
Elle avait totalement changé d'expression en quelques secondes. Ce n'était plus la petite fille au visage strié de larmes, ni celle pleine de colère qui nous avait jetés du haut d'une falaise, et encore moins celle qui riait et s'amusait avec Aisha. C'était maintenant une adolescente dont le visage exprimait la cruauté.
- Aisha mourra si on laisse Saouro gagner. Elle et tous les autres.
Myluna vacilla et une larme roula le long de sa joue. Mais elle hurla de rage avant de lancer son autre poignard vers moi. Cette fois je n'ai pas pu l'éviter. La lame m'écorcha la hanche, provoquant une horrible douleur. J'ai crié avant de m'écrouler tandis que la tache de sang grandissait. J'avais mal. La douleur me déchirait la hanche, la plaie saignait abondamment. Puis le sourire de Myluna, ce sourire cruel. La jeune fille était penchée au-dessus de moi, semblant savourer ma souffrance.
- Je suis beaucoup trop forte pour toi, Wanda. Tu ne peux pas me battre, a-t-elle dit tandis que j'essayais de contenir des larmes de douleur. Allez, relève-toi et suis moi. Saouro va être content de savoir que j'ai retrouvé son insaisissable fille.
- Non... ai-je dit d'une voix faible.
- Relève-toi ! a-t-elle hurlé en m'envoyant un coup de pied violent à la hanche.
J'ai hurlé de douleur. Myluna a souri en secouant la tête.
- Trop faible... tu n'es pas digne d'être sa fille, l'élue de la prophétie des ténèbres.
Sans parvenir à contenir ma colère, j'ai envoyé un rayon noir sur ma demi-sœur. Mon projectile a explosé sur son bouclier protecteur.
- Tu veux jouer à ça ? a-t-elle demandé en sortant un poignard de son fourreau.
Elle s'est penchée au-dessus de moi pour pouvoir mettre sa lame sous ma gorge.
- Arrête, Saouro me veut en vie... ai-je tenté, sentant le métal froid et tranchant contre ma peau.
- Un mot de plus et je t'égorge.
Son regard me disait qu'elle en était capable, et j'ai décidé de garder le silence. Myluna a enlevé le poignard de mon cou avant de m'envoyer une nouvelle fois le pied dans les côtes.
- Relève-toi et suis moi, a-t-elle tranché.
Ils n'était pas question de discuter. Me relevant péniblement, je me suis dressée devant ma demi-sœur. Ma hanche me faisait terriblement souffrir; j'avais l'impression que quelqu'un tournait et retournait un couteau dans la plaie. Qu'est-ce que je pouvais bien faire ? Si seulement j'avais suivi les instructions de la lettre ! Je ne serais pas là devant une petite fille cruelle et sadique. Elle avait pourtant l'air si inoffensive ! Si jeune et fragile ! Mais ses pouvoirs étaient sans limites.
Myluna tendit la main vers moi et un bracelet en fer se referma sur mon poignet droit. Puis un autre sur mon poignet gauche. Mes mains étaient enchaînées.
- Eh ! me suis-je écriée.
Le poignard de Myluna se posa à nouveau sous ma gorge.
- Toi, tu te la fermes. C'est bien clair ?
Elle m'arrivait à peine au menton. Un bon coup de pied à la tête devrait suffire ! Mais Myluna fut plus rapide. Un rayon magique m'a propulsée vers l'arrière, m'envoyant au sol.
- Tu croyais vraiment que je ne savais pas que tu allais tenter de m'assommer ? Tu penses que je suis aussi naïve que ça ? Myluna émit un petit rire. On dirait bien que oui.
Elle se pencha au-dessus de moi avant de tendre sa main dans ma direction.
- Fais de beaux rêves...
Mais ce n'était pas le moment de dormir. J'ai levé d'un coup les pieds vers le haut de façon à les envoyer dans la tête de Myluna. Elle s'est pris le visage entre les mains en criant tandis que je la jetais au sol d'un autre coup de pied. Puis, avant qu'elle ne contre-attaque, je lui ai lancé un rayon noir afin de la rendre inconsciente. Étalée au sol sur le dos, la princesse semblait être redevenue la jeune fille innocente qui jouait avec Aisha. Mais j'avais appris à me méfier des apparences. Les poignets toujours liés par une chaîne, je suis allée prendre l'Ombriporteur qui était sous l'armoire. Le rond doré ne semblait pas endommagé. Ma hanche me faisait souffrir, et j'avais vraiment besoin de me reposer. Pas question d'aller chercher la pierre de lune. Mais je pouvais emmener Myluna...
J'ai réfléchi à cette possibilité: Myluna n'était plus elle-même, et l'emmener avec moi la mettrait sûrement plus en danger que de la laisser ici. Sans compter les ennuis qu'elle pourrait nous causer en nous attaquant une nouvelle fois. Et je devais partir, vite. Avant que des Nawas ne remarquent mon absence dans les cachots. Aisha m'en voudrait sûrement d'avoir laissé son amie, mais je ne devais pas prendre trop de risques. Puis soudain, la porte qui me séparait du couloir s'ouvrit sur cinq Nawas armés jusqu'aux dents. Le premier, une jeune femme qui tenait une arbalète entre les mains a pointé son arme vers moi en criant.
- Pas un geste !
Je venais de m'échapper de ma prison. Il n'était pas question de me faire attraper à nouveau. Tenant l'Ombriporteur entre les mains, j'ai visualisé l'endroit où je voulais apparaître: la forêt qui se situait devant le repère des Gerrioks. Le rond doré s'illumina. Alors que je disparaissais, j'ai adressé un petit sourire débile aux Nawas, suivi d'un geste insultant de la main. Le tourbillon glacial m'a emportée tandis que les visages des gardes armés se peignaient de confusion. La noirceur totale dans laquelle l'Ombriporteur m'avait emportée se dissipa, laissant place à une forêt baignée par la lumière de la lune. Il faisait froid, et c'est à ce moment là que j'ai réalisé à quel point j'avais faim. Et mal. Mais il fallait avant tout que je retrouve mes amis. Ou leurs cadavres. Cette pensée m'a fait frissonner d'horreur. Chassant tous les mauvais pressentiments de ma tête, j'ai commencé à réfléchir. Maïwen, Liam, Djenn, Shenyou et Aisha n'avaient sûrement pas quitté le repaire des Gerrioks; ils étaient peut-être toujours dans leur cellule. Je n'avais qu'à aller vérifier.
Alors, pour la troisième fois de la nuit, je me suis dématérialisée grâce a l'Ombriporteur.
Enfin un nouveau chapitre ! Je sais, je suis vraiment très lente. N'hésitez pas à donner votre avis. J'espère que le prochain sera plus rapide à écrire.
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