Chapitre 19

J'ai battu longuement des paupières avant d'ouvrir les yeux. J'étais allongée sur un lit de feuilles, dans une hutte faite en branchage. Je pouvais voir la lumière du soleil à travers les intersections du bois, et j'en ai déduit que c'était déjà l'après-midi. Je me suis levée en me remémorant exactement le combat avec les voleurs d'âmes, l'arrivée de Danaywan, les nouveaux pouvoirs de mes amis... Et cet ouragan de vent qui nous avait emportés. Était-ce l'œuvre de Danaywan? Et, ou est-ce que j'étais? Je suis sortie de la hutte par une ouverture qui devait être la porte, et j'ai été stupéfaite par le spectacle qui s'ouvrait devant moi: une grande plaine d'herbe verte s'étendait au loin, une forêt d'arbres centenaires se situait à ma gauche, une grande paroi rocheuse d'où tombait une chute d'eau de plus de quarante mètres se dressait à ma droite, une rivière bleu comme le ciel au reflets argentés serpentait dans la plaine, et un grand lac turquoise brillait devant moi. Et le plus étonnant, c'était ça: partout où l'on posait les yeux, il y avait des sortes de boules lumineuses de toutes les couleurs qui virevoltaient par là, libres comme l'air. Des humains aux ailes transparentes et colorées volaient dans les airs, et des autres personnages qui ressemblaient beaucoup à Danaywan, avec leurs oreilles pointues, marchaient ça et là. En plus de tout ça, il y avait des animaux étranges: des chevaux avec des ailes comme des oiseaux, d'autres bleus et blancs avec une corne dorée, des oiseaux multicolores aux plumes longues comme deux humains empilés, des sortes de loups avec des yeux bleu clair qui semblaient magiques, des petites créatures humanoïdes et ailées de la taille d'une main et lumineuses volaient partout, des serpents de toutes les couleurs disparaissaient et apparaissaient à leur guise, des cerfs aux cornes géantes, et où poussaient toute sorte de plantes s'amusaient dans la forêt... Et plein d'autres animaux trop difficiles à décrire. La végétation n'était pas moins spectaculaire: il y avait des plantes magnifiques, et magiques. Des feuilles dont les nervures brillaient de mille feux, des fleurs d'une taille inimaginable, des arbres sur lesquels des filaments dorés couraient sur le tronc, des champignons gigantesques de toutes les couleurs, des fleurs bleues presque transparentes qui renfermaient des petites lucioles... Il y avait même des toiles d'araignées gigantesques et recouvertes de perles de rosée.

-C'est... Ai-je commencé ébahie.

-Le royaume caché de Yaranou. A dit une voix derrière moi.

J'ai fait volte face, et j'ai découvert un homme d'une cinquantaine d'années, aux ailes gigantesques et semi-transparentes, qui passaient du bleu au rose, et qui brillaient d'une magnifique lumière. Il avait les cheveux blonds et longs jusqu'à sa taille, des yeux bleus comme le ciel, une peau blanche et délicate comme celle de Danaywan, et une longue tunique blanche.

-Je... Euh... Enfin... Ai-je balbutié. 

-Je sais qui tu es, et je suis Andanaël, roi de Yaranou. Bienvenue.

-Euh... Mes amis... Danaywan... Notre mission...

-Ne t'inquiète pas, ils sont sains et saufs. Quand à votre mission, nous allons vous donner de l'aide. Suis moi. A-t-il dit en esquissant un sourire.

Je l'ai suivi sans dire un mot, fascinée par tout mon entourage. Nous avons marché dans l'herbe haute, où se cachaient des milliers de petits insectes étranges, et où des fleurs énormes poussaient ça et là. Andanaël s'est engagé vers la rivière. On est arrivés devant le cours d'eau qui scintillait en reflétant la lumière du soleil. Le ruisseau était plutôt large et profond, mais l'eau était tellement claire que l'on voyait parfaitement le fond. Des poissons de toutes tailles et de toutes les couleurs jouaient dans la rivière, et des magnifiques plantes aquatiques ondulaient dans l'eau. J'ai regardé le ruisseau ébahie, lorsqu'une créature a jaillit ors de l'eau. Elle avait toute la partie du haut du corps comme une femme, mais ses jambes étaient remplacées par une queue de poisson magnifique: bleu clair et bleu foncé avec des reflets dorés, et des nageoires transparentes. Ses cheveux étaient de la couleur de l'eau, et ses yeux bruns noisette. Elle avait des lèvres presque rouges et une peau bronzée parsemée par endroits de petites écailles bleues et roses. La sirène s'est assise sur le rebord du ruisseau, et nous a adressé un sourire rayonnant.

-Bonjour Naoura. Voici Wanda, une des élus de la prophétie. A dit Andanaël.

-Bonjour. À répondu Naoura. Vous voulez passer?

-Oui, sil te plaît.

Naoura a tendu la main, et soudain, sur le rebord de la rivière, des algues marines ont commencé à apparaître formant un magnifique ponton. Je suis restée là, la bouche ouverte, fascinée, jusqu'à ce que je remarque qu'Andanaël avait déjà traversé le pont d'algues. Je me suis empressée de le rejoindre, mais en arrivant devant le pont, je me suis arrêtée pas très convaincue que ça tienne le coup. J'ai posé un pied tremblant, puis j'ai vu que ça résistait! J'ai couru vers Andanaël. En me retournant, j'ai vu Naoura plonger dans l'eau et nager jusqu'au lac où se jetait la cascade.

-Pourquoi n'avez-vous pas utilisé vos ailes pour traverser? Ai-je demandé à mon guide.

-Parce que la rivière appartient à Naoura, la souveraine des sirènes. Les étrangers ne peuvent traverser qu'avec son autorisation. Donc je ne pouvais pas te faire traverser.

-Je ne pensais pas que les sirènes existaient... Ai-je dit.

-Eh bien oui. Tu ne pensais sans doute pas que les fées existaient, n'est-ce pas?.

-Pas avant maintenant. 

Après avoir franchi une forêt d'arbres centenaires, Andanaël s'est arrêté devant une grande paroi rocheuse. Il a tendu les mains vers le mur de pierre, et soudain, la paroi s'est séparé en deux.

J'ai bondi en arrière, et je me suis écrasée au sol. J'ai commencé à reculer tandis que les deux parties de la roche s'écartaient l'une de l'autre, laissant apparaître une porte en bois recouverte de spirales d'or. Le roi de Yaranou a écarté les mains, et la porte à double battants s'est ouverte lentement. L'intérieur était sombre, et je n'y voyais presque rien. Andanaël a commencé à marcher vers cette porte, et il s'y est engouffré. Je l'ai suivi un peu inquiète, et j'ai pénétré dans la porte à mon tour. On marchait dans un tunnel rocheux faiblement éclairé, et je me demandais où était la fin, quand soudain, le tunnel à débouché dans une énorme, mais vraiment ÉNORME grotte lumineuse. Un arbre gigantesque se dressait au milieu, si grand qu'il atteignait le plafond de la grotte, environ soixante-dix mètres plus haut. Son tronc était si épais, qu'il aurait fallu dix personnes tenues par la main pour l'entourer, et il était brun clair et tout torsadé. Sur les parois de la grotte, des centaines d'alvéoles étaient creusées dans la pierre, et dans chacune de ces petites maisons, il y avait des elfes, des fées, des humains ordinaires (ou presque)... L'arbre gigantesques avait des centaines de branches, et chacune allait vers une des alvéoles de pierre, permettant à leurs habitants de pouvoir sortir de leur maison. Les feuilles de cet arbre étaient de toutes les couleurs: bleues, vertes, rouges,  jaunes, oranges, violettes... Et des petites lumières dorées virevoltaient entre les branches. J'étais ébahie par cet endroit. J'ai regardé chaque recoin de la grotte: les pierres précieuse qui ornaient les parois, les créatures qui s'amusaient ça et là... Puis, des voix que je connaissait bien ont retentit. Maïwen, Liam, Djenn, Aisha et Shenyou sont arrivés, guidés par Danaywan.

-Vous êtes là! Me suis-je exclamé en les apercevant.

-Ouais, on est vivants. A dit Djenn en souriant.

-Tu as encore fait la marmotte? A dit Liam.

Je l'ai foudroyé du regard. Danaywan s'est approchée d'Andanaël, la mine grave.

-Ils doivent se rendre à l'île de Jinn. A-t-elle dit.

-Donc traverser la citée des morts. Ils auront besoin d'un guide. A répondu l'homme-fée.

-Justement, je pensais à Li Shang.

-Je ne suis pas sûr que ce soit la personne adéquate. 

-Il est le seul à y être déjà allé.

Andanaël a hésité quelques secondes, puis il a hoché légèrement la tête.

-Myluna les y conduira. A-t-il dit avant de s'envoler vers une des alvéoles de pierre.

-Qui sont Myluna et Li Shang? Ai-je demandé.

-Myluna est la princesse de Yaranou, et Li Shang c'est... Quelqu'un. A répondu Danaywan.

Andanaël est revenu quelques minutes plus tard avec une jeune fille d'environ douze ans. Vu que cette dernière tenait la main de l'homme-fée, j'ai supposé qu'elle devait être sa fille, même si ils ne se ressemblaient pas. Elle n'avait pas d'ailes comme son père, et elle avait les cheveux brun clair et bouclés. Ses yeux étaient sombres et profonds, comme les miens, et sa peau n'était pas blanche et délicate comme les autres habitants de Yaranou, mais plutôt de la couleur du miel. Cependant, elle n'avait pas l'air heureuse: elle regardait ses pieds l'air en colère.

-Voici Myluna, ma fille. a dit Andanaël.

Ce dernier a communiqué quelques mots à sa fille, et elle a hoché la tête.

-Suivez-moi. A-t-elle dit en se retournant. 

On l'a suivie en se regardant, étonnés par son comportement. Après être sortis de la grotte, on a emprunté un petit sentier dans la forêt. Myluna ne parlait pas, elle se contentait de marcher. Aucun de nous n'a osé lui poser de questions. Était-elle en colère parce que son père lui avait demandé de nous emmener vers Li Shang? On a emprunté un long sentier qui serpentait à travers les bois de Yaranou.

Un peu plus tard, Myluna s'est arrêtée devant un grand arbre qui avait une petite ouverture au centre de son tronc.

-Li Shang, tu as de la visite. A-t-elle dit.

Un adolescent d'environ dix-sept ans est apparu dans l'ouverture. Il avait les cheveux noirs et mi-longs, des yeux bleus et la peau assez blanche. Pas d'ailes ni d'oreilles pointues, il semblait normal. Il est sorti de l'intérieur du tronc, et s'est posté devant nous. Il nous a parcouru du regard, puis s'est arrêté sur moi. Il a souri malicieusement.

-C'est bien toi l'andouille qui à failli se faire défoncer par un petit Saïd de rien du tout?

Son commentaire m'a déroutée. De quoi parlait-il? Puis je me suis souvenue de ma première rencontre avec un Saïd, le jour de mes quinze ans. La silhouette qui courait... Je l'ai fixé rouge de colère.

-Non mais franchement, on peut être nul mais pas autant. A-t-il dit.

-Tais-toi ou je... Ai-je commencé.

-Attends, de quoi parlez-vous? A dit Maïwen en me retenant le bras.

Je n'ai pas répondu. L'adolescent lui, a eu la mauvaise idée de répondre.

-L'autre jour, il y avait un petit Saïd qui lui courait après. Si je ne l'avais pas tué, il l'aurait bien défoncée. A-t-il dit en riant.

-J'aurais parfaitement pu me débrouiller seule... Ai-je menti, sentant la colère monter en moi.

L'adolescent à agité la main devant moi, l'air de dire: «Dégage sale poussière!». Puis, en nous regardant de haut comme s'il était supérieur, il a dit:

-Bon, les gamins: je m'appelle Li Shang. C'est quoi le problème?

-Mon père veut que tu les accompagnes à l'île de Jinn. A dit Myluna.

-Eux? Cette bande de gamins qui ne savent même pas se défendre contre un Saïd?

Myluna a haussé les épaules. J'ai regardé mes amis: Aisha, tout comme moi, semblait vouloir casser la figure à Li Shang. Maïwen et Liam étaient confus et avaient l'air en colère, Djenn était indigné, et Shenyou un peu confus, mais pas trop enragé.

-Bon, daccord. A finalement laissé tomber Li Shang.

Il est rentré dans son arbre pour se préparer. Dès qu'il se fut éloigné, j'ai dit a voix haute:

-Je le haïs! 

-Je le déteste! A crié Aisha.

-J'avoue. A dit Maïwen.

-Vraiment pas sympa ce type. A renchérit Liam.

-Pareil. A dit Djenn.

Shenyou n'a pas parlé. Il regardait ses pieds.

-Il va vraiment venir avec nous? Ai-je demandé en priant pour qu'il ne vienne pas.

-C'est le seul à être déjà allé sur l'île de Jinn. A dit Myluna.

J'ai donné un coup de pied à un tronc d'arbre mort, énervée. Ensuite on est restés la à se regarder sans rien faire. C'est alors que Myluna a levé la tête, et elle nous a regardés avec un regard suppliant. Timidement, elle a demandé:

-Je peux venir avec vous?

-Où? A demandé Shenyou.

-Sur l'île de Jinn. Je n'ai jamais quitté Yaranou, je veux voir le monde.

-Ce n'est pas si simple que tu le crois, le chemin est parsemé de dangers. A dit Maïwen.

-Je sais me défendre. A répondu la princesse.

-Tu risques d'y perdre la vie. A protesté Djenn.

-Et en plus, est-ce que ton père est d'accord? A demandé Liam.

Le regard de Myluna s'est soudain rempli de colère.

-Je me fiche pas mal de ce qu'il dit. A-t-elle lâché. 

-C'est trop dangereux. Ai-je dit.

-Et puis tu es l'héritière du trône de Yaranou. A ajouté Shenyou.

La situation ressemblait beaucoup au jour où Aisha avait voulu venir avec nous. D'ailleurs, cette dernière ne disait rien.

-C'est pas juste! A crié Myluna.

-On est désolés. A dit Maïwen.

-Vous êtes comme mon père, des gens qui se croient les meilleurs et qui pensent qu'à eux! A crié Myluna avant de partir en courant.

On s'est regardés, coupables.

-De toute façon on n'y peut rien. A laissé tomber Maïwen.

Puisque je n'avais aucune envie d'attendre Li Shang, j'ai proposé de retourner à la grotte. La colère toujours bouillante en moi, et le cœur lourd de culpabilité, j'ai emprunté le sentier suivie de mes amis.