Le garçon courait. Pour lui, la chute avait été fatale. Il boitait, sa joue était en sang, et son poignet lui faisait atrocement mal. Mais il courait : le village derrière lui était en feu, on criait, et l'escalier ne voulait plus fonctionner. Le village était bel et bien condamné à brûler, et, s'il ne se dépêchait pas, c'était tout le Bois d'Épique qui allait se consumer. 

Une pensée lui revint à l'esprit : le commerçant. Le garçon courut de toutes ses forces, sans s'arrêter, sans penser à sa soif. De l'eau, il fallait trouver de l'eau. Il demanda alors à un vieil homme où il pourrait en trouver, qui lui indiqua la route à pendre pour en trouver, contre dix pièces d'or.

Le vieil homme lui dit d'emprunter un sentier spécial, que seul les connaisseurs pouvaient connaitre. Il s'étalait sur trois cents cinquante arbres, et était très étroit. Celui-ci le mena vers une grotte. Le garçon, sans plus attendre, s'y engouffra. Alors, ce qui s'offrait à sa vue l'éblouit.

De l'eau, à perte de vue. La pierre résonnait, et l'eau était claire, éclairée par une étrange lumière : elle provenait des stalactites et des stalagmites qui ornaient la grotte. Ce spectacle était si beau, que le garçon faillit en oublier sa soif, aussi bien que le feu qui dévastait en ce moment même le village. 

Alors, épuisé, il prit un peu de cette eau dans le creux de ses mains. Soudain, une voix retentit, lui disant de poser cette eau sur le champ. D'où provenait-elle ? Le garçon prit peur, et se résolut à plonger sans plus y réfléchir. 

L'eau jouait avec ses cheveux, les déformant à mesure qu'il y nageait. Le garçon ne refaisait pas surface, et faillit mourir noyé, s'il n'avait pas découvert un passage sous-marin, qui le menait à une grande surface d'eau, illuminée. La surface, la lumière. Respirer.

Le garçon sortit de l'eau, haletant comme jamais. Alors, il dut fermer les yeux : un éclat doré émanait tout autour. Il n'eut même pas le temps de les ouvrir, qu'un homme l'extirpa de l'eau et le jeta violemment à terre. Lui qui avait déjà mal, ne put retenir sa douleur. 

L'homme avait une faux, et était habillé comme un... un paysan ? En effet, l'éclat doré n'était autre que du blé. L'homme lui lança un regard noir, cracha une graine, et continua à faucher. Depuis ce matin, il était à l'oeuvre. Il ne lui restait plus qu'un épis, un seul, quand on le dérangea. Il se dit qu'il valait mieux commencer par lui, pour s'expliquer avec le garçon. Il brandit la faux, et l'épis tomba à terre. Il voulut brandir de même sa main sur le petit garçon, qui le supplia d'arrêter : il allait tout lui expliquer. Alors, le paysan baissa sa main, marquée par une blessure de guerre encore récente : pour son dernier épis, il s'était aussi coupé la main. Les deux blessés se turent un instant. Puis, le garçon brisa le silence.

Le paysan, après avoir écouté attentivement l'histoire du garçon, jugea qu'il fallait peut-être sauver le village : il lui en serait reconnaissant, et pourrait en tirer quelque privilège. Le paysan irriguait ses terres avec l'eau de cette grotte, avec des tuyaux interminables, qui allaient de cinq à mille cinq cent arbres. Comme sa journée était épuisante, il ordonna au petit garçon d'en prendre un.

Celui-ci l'en remercia infiniment. Toujours boitant, il s'apprêta à refaire son parcours dans le sens contraire, un tuyau sur le dos.