Chapitre 1 : Un rôle à tout prix
— Je vois que tu es encore malade, bébé.
La voix douce de Holden s'éleva dans l'appartement, couvrant à peine les quintes de toux sèches de Cassandre. Cette dernière était recroquevillée sur le canapé, enveloppée dans un plaid trop fin pour la protéger des frissons qui la secouaient.
— Ferme la porte derrière toi, s'il te plaît, mon chéri, croassa-t-elle en resserrant la couverture sur ses épaules. La chaleur va partir...
Holden s'exécuta avant de s'approcher d'elle, un sac en kraft brun à la main.
— J'ai acheté du miel et je suis passé à la pharmacie pour prendre des cachets. Tu devrais sérieusement penser à consulter un spécialiste, bébé. Ta maladie n'est pas normale, elle empire avec le temps.
Cassandre secoua la tête, tentant de masquer son inquiétude derrière un sourire fatigué. Elle ne pouvait pas se permettre d'être malade. Pas maintenant. Pas avec tout ce qu'elle avait construit.
— Je suis certaine que je serai rétablie pour le début de mon contrat, ne t'inquiète pas.
Son assurance sonnait faux, mais Holden ne releva pas. Il déposa le sac sur la table basse et s'assit à côté d'elle, passant une main inquiète sur son front fiévreux. Il savait qu'elle minimisait ses symptômes, refusait de voir la vérité en face par crainte de perdre son plus gros contrat.
L'étrange maladie de Cassandre était cyclique. Toutes les deux semaines, la jeune femme était prise de violentes nausées, suivies rapidement par une toux sèche et une fièvre accablante. Puis, après trois à quatre jours, tout disparaissait comme si rien ne s'était passé. Les médecins qu'elle avait consultés parlaient d'un virus persistant, d'un dérèglement immunitaire, mais aucun traitement ne semblait fonctionner.
— Bébé... murmura Holden en caressant sa joue rougie par la fièvre. Ce n'est pas un simple virus. Regarde-toi... Tu es épuisée, tu perds du poids. Tu ne peux pas continuer comme ça.
Cassandre ferma les yeux un instant, savourant la chaleur réconfortante de son contact. L'envie de l'écouter et rester bien sagement dans leur logement à siroter du thé au matcha tout en regardant ses séries préférées la faisait rêver.
Mais elle chassa bien vite cette sensation. Elle devait être forte. Elle était en train de décrocher le rôle de sa vie, un film international qui pourrait la propulser au sommet, voir même jusqu'à l'oscar. Rien ne devait se mettre en travers de son chemin, et encore moins un stupide virus.
— Juste encore un peu de temps, Holden... Laisse-moi gérer ça à ma façon. Je te promets que j'irais dans une clinique spécialisée à la fin de ce contrat.
Il soupira mais n'insista pas. Il la connaissait trop bien pour savoir qu'elle ne céderait pas.
A cet instant précis, le téléphone de Cassandre vibra sur la table basse, affichant le nom de son directeur. Elle hésita avant de décrocher, essayant du mieux qu'elle pouvait de dissimuler sa voix cassée :
— Cassandre, Holden est-il avec toi ? Il a disparu soudainement tout à l'heure après la réunion de début de semaine.
Holden était le manager attitré de la rousse. Connu dans le milieu du cinéma et notamment dans la ANGELIC CORPORATIONS ADVERTISMENT, le beau brun avait eu une sulfureux passé d'acteur en tête d'affiche durant de longues années, avant de décider brutalement de se retirer de l'industrie du spectacle. Ce fut à cette période de sa vie qu'il rencontra Cassandre, de retour après un long voyage du Mexique pour tourner une série télévisée.
Leur histoire d'amour avait débuté par un fort accrochage entre les deux célébrités, et pour une histoire de verre de café renversé. D'une humeur exécrable, Cassandre avait alors envoyé la note de pressing à l'adresse du brun avant de l'attendre de pieds ferme en bas de son immeuble pour s'excuser et le rembourser quelques jours plus tard. Avait alors commencé une liaison entre le flirt et le romantisme, qui s'était avec le temps transformée en relation fusionnelle.
— Oui, Holden est avec moi. Souhaitez-vous que je vous le passe ?
Sa voix s'étrangla à la fin de la phrase alors qu'une irritation au larynx la démangeait.
— Comment ça des prises d'essai jeudi ? Bégaya-t-elle en réponse à son interlocuteur. Je n'étais pas au courant !
— Il se pourrait que j'aie légèrement oublié de t'en parler. S'excusa son compagnon tout bas face à son regard agacé. La production souhaite tourner quelques prises pour voir le rendu à l'écran...
Cassandre jeta un coup d'œil à Holden qui la fixait l'ai penaud. Si son cycle restait le même, vendredi marquerait la fin de cet épisode fiévreux. Avec un peu de chance, elle pourrait assurer la journée de jeudi, si les médicaments prescrits par son médecin fonctionnaient.
— Non ! Ne vous inquiétez pas, je serais présente. répondit-elle en essayant de paraître enjouée.
Elle raccrocha avant que son supérieur n'éternise la discussion, pressée d'entendre les explications de son petit ami. Celui fixait le plafond comme si ce dernier allait lui tomber sur la tête.
Holden soupira de nouveau.
— Tu te mets en danger, Cass... tu le sais. Tu devrais refuser ce rôle et te concentrer sur ta santé.
Elle ne répondit pas. Parce qu'au fond d'elle, une peur insidieuse commençait à naître. Et si cette maladie n'était pas anodine ? Et si elle n'était que le début d'un cauchemar bien plus grand ?
Mais elle chassa ces pensées. Pour l'instant, elle devait juste tenir. Coûte que coûte.
Lorsque le jeudi arriva, Cassandre n'allait pas franchement mieux. Certes, ses nausées s'étaient espacées et sa toux avait disparu, mais une migraine persistante tambourinait dans son crâne avec une intensité insupportable.
— Es-tu certaine de ne pas vouloir avouer ta maladie ? demanda pour la seizième fois Holden, assis à ses côtés dans leur van noir. Ce ne serait pas la fin du monde si le tournage prenait du retard à cause de toi.
— Tu es vraiment énervant, Holden ! s'agaca-t-elle en sortant une plaquette d'aspirine. Je t'ai déjà expliqué que ce rôle est trop important pour moi. C'est l'adaptation d'une de mes périodes historiques préférées.
Le script qu'elle avait reçu relatait l'histoire de Cléopâtre et de Jules César, jusqu'à l'empoisonnement de la reine d'Égypte. Cassandre avait toujours été fascinée par la mythologie et les romances tragiques. Une rumeur courait d'ailleurs selon laquelle le film mettrait en scène deux Cléopâtre : l'une incarnant la souveraine dans sa vie quotidienne, et l'autre évoluant dans un monde onirique et spirituel régi par les dieux égyptiens.
— Je dis ça parce que je m'inquiète pour toi, Cassie, insista Holden. Tu as perdu sept kilos en un mois à cause de cette putain de maladie !
Cassandre ne répondit pas. Il avait raison, et elle le savait. Mais au fond d'elle, il y avait une raison plus profonde, plus intime, qui la poussait à ne pas abandonner ce film.
— Promets-moi au moins que tu iras voir cette clinique spécialisée dont t'a parlé la guérisseuse, insista-t-il en rangeant son téléphone après avoir vérifié l'heure. Je sais, cette vieille femme avait l'air de sortir tout droit d'un asile, mais elle a su identifier ton mal d'un simple regard. C'est louche, non ?
Elle fixa la vitre teintée du véhicule, repensant à cette étrange rencontre. C'était la semaine passée, quelques heures avant le début de sa dernière crise. Elle revenait du supermarché, emmitouflée dans un large manteau noir pour dissimuler son identité, quand une vieille femme aux yeux vairons l'avait interpellée devant un petit restaurant de nouilles épicées.
— Tes crises s'espacent-elles ou empirent-elles ? avait demandé la femme d'une voix rauque.
Surprise, Cassandre en était restée muette, son cœur battant à tout rompre à l'idée que quelqu'un puisse être au courant de sa maladie. Comme si elle lisait en elle, la vieille dame s'était radoucie et lui avait expliqué qu'elle était chamane, servante du Grand Uriel. Elle lui avait alors conseillé de se rendre au Temple de la Vie, où un prêtre guérisseur pourrait peut-être l'aider. Au départ, l'actrice avait cru à une mauvaise blague, mais après quelques recherches sur Internet, elle et Holden avaient découvert l'existence d'un lieu saint, dans la périphérie d'Archael répondant au nom du Temple de la Vie.
— Je ne sais pas, Holden... Tout est tellement flou en ce moment, entre ce film et ma maladie... J'ai peur de ne pas y arriver, murmura-t-elle en essuyant une larme du revers de la main. Et si on me diagnostiquait un cancer ? Et si je mourais ?
Holden soupira longuement avant de la serrer dans ses bras, tentant d'apaiser ses craintes.
— J'y ai pensé aussi, bébé. Mais les médecins sont formels : ce n'est pas une tumeur. Ce mal, ils ne l'ont jamais vu auparavant.
— Il y a un début à tout... souffla-t-elle en fixant le vide.
— Va au Temple d'Uriel, insista-t-il. Je sais que tu n'as jamais cru aux dieux, mais ça ne te coûte rien d'essayer.
Cassandre pesa le pour et le contre avant de céder à contrecœur.
— J'irai voir ces prêtres guérisseurs après le tournage d'aujourd'hui, finit-elle par dire. Mais à une condition : ils devront signer un contrat de confidentialité.
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