Et ça recommence. Encore. Mais cette fois ils ne se contentent pas des mots. Ils me passent à tabac. Je suis au sol, je les vois filmer, je les entends crier, je sens leurs coups. Je sens leur haine.
Je n'en peux plus. Ça fait des mois que cela dure. Et personne ne fait rien. Et aujourd'hui, ils se sont mis en bande pour m'attaquer. Parce qu'ils savent que quoiqu'il arrive, je suis seule. Ils m'ont bloquée dans un coin du lycée où personne ne peut nous voir. Mais il y a tellement de monde, toujours plus, quelqu'un va bien s'en rendre compte.
Ces mots... Je n'en peux plus, de les entendre encore et encore. Ils me les crient au visage, avec dégoût ou amusement. "Gouine"; "Salope"; "Lesbiche"; "Chienne"; "Brouteuse". "Sale MONSTRE". Les coups redoublent, plus douloureux les uns que les autres. Mon visage saigne, j'ai horriblement mal, au visage, à la poitrine, je m'étouffe. Je sens que je suis perdue, je veux perdre conscience, échapper à la douleur. Et si ils continuent, ça ne saurait tarder.
Mais soudain les coups s'arrêtent. J'ai la tête lourde, le corps douloureux. Mais j'arrive à me redresser légèrement.
Il y a ce garçon debout dos à moi, qui fait barrage de son corps. Je l'ai déjà vu. Il me fait toujours un sourire, me dis bonjour. N'a jamais eu un regard de travers envers moi. Et aujourd'hui, il repousse mes assaillants. Tous mes assaillants. Certains continuent de crier. Il les fait taire rapidement. Il s'exprime d'une voix forte.
"C'est ça la société d'aujourd'hui ? C'est ça? Une bande de jeunes adultes intolérants et inconnus du respect? C'est des gens, que dis-je, des animaux prêts à condamner une fille qui a commis l'horrible crime d'aimer? Une fille qui a fait l'erreur d'être elle-même ? Vous savez quoi? C'est VOUS les monstres, c'est VOUS qui me dégoutez! De nos jours, vous ne croyez pas que vous devriez être un peu plus ouvert d'esprit? Ho, la société évolue, du moins elle est censée, et c'est pas avec ce genre de comportement primitif qu'on va s'en sortir! Vous devriez avoir honte, honte d'attaquer des gens qui n'ont pas honte d'être ce qu'ils sont! Vous devriez avoir honte de vous en prendre à une personne, qui plus est que vous ne connaissez pas, sur le simple fait de son orientation sexuelle! Moi j'ai honte. Honte de vous avoir regardé la torturer tout ce temps, honte d'être resté passif. J'ai aussi honte de cette société, qui est encore prête à tuer quelqu'un qui a fait l'erreur d'aimer. Vous trouvez ça normal?! Moi pas. On est qui on est, on aime qui on veut. Et je préfère vivre en reclut plutôt que de faire partie d'une société comme vous, qui ne comprend pas ça."
La foule s'est réduite tout au long de son discours, si bien qu'il ne reste plus qu'une poignée de personnes. La plupart s'en vont sans un mot, tandis que certains m'offrent un sourire encourageant, ou tapent dans le dos du garçon, avant de s'en aller. Quand il ne reste plus que nous deux, il se tourne enfin vers moi et me tend la main pour m'aider à me relever.
"Viens, je vais t'aider. Tu n'auras plus de problèmes. Tu ne seras plus jamais seule."