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Chimères

Ce passage se situe dans l'enfance d'Ezer, peu avant son départ du foyer maternel avec son frère et ses sœurs.

An 41
Montagne du Sud

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« Et elles ont pleurer, elles ont pleurer parce qu’à ce moment précis, c’est la seule chose qu’elles pouvaient faire.
- Je ne te crois pas, il devait forcément y avoir autre chose qu’elles pouvaient faire.
- Non. Rien. »

Je regarde Maman. Elle qui d'habitude prétendait qu’il y avait toujours une solution, la situation devait être désespérée. Et pourtant, elle refusait de me la raconter. Mes frères et sœurs aussi, j'ai toujours été le seul ici à ne pas comprendre leurs pleurs. J'aimerai bien pourtant, pouvoir trouver les bons mots pour les aider à aller mieux, partager leurs souffrances. Mais ils restaient tous cloîtrer dans leur silence. Nous sommes pourtant de la même famille ! Je me sens exclu. J’imagine que c’est pour mon bien, ils doivent juger que je ne suis pas assez fort pour porter ce poids qu’est le leur.

Hegal et Helin rentrent dans la grotte, repliant soigneusement leurs ailes. Les deux femelles tiennent dans leur gueule des lapins fraîchement tués. Elles sont rapidement rattrapées par Koreh qui ramène un bouc. Les trois jeunes chimères posent le repas près de l’entrée de la grotte, mais pas trop en vue de l’extérieur non plus. Se faire voler n'est pas rare. Maman s’approche et les félicite d'un coup de langue affectueux. Je me sens étranger. Je sens ce décalage entre eux et moi. Ce sont des chimères qui partagent le même fardeau, et moi, je suis un garou, sans soucis. Je veux dire je mange bien, j’ai un toit, une famille, tout va bien.

« Ezer, tu viens ? appelle Hegal.
- Oui. »

Je m'approche de ma sœur tout en prenant l'apparence d'une panthère. Nous commençons à manger. Je me sens observé. Je lève les yeux vers Hegal, elle me fixe du coin de l'œil. Je devine qu'elle sent moins mal-être. Je ne suis pas très discret apparemment. Je me concentre sur le repas, fermant mon esprit à ceux qui m'entourent.

Le soleil commence à descendre. L'automne approche, les journées deviennent plus courtes. Je m’approche de la sortie de la grotte. En contrebas, un plateau verdi s'étend. C’est notre terrain de jeu. Je n’ai pas envie de jouer aujourd’hui. Je tourne le regard vers Maman et Helin qui sont en train de faire la sieste. Hegal est partie se promener, elle a dit qu’elle allait voir les harpies. Koreh quant à lui est allongé et joue avec un caillou. Il lève le regard vers moi en se sentant observé. Il finit par se lever et s'approcher. Je le suis des yeux. Sa démarche souple et imposante est toujours agréable à suivre. À ma grande surprise, il ne s’arrête pas, il m'attrape au vol par la peau du cou et m’entraîne à l’extérieur. Je ne proteste pas. Je sais que personne ici ne me fera de mal, alors je les laisse faire.

Il grimpe dans la montagne entre les rochers. Il glisse parfois, mais veille toujours à ne pas que je me fasse mal. Je ne dis rien. Il sait que je peux marcher. Koreh aime jouer au dur, c’est le mâle de la portée après tout. Après de long moment d'escalade, il choisit de s’arrêter sur un rocher qui surplombe le vide. En dessous, il y a une vue imprenable sur le plateau et l'horizon. Des montagnes de chaque côté, une brève forêt et des plaines vertes, hérissée de quelques rochers perdus. Une rivière barre ce paysage aux couleurs variés.
Koreh me pose sur le sol avant de s'allonger contre moi. Je reprends mon apparence humaine, ne comprenant pas très bien ce qu’il attendait de moi. Sans me répondre, il plante son regard vers l'horizon. J’aurais eu beaucoup d'espoir d'attendre une réponse de Koreh de toute façon. Je soupire silencieusement, avant de m'asseoir contre son flanc. Sa respiration est calme, son pelage tiède. C'est ce que j'aime chez mon frère. Sans rien dire, il est calme et apaisant. Je ferme les yeux, profite pleinement de cette sensation, je me blottis un peu plus contre loin, passe mes doigts dans son épaisse crinière. Sérénité.

J'ouvre lentement les yeux, l'esprit embrumé. Je crois que je me suis endormi. Je regarde autour de moi, me frotte les yeux. Koreh n'a pas bougé, mais le soleil décline dangereusement. Je m'étire et me redresse.

« Excuse-moi, je me suis endormi. »

Koreh me regarde, calme, avant de me donner un petit de museau. Oui, je sais, les filles vont s’inquiéter. Je me regarde, le corps encore un peu coton. Je m'étire tandis que mon frère se redresse. Il prend la tête du retour. Je le suis et pose une main sur son flanc pour m'aider à ne pas tomber sur les rocs abrupts. Malgré ses membres dépareillés, Koreh est stable et montre un bon sens de l’équilibre. Soudain, il s’arrête et grogne. Je m’arrête aussi et regarde autour de nous, cherchant la menace. Avant que je ne puisse la trouver, la chimère ne pousse en arrière et se tourne vers le danger. Un serpent de la couleur des roches ondule devant nous. Il siffle en sentant notre présence.
Koreh commence alors à frapper le sol de sa patte, répétitivement. Le serpent siffle de nouveau, énervé par les vibrations. Koreh recule, ce n’était pas la réaction qu’il attendait. Il voulait que le serpent prenne peur et s'enfuit. J'attrape une des plumes qui composent sa queue et le tire doucement en arrière. Cherchons une autre route. À peine a-t-il tourné la tête vers moi que le reptile attaque.

« Koreh ! »

Je me jette en avant. C’est de la folie, mon corps a réagi seul. Je n'ai aucune chance, je vais me faire mordre. Et pourtant, je plonge, les mains en avant. Je parviens à agripper la base du cou du long reptile, l’empêchant de mordre Koreh. Il change de cible et pique mon avant-bras. Cela laisse le temps à mon frère de fondre dessus et de lui briser le crâne entre ses crocs. Il jette le corps dans des fougères, un peu plus loin. Je m'assoie et passe ma main sur les points rouges que m'a fait le serpent. Je dois rester calme, sinon le poison va se propager plus vite. C’est plus simple à dire qu’à faire, j'ai très peur. J'ai peur d'y passer. J'ai mal. Koreh donne un coup de langue sur ma morsure, je lève les yeux. Il essaie de m'apaiser, mais je sens qu’il n’est pas serein.

La chimère se redresse, prendre une profonde inspiration et rugit. Je sens le sol vibrer sous la puissance de son cri, un rugissement emprunt à la détresse qui traverse la montagne et transcende les rocs. Il répète une deuxième fois son appel, puis se couche contre moi. Sa respiration est plus rapide que tout à l’heure mais je vois qu’il essaie de ne pas céder à l’inquiétude. Je dois faire pareil. Je me concentre sur ma respiration et m'efforce de la ralentir le plus possible.

« Koreh ! Ezer ! »

Koreh lève brusquement la tête.

« Maman ! Ezer s’est fait piqué par un serpent ! Il était de la couleur des roches et faisait environ une longueur d'aile. »

Maman se posa près de moi, lécha ma blessure et leva les yeux dans ma direction.

« Comment tu te sens ?
- J'ai peur.
- Ne t’inquiète pas, ça ira. Je vais t’emmener voir quelqu’un qui pourra te retirer le poison. Mais il faut que tu restes calme. »

Je hoche la tête. Elle m'attrape entre ses serres, fait signe à Koreh de rentrer, et prend son envol. Je ne sens pas d’inquiétude chez elle. Elle ne sourit pas pour autant. Je pense qu’elle cache ses sentiments pour ne pas me troubler. J'ai peur. Est-ce que je vais m’en sortir ? Est-ce qu’on va réussir à me soigner ? J’ai peur. Je veux encore vivre. Reste calme, inspire… expire.

Je regarde le sol sous mes pieds. Je ne reconnais plus trop le paysage, il y a notre plateau au loin, et après, des lieux où je ne me suis pas encore rendu. Si je survis, j’irai les voir.

Nous volons un moment, ou du moins, cela me parait duré des heures. La nuit tombe, mais le couché de soleil me semble insignifiant. J'ai peur. Je commence à avoir du mal à contrôler ma respiration. J’ai mal. Je vais paniqué. C’est alors que Maman entame sa descente vers le sol. En bas, il y a un petit village avec des maisons en pierre. Je n’en avais jamais vu auparavant. La curiosité me fait un peu oublié ma situation. Les rues sont vides, mais de la lumière sort des fenêtres. C’est plutôt joli, ça réchauffe le cœur. C’est comme un ciel qu’on regarde d'un peu trop près. Peut-être que c’est un immense village dans le ciel la nuit ? Peut-être que toutes ces étoiles ne sont que des fenêtres éclairées ?
Maman me pose au sol devant une maison.

« Tirésie ! Tu es là ? »

Quelques secondes silencieuses lui répondent avant que la porte ne s'ouvre. Une jeune femme aux cheveux en bataille apparait, un grand sourire au visage.

« Tiens, Hene ! Ça faisait-
- Ezer s’est fait piqué par une vipère grise.
- Entrez ! »

Sa bonne humeur semblait s’être estompé. Est-ce que c’était si grave ? J'attrape le pelage de Maman.

« Tout ira bien, me rassure-t-elle. »

Elle m'attrape délicatement entre ses crocs et entre dans la maison. La pièce me parait grande, mais elle est encombrée de toutes sortes d'objets dont j’ignore la provenance ou l’utilité.

« Allonge-le dans la chambre et tiens-le au calme, je me prépare ! »

Et c’est ce que Maman fit. Elle semblait connaître les lieux. Elle connait la dame aussi, Tirésie. Elle me pose sur un lit et s’assoit au pied.

« Comment tu sens ?
- J’ai peur. C’est grave ? J'ai mal aussi. Il fait chaud ici. »

Je lui montre mes coudes, ils ont frotté la pierre quand je me suis jeté sur le serpent. Mes genoux sont dans le même état.

« Non, ça ira, mais tu dois être fort. »

Elle colle affectueusement sa tête contre moi. Je l'attrape et sanglote. J'ai peur. Ça ne va pas. Je sais que c’est grave. Aucun d’entre vous ne me l’a caché. Je ne vais pas m'en sortir, hein ?

« Ne t’inquiète pas, si la situation avait été désespérée, je ne t'aurais pas emmené ici. »

Sa voix était douce, se voulant rassurante. Je renifle et la regarde. Elle me sourit, elle semble confiante. J'essuie mes larmes d'un revers de poignet. Si elle est sûre que ça ira, alors ça devrait aller…

Tirésie entre dans la pièce avec des objets qui me paraissent étranges, dont je ne vois pas du tout l'usage. Elle se dirige directement vers moi d'un pas décidé. Je la suis du regard, un peu méfiant. Je ne la connais pas et elle va me faire des choses qui me sont inconnues aussi.

« Comment tu te sens ?
- J'ai chaud, j'ai mal et j'ai peur.
- C’est bien, tu résumes la situation au plus simple. Maintenant dodo ! »

Je n'ai pas le temps de réagir qu'elle pose sa main sur mes yeux. Je tente de.

Une chaleur intense me réveille. Je tousse, elle m'étouffe. Je me débats aveuglément. Elle se resserre autour de moi. J'ai peur, j'ai mal. J’ai trop chaud. J'ai du mal à respirer. J'ai peur. J’ai peur de mourir. J'ai mal, je m'étouffe. J'essaie d'appeler à l’aide. Rien. Rien ne sort. J'ai la gorge nouée, sèche. Je me débats encore. Je sens mes forces partir. La chaleur les ronge.

« Ezer ! »

Je reconnais la voix de Maman. Elle est inquiète. Où est-elle ? J’arrête de gesticuler. J'ai mal, j’ai chaud mais j’écoute. J'attends un autre appel, j’attends sa voix.

« Tirésie ! Ezer ne va pas bien ! »

Alors, c’est pour ça que j'ai chaud ? Je ne vais pas bien, hein ? Je vais peut-être y passer… je veux vivre. Mais, la mort, c’est peut-être bien aussi ? Maman va pleurer si je meure. Helin et Hegal aussi. Et peut-être même Koreh, mais il le fera en cachette, le connaissant. J'aimerai bien joué encore un peu avec eux dans le plateau.

« C’est rien, juste une grosse fièvre !
- En es-tu bien sûre ?
- Tu remets mes compétences de médecin en cause ?
- Non, bien sûr que non… »

C’est rien ? Je ne vais peut-être pas mourir alors ? C’est bien.

***

Un son. Celui d'une goutte. Puis d’une deuxième. La pluie. Contre la paroi. Contre les roches. Contre le toit. La pluie froide. La musique humide. Douce. Apaisante pour les âmes errantes. Un peu de repos pour les tourmentés. La pluie.

Je pose ma main sur mon visage. Il fait sombre. Mes yeux mettent du temps avant de distinguer le plafond. J'ai encore chaud. Je n'en peux plus. Je pleurs silencieusement. Je veux que ça s’arrête. Je veux qu’on en finisse avec toute cette souffrance ! La solitude pèse, il fait trop noir ! Je tremble. Je sais pas si je suis triste ou en colère. Je n’en peux plus. J’ai mal, j'ai chaud. J'ai arrêté d'avoir peur, j'ai renoncé à la vie. J’arrête de lutter, je pleurs. Je n’en peux plus. Je veux en finir. Je veux que tout ça s’arrête. Je plonge ma tête dans les draps. J'ai mal. Il fait trop chaud ici. Je veux sortir. Je veux partir. Je n'ai pas la force, pas le courage de me lever. Est-ce que j’ai encore des pieds ? Ah oui, je les sens. Je veux m'en servir. J'ai chaud, j'ai soif. Mes larmes sont sèches. Je ne peux pas bouger…

La porte s'ouvre. Je m'immobilise.

« Tu es réveillé à cette heure-là ? Ah, ça doit être à cause de la pluie, elle bat drôlement fort ce soir. J’espère qu’elle ne va pas faire d’inondation. Comment tu te sens ? »

C’est la voix de Tirésie, rêche mais amicale. Il y a toujours un fond d’amusement dans ses paroles. Elle est vieille. La voix de Tirésie est fatiguée, et Tirésie aussi. Mais il reste cette vivacité jeune, cette envie d'aider les autres et de s’accrocher à la vie.

Elle s'assoit près de moi et pose sa main sur mon épaule. Elle est froide, ça fait du bien.

« Tu as cédé, hein ? Ce n’est pas grave. Le désespoir a la force de sauver des gens. Ce qui compte dans ce genre de combat, c’est de pas abandonné ses sentiments. Parce que tant que tu ressens, tu peux prétendre être vivant. »

Ses paroles me font sangloter de plus belle. Je ne voulais pas céder. J'ai trop chaud, je ne le supporte plus. Je ne veux pas abandonner, je veux me battre, mais c’est au-dessus de mes forces.

« Je t'ai ramené de l'eau. »

Je la regarde. Je suis intéressé. Je me sens si sec. Elle me tend un petit récipient qui contient de l'eau. Je me redresse et le prend dans mes mains. Il est froid. Je n'ai presque pas envie de le boire tout de suite. Mais Tirésie me l’a donné pour que je le boive. Je le porte à ma bouche et commence à laper la surface du liquide. Rapidement, c’est trop profond, alors j'essaie de pencher le récipient. Ce n’est pas pratique mais j’arrête à attendre l'eau. Finalement, je le penche trop et en renverse sur le lit. Tirésie rit un peu.

« Tu devrais demander à Hene de t’apprendre les coutumes humaines. Ça te servira. »

Je la regarde. Pourquoi faire ? Je ne vis pas avec des humains. Leurs coutumes ne m’intéressent pas. Je veux rester avec Maman, Hegal, Helin et Koreh.

Tirésie posa sa main sur mon front sans prévenir.

« Tu as toujours de la fièvre mais ça commence à redescendre. D’ici quelques jours, ça devrait aller mieux. C’est bien, tu es plutôt costaud. »

Elle se leva et ramassa le récipient vide.

« Allez, maintenant, il faut que tu te reposes, dodo. »

Une nouvelle fois, elle passa sa main sur mes yeux avant que je puisse protester. Inutile de résister.

Trois jours ont passé. Je n'ai plus chaud. Je me sens lourd, fatigué. Mais ça va. Je m'assois sur le bord du sommier. C’est le nom qu’on donne aux tissus dans lesquels on dort. Je suis seul. Tirésie est sortie, j'ai entendu la porte et la maison est silencieuse. Je crois qu’elle vit seule. Je n'ai jamais vu ou entendu quelqu’un d’autre.
En m'appuyant contre le sommier, j'arrive à me lever. Sur mes pieds, je perds l’équilibre dès que je lâche un support alors je me rabats sur une marche quadrupède. Ça va. Je sens que je peux avancer. Je peux me battre.
Je sors de la pièce éclairée par une petite fenêtre couverte d'un drap troué. La porte grince un peu. J’espère que Tirésie ne va pas rentrer tout de suite, elle n'apprécierait sûrement pas que je me promène chez elle sans son autorisation. Mais j’ai besoin de sortir, de voir autre chose que ma chambre. Cela fait trop longtemps que j’y suis enfermé.

Je m’approche de la porte qui mène à l’extérieur. J'essaie d'appuyer sur la poignet, puisqu’il semblerait que ce soit l’unique chose à faire pour ouvrir les portes. La poignet ne s'abaisse pas jusqu’au bout. Même si j'appuie plus fort. J'essaie de pousser la porte. Rien ne se passe. Ça ne bouge pas. Tant pis. Je fais demi-tour et observe la pièce. Tout autour, contre les parois, il y des constructions en bois. Je crois que ça s’appelle des tiroirs. Au centre, il y a une table sur laquelle est entassés des objets aux formes variées. Je m’approche. À quoi peuvent-ils bien servir tous ?

J'attrape le premier, un bâton métallique avec quatre branches. Je le retourne dans tous les sens, il n’a rien de spécial si ce n’est que sa forme étrange. Je le repose et attrape un second objet. C’est en métal aussi. Un récipient. Il y a quelques choses dedans. Je secoue un peu. Ça bouge. C’est liquide ? Je cherche une ouverture. Je veux vérifier. Je manipule la chose dans tous les sens avant de tourner un système coulissant. Je tourne le chapeau et découvre un liquide blanc, crémeux. On dirait du lait mais ça sent un peu différent. Je trempe le doigt dedans et goûte. Ce n’est pas mauvais. Maman me gronderait, ne pas manger ce qu’on ne connait pas fait partie des règles de survie de base. Je referme le récipient et le prend dans mes bras pour le remonter sur la table. Une faiblesse. Il m’échappe et s'écrase sur mon pied. Cri de douleur. Je tombe sur les fesses et porte mon pied à ma bouche, tentant d'apaiser la douleur. Je jette un regard à l’objet, intact au sol. Il faut que le remonte. Je regarde mon pied qui bleuit. Je dois faire attention. J'attends que la douleur s’atténue un peu et réessaye de hisser le pot, avec succès cette fois. Sans demander mon reste, je retourne dans ma chambre et m'allonge.
Mon pied me lance mais ça va. Par rapport à ce que je viens de vivre, ce n’est pas grave chose.

***

J'entends la voix de Tirésie, j’ouvre les yeux doucement. Je suis seul dans la chambre. Je me redresse et me frotte les yeux. Il y a quelqu’un d’autre.

« Charlatan ! Vous auriez pu le sauver ! Sale sorcière !
- La médecine a ses limites madame. »

Quelque chose se brise sur le sol. Je m’inquiète. La situation semble corsée. Je me lève silencieusement et m'approche de la porte.

« Vous en avez d’autres en plus sale état que lui ! Vous l'avez laissé mourir ! Vous auriez pu le sauver si vous l’aviez voulu !
- Votre fils souffrait d’une maladie incurable. Il n’y a rien d'autre à dire.
- Vous dites n’importe quoi !
- Vous remettez en cause mes compétences de médecin ?
- Vous n’êtes pas médecin ! Vous êtes une sorcière sans cœur !
- Je ne vous permets pas.
- Ah oui ? Et qu’allez-vous faire ? Me jeter un mauvais sort ?!
- Sortez d’ici.
- Pas avant de vous avoir fait regretter la mort de Lyan ! »

J'ai poussé la porte, parce que je voulais savoir qui faisait tout ce tapage.

« Ezer, retourne te coucher ! ordonne Tirésie.
- C’est votre patient ? Je vais lui faire subir le même sort qu’à Lyan ! »

J'ai reculé en grognant. Attrape-moi si tu peux, pauvre folle ! J'ai retrouvé mes forces. Je peux me protéger. La femme avance vers moi. Tirésie lui attrape le bras.

« Je ne vous laisserai pas faire. »

La mère lui donne un brusque coup de coude au visage. La vieille s'étale au sol.

« Tirésie ! »

La femme me saute dessus. Je fais un bond en arrière, acculé dans la chambre. Je dois aller voir si Tirésia va bien. Je grogne, prends mon apparence de panthère et gonfle mon pelage. Elle allait voir ! Elle prépare un projectile magique. Ça ressemble à de l'eau. Je saute en arrière pour me laisser le temps d’éviter et me prépare à la contre-attaque.

Elle envoie sa grosse bulle d'eau. Je saute sur le côté. C’est plus rapide que ce que je pensais. Elle effleure mon épaule et elle m'éclabousse lorsqu’elle éclate au sol. Ça ne suffit pas à arrêter ma course, je fonce sur elle, tous crocs sortis. Je cherche sa gorge du regard. Je remarque qu’elle s’apprête à utiliser un nouveau sort. Je ne dois pas trainer. J'effectue l'ultime bond et plante mes crocs dans sa gorge.

« Conversion des éléments, de l'eau à l’acide, murmure-t-elle. »

Mon pelage commence à brûler. Ça gratte, ça fait mal. Mais je ne dois pas lâcher. La douleur devient vite insupportable. Ça ronge ma peau. La jeune femme ne bouge plus. Je la lâche. J'aimerai lécher mes blessures mais quelque chose me dit qu’il ne faut pas. Ça pique. Tirésie doit avoir quelque chose contre ça. Je boite jusqu’à son corps et lui donne un coup de museau. Elle me regarde. Je couine, lui désignant mon épaule. Elle se redresse vivement, ou du moins autant qu’elle le pouvait.

« Reprends ta forme humaine et surtout ne touche pas ! »

Je m'exécute. Elle fait signe de suivre et s'approche d'une des constructions de bois. Je la suis. Elle m'attrape et me hisse dessus. Il y un bac incrusté dedans. Elle me met dedans. Un pic de douleur. Je serre les dents. Elle attrape un tuyau, appuie sur une poignet et de l'eau commence à couler. Elle passe le jet sur mes blessures. Ça fait mal, mais ça brûle un peu moins. Je regarde ce que ça donne. Ma peau est toute rouge aux endroits où je n'ai reçu que des gouttes. En revanche, à l'épaule, c’est cloqué, rouge. Ça saigne un peu et ça commence à bleuir par endroit.

« Je suis désolée, c’est de ma faute.
- C’est pas grave.
- Tu risques d’être marqué à vie. Ça s'effacera peut-être un peu parce que tu es jeune et que tu vais grandir, mais tu vas probablement gardé des marques.
- Si ça ne fait plus mal, c’est pas grave. »

Elle m'arrose un moment qui me semble très long. À la fin, je n'ai pas la sensation qu’on me ronge, seulement mal. Ça brûle encore un peu, c’est supportable. Tirésie me repose au sol.

« Reste calme, d’accord ? »

Je hoche la tête. Elle se dirige vers la jeune femme.

« Elle est morte, constate-t-elle. »

Je l'ai tuée. Tirésie effectue un tour de poignet et le corps commence à léviter. C’est de la magie. Elle sort le corps de la maison.

« Je vais prévenir sa famille, je leur dirai que je l'ai retrouvée tuée par un animal sauvage. Je te confie la maison. »

***

Le soir, nous nous retrouvons tous les deux dans ce qu’elle appelle « la salle à manger ». Et effectivement, nous sommes en train de manger. C’est bon. Quel dommage que Tirésie m’oblige à utiliser des couverts, ce n’est pas très pratique.

« Quel âge as-tu ? »

Je hausse les épaules. Je ne m’en souviens pas. Je sais juste que mes frères et sœurs en ont quatre. Je pense que j'ai le même âge qu’eux, mais je ne suis pas sûr.

« Et donc tu vis dans une famille de chimère ? C’est assez surprenant, les chimères sont une espèce qui n’apprécie pas beaucoup la compagnie.
- Oui.
- Tu comptes vivre toute ta vie avec elles ?
- Oui.
- C’est un choix. Mais je ne sais pas si tu le sais, les jeunes chimères finissent par quitter leurs parents.
- Ce n’est pas grave, je partirai avec mes frères et sœurs.
- Je vois. Tu en reveux ? »

Elle me désigne le plat duquel elle m’a détaillé la composition. J'ai oublié la moitié des noms des ingrédients. Je secoue négativement la tête. Je n’ai plus faim. Tirésie se lève et débarrasse la table. Je regarde mon épaule. En rentrant, Tirésie l'a désinfectée et a posé un grand pansement dessus. Ça picote encore un peu.

« Ezer, j'ai quelque chose pour toi. »

Je me lève et la rejoint. Qu’est-ce que c’est ? Elle est en train d'ouvrir une boîte. Elle me fit signe d’approcher. Je m’approche. Elle en sort des tissus. Des vêtements ? Je suis curieux. Elle en déplie un.

« Lève les bras ! »

Je m'exécute. Elle me fait enfiler ce qu’elle appelle un « haut ». Il n'entrave pas mes mouvements, il est souple et la matière est agréable.

« Un peu grand, mais ça ira. »

Elle me fait ensuite mettre un caleçon. Ça colle un peu à la peau, mais je peux bouger comme je veux aussi. Elle enchaîne avec un pantacourt qui m'arrive un peu en dessus des genoux. Il est beige, les pattes sont larges en bas. Tirésie m'explique que je peux les resserrer en boutonnant la languette en bas. Je n'en vois pas beaucoup l’utilité, mais pourquoi pas. Elle me pose ensuite sur les épaules un grand tissu orangé avec des motifs bruns. Il est chaud, c’est agréable. Il pèse un peu sur mes épaules.

« Petit détail, lorsque tu te transformes en animal, tu dois considérer tes vêtements comme faisant partie de toi, ils seront transformés avec toi comme ça. Ça t'évitera de les perdre. »

Je hoche la tête. La magie obéit aux sentiments de son commanditaire.

« Tes vêtements te plaisent ? »

Je hoche la tête et sourit. Ils sont bien. C’est confortable. Je comprends pourquoi tout le monde en porte. On se sent protégé en plus.

***

Je sens une présence dans mon dos. Je reconnais cette odeur. Je me retourne et ouvre mes bras.

« Maman ! »

Elle apparait, place sa tête entre mes bras. Je la serre contre moi. Je suis content. Je vais rentrer à la maison. C’est fini. Tout va bien.

« Bonjour Hene. »

Maman lève la tête.

« Bonjour Tirésia. Comment vas-tu ?
- C’est dernier jour ont été agité, mais je vais bien.
- Pas à cause d'Ezer j’espère ?
- Non, il a été très gentil, ne t’inquiète pas. C’est un bon garçon que tu as.
- D’accord. J'ai ce que tu m'as demandée. »

Maman attrape une bourse qu’elle avait attaché à sa patte et la tend à Tirésie. Celle-ci prend le petit sac et jette un œil à l’intérieur. Elle sourit et remercie Maman d’un hochement de tête. Je me demande qu’elle a reçu.

« Je peux te parler ?
- Hm, bien sûr ! Ezer, tu peux aller faire un tour dehors s’il te plait ? Ne va pas trop loin.
- Oui Maman ! »

Comme c’est là, je ne dois pas entendre. Dommage, je suis curieux. Je sors à l’extérieur et m'étire. Ça fait du bien de prendre l'air après être resté enfermé autant de temps. Je regarde la rue devant et les maisons de pierre. Je me demande comment est la vie ici. Comment est-ce que les gens ici chassent ? Où trouvent-ils de l’eau ? Quelle relation entretiennent-ils ? Que mangent-ils ?

Deux enfants arrivent en courant au coin de l’allée. Ils semblent pressés et passent devant moi. J’ai envie de les suivre, voir où ils vont. Je prends l’apparence d'un muscat et les suit. L’autre nuit, j'ai entendu un muscat alors je pense que c’est un animal commun ici et donc discret. Ils courent encore un petit moment et finissent par s’arrêter devant une maison. Ils frappent avec empressement, reprenant à peine leur souffle. Un autre enfant leur ouvre.

« J'y vais Mamie ! »

Et les trois se lancent dans les rues. Je les suis. Quelques minutes plus tard, ils arrivent dans une prairie dans laquelle broute des hippalectryons, sous un arbre. C’est la deuxième fois que je vois ces animaux ailés. La première fois, l’un des leurs s’était perdu et été arrivé dans notre plateau, Maman lui avait alors indiqué son chemin.

Sous l'arbre, il y a des branches qui ont été posées là. Il y a aussi une échelle. Ils s'en servent pour grimper à l'arbre et hisser du bois. Je me demande ce qu’ils essaient de faire, ce n'est pourtant pas comme ça qu’on rajoute des branches à un arbre. Normalement, on l'arrose, on attend et ça pose. Je sens une présence dans mon dos. C’est Maman.

« Ils ont l’air de vouloir faire une cabane dans cet arbre, dit-elle.
- On rentre ?
- Oui. »

Je prends l’apparence d'une corneille et décolle. Je mets un peu de temps à stabiliser mon vol, je ne fais pas ça tous les jours. Je n’ai pas encore beaucoup d'expérience. Nous disparaissons des habitants du village. Maman redevient visible. Je m’approche et me pose sur son dos. Je reprends ma forme humaine et m'accroche à son pelage. Je ne suis pas capable de rentrer seul à la maison, c’est trop loin pour mes forces.

« Tirésie m'a dit que tu as tué quelqu’un.
- C’était elle ou moi.
- Évite de recommencer à l'avenir. Ce n’est pas un reproche, juste un conseil. Les humains prennent la mort très au sérieux, d’autant plus quand il s’agit d’un meurtre.
- Un meurtre ?
- C’est lorsque l'on tue quelqu’un. On appelle aussi ça un homicide ou un assassinat quand c’est planifié.
- Je ferai de mon mieux.
- Et ta brûlure ? Elle te fait toujours mal ?
- Ça va. Elle me fait parfois un peu chaud.
- Tirésie m'a conseillé un remède si elle te brûle. Je te ferai ça en rentrant.
- Merci.
- Et si tu sens que tu as besoin d'autre chose, n'hésite pas à demander.
- Je sais.
- Je te le rappelle, tu as tendance à être aussi silencieux que Koreh. La différence, c’est que tu es curieux alors tu poses des questions. Koreh attend de comprendre par lui-même.
- Maman ?
- Je t’écoute.
- Comment vivent les humains ?
- Il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet. Sais-tu au moins ce qu’on appelle « humains » ?
- Les espèces bipèdes ?
- Les humains regroupent les fées, les pandis, les elfes, les garous, les nains, les selkies, les caprins et farfadet.
- Il y a beaucoup que je ne connais pas.
- Il y a beaucoup à dire sur chacune de ces espèces. Si tu veux tout connaître d’eux, tu devrais aller à leur rencontre un jour.
- Tirésie m’a dit que nous n’allons pas rester toujours tous les cinq, que mes frères et sœurs vont partir.
- Elle a raison. Dès que Hegal, Helin et Koreh se sentiront près, ils prendront leur envol. Si tu veux mon avis, ils partiront au prochain printemps.
- Pourquoi ?
- Parce qu’ils sont grands.
- Ça ne te rend pas triste ?
- Pourquoi le serai-je ? Mes enfants seront devenus grands et forts. Ils seront indépendants, capables de se protéger et de protéger leur valeur. C’est le rêve de chaque mère.
- Et moi ? Quand est-ce que je partirai ?
- Quand tu te sentiras prêt à te lancer. Je ne te forcerai pas à partir ou à rester. Tu es libre, pourvu que tu puisses être heureux. »

Je me suis agrippé plus fort à son pelage et j’ai serré les dents. Je ne peux pas imaginer la suite sans eux quatre. Je veux que l’on reste tous ensemble. J'ai dit à Tirésie que je partirai avec mes frères et sœurs sans réfléchir, parce que ça me paraissait évident. Après tout, je suis une chimère aussi, j'ai grandi comme telle. Mais je crois que j’ai peur, peur de me retrouver seul, seul face à l’inconnu.

« Ezer, sois serein. Tu n'as pas à te préoccuper de ça maintenant. Un départ chez nous, ça ne se planifie pas, c’est l’instinct qui nous pousse dehors. C’est naturel. Hegal, Helin et Koreh partiront du jour au lendemain parce qu’ils sentiront que c’est le bon moment. Pourquoi ? Ça ne s’explique pas. C’est comme ça depuis le début, comme un tradition.
- Oui… mais moi, est-ce que j'ai cet instinct ? Je suis un garou, un humain…
- Les humains finissent eux aussi par quitter leurs parents. C’est un phénomène universel. Même si tu mets plus de temps, ce n’est pas très grave. Tu sais, quitter le cocon familial, ça ne veut pas dire couper les ponts. Nous nous reverrons tous les cinq.
- D’accord…
- Ça ne te ressemble pas de t’inquiéter pour ce genre de chose, toi qui est d’ordinaire spontané. C’est la première fois que je te vois te préoccuper du lendemain.
- Je sens que c’est important.
- Dans une vie, ça l'est. Mais cela ne constitue pas une raison de s'en ronger les doigts. Et puis, rassure-toi, je ne vous empêcherai jamais de revenir si vous en avez besoin.
- Tu es gentille.
- Je suis votre maman, c’est normal, non ?
- Oui.
- Tu sais, je serai très fière que vous brandissiez les valeurs que je vous ai appris car je sais que ce sont les bonnes. Et puis, je rêve que Helin ou Hegal prennent un jour ma place de reine des chimères et qu’elles poursuivent mon combat.
- Ton combat ?
- Je ne veux pas que les chimères se sentent inférieures. Je ne veux pas qu’elles aient peur de ce qu’elles sont. Elles ont une histoire difficile, c’est vrai, mais cela ne doit pas les empêcher de vivre et d’être heureuse, Ezer. C’est mon souhait.
- J’aimerai le comprendre.
- Nous en avons déjà parlé.
- Vous ne faites que tourner autour du pot, toi et les autres.
- Parce que nous ne pouvons révéler le contenu du pot. C’est la règle.
- Qui a inventé cette règle ?
- Les chimères elles-mêmes. Chacune d'entre nous à conscience des conséquences si le secret venait à être ébruité.
- Hm.
- Je suis désolée Ezer. »

Ce n’est rien. Je ne comprends pas, mais ce n’est rien. J’imagine qu'un jour tout sera clair. À force que vous tourniez autour du pot, je finirai par comprendre toute la vérité.

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Annexe : Ezer, Koreh, Hegal et Helin.

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